• L’essor des tests génétiques pour sélectionner les embryons est alarmant
    https://reveil.courrierinternational.com/#/edition/58/article/189124

    Nature (Londres)
    De plus en plus de sociétés proposent aux futurs parents d’analyser leurs embryons. Le but : évaluer les risques de maladies des enfants à naître. Mais ces tests génétiques ne sont pas encore validés scientifiquement, et ils ouvrent la voie à de profonds bouleversements sociétaux, s’inquiète dans cet éditorial la revue de référence “Nature”.

    L’apparition d’entreprises qui proposent aux futurs parents des tests génétiques complexes sur leurs embryons, à la veille d’une fécondation in vitro (FIV), préoccupe aussi bien les généticiens que les spécialistes de la bioéthique. Ces sociétés se disent capables de prédire les risques de nombreuses maladies courantes — y compris celles favorisées par des dizaines, voire des milliers de gènes. Les couples ayant recours à la FIV ont dès lors la possibilité de sélectionner un embryon ayant a priori moins de chances d’être atteint de telles maladies.

    L’inquiétude des chercheurs est justifiée. La sélection des embryons en fonction de ces critères n’est pas encore fondée sur des faits scientifiques. En outre, faire appel à des tests génétiques complexes pour trier des embryons a des conséquences sociétales qui n’ont pas encore été pleinement prises en compte. Certains scientifiques sont radicalement opposés à de telles pratiques, tandis que d’autres reconnaissent qu’il pourrait y avoir des avantages à collecter de nouvelles données, même s’ils sont conscients qu’il faut strictement réglementer ce type de procédure. Une étude, publiée dans la revue Nature Medicine le 21 mars, explique une partie de la méthodologie utilisée pour déterminer ce qu’on appelle les “scores de risque polygénique”. Si ce travail a le mérite d’attirer l’attention sur ces pratiques, il n’apaise pas pour autant les craintes des scientifiques.

    Dans certains pays, les autorités sanitaires réglementent l’utilisation des tests génétiques simples dans le cadre d’une FIV, mais ce n’est pas le cas partout. Ces tests ont pour but de réduire le risque pour les parents de transmettre une maladie héréditaire à leur enfant. Ils sont employés, typiquement, pour prévenir l’apparition de terribles maladies causées par les mutations d’un seul gène. Ainsi, au Royaume-Uni, des tests portant sur plus de 6 000 affections héréditaires, notamment la maladie de Tay-Sachs et des cancers du sein provoqués par les mutations des gènes BRCA1 et BRCA2, ont reçu l’aval de la Human Fertilisation and Embryology Authority [“Autorité pour la fécondation et l’embryologie humaines”] (HFEA).

    Mais les maladies les plus courantes, comme le diabète de type 2, sont liées à des mutations portant non pas sur un seul, mais sur de nombreux gènes — parfois même des milliers. Pour comprendre le rôle de la génétique dans ces affections, des chercheurs ont analysé les séquences ADN de milliers de sujets atteints de la maladie et les ont comparées avec l’ADN de personnes non atteintes, afin de repérer les variants associés à un risque plus élevé de contracter l’affection. Cette information est ensuite convertie en un score de risque global, qui permet d’évaluer la probabilité qu’a un individu de présenter tel ou tel trouble.

    À mesure que les études génétiques vont continuer à échantillonner plus largement et plus en profondeur certaines populations, on peut espérer que les scores de risque polygénique vont s’affiner, ce qui à terme pourrait servir à orienter les stratégies de traitement et de prévention. Mais il existe un consensus [chez les scientifiques] quant au fait que ces scores ne sont pas encore prêts à être utilisés à des fins autres que celle de la recherche.

    Dans la dernière étude en date, les chercheurs – qui, pour la plupart, travaillent pour des sociétés de FIV ou de tests génétiques – ont découvert qu’ils étaient capables de déduire la bonne séquence génomique sur des régions utilisées pour calculer les scores de risque polygénique concernant 12 maladies – dont le diabète, certains types de maladies cardiaques et plusieurs cancers et maladies auto-immunes –, avec une précision de l’ordre de 97 % à 99 %. Les auteurs affirment que cette technique – qui a fait l’objet d’un examen collégial – confirme la faisabilité de l’évaluation des régions génomiques nécessaires au calcul du score de risque polygénique pour un embryon. Mais cette capacité technique n’est pas la seule source de préoccupation et de débat quant à l’utilisation des scores de risque polygénique dans la sélection des embryons en vue d’une FIV.

    Il y a bien d’autres inquiétudes concernant cette pratique. L’une d’entre elles est le fait que les scores ont été mis au point sur la base d’études d’association pangénomique [une analyse des variations génétiques portant une vaste population] faisant largement appel à des échantillons d’ADN prélevés sur des personnes d’ascendance européenne. Même si une diversification de ces bases de données est en cours, les scores actuellement disponibles ne sont pas fondés sur un sous-ensemble d’individus suffisamment divers. Même parmi les Blancs européens, les scores de risque polygénique ne sont parfois prédictifs qu’au sein de petits sous-groupes de cette population — peut-être, pour une part, du fait qu’on connaît mal les interactions entre le rôle de la génétique et celui de l’environnement dans l’apparition de telle ou telle maladie.
    La possibilité d’un effet boomerang

    En outre, les scientifiques ne savent pas encore dans quelle mesure la sélection d’embryons présentant un risque relatif plus faible de contracter une maladie ne pourrait pas accroître les prédispositions à d’autres affections. Les variations génétiques peuvent avoir un certain nombre d’effets – un phénomène connu sous le nom de pléiotropie –, et une séquence d’ADN associé à une caractéristique bénéfique pourrait aussi augmenter le risque de présenter un caractère défavorable.

    Bon nombre de ces scores polygéniques sont utilisés pour prédire le risque d’affections qui se déclarent plus tard dans la vie, sans qu’il soit possible de prendre en compte les changements dans l’environnement qui pourraient se produire avec le temps. Un enfant né aujourd’hui ne sera sans doute pas atteint de maladie cardiaque ou de diabète avant plusieurs décennies, et il n’y a aucun moyen de savoir quels traitements ou mesures de prévention existeront d’ici là, ou quelles modifications seront intervenues dans l’environnement.

    L’évaluation des risques polygéniques est déjà proposée directement aux consommateurs (et pas seulement pour la FIV) dans certains pays, notamment les États-Unis et le Japon. Difficile de savoir dans quelle mesure ces personnes sont prévenues des incertitudes et des risques liés à cette technique. Or les scores de telles évaluations pourraient avoir des conséquences néfastes. Ils pourraient donner lieu à la destruction d’embryons viables ou inciter des femmes à subir de nouveaux cycles de stimulation ovarienne afin d’obtenir davantage d’ovocytes.
    Il faut un vrai débat de société

    Pour l’instant, les futurs parents ayant recours à la FIV ne devraient pas se voir proposer des scores de risque polygénique en dehors d’essais cliniques rigoureux. Les associations professionnelles devraient insister sur cette question auprès de leurs membres – comme certaines l’ont déjà fait – et publier des directives sur la manière de conseiller les couples participant à de tels tests, afin d’éviter de leur donner de faux espoirs ou de leur inspirer des peurs excessives quant à la santé de leurs enfants. Des conseillers en génétique doivent être formés à cette fin.

    De tels tests exigent un vrai débat de société. Du fait de leur nature complexe, les scores de risque polygénique ouvrent la voie à une évaluation non seulement des risques de maladies, mais de caractères génétiques comme la taille ou l’intelligence. Pour l’heure, on ne connaît pas encore suffisamment la part de l’inné dans ces caractéristiques pour mettre au point des tests pertinents, qui permettraient aux futurs parents de sélectionner leurs embryons. Mais ces données ne tarderont pas à être disponibles, et la technologie va évoluer rapidement. Jusqu’où peut-on aller ? Il est grand temps de débattre sur cette question.
    Éditorial
    Cet article a été publié dans sa version originale le 21/03/2022.

    #Génétique #Eugénisme #Fécondation_in_Vitro

  • Voilà cinquante ans que les Rolling Stones nous tirent la langue
    https://reveil.courrierinternational.com/#/edition/1968247/article/1968061

    L’emblème le plus reconnaissable de l’histoire du rock fête son demi-siècle. C’est l’occasion de revenir sur ses origines, souvent attribuées à tort à Andy Warhol. Son créateur est en réalité un étudiant londonien en art.

    Plus encore que le bandana de Keith Richards ou que le déhanché de Mick Jagger, l’image évoquant immédiatement les Rolling Stones est ce logo représentant une bouche à la langue tirée. Le symbole orne les tee-shirts des fans du monde entier et s’est vu parodier un nombre incalculable de fois, “mais quand la commande a été passée, en avril 1970, l’artiste John Pasche ne pouvait imaginer à quel point son dessin se révélerait populaire – et lucratif”, relate le New York Times.

    À cette époque, alors âgé de 24 ans, Pasche est étudiant en dernière année au Royal College of Art de Londres. Et il a été recommandé par l’institution aux Stones, ces derniers cherchant une affiche pour leur tournée européenne. Les premiers contacts et premiers essais sont infructueux, s’amuse le graphiste : “J’ai cru que c’était foutu. Mais Jagger m’a dit : ‘Je suis sûr que tu peux faire mieux, John’.” Ainsi le groupe maintient sa demande et ajoute qu’il souhaite “un logo ou symbole qui pourrait être reproduit sur des blocs-notes, sur la jaquette d’un programme ou d’un dossier de presse”.

    Inspiration iconographique hindoue

    Les recherches vont durer plusieurs mois. Mick Jagger a des idées bien précises : la simplicité et le caractère reconnaissable sont indispensables. Il oriente aussi John Pasche vers l’iconographie indienne, “alors très en vogue au Royaume-Uni”, signale le quotidien américain. La divinité hindoue Kali retient particulièrement leur attention, avec son trait distinctif d’une langue exubérante. Ce qui peut par ailleurs servir d’emblème de protestation ou de provocation. “C’est le genre de choses que font les gosses quand ils nous narguent en tirant la langue”, explique Pasche ; tout à fait l’esprit des Rolling Stones.

    “Le logo a été produit rapidement à la fin de l’année 1970. La sortie de l’album Sticky Fingers, en avril 1971, opus emblématique du groupe, a marqué la première apparition de cette langue”, poursuit le journal new-yorkais. Aux États-Unis, deux artistes ont aussi travaillé sur le design de ce même album : Craig Braun (qui a donné sa forme définitive au logo) et Andy Warhol. Mais, contrairement à une idée répandue, ce dernier n’est donc pas à l’origine du symbole pop.

    Retenu par la postérité, le dessin a été vendu pour 50 livres à l’époque (qui vaudraient 888 euros d’aujourd’hui, selon les calculs du New York Times), puis avec un bonus de 200 livres. John Pasche explique avoir commencé à toucher des royalties seulement quelques années plus tard et enfin avoir vendu le copyright pour 26 000 livres en 1982. S’il l’avait conservé, il “vivrai[t] probablement dans un château aujourd’hui”, dit-il en riant, mais il n’a pas souhaité se lancer dans d’interminables arguties judiciaires avec l’un des plus fameux groupes de rock.

    #Musique #Rolling_stones #Design #Logo

  • Réveil Courrier
    https://reveil.courrierinternational.com/#/edition/1964464/article/1963861

    Confinement Poster sur Instagram, presque une “obligation morale” au temps du coronavirus
    3 MIN
    The Atlantic (Washington)
    D’après The Atlantic, le confinement est en train de changer l’usage d’Instagram : plus question d’afficher ses vacances fabuleuses ou les fêtes auxquelles on a participé. Les internautes partagent désormais des images de leur quotidien ou des activités simples auxquelles ils reviennent. Et cela crée un sentiment réconfortant de cohésion.

    Et si Instagram était le remède miracle contre la déprime induite par le confinement ? “Les réseaux sociaux sont tristement célèbres pour leur faculté prodigieuse à véhiculer la désinformation en temps de crise, mais ça n’empêche en rien les gens de s’y connecter pour satisfaire un besoin aigu de maintenir des liens avec autrui, assure dans un article d’opinion The Atlantic. En ce moment, ces plateformes remplissent une fonction essentielle.”

    Pour le journal américain, nous avons particulièrement besoin de réseaux sociaux comme Instagram aujourd’hui, alors que la pandémie de Covid-19 pousse une grande partie de la population mondiale à rester chez elle, avec peu voire pas d’interactions sociales.

    Voir ce que font les autres quand ils sont coincés chez eux a quelque chose de réconfortant. Les réactions des Italiens, des Espagnols et des Iraniens ces derniers jours, penchés à leur fenêtre pour interagir avec leurs voisins confinés, le prouvent. Il fait bon être ensemble, depuis son balcon ou sur Instagram.
    Adieu les fêtes branchées, bonjour le canapé

    D’autant que la plateforme change avec la crise sanitaire. “Désormais dépourvus du flot continu d’images montrant nos brunchs et selfies de vacances, et des vidéos assourdissantes où l’artiste en concert n’est même pas reconnaissable, les réseaux comme Instagram et Facebook se transforment en journaux intimes racontant nos journées cloîtrés à l’intérieur.” Les images de plages paradisiaques et de fêtes bondées laissent place à des photos montrant des scènes de la vie quotidienne : une connaissance en pleine vidéoconférence depuis son lit, un ami faisant la cuisine, des personnes inconnues étendues sur leur canapé…

    Et c’est une bonne chose, affirme le magazine. Sans photos de vacances ou d’événements branchés, exit le FOMO (fear of missing out, la peur de rater quelque chose parce qu’on est resté chez soi). “La banalité n’est plus taboue.” Bien sûr, il y aura toujours des utilisateurs plus cool que d’autres, “mais ils pourront nettement moins nous regarder de haut, car nous ne jalouserons plus leurs acolytes de soirées (inexistants) ou leurs occupations (traîner sur le canapé)”.
    À lire aussi :
    Réseaux sociaux. Ces stars qui n’existent pas

    Interrogée par le journal, Julia Deeb-Swihart, une doctorante spécialiste du phénomène des selfies, pense qu’avec le confinement ces autoportraits partagés sur les réseaux sociaux changent de fonction. On ne les partage plus pour “prouver qu’on a fait quelque chose”. “Les selfies pourraient aussi devenir plus drôles, car les graphistes et développeurs, en proie à l’ennui, vont sûrement mettre en ligne d’étranges filtres de réalité augmentée. Il y aura beaucoup plus de vidéos montrant des personnes ordinaires qui détaillent des recettes, nous apprennent des chorégraphies ou expliquent les règles de jeux de cartes régionaux​.”

    C’est donc le moment de “poster sans retenue”. The Atlantic va même plus loin en affirmant qu’en cette période de crise, où le moral de la population est bas, mettre en ligne des moments de la vie quotidienne est un “devoir moral”, comparable aux nombreux dons de sang effectués par les Américains après les attentats du 11 septembre 2001. “Qu’est-ce qui fait de nous un héros, un membre pleinement intégré à la communauté ? C’est notamment publier sur les réseaux, même si ça paraît un peu absurde.”
    Source
    The Atlantic
    Washington
    http://www.theatlantic.com

    L’anticipation est l’un des points forts de The Atlantic depuis sa création en 1857. Cette vénérable publication, où écrivent les plumes les plus prestigieuses du moment, a su mieux que tout autre magazine américain prendre le tournant Internet, en faisant de son site un très dynamique lieu de réflexion et de débat. Intellectuelle et placide, à l’image de sa ville d’origine, Boston, la revue agrémente ses pages de poèmes et d’illustrations recherchées. Fondée par un groupe d’écrivains quelques années avant la guerre de Sécession, elle s’est donné pour mission d’être le porte-parole de l’idée américaine. La publication des premiers textes de Mark Twain, des reportages de guerre de Nathaniel Hawthorne et de la Lettre de la prison de Birmingham (vibrante défense de la non-violence, 1963) de Martin Luther King ne dément pas cet idéal.

    Extrêmement dynamique et riche en contenus inédits, le site de The Atlantic s’est taillé une place de choix dans l’univers de la presse en ligne et est souvent cité en exemple, à un moment où la presse écrite peine à se réinventer.
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    #Instagram #Coronavirus