• Coronavirus : dans les quartiers populaires, l’incompréhension face aux mesures de confinement
    https://www.lemonde.fr/societe/article/2020/03/23/coronavirus-dans-les-quartiers-populaires-l-incomprehension-face-aux-mesures

    Si la Seine-Saint-Denis concentrait dans les premiers jours du confinement près de 10 % des infractions nationales, dans nombre de quartiers populaires de France, et principalement dans les grands ensembles, les consignes peinent à se faire respecter.

    Grappes de jeunes dans les stades de foot municipaux, adolescents qui fument la chicha aux pieds des immeubles, mères avec de jeunes enfants aux agrès… Les habitudes ont la peau dure et les conditions de vie – familles nombreuses, logements exigus et mal insonorisés, illettrisme, illectronisme… – rendent le quotidien entre quatre murs particulièrement pénible. Les relations très dégradées avec la police n’arrangent rien. Depuis le début du confinement, les échanges musclés et les tensions se multiplient.
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    Jeudi à Saint-Denis, la tension était montée dans le quartier Franc-Moisin, autour de la place Rouge, au centre du grand ensemble, entre des agents déployés sur le terrain et des habitants du quartier. « Trop difficile » d’être enfermés avec leurs frères et sœurs, avaient expliqué ces derniers. Les policiers se sont contentés de rappeler les consignes de confinement. « On fait tout pour éviter de déclencher des émeutes », assure un policier de Seine-Saint-Denis.

    « Les adolescents et les jeunes adultes sont le public le plus difficile à confiner », observe Christelle Leroy, directrice de deux centres sociaux, Belencontre et Phalempins, à Tourcoing (Nord). Les images de personnes en train de se faire bronzer à la plage, de se balader le long du bord de mer, de déambuler côte à côte sur les quais de Seine à Paris ou parmi les étals des marchés, brouillent encore un peu les cartes. « Tout ça crée beaucoup de confusion, remarque un médiateur de la ville du Nord. Ils se disent “et pourquoi pas nous ?” Ils n’ont pas la notion du danger qu’ils représentent. Ils s’amusent au chat et à la souris avec les forces de l’ordre, ça les occupe. »
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    Au-delà du message « difficile à faire passer », des conditions de vie difficiles, des réticences à suivre les règles et des relations dégradées avec la police, d’autres freins au respect des consignes existent, notamment en ce qui concerne les attestations. « Avec cette épidémie, la fracture numérique nous explose au visage », remarque Christelle Leroy, à Tourcoing, qui enchaîne les réunions virtuelles avec tous les autres directeurs de centres sociaux de la ville : « On appelle les plus fragiles, on crée des tutos, on liste le matériel dont on dispose et que l’on pourra prêter, comme les tablettes, on imprime attestations et devoirs que l’on dépose ensuite dans les boîtes aux lettres. »

    « Ils sont très nombreux, illettrés ou éloignés du numérique, à ne pas savoir ou ne pas pouvoir remplir les attestations », confirme Florian Soudain, coordinateur des Centres sociaux connectés de la métropole lilloise. Jeudi, en urgence, ils ont lancé le projet Mon centre social à la maison pour « garder le lien avec les habitants et les aider à rester chez eux », détaille M. Soudain, qui pilote le projet. Le site propose notamment des tutos vidéo pour les aider à acquérir des compétences numériques et offre une permanence téléphonique pour assister à distance les plus dépassés par la dématérialisation des démarches.

    Les habitants des quartiers populaires disposent rarement d’une imprimante et pas toujours d’un ordinateur (surtout les personnes âgées). A Poitiers, 2 000 photocopies d’attestations ont ainsi été distribuées en vingt-quatre heures dans les commerces et les boîtes à livres.

    Plusieurs villes à travers le pays ont pris des arrêtés au cours du week-end pour imposer un couvre-feu à la population la nuit. Mais la plupart des quartiers populaires de France ne sont pas concernés par ces mesures difficiles à appliquer sur le terrain. « Le problème avec le fait d’imposer un couvre-feu c’est qu’ensuite, si vous ne faites pas respecter la mesure, vous passez pour un idiot. » Certains maires, notamment en Ile-de-France, ne sont pas pressés d’en arriver là.

    #coronavirus #jeunesse #quartiers_populaires #police
    Tiens, curieusement, l’article n’évoque pas la question des #trafics et plus largement, celle de l’#économie_informelle.