• A la rencontre d’une nouvelle génération d’éditeurs engagés
    https://abonnes.lesinrocks.com/2020/11/24/livres/livres/a-la-rencontre-dune-nouvelle-generation-dediteurtrices-engagees

    Apparues ces dernières années dans un paysage éditorial que l’on dit souvent morose, de petites maisons d’édition renouvellent les pratiques, réinventent le métier et revivifient le débat d’idées. Des initiatives précieuses en ces temps incertains.

    “L’offre que nous représentons ne correspond plus à la demande (…). Un décalage de plus en plus évident n’a cessé de s’approfondir entre le type de revue générale d’idées que nous représentons et l’évolution des pratiques de lecture, les moyens qu’offrent les nouvelles technologies, les besoins de la société et son rapport de moins en moins familier avec les exigences de la haute culture.”

    C’est par ce constat, bien pessimiste, que Pierre Nora annonçait début septembre la fin de sa revue Le Débat, véritable institution où les plus grand·es intellectuel·les ont, pendant quarante ans, exprimé leurs points de vue. On connaît la rengaine : il n’y aurait plus de place, en France comme ailleurs, pour le débat d’idées, remplacé par les affrontements de façade sur les chaînes d’info, les infox et autres invectives sur les réseaux sociaux. Exit Bourdieu and Co., place à Zemmour et autres polémistes.

    Cette triste opinion est contredite par un autre phénomène, moins médiatisé : l’émergence, depuis quelques années, d’une multitude de revues, essais et autres livres portés par de nouvelles maisons d’édition indépendantes. Souvent très petites, un·e ou deux employé·es, ces maisons sont l’œuvre d’une génération qui renouvelle le débat et la recherche autour de ses préoccupations premières : écologie, féminisme, désobéissance civile, etc.

    Si 70 % des maisons d’édition ont moins de 20 ans, ces nouveaux indépendants se démarquent par leur dynamisme et leur souplesse

    #Edition #Edition_indépendante #Engagement

  • “Génération AOC”, ces nouveaux activistes américains dont Trump devrait se méfier
    https://abonnes.lesinrocks.com/2020/07/30/idees/idees/generation-aoc-ces-nouveaux-activistes-americains-dont-trump-dev

    Pour faire émerger cette Amérique de demain, ces 18-35 ans s’appuient alors sur un community organizing bien rodé (et parfois un peu modernisé). Théorisée dans les années 30, l’organizing est en quelque sorte une science de la mobilisation militante. Une méthode qui vise à l’empowerment de celles et ceux pour qui la prise de pouvoir était jusqu’ici inenvisageable. Une série d’appels à la lutte collective contre toutes formes d’oppressions et qui fleurit un peu partout dans le pays. “N’agissons pas, organisons-nous !”, ne cesse de répéter la génération AOC, reprenant la formule de la militante africaine-américaine Florynce Rae Kennedy. Manifestations, boycotts, happenings, occupation du bureau de Nancy Pelosi, et autres sit-in… Ils et elles manient la révolte non-violente et enchaînent les actions médiatiques, avec souvent, une dose de bonne humeur et d’espoir rafraîchissante.

    Personne n’avait vu venir la victoire d’Alexandria Ocasio-Cortez, et sans doute pas elle-même… C’est l’organisation Brand New Congress qui la repère en 2017. Démarrée pendant la campagne des primaires entre Bernie Sanders et Hillary Clinton, elle a pour but de lancer une nouvelle génération d’élu·es, démocrates comme républicain·es. “Ils et elles étaient tous bons. Mais AOC était déjà une star : la plus éloquente, la plus engagée, la plus affûtée. Elle avait l’énergie. Elle n’avait pas peur”, se souvient le pasteur Darryl Gray, militant dans le Missouri. Cette jeune membre du parti socialiste américain (DSA) a en tout cas réalisé l’impossible : débouter le candidat démocrate Joseph Crolwey de la 14e circonscription de New York, celle à cheval entre le Bronx et le Queens - là où elle vit.

    Vus d’ici, ces nouveaux activistes américain·es sont tout·es profondément inspirant·es. Et une fois la lecture terminée une question nous taraude : qui sont les équivalents français ?

    Bonne question !

    #Alexandria_Ocasio_Cortez #Activisme #AOC

  • Eric Fassin : “Le président de la République attise l’anti-intellectualisme”
    https://abonnes.lesinrocks.com/2020/06/12/idees/idees/eric-fassin-le-president-de-la-republique-attise-lanti-intellect

    Le président a eu des mots très durs vis-à-vis des chercheurs en sciences sociales, qu’il juge “coupables” d’une “menace sécessionniste” en France. Le sociologue Eric Fassin, professeur à l’Université Paris 8 Vincennes - Saint-Denis, réagit pour Les Inrockuptibles.

    Dans un article du Monde portant sur les craintes de l’Elysée face à une “menace sécessionniste” de la jeunesse dans le cadre des mobilisations contre le racisme, Emmanuel Macron déclare : “Le monde universitaire a été coupable. Il a encouragé l’ethnicisation de la question sociale en pensant que c’était un bon filon. Or, le débouché ne peut être que sécessionniste. Cela revient à casser la République en deux”. Que vous inspirent ces mots ?

    Eric Fassin - Quel est le problème qui se pose aujourd’hui avec urgence ? Quand on voit les mobilisations dans le monde entier, il est clair qu’il s’agit du racisme. Et le catalyseur, ce sont les violences policières. Autrement dit, la responsabilité des pouvoirs publics est engagée. Or le président retourne le problème : pour lui, le problème urgent, ce ne sont pas les pratiques racistes, jusqu’au cœur des institutions de la République ; ce sont celles et ceux qui les dénoncent. Au fond, c’est toujours la même démarche : s’en prendre aux lanceurs d’alerte pour s’aveugler à la réalité du problème.

    Il y a plus. Le président de la République attise l’anti-intellectualisme. Car dans le même article, il fait la leçon aux historiens : “la guerre d’Algérie reste un impensé” ; et il prétend “se heurter à l’absence d’interlocuteurs.” Les collègues qui travaillent depuis des décennies sur cette histoire et cette mémoire, pour lutter contre “la gangrène et l’oubli”, apprécieront. D’un côté, les universitaires parlent trop ; de l’autre, pas assez. Être responsable, pour le président, c’est sermonner les autres, pour ne jamais assumer sa propre responsabilité.

    Enfin, Emmanuel Macron est condescendant : pour lui, si les jeunes “trouvent dans la lutte contre le racisme un idéal”, c’est qu’“ils ont des angoisses sur leurs examens, leurs diplômes et leur entrée dans l’emploi.” C’est dire que leur antiracisme n’est qu’un symptôme, un exutoire, ou une forme de sublimation. Autant de manières de ne pas prendre au sérieux ce qui se passe.

    Qu’en est-il du côté de l’antiracisme ? À l’université d’automne de la LDH, en 2015, j’avais parlé des “couleurs des antiracismes” ; et j’avais repris cette mise en garde dans L’Humanité, en janvier 2016 : “Aujourd’hui, la racialisation de la société n’épargne plus même l’antiracisme.” Le danger, c’est en effet que s’opposent un antiracisme établi, porté par des associations historiques qui revendiquent l’universalisme, mais auxquelles on reproche parfois de faire peu de place aux personnes racisées, et un antiracisme nouveau, qui se veut politique, et qu’on accuse souvent de communautarisme, parce que les personnes blanches y sont sous-représentées.

    Or que se passe-t-il aujourd’hui, avec les manifestations en France et ailleurs ? Nous avons une occasion historique de dépasser ce clivage entre un antiracisme blanc et un antiracisme racisé : on le voit bien autour du comité Adama Traoré. Au lieu de s’inquiéter que la jeunesse, en particulier, se mobilise au-delà des lignes de couleur, il faut donc s’en réjouir. Toutes les générations peuvent se retrouver dans ce combat. Et s’il y a surtout des jeunes, c’est donc aux anciens de les rejoindre.

    Au fond, l’extrême droite n’a-t-elle pas gagné la bataille pour l’hégémonie idéologique ? En effet, le président, qui prétend s’ériger en rempart, en reprend les termes. Emmanuel Macron choisit de manifester sa sympathie à Éric Zemmour, il consulte Philippe de Villiers, il donne un entretien à Valeurs actuelles, mais il prétend s’inquiéter du sécessionnisme d’universitaires qui dénoncent la racialisation de la société, comme si elles et ils en étaient “coupables”. Bref, il a choisi son camp. Reste à savoir si les électeurs ne risquent pas, une fois encore, de préférer l’original à la copie.

    #Racisme #Extrême_droite #Macron #Recherche #Sociologie

  • Journal d’une non-confinée : “Nous les caissières, on a l’impression d’être les oubliées” - Les Inrocks
    https://www.lesinrocks.com/2020/03/24/actualite/societe/journal-dune-non-confinee-nous-les-caissieres-on-a-limpression-detre-les

    Au début, nous n’avions pas de protections contre le virus. Mardi [17 mars, ndlr] on nous a donné des gants, et jeudi [19 mars, ndlr] on nous a donné des masques d’une durée de dix jours, lavables à la maison. On nous a aussi installé du Plexiglas devant la caisse, mais les gens viennent sur le côté. Et dans mon enseigne, la procédure nous oblige à vérifier que rien n’a été oublié dans le caddie, donc je dois dépasser cette barrière.

    Je ne suis pas trop stressée personnellement, mais les gens autour de moi ont peur. De nombreuses collègues se sont mises en arrêt parce qu’elles ont des enfants à la maison, qu’elles ne veulent pas contaminer. On est donc moins à travailler, mais on doit faire plus. Comme les clients ont vidé le magasin, on commence à 5h du matin, au lieu de 6h, pour mettre la marchandise en rayon. On est censés faire 30 heures par semaine, mais cette semaine on a dû arriver à 40 ou 45h.

    “Ne me parle pas, tu vas me refiler le coronavirus !”

    Au quotidien, en caisse, des clients nous parlent hyper mal. Ils nous reprochent de ne pas avoir eu de réassort assez vite, d’être incompétents. Quand on a eu le Plexiglas et qu’on leur a demandé de ne pas venir sur le côté, certains ont mal réagi : “On n’a pas le coronavirus, on va pas te le refiler !” ; ou alors : “Ne me parle pas, tu vas me refiler le coronavirus !”

    Souvent, ils ne respectent même pas les distances de sécurité indiquées par du scotch au sol.

    Avec ce qu’on apprend sur le virus, on se dit qu’on fait un boulot qui demande beaucoup de courage, mais le président nous a demandé de continuer. Le droit de retrait dans la grande distribution et le service public, en ces temps de crise, ça n’existe pas. On se rend compte que certains clients ont plus de masques et de gants que nous-mêmes. On est susceptibles d’avoir le virus. On le sait. Mais il faut bien alimenter la population, donc on reste ouvert, même si on a l’impression d’être les oubliées.”

    Françoise Vergès : “Les confiné.es ne sont que la partie visible de la situation”
    https://abonnes.lesinrocks.com/2020/03/20/idees/idees/francoise-verges-les-confinees-ne-sont-que-la-partie-visible-de-

    #travail #caissière #commerce #supermarché #coronavirus

    • Hier dans la queue en-dehors de la biocoop, une femme avec son gosse viennent à moins d’un mètre de moi. On est dans la rue, il y a la place, je demande à la dame de respecter la distance habituelle. Elle le fait, non sans m’avoir dit un truc désagréable que j’ai vite oublié. C’est ce que m’évoque la réaction des client·es : on ne fait pas ça parce que j’ai le virus ou parce que j’ai peur que tu aies le virus mais par mesure générale de précaution, parce que c’est plus facile si on accepte des règles de base qu’avec un pifomètre au cas par cas. Pfff ! Je me fais chier quand je croise un pote dans la rue à rester à deux mètres, c’est pas pour qu’un gosse vienne se planter près de moi à la distance qui lui fait plaise. Rebellitude de merde, mieux on obéit et plus on en sera débarrassé. Soyons plutôt attentifs/ves à la manière dont le #fascistovirus bouleverse nos formes de gouvernement...