• Le #Nobel de #chimie [français] 2016 avait tout faux (!)

    L‘attribution du prix Nobel de chimie 2016 à un trio comprenant Jean-Pierre Sauvage a déclenché l’habituel flot de félicitations des responsables politiques. Président de la République, ou espérant l’être un jour, ministres en activité, ou espérant l’être un jour… tous y vont de leur cocorico. Mais la bonne question est : faut-il les féliciter, eux ? Conduisent-ils, aujourd’hui, des politiques pour l’enseignement supérieur et la recherche permettant d’espérer de futurs Nobel ?

    La carrière de Jean-Pierre Sauvage permet de répondre. Par la négative. En résumé, pour avoir le Nobel, il faut faire le contraire de tout ce que préconisent les gouvernants : instabilité professionnelle, précarité sociale, bougeotte disciplinaire et géographique, recherche des sujets à la mode qui donnent rapidement des résultats prévus à l’avance dans des demandes de financements auprès d’Agences qui mettent en compétition les chercheurs. Une politique de gribouille, où l’emphase permanente du discours (le mot « excellence » mis à toutes les sauces) cache mal une décision politique majeure : ne plus augmenter l’effort de recherche public, le réorienter en diminuant les efforts de la recherche de base, précariser le plus possible les personnels (chercheurs, ingénieurs, techniciens). Si cette politique s’est heurtée à de nombreuses actions depuis 2007 (mouvements sociaux, associations SLR, SLU, cris d’alarme de scientifiques de renom…) et a donc été freinée, ses dégâts sont patents.

    Thèse brillante, il entre donc directement au CNRS l’année de sa thèse, en 1971 (un truc dont plus personne ne rêve dans les labos où passer sa thèse signifie démarrer une phase de CDD) et y reste jusqu’en 2009 (retraite, mais il continue de travailler comme « émérite »). Il représente donc le type même du chercheur « fonctionnaire » (en fait seulement depuis 1982) qui, selon Nicolas Sarkozy lors d’un discours célèbre le 22 janvier 2009, viendrait au labo parce que « c’est chauffé et il y a de la lumière ». Or, c’est justement ce statut qui permet aux scientifiques recrutés sur concours, largement ouvert à l’international aujourd’hui, de se consacrer entièrement à leur sujet de recherche. Tout en tissant des liens avec leurs pairs-concurrents-collaborateurs dans le monde et avec les universitaires, doctorants et autres personnels des laboratoires (aujourd’hui tous « mixtes » entre organismes de #recherche et #universités).

    C’est donc en ayant « tout faux » au regard des responsables politiques tous formés à Sciences-Po – Ena et complètement étrangers au monde de la science et des #laboratoires, que Jean-Pierre Sauvage construit une carrière qui, en creusant profond un même sillon, débouche sur des #avancées #scientifiques majeures.

    https://www.lemonde.fr/blog/huet/2016/10/07/le-nobel-de-chimie-2016-avait-tout-faux