la réserve sanitaire, des renforts attendus mais encore sous-employés

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  • Coronavirus : la réserve sanitaire, des renforts attendus mais encore sous-employés
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    Le vivier de ces réservistes est aujourd’hui de 40 000 soignants. Mais seuls 130 infirmiers, aides-soignants et médecins sont actuellement en mission.

    Perpignan. C’est la destination à traiter en urgence : trouver et y envoyer des personnels soignants, les acheminer, finaliser leur hébergement… La priorité du jour, ce mercredi 25 mars, et un casse-tête pour Catherine Lemorton, la responsable de la réserve sanitaire depuis le 1er mars, qui intervient sous l’autorité du ministère de la santé, « en renfort, en France ou à l’étranger, en cas de situation sanitaire exceptionnelle (catastrophe naturelle, attentat, épidémie, etc.) ».

    La « situation sanitaire exceptionnelle » est bien là et, depuis le début de l’épidémie en France, fin janvier, cette réserve de professionnels de santé, dont la majorité sont en activité – infirmiers, aides-soignants, médecins, agents hospitaliers, secrétaires médicaux, épidémiologistes, psychologues… –, est mise à contribution. « On travaille jusqu’à cent vingt heures par semaine, c’est de la folie. Je ne sais pas jusqu’à quand on pourra tenir », confie Catherine Lemorton, pharmacienne de profession, qui fut, jusqu’en 2017, députée (PS) de Haute-Garonne.

    Dans leurs uniformes bleu et blanc, soulignés de discrets liserés rouges, avec leur sac à dos siglé du drapeau national accompagné du logo « Réserve sanitaire » sur fond violet, ils ont l’habitude des théâtres d’opérations d’urgence, comme en Afrique de l’Ouest lors de la fièvre épidémique Ebola ou après le passage de l’ouragan Irma sur l’île de Saint-Martin. Aujourd’hui, ces hommes et ces femmes sont là pour épauler les soignants de métropole.
    Pour gérer les quelque 40 000 inscrits, huit permanents seulement. Les infirmiers et aides-soignants représentent 62 % de l’effectif, contre près de 30 % de professionnels médicaux, pharmaceutiques et scientifiques, le reste étant composé de professionnels administratifs et techniques. Avant le début de la crise, le vivier était de 21 000 personnes, soit un doublement des effectifs en deux mois. A tel point que le site de la réserve a buggé face à l’affluence de connections. Mais seuls 3 800 de ces inscrits sont effectivement des réservistes sanitaires, avec un dossier complet et un contrat d’engagement signé pour trois ans.

    Explosion de la demande
    « Avant de signer un contrat avec chacun d’entre eux, il faut vérifier leur parcours professionnel, envoyer de nombreux documents à remplir. On ne peut pas prendre le risque de missionner des gens dont on ne sait rien. Des petits malins se font passer pour des professionnels, on a aussi des médecins qui ne sont plus autorisés à exercer », explique Catherine Lemorton, tout en se félicitant de ce formidable « élan de solidarité ».
    Le résultat final est assez déconcertant. Car, si les inscrits sont nombreux et la demande en personnels explose, la réserve ne comptait que 130 actifs sur le terrain mercredi 25 mars. Depuis le déclenchement de l’épidémie de Covid-19, 630 réservistes ont été déployés dans les régions françaises, dont la plus touchée après l’Ile-de-France, le Grand-Est.
    « Mais, quand la demande de cette ARS [agence régionale de santé] est de 200 aides-soignants, 270 infirmières et 30 médecins anesthésistes-réanimateurs, nous n’avons pu envoyer que 34 personnes. Entre le vivier réel et l’opérationnel, il y a un fossé difficile à expliquer. Entre le moment où les personnes s’inscrivent et celui où on fait appel à elles, il arrive que certains ne soient plus libres », avance Mme Lemorton.
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    Ces professionnels, même en nombre limité, n’en sont pas moins des renforts appréciés. « La réserve a été d’un grand secours au centre hospitalier universitaire [CHU] de Besançon, l’un des deux établissements régionaux en première ligne, qui est entré dans le vif du sujet de manière brutale. La réserve lui a permis d’encaisser, de ne pas être déstabilisé. Elle a été une force décisive et a constitué une bouffée d’oxygène psychologique », témoigne Pierre Pribile, directeur général de l’ARS Bourgogne-Franche-Comté.

    Une députée en mission
    C’est dans cet établissement que la députée (LRM) des Alpes-de-Haute-Provence Emmanuelle Fontaine-Domeizel a effectué sa première mission pour la réserve à laquelle elle est inscrite depuis 2014. « Je travaillais au service des maladies infectieuses et tropicales, au cœur du réacteur de l’épidémie de Covid-19. Quand on arrive, on doit s’adapter à des services, à leur organisation. On soulage, on soutient. Les soignants ont besoin de parler, ils ont vu des décès, ont été choqués. Quand je leur ai dit que je ne serais pas là la semaine prochaine, ils m’ont demandé : “comment va-t-on faire ?” », témoigne cette infirmière de 46 ans.

    Mme Fontaine-Domeizel raconte aussi l’hôtel quasi désert dans lequel elle logeait avec les autres réservistes, 30 la semaine précédant son arrivée et une douzaine avec elle du 16 au 22 mars – les missions étant de deux semaines maximum –, les sardines et les repas froids vite avalés. « Je serai disponible pour une autre mission tant qu’il y aura besoin. J’ai écrit à Richard Ferrand [le président LRM de l’Assemblée nationale] en disant que j’étais volontaire pendant la crise sanitaire. L’Assemblée tourne à faible régime. Plutôt que confinée, je suis largement plus utile en tant qu’infirmière », explique-t-elle. Depuis la fin de sa mission, retournée à Manosque, la députée s’étonne du manque de sollicitation de la part de l’ARS de Bourgogne-Franche-Comté. En fait, si le circuit d’appel est simple, la réponse peut parfois être un peu longue à arriver.
    « On a parfois des demandes précises, comme cet exemple de deux sages-femmes que l’on a eu du mal à trouver. Il y a aussi parfois, sur le terrain, des problèmes de calage, mais, en général, cela se passe bien », assure Catherine Lemorton.

    Vivier de jeunes retraités
    Les ARS font remonter leurs besoins au ministère, à l’agence Santé publique France (SPF) plus précisément, qui centralise et contacte alors la réserve sanitaire. « Les réservistes peuvent aussi intervenir au profit direct d’un établissement de santé », précise-t-on au ministère. Ce qui fait dire à Catherine Lemorton, qui fut elle-même réserviste à Mayotte en 2018, que les circuits se révèlent plus rapides quand les hôpitaux font appel directement à leur vivier de jeunes retraités.
    « La réserve est arrivée tôt, dès le déclenchement du plan blanc. On n’en avait alors pas vraiment besoin. Les réservistes se demandent parfois s’ils sont de trop. Ils se sentent un peu dépassés par les événements et ont parfois du mal à trouver leur place », témoigne Marc Paulin, infirmier en réanimation au CHU de Besançon.

    Et il arrive que leur présence inquiète. « Si on parle d’anciens de 65-70 ans, plus fragiles et qui doivent se remettre à jour sur le plan technologique, c’est une faute grave et une erreur stratégique du ministère de les envoyer en première ligne. Il faut mettre ces réservistes en dernier rideau » , juge ainsi Laurent Thines, neurochirurgien dans le même établissement. Même si, en réalité, la réserve sanitaire, qui a succédé à l’Etablissement de préparation et de réponse aux urgences sanitaires (Eprus, de 2007 à 2016), est composée à 66 % d’actifs (10 % sont des retraités depuis moins de cinq ans).

    Une souplesse précieuse
    Leur intégration se fait en général plutôt facilement. Jean-Pierre Pigault, 72 ans, médecin généraliste, a exercé pendant une quarantaine d’années en Seine-Maritime puis à Saint-Emilion (Gironde). Inscrit à la réserve depuis trois ans, il a été envoyé à l’hôpital de Vannes le 16 février. « En ce moment, on a besoin de nous, alors on est plutôt bien accueillis. A Vannes, on était une bande de “vieux”, c’était très sympa. Mais, parfois, cela peut être plus compliqué. » Et de se rappeler une mission à l’hôpital de Troyes, dans un service de pédiatrie. « Il y avait des problèmes humains, les internes ne voulaient plus y travailler et quand on est arrivés, on est passés pour des “briseurs de grève”. »
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    A Vannes, le médecin a côtoyé François Dain, 67 ans, médecin généraliste retraité, qui a exercé à Levallois-Perret (Hauts-de-Seine), puis à Nouméa. Inscrit à la réserve depuis 2016, ce dernier a effectué diverses missions, à Mayotte ou encore sur l’île de Saint-Martin. « Sur le Covid-19, j’ai d’abord fait l’aéroport Charles-de-Gaulle pour accueillir les voyageurs revenant de Chine. Puis j’ai été envoyé à Vannes, du 9 au 23 mars, pour faire de l’accueil et du dépistage », dit-il.
    Lui aussi témoigne de l’excellent accueil : « Notre présence permet de libérer des personnes qui peuvent prendre un peu de repos ou aller renforcer d’autres services. » Une souplesse précieuse pour une crise sanitaire qui s’annonce longue.

    Sûr que sans masques ni matos adéquat, c’est pas facile de faire bosser les retraité.e.s...
    Si on sagouinait le taff comme les gouvernement savent si bien le faire, les licenciements pour faute grave et les procès seraient légion.

    #abandon