L’épidémie créatrice de frontières

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  • L’épidémie créatrice de frontières
    https://journals.openedition.org/ccrh/3440

    Que l’épidémie se joue des frontières n’appartient-il pas au plus banal des constats dès que l’on s’intéresse aux grandes pandémies ? Depuis le xixe siècle, les spécialistes se sont efforcés de retracer les itinéraires épidémiques, d’en identifier les vecteurs, les conditions favorables de développement, de souligner la porosité de certaines frontières et l’efficacité de certaines autres1. Aujourd’hui, le thème de la frontière ne peut faire apparaître de nouvelles approches, de nouvelles questions que s’il est traité différemment, mais comment ? On peut tout d’abord s’interroger sur la manière dont les sociétés ont consolidé d’anciennes frontières, ou en ont créé de nouvelles, afin de se protéger des épidémies. Ces frontières, que l’on pense d’abord à la périphérie des États, peuvent aussi s’établir, pour un temps, sur le pourtour d’une ville ou d’une région, et changer de nature car elles n’organisent plus les échanges mais doivent les interdire. Ainsi, le changement d’échelle territoriale, le travail sur l’espace, dans la lutte contre les contagions traversent nos sept derniers siècles d’histoire.

    2Les dispositifs territoriaux liés à la volonté de contenir les épidémies ont aussi bien concerné les relations internationales, par exemple entre les deux bassins de la Mer Méditerranée que l’intérieur des villes. En cherchant à identifier les facteurs des mortalités épidémiques, les hygiénistes du xixe siècle ne créent-ils pas alors des sectorisations qui engendrent autant d’espaces spécifiques de l’action municipale mais aussi de stigmatisation sociale ?