Virus : les privilégiés, et les autres

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  • #Virus : les #privilégiés, et les autres - #Libération
    https://www.liberation.fr/amphtml/debats/2020/03/29/virus-les-privilegies-et-les-autres_1783489
    #schneiderman

    Tous égaux devant l’épidémie, c’est une blague. Les épidémies frappent les pauvres plus que les riches. La grande peste de 1347, le choléra de 1832, les riches les ont affrontées derrière leurs hauts murs. « Partir tôt, partir loin, partir longtemps », conseillait, paraît-il, Avicenne à ceux qui en avaient les moyens. Mais on vous voit désormais, les riches, puisque vos tweets passent par-dessus vos hauts murs. On veut bien être projetés dans la grande Histoire, tenir dignement notre rôle, remplir les attestations dérogatoires, obéir aux consignes, mais dans l’égalité. Et puisque l’heure est officiellement au vocabulaire martial, à l’union sacrée aux premières, aux troisièmes lignes, à ceux qui sont au front, aux héros et aux traîtres, il faut écouter l’historien Nicolas Patin, rappelant sur Rue89 la haine des Poilus

    • Sur la grande agora de l’égalité qui s’appelle Twitter, tout manquement est repéré, retweeté, signalé à la foule. Tandis que le gouvernement chuchote poliment au CAC 40 de modérer ses dividendes, voyez comme il envoie les soignants des Ehpad sans protection, voyez comme il envoie sa police fouiller les chariots, à la recherche des biscuits qui ne seraient pas « de première nécessité ». Voyez cette Pénicaud, qui traite de « défaitistes » les petits patrons du bâtiment soucieux d’épargner leurs salariés.

      Dans une distribution de l’info qui serait bornée par Gilles Bouleau et Anne-Sophie Lapix, tous ces manquements passeraient inaperçus, seraient expédiés en quelques secondes, après la litanie quotidienne patriotico-mobilisatrice à la gloire des soignants (ceux-là mêmes qu’ignoraient les mêmes Lapix et Bouleau quand ils manifestaient pour prévenir de la ruine de l’hôpital). Mais ces bornes ont sauté depuis longtemps. Les privilèges sont à nu.

      Daniel Schneidermann