• 2022 : « l’étrange défaite » qui vient | Alain Bertho
    http://www.regards.fr/idees-culture/article/2022-l-etrange-defaite-qui-vient

    Pour Marc Bloch, auteur de L’Étrange défaite, la cause de la débâcle de juin 1940 n’était pas seulement militaire mais d’abord politique. De la même façon, le désastre annoncé de printemps 2022 n’est pas seulement de nature électorale. La débâcle de la démocratie se construit depuis des mois par une sorte de capitulation rampante et générale face à l’extrême droite. Source : Regards

  • Covid-19 : pouvait-on éviter tant de morts ? | Sylvestre Huet
    https://www.lemonde.fr/blog/huet/2021/04/30/covid-19-pouvait-on-eviter-tant-de-morts

    Pouvait-on éviter une part significative des 100.000 morts – à la mi-avril 2021 – de la Covid-19 en France ? Oui. Cette réponse nette est glaçante. Et pourtant, elle ne fait aucun doute. Il suffit, pour l’établir, de comparer la situation française (voire européenne) avec trois des pays les plus à risque, lorsque la Covid-19 a émergé : la Chine, le Vietnam, la Corée. L’écart est abyssal. Source : Sciences²

    • ça je l’ai vu avec désespoir et dernièrement au fin fond des Corbières (3 habitants au km2) où il y a un paquet de crétins pour te dire qu’il n’y a pas eu tant de morts que ça (tu en vois par ici ? non hé ben voila) et que Raoult et la nivakine nous sauverons (de quoi si ça n’existe pas ?). Si tu leur dis qu’ils se font complices des assassins au gouvernement et que leur ignorance est doublée d’égoïsme qui participe à tuer des vieux et des handicapés, ben tu n’as plus trop de choix, tu te casses ou tu restes chez toi à lire seenthis, parce qu’il ne te reste plus d’interlocuteurice à peu près raisonnable pour ne pas devenir dingue à affronter cette folie collective où les gens se vantent d’aller beugler NHK sans masques à Limoux.

      Encore aujourd’hui, des millions de Français font confiance à celui qui avait prédit « moins de morts que par accident de trottinettes », « ce sera l’infection respiratoire la plus facile à traiter avec la chloroquine », « la deuxième vague c’est une fantaisie », « l’épidémie va s’arrêter avec l’été » et autres raoulteries. Mais qui est allé faire le beau devant les caméras de télévision au côté de la star marseillaise de BFM ? Le Président Emmanuel Macron. Difficile de faire plus efficace si l’on veut miner la confiance envers le Conseil scientifique que l’on a mis en place. Or, en légitimant et en favorisant des comportements à risque, ces fausses nouvelles ont augmenté le nombre de morts.

    • Ce que j’ai vu, c’est une saturation d’infos contradictoires sur le corona qui à force de se télescoper font que chacun·e y va de son interprétation personnelle, tout comme les gesticulateurs qui s’expriment sur BFM.
      Cependant tout en reconnaissant ne plus se tenir du tout informé de rien parce que « ça fatigue à force » (comme de réfléchir, ça fatigue le cerveau, hein, autant sombrer dans le délire égoïste)

      N’empêche que sur 100 habitants perdus dans la petite montagne, y’en a quand même 5 qui ont choppé le virus et s’en sont sortis (pour l’instant), dans l’ensemble les Corbières ont plus été touchées que Toulouse … qui n’a pas eu de grosse incidence

  • « Pour un retour de l’#honneur de nos gouvernants » : 20 #généraux appellent Macron à défendre le #patriotisme

    (attention : toxique)

    À l’initiative de #Jean-Pierre_Fabre-Bernadac, officier de carrière et responsable du site Place Armes, une vingtaine de généraux, une centaine de hauts-gradés et plus d’un millier d’autres militaires ont signé un appel pour un retour de l’honneur et du #devoir au sein de la classe politique. Valeurs actuelles diffuse avec leur autorisation la lettre empreinte de conviction et d’engagement de ces hommes attachés à leur pays.

    Monsieur le Président,
    Mesdames, Messieurs du gouvernement,
    Mesdames, Messieurs les parlementaires,

    L’heure est grave, la #France est en #péril, plusieurs #dangers_mortels la menacent. Nous qui, même à la retraite, restons des soldats de France, ne pouvons, dans les circonstances actuelles, demeurer indifférents au sort de notre beau pays.

    Nos #drapeaux tricolores ne sont pas simplement un morceau d’étoffe, ils symbolisent la #tradition, à travers les âges, de ceux qui, quelles que soient leurs couleurs de peau ou leurs confessions, ont servi la France et ont donné leur vie pour elle. Sur ces drapeaux, nous trouvons en lettres d’or les mots « #Honneur_et_Patrie ». Or, notre honneur aujourd’hui tient dans la dénonciation du #délitement qui frappe notre #patrie.

    – Délitement qui, à travers un certain #antiracisme, s’affiche dans un seul but : créer sur notre sol un mal-être, voire une #haine entre les communautés. Aujourd’hui, certains parlent de #racialisme, d’#indigénisme et de #théories_décoloniales, mais à travers ces termes c’est la #guerre_raciale que veulent ces partisans haineux et fanatiques. Ils méprisent notre pays, ses traditions, sa #culture, et veulent le voir se dissoudre en lui arrachant son passé et son histoire. Ainsi s’en prennent-ils, par le biais de statues, à d’anciennes gloires militaires et civiles en analysant des propos vieux de plusieurs siècles.

    – Délitement qui, avec l’#islamisme et les #hordes_de_banlieue, entraîne le détachement de multiples parcelles de la nation pour les transformer en territoires soumis à des #dogmes contraires à notre #constitution. Or, chaque Français, quelle que soit sa croyance ou sa non-croyance, est partout chez lui dans l’Hexagone ; il ne peut et ne doit exister aucune ville, aucun quartier où les lois de la #République ne s’appliquent pas.

    – Délitement, car la haine prend le pas sur la #fraternité lors de manifestations où le pouvoir utilise les #forces_de_l’ordre comme agents supplétifs et boucs émissaires face à des Français en #gilets_jaunes exprimant leurs désespoirs. Ceci alors que des individus infiltrés et encagoulés saccagent des commerces et menacent ces mêmes forces de l’ordre. Pourtant, ces dernières ne font qu’appliquer les directives, parfois contradictoires, données par vous, gouvernants.

    Les #périls montent, la #violence s’accroît de jour en jour. Qui aurait prédit il y a dix ans qu’un professeur serait un jour décapité à la sortie de son collège ? Or, nous, serviteurs de la #Nation, qui avons toujours été prêts à mettre notre peau au bout de notre engagement – comme l’exigeait notre état militaire, ne pouvons être devant de tels agissements des spectateurs passifs.

    Aussi, ceux qui dirigent notre pays doivent impérativement trouver le courage nécessaire à l’#éradication de ces dangers. Pour cela, il suffit souvent d’appliquer sans faiblesse des lois qui existent déjà. N’oubliez pas que, comme nous, une grande majorité de nos concitoyens est excédée par vos louvoiements et vos #silences coupables.

    Comme le disait le #cardinal_Mercier, primat de Belgique : « Quand la #prudence est partout, le #courage n’est nulle part. » Alors, Mesdames, Messieurs, assez d’atermoiements, l’heure est grave, le travail est colossal ; ne perdez pas de temps et sachez que nous sommes disposés à soutenir les politiques qui prendront en considération la #sauvegarde_de_la_nation.

    Par contre, si rien n’est entrepris, le #laxisme continuera à se répandre inexorablement dans la société, provoquant au final une #explosion et l’intervention de nos camarades d’active dans une mission périlleuse de #protection de nos #valeurs_civilisationnelles et de sauvegarde de nos compatriotes sur le territoire national.

    On le voit, il n’est plus temps de tergiverser, sinon, demain la guerre civile mettra un terme à ce #chaos croissant, et les morts, dont vous porterez la #responsabilité, se compteront par milliers.

    Les généraux signataires :

    Général de Corps d’Armée (ER) Christian PIQUEMAL (Légion Étrangère), général de Corps d’Armée (2S) Gilles BARRIE (Infanterie), général de Division (2S) François GAUBERT ancien Gouverneur militaire de Lille, général de Division (2S) Emmanuel de RICHOUFFTZ (Infanterie), général de Division (2S) Michel JOSLIN DE NORAY (Troupes de Marine), général de Brigade (2S) André COUSTOU (Infanterie), général de Brigade (2S) Philippe DESROUSSEAUX de MEDRANO (Train), général de Brigade Aérienne (2S) Antoine MARTINEZ (Armée de l’air), général de Brigade Aérienne (2S) Daniel GROSMAIRE (Armée de l’air), général de Brigade (2S) Robert JEANNEROD (Cavalerie), général de Brigade (2S) Pierre Dominique AIGUEPERSE (Infanterie), général de Brigade (2S) Roland DUBOIS (Transmissions), général de Brigade (2S) Dominique DELAWARDE (Infanterie), général de Brigade (2S) Jean Claude GROLIER (Artillerie), général de Brigade (2S) Norbert de CACQUERAY (Direction Générale de l’Armement), général de Brigade (2S) Roger PRIGENT (ALAT), général de Brigade (2S) Alfred LEBRETON (CAT), médecin Général (2S) Guy DURAND (Service de Santé des Armées), contre-amiral (2S) Gérard BALASTRE (Marine Nationale).

    https://www.valeursactuelles.com/politique/pour-un-retour-de-lhonneur-de-nos-gouvernants-20-generaux-appellen

    La une :

    #appel #généraux #valeurs_actuelles #lettre #lettre_ouverte #armée #soldats

    ping @isskein @karine4

    • 2022 : « l’étrange défaite » qui vient

      Pour Marc Bloch, auteur de L’Étrange défaite, la cause de la débâcle de juin 1940 n’était pas seulement militaire mais d’abord politique. De la même façon, le désastre annoncé de printemps 2022 n’est pas seulement de nature électorale. La débâcle de la démocratie se construit depuis des mois par une sorte de capitulation rampante et générale face à l’extrême droite.

      « Un jour viendra, tôt ou tard, où la France verra de nouveau s’épanouir la liberté de pensée et de jugement. Alors les dossiers cachés s’ouvriront ; les brumes, qu’autour du plus atroce effondrement de notre histoire commencent, dès maintenant, à accumuler tantôt l’ignorance et tantôt la mauvaise foi, se lèveront peu à peu . »

      Ainsi s’ouvre L’Étrange défaite écrite par Marc Bloch au lendemain de la capitulation de l’armée française en juin 1940. « À qui la faute ? », se demande-t-il. Quels mécanismes politiques ont conduit à ce désastre et à l’effondrement d’une République ? Si les militaires, et surtout l’état-major, sont aux premières loges des accusés, nul n’échappe à l’implacable regard de l’historien : ni les classes dirigeantes qui ont « préféré Hitler au Front Populaire », ni la presse mensongère, ni le pacifisme munichois, ni la gauche qui n’a pas eu besoin de ses adversaires pour ensevelir ce Front populaire qui fit si peur aux bourgeois.

      Les « brumes », l’aveuglement et la soumission passive aux récits des futurs vainqueurs ont conduit inexorablement à une #capitulation_anticipée. Comment ne pas y reconnaître la logique des moments sombres que nous vivons sidérés.

      La banalisation de la menace factieuse

      Sidérés, nous le sommes à coup sûr quand il faut attendre six jours pour qu’une menace de sédition militaire (http://www.regards.fr/politique/societe/article/lettre-des-generaux-un-texte-seditieux-qui-menace-la-republique) signée le 21 avril 2021 par une vingtaine de généraux en retraite, mais aussi par de nombreux officiers, commence à faire un peu réagir.

      Sidérés, nous le sommes par la légèreté de la réponse gouvernementale. Un tweet de la ministre des Armées (https://www.lemonde.fr/politique/article/2021/04/25/la-gauche-s-insurge-contre-une-tribune-de-militaires-dans-valeurs-actuelles-) ne parle que « d’#irresponsabilité » de « généraux en retraite ». Pour #Florence_Parly le soutien que leur apporte Marine Le Pen « reflète une méconnaissance grave de l’institution militaire, inquiétant pour quelqu’un qui veut devenir cheffe des armées ». N’y aurait-il à voir que de l’irresponsabilité militaire et de l’incompétence politique ?

      Il faut attendre le lundi 26 avril pour que Agnès Runacher secrétaire d’État auprès du ministre de l’Économie et des Finances s’avise (https://www.boursorama.com/actualite-economique/actualites/un-quarteron-de-generaux-en-charentaises-la-tribune-de-militaires-dans-v) que le texte a été publié jour pour jour 60 ans après l’appel des généraux d’Alger. En parlant de « quarteron de généraux en charentaises », elle semble considérer que la simple paraphrase d’une expression de l’allocution de De Gaulle, le 23 avril 1961 suffira à protéger la démocratie. Ce dernier, plus martial, en uniforme, parlait surtout de « putsch » et d’un « groupe d’officiers ambitieux et fanatiques ».

      Sidérés, nous le sommes par le #silence persistant, cinq jours après la publication du texte factieux, de l’essentiel les leaders de la droite, du centre, de la gauche et des écologistes.

      Sidérés, nous sommes encore de l’isolement de ceux qui appellent un chat un chat tels Éric Coquerel, Benoît Hamon ou Jean Luc Mélenchon. Ce dernier rappelle au passage que l’article 413-3 du code pénal prévoit cinq ans d’emprisonnement et 75.000 euros d’amende pour provocation à la désobéissance des militaires.

      Sidérés, nous le sommes enfin, pendant une semaine, de la #banalisation de l’événement par des médias pourtant prompts à se saisir du buzz des « polémiques ». Le 25 avril (https://rmc.bfmtv.com/emission/tribunes-de-militaires-les-gens-n-ont-pas-confiance-dans-les-politiques-m), RMC/BFM, dans les Grandes Gueules, n’hésite pas à présenter l’appel sur fond de Marseillaise, à moquer « la gauche indignée » en citant Jean Luc Mélenchon et Éric Coquerel, et à débattre longuement avec l’initiateur du texte, Jean-Pierre Fabre-Bernadac. Jack Dion, ancien journaliste de L’Humanité (1970-2004), n’hésite pas à écrire (https://www.marianne.net/agora/les-signatures-de-marianne/malgre-ses-relents-putschistes-la-tribune-des-ex-generaux-met-le-doigt-la-) dans Marianne le 28 avril : « Malgré ses relents putschistes, la tribune des ex généraux met le doigt là où ça fait mal. » Il faut croire donc que cet appel factieux et menaçant ne fait pas polémique après l’appel à l’insurrection de Philippe de Villiers dont on oublie qu’il est le frère aîné d’un autre général ambitieux, Pierre de son prénom, chef d’état-major des armées de 2010 à 2017.

      Qui sont donc les ennemis que ces militaires appellent à combattre pour sauver « la Patrie » ? Qui sont les agents du « délitement de la France » ? Le premier ennemi désigné reprend mot pour mot les termes de l’appel des universitaires publié le 1 novembre 2020 sous le titre de « #Manifeste_des_100 » (https://manifestedes90.wixsite.com/monsite) : « un certain antiracisme » qui veut « la guerre raciale » au travers du « racialisme », « l’indigénisme » et les « théories décoloniales ». Le second ennemi est « l’islamisme et les hordes de banlieue » qui veulent soumettre des territoires « à des dogmes contraires à notre constitution ». Le troisième ennemi est constitué par « ces individus infiltrés et encagoulés saccagent des commerces et menacent ces mêmes forces de l’ordre » dont ils veulent faire des « boucs émissaires ».

      Chacune et chacun reconnaîtra facilement les islamo-gauchistes, les séparatistes et les black blocs, ces épouvantails stigmatisés, dénoncés, combattus par le pouvoir comme par une partie de l’opposition. Ce texte a au moins une vertu : il identifie clairement la nature fascisante des diatribes de Jean-Michel Blanquer, Gérald Darmanin ou Frédérique Vidal. Il renvoie à leur responsabilité celles et ceux qui gardent le silence, organisent le débat public autour de ces thématiques sur la scène médiatique, s’abstiennent à l’Assemblée sur des textes de loi à la logique islamophobe – quand ils ne votent pas pour –, signent des tribunes universitaires pour réclamer une police de la pensée. Il renvoie à ses responsabilités le Bureau national du Parti socialiste qui, dans sa résolution du 27 avril (https://partisocialiste92.fr/2021/04/27/resolution-du-bureau-national-a-la-suite-dune-tribune-de-militaire), persiste à affirmer « qu’il serait absurde de chercher à nier ces sujets qui nous font face » comme « ces #minorités_agissantes » qui prônent la « #désaffiliation_républicaine ».

      Baromètre incontesté des dérives intellectuelles, l’omniprésent #Michel_Onfray, aujourd’hui obsédé par la décadence de la France, ne partage-t-il pas le diagnostic des factieux ? Sa sentence du 27 avril dans la matinale d’Europe 1 (https://www.europe1.fr/societe/sur-le-terrorisme-la-parole-presidentielle-est-totalement-devaluee-estime-on), « l’intérêt de l’#islamo-gauchisme est de détruire la nation, la souveraineté nationale, la France, l’histoire de France, tout ce qui constitue la France », est immédiatement reprise par Valeurs actuelles (https://www.valeursactuelles.com/politique/pour-michel-onfray-linteret-de-lislamo-gauchisme-est-de-detruire-l). Quelques jours plus tôt, dans une envolée digne de Gérald Darmanin, il assénait au Point (https://www.lepoint.fr/debats/michel-onfray-on-a-un-seul-probleme-en-france-c-est-que-la-loi-n-est-pas-res) : « On a un seul problème en France, c’est que la loi n’est pas respectée ». Mais de quelle loi parle Michel Onfray quand il ajoute, à propos du verdict en appel du procès des jeunes de Viry-Châtillon : « Il y a des gens à qui on dit : […] peut-être que vous faites partie de ceux qui auraient pu tuer, mais la preuve n’est pas faite, on est pas sûr que c’est vous, allez, vous pouvez rentrer chez vous. L’affaire est terminée pour vous. » Pour Michel Onfray, le scandale n’est pas la mise en accusation délibérée d’innocents par une police en quête désespérée de coupables mais un principe de droit : la présomption d’innocence elle-même !

      La capitulation rampante

      Voilà où nous en sommes. Voilà pourquoi il est pour beaucoup si difficile de se scandaliser d’un appel factieux quand les ennemis désignés sont ceux-là même qui sont désignés à longueur d’antenne et de déclaration politique dans ce désastreux consensus « républicain » réunissant l’extrême droite, la droite et une partie de la gauche.

      Chacune et chacun y va de sa surenchère. #Anne_Hidalgo (https://www.nouvelobs.com/edito/20201125.OBS36577/derriere-la-gueguerre-entre-hidalgo-et-les-ecolos-la-pomme-de-discorde-de) enjoint les Verts « d’être au clair avec la République » à propos de la laïcité alors même que #Yannick_Jadot (https://www.lepoint.fr/politique/loi-contre-le-separatisme-la-gauche-denonce-un-texte-qui-ne-regle-rien-07-02) demande de « sortir de toute naïveté et de toute complaisance », pour « combattre l’islam politique », proposant de « contrôler les financements des associations » et de « renforcer tous les dispositifs sur le contrôle des réseaux sociaux ».

      La discussion et le vote de la loi sur le « séparatisme », puis les débats hallucinants sur l’organisation de « réunions non mixtes » au sein du syndicat étudiant Unef nous en a fourni un florilège. Pour le communiste #Stéphane_Peu (http://www.le-chiffon-rouge-morlaix.fr/2021/02/separatisme-une-loi-equilibree-se-serait-attachee-a-renforc) comme pour le socialiste #Olivier_Faure (https://www.europe1.fr/politique/projet-de-loi-contre-les-separatismes-olivier-faure-craint-une-surenchere-40), la question n’est pas de combattre sur le fond la notion de « #séparatisme » mais de rester dans une « loi équilibrée » qui « renforce la #République » (Peu) et d’éviter « la surenchère » (Faure). L’un comme l’autre et comme nombre de députés de leurs groupes, s’abstiendront lors du vote à l’Assemblée nationale. Seule La France insoumise a sauvé l’honneur et dénoncé, notamment par la voix de #Clémentine_Autain (https://www.lepoint.fr/politique/loi-contre-le-separatisme-la-gauche-denonce-un-texte-qui-ne-regle-rien-07-02) dès le 16 février, une loi qui « ouvre la boîte de Pandore pour des idées qui stigmatisent et chassent les musulmans » et « nous tire vers l’agenda de l’extrême droite ».

      Si le débat parlementaire gomme un peu les aspérités, l’affaire des réunions « non mixtes » au sein de l’Unef est l’occasion d’un déferlement de sincérité imbécile. On n’en attendait pas moins de #Manuel_Valls (https://www.franceinter.fr/emissions/l-invite-de-8h20-le-grand-entretien/l-invite-de-8h20-le-grand-entretien-22-mars-2021) qui s’empresse de poser l’argument clef de la curée : « Les réunions "racialisées" légitiment le concept de race ». Le lendemain #Marine_Le_Pen (https://www.francetvinfo.fr/politique/marine-le-pen/video-il-faut-poursuivre-l-unef-un-syndicat-qui-commet-des-actes-racist) le prend au mot et réclame des poursuites contre ces actes racistes. Anne Hidalgo (https://www.europe1.fr/politique/reunions-non-mixtes-a-lunef-cest-tres-dangereux-juge-anne-hidalgo-4032954) apporte sa voix contre une pratique qu’elle considère comme « très dangereuse » au nom de « ses convictions républicaines ». Olivier Faure (https://www.youtube.com/watch?v=rifRSrm7lpU

      ), moins « équilibré » que sur la loi contre le « séparatisme » renchérit comme « une dérive incroyable ».

      Quelle « dérive » ? Tout simplement « l’idée que sont légitimes à parler du racisme les seules personnes qui en sont victimes », alors que « c’est l’inverse qu’il faut chercher ». Dominés restez à votre place, nous parlerons pour vous ! Aimé Césaire dans sa lettre à Maurice Thorez (https://lmsi.net/Lettre-a-Maurice-Thorez), dénonçait ce qu’il nommait le « #fraternalisme » : « Un grand frère qui, imbu de sa supériorité et sûr de son expérience, vous prend la main pour vous conduire sur la route où il sait se trouver la Raison et le Progrès. » Or, ajoutait-il, « c’est très exactement ce dont nous ne voulons plus » car « nous ne (pouvons) donner à personne délégation pour penser pour nous. »

      Olivier Faure revendique un « #universalisme » que ne renierait pas le candidat communiste à la présidentielle, #Fabien_Roussel pour qui « les réunions segmentées selon la couleur de sa peau, sa religion ou son sexe, ça divise le combat ». Le PCF (https://www.pcf.fr/actualite_derri_re_les_attaques_contre_l_unef_une_d_rive_autoritaire_et_antid_mo) n’hésite pas à défendre en théorie l’Unef tout en se joignant cœur réactionnaire des condamnations de ses pratiques.

      #Audrey_Pulvar (https://www.lci.fr/politique/demander-a-une-personne-blanche-de-se-taire-dans-une-reunion-non-mixte-pulvar-cr) cherchant peut-être un compromis dans la présence maintenue mais silencieuse d’un blanc dans une réunion de personnes racisées, se prend une volée de bois vert du chœur des bonnes âmes universalistes. La « dilution dans l’universel » est bien « une façon de se perdre » comme l’écrivait encore Aimé Césaire en 1956.

      Ce chœur hystérisé, rien ne le fera taire, ni le rappel élémentaire d’#Eric_Coquerel (https://www.facebook.com/watch/?v=773978356575699) que les #groupes_de_parole sont « vieux comme le monde, comme le mouvement féministe, comme les alcooliques anonymes », ni la prise du conscience de l’énormité morale, politique et juridique des positions prises ainsi dans une émotion révélatrice.

      Refuser de comprendre que la parole des dominées et dominés a besoin de se constituer à l’abri des dominants, c’est nier, de fait, la #domination. Ce déni de la domination, et de sa #violence, est une violence supplémentaire infligée à celles et ceux qui la subissent.

      Au passage, une partie de la gauche a par ailleurs perdu un repère simple en matière de liberté : la liberté de réunion est la liberté de réunion. Elle n’est plus une liberté si elle est sous condition de surveillance par une présence « hétérogène ». À quand les réunions de salariés avec présence obligatoire du patron ? Les réunions de femmes avec présence obligatoire d’un homme ? Les réunions d’étudiants avec présence obligatoire d’un professeur ? Les réunions de locataires avec présence obligatoire du bailleur ? Les réunions d’antiracistes avec présence obligatoire d’un raciste ?

      Ces héritiers et héritières d’une longue tradition politique liée aux luttes sociales révèle ainsi leur déconnexion avec les mobilisation d’aujourd’hui, celles qui de #MeToo à Black Lives Matter ébranlent le monde et nous interrogent sur quelle humanité nous voulons être au moment où notre survie est officiellement en question. Ces mouvements de fond martèlent, 74 ans après Aimé Césaire, que « l’heure de nous-mêmes a sonné. »

      Nul doute, hélas, que ce qui fait ainsi dériver des femmes et des hommes issus de la #gauche, c’est le poids pas toujours avoué, mais prégnant et souvent irrationnel, de l’#islamophobie. Cette adhésion générale à un complotisme d’État (https://blogs.mediapart.fr/alain-bertho/blog/041220/l-etat-t-il-le-monopole-du-complotisme-legitime) touche plus fortement les espaces partisans, voire universitaires, que le monde associatif. On a pu le constater lors de la dissolution du #Collectif_contre_l’islamophobie_en_France (#CCIF) fin 2020 quand la fermeté les protestations de la Ligue des droits de l’Homme (https://blogs.mediapart.fr/gabas/blog/031220/ldh-dissolution-politique-du-ccif) ou d’Amnesty international (https://www.amnesty.fr/presse/france-la-fermeture-dune-association-antiraciste-e) n’a eu d’égale que la discrétion de la gauche politique. La palme du mois d’avril revient sans conteste à #Caroline_Fourest (https://twitter.com/i/status/1384567288922259467) qui lors du lancement des États Généraux de la Laïcité a pu déclarer sans frémir que « ce mot islamophobie a tué les dessinateurs de Charlie Hebdo et il a tué le professeur Samuel Paty ».

      Oui voilà ou nous en sommes. La menace d’une victoire du #Rassemblement_national ne se lit pas que dans les sondages. Elle se lit dans les #renoncements. Elle s’enracine dans la banalisation voire le partage de ses thématiques disciplinaires, de ses émotions islamophobes, de son vocabulaire même.

      L’évitement politique du réel

      Il faut vraiment vivre dans une bulle, au rythme de réseaux sociaux hégémonisés par l’extrême droite, loin des réalités des quartiers populaires, pour considérer que l’islam et les réunions non mixtes sont les causes premières du délitement des relations collectives et politiques dans ce pays.

      Quelle République, quelle démocratie, quelle liberté défend-on ici avec ces passions tristes ? Depuis plus d’un an, la réponse gouvernementale à l’épreuve sanitaire les a réduites à l’état de fantômes. L’#état_d’urgence sanitaire est reconduit de vague en vague de contamination. Notre vie est bornée par des contrôles, des interdictions et des attestations. Les décisions qui la règlent sont prises par quelques-uns dans le secret délibératif d’un Conseil de défense. Nous vivons suspendus aux annonces du président et de quelques ministres et, de plus de plus en plus, du président seul, autoproclamé expert omniscient en gestion de pandémie. Nous n’avons plus prise sur notre vie sociale, sur nos horaires, sur notre agenda, sur notre avenir même très proche. Nous n’avons plus de lieu de délibération, ces lieux qui des clubs révolutionnaires de 1789 aux ronds-points des gilets jaunes, en passant par la Place Tahrir et la Puerta Del Sol en 2011 sont l’ADN de la #démocratie.

      La violence de la menace létale mondiale que font peser sur nous le Covid et ses variants successifs nous fait espérer que cette épreuve prendra fin, que la parenthèse se refermera. Comme dans une période de guerre (https://www.mediapart.fr/journal/culture-idees/070221/stephane-audoin-rouzeau-nous-traversons-l-experience-la-plus-tragique-depu), cet espoir toujours déçu se renouvelle sans fin à chaque annonce moins pessimiste, à chaque communication gouvernementale sur les terrasses jusqu’à la déception suivante. Cette #précarité sans fin est un obstacle collectif à la #résistance_démocratique, à la critique sociale, idéologique et opératoire de cette période qui s’ouvre et sera sans doute durable. C’est bien dans ce manque politique douloureux que s’engouffrent tous les complotismes de Q-Anon à l’islamophobie d’État.

      Depuis le printemps 2020 (www.regards.fr/politique/societe/article/covid-19-un-an-deja-chronique-d-une-democratie-desarticulee), les partis d’opposition ont cessé d’être dans l’élaboration et la proposition politique en lien avec la situation sanitaire. Le monologue du pouvoir ne provoque plus sporadiquement que des réactions, jamais d’alternative stratégique ni sur la réponse hospitalière, ni sur la stratégie vaccinale, ni sur l’agenda des restrictions sociales. Même l’absence de publication, des semaines durant début 2021, des avis du Conseil scientifique n’émeut pas des politiques beaucoup plus préoccupés par les réunions non mixtes à l’Unef.

      Attac (https://france.attac.org/spip.php?page=recherche&recherche=covid) n’est pas beaucoup plus proactif malgré la publication sur son site en novembre 2020 d’un texte tout à fait pertinent de Jacques Testard sur la #démocratie_sanitaire. En général les think tanks sont plutôt discrets. L’Institut Montaigne est silencieux sur la stratégie sanitaire tout comme la Fondation Copernic qui n’y voit pas l’occasion de « mettre à l’endroit ce que le libéralisme fait fonctionner à l’envers ». Si le think tank Économie Santé des Échos déplore le manque de vision stratégique sanitaire, seule Terra Nova semble avoir engagé un véritable travail : une cinquantaine de contributions (https://tnova.fr/ckeditor_assets/attachments/218/terra-nova_dossier-de-presse_cycle-coronavirus-regards-sur-une-crise_2020.pdf), des propositions (https://tnova.fr/revues/covid-19-le-think-tank-terra-nova-fait-des-propositions-pour-limiter-les-conta) sur l’organisation de la rentrée scolaire du 26 avril 2021, des propositions sur la stratégie vaccinale…

      Pourquoi cette #inertie_collective sur les choix stratégiques ? Ce ne sont pas les sujets qui manquent tant la stratégie gouvernementale ressemble à tout sauf à une stratégie sanitaire. Sur le fond, aucun débat n’est ouvert sur le choix entre stratégie de cohabitation avec la maladie ou d’éradication virale. Ce débat aurait eu le mérite d’éclairer les incohérences gouvernementales comme la communication sur le « tester/tracer/isoler » de 2020 qui n’a été suivie d’aucun moyen opérationnel et humain nécessaire à sa mise en œuvre. Il aurait permis de discuter une stratégie vaccinale entièrement fondée sur l’âge (et donc la pression hospitalière) et non sur la circulation active du virus et la protection des métiers à risque. Cette stratégie a fait battre des records vaccinaux dans des territoires aux risques faibles et laissé à l’abandon les territoires les plus touchés par la surmortalité comme la Seine-Saint-Denis.

      Pourquoi cette inertie collective sur la démocratie sanitaire ? Les appels dans ce sens n’ont pourtant pas manqué à commencé par les recommandations du Conseil Scientifique dès mars 2020 : le texte de Jacques Testard (https://france.attac.org/nos-publications/les-possibles/numero-25-automne-2020/debats/article/la-covid-la-science-et-le-citoyen), un article de The Conversation (https://theconversation.com/debat-quelles-lecons-de-democratie-tirer-de-la-pandemie-140157) au mois de juin 2020, l’excellent « tract » de #Barbara_Stiegler, De la démocratie en pandémie, paru chez Gallimard en janvier 2021 et assez bien relayé. Des propositions, voire des expérimentations, en termes de délibération et de construction collective des mesures sanitaires territorialisées, des contre expertises nationales basées sur des avis scientifiques et une mobilisation populaire auraient sans doute mobilisé de façon positive la polyphonie des exaspérations. On a préféré laisser réprimer la mobilisation lycéenne (https://blogs.mediapart.fr/alain-bertho/blog/181120/sommes-nous-aux-portes-de-la-nuit) pour de vraies mesures sanitaires en novembre 2020.

      Bref la construction de masse d’une alternative à l’incapacité autoritaire du pouvoir aurait pu, pourrait encore donner corps et usage à la démocratie, aujourd’hui désarticulée (https://blogs.mediapart.fr/alain-bertho/blog/160321/covid-un-deja-chronique-d-une-democratie-desarticulee), qu’il nous faut essayer de défendre, pourrait incarner la République dans des exigences sociales et une puissance populaire sans lesquelles elle risque toujours de n’être qu’un discours de domination.

      Une autre élection est-elle encore possible ?

      Entre cet étouffement démocratique de masse et l’immensité des choix de société suggérés au quotidien par la crise sanitaire, le grain à moudre ne manque pas pour des courants politiques héritiers d’une tradition émancipatrice. Leur responsabilité est immense quand l’humanité est mise au pied du mur de sa survie et de l’idée qu’elle se fait d’elle-même. Mais ces partis préfèrent eux aussi considérer la situation sanitaire comme une simple parenthèse à refermer, se projetant sur les échéances de 2022 comme pour oublier 2020 et 2021. Il est ahurissant de penser que, après 14 mois de pandémie, la politique sanitaire ne soit pas au centre des élections territoriales de ce printemps, sinon pour une question d’agenda.

      En « rêvant d’une autre élection » comme d’autres ont rêvé d’un autre monde, la gauche permet tout simplement au président en exercice de s’exonérer de son bilan dramatique : un système de santé et des soignantes et soignants mis en surchauffe des mois durant, une mise en suspens de milliers de soins parfois urgents, des dizaines de milliers de Covid longs, plus de 100.000 morts, des territoires et des populations délibérément sacrifiés, des inégalités devant la mort et la maladie largement calquées sur les inégalités sociales et les discriminations, une vie sociale dévastée, une démocratie en miettes, une faillite biopolitique structurelle.

      Comment lui en faire porter la responsabilité si on ne peut lui opposer aucune alternative ? Le pouvoir s’en réjouit d’avance et, renversant la charge de la preuve, semaine après semaine, somme chacune et chacun de présenter un bilan sur l’agenda qu’il déroule sans rencontrer beaucoup de résistance : les politiques sécuritaires et l’islamophobie d’État. Or, ce concours électoraliste du prix de la « laïcité », de la condamnation de l’islamisme, de la condamnation des formes contemporaines de lutte contre les discriminations, nous savons qui en sera la championne incontestée : elle en maîtrise à merveille les thématiques, le vocabulaire comme la véhémence.

      Voici ce que les sondages, jour après jour, mesurent et nous rappellent. Dans ces conditions, l’absence de dynamique unitaire à gauche n’est pas la cause de la défaite annoncée, elle est déjà le résultat d’une perte majoritaire de boussole politique, le résultat d’une sorte d’évitement du réel, le résultat d’un abandon.

      « L’étrange défaite » de juin 1940 a pris racine dans le ralliement des classes dirigeantes à la nécessité d’un pouvoir policier et discriminatoire. Nous y sommes. « L’étrange défaite » s’est nourrie de la pusillanimité d’une gauche désertant les vrais combats pour la démocratie, de la défense de l’Espagne républicaine au barrage contre un racisme aussi déchaîné qu’expiatoire. Nous y sommes sur les enjeux de notre temps. « L’étrange défaite » a été la fille du consensus munichois et de la capitulation anticipée. Nous y sommes. « L’étrange défaite » a été suivie de la mort d’une République. L’appel militaire du 21 avril en fait planer la menace.

      À l’exceptionnalité de la période traumatique qui bouleverse depuis 14 mois en profondeur nos repères politiques, sociaux et vitaux, s’ajoute l’exceptionnalité de l’échéance institutionnelle du printemps 2022. Il est dérisoire d’y voir la énième occasion de porter un message minoritaire, dérisoire de donner le spectacle d’une querelle d’egos, dérisoire de jouer à qui sera responsable de la défaite. Le salut ne sera pas dans un compromis défensif sans principe mais dans un sursaut collectif d’ambition.

      Il est temps de prendre la mesure du temps que nous vivons, car il est toujours temps de résister. Comme concluait Marc Bloch en septembre 1940, « peut-être est-ce une bonne chose d’être ainsi contraints de travailler dans la rage », car « est-ce à des soldats qu’il faut, sur un champ de bataille, conseiller la peur de l’aventure ? » Il ajoutait que « notre peuple mérite qu’on se fie à lui et qu’on le mette dans la confidence ».

      http://www.regards.fr/idees-culture/article/2022-l-etrange-defaite-qui-vient
      #non-mixité

  • Comment les militants décoloniaux prennent le pouvoir dans les universités

    Au lieu de lutter contre l’influence grandissante du #décolonialisme dans l’#enseignement_supérieur et la recherche, le gouvernement vient de faire adopter une #loi qui la favorise, s’alarment.

    Le modèle de formation des « #élites » ne passe plus, tant s’en faut, par les universités. Les meilleurs étudiants qui fréquentent les #classes_préparatoires dans des établissements du secondaire ne rencontrent plus les chercheurs de nos laboratoires. Ces établissements sont affranchis des équivalences que pilotait naguère la seule université. Un élève redoublant sa khâgne obtient aujourd’hui sa licence par décision du conseil de classe. Des écoles centrales, des écoles d’ingénieurs, des écoles nationales supérieures et des instituts peuvent désormais délivrer un doctorat en parallèle des universités. Des organismes para-universitaires « partenaires » , les Instituts nationaux supérieurs du professorat et de l’éducation (INSPE) contrôlent la formation des enseignants. L’université est donc dorénavant dépouillée de sa prérogative : la certification du diplôme, qu’elle partage avec des institutions concurrentes.

    Affaiblie, l’université a vu de surcroît son mode de gouvernance changer. Le « management par délégation de responsabilité » , une méthode organisationnelle qui fait peser sur les subordonnés les conséquences des orientations de la hiérarchie en laissant l’illusion de partager ses choix, y est désormais implanté « top-down » , des institutions de l’Union européenne au laboratoire universitaire. Ses ravages dans le milieu hospitalier dont tout le monde constate aujourd’hui l’ampleur sont identiques dans l’enseignement supérieur.

    Or la recherche est un enjeu national qui pourrait être planifié par les pouvoirs publics. Ce n’est pourtant pas le cas : les orientations stratégiques sont promues par des incitations financières à répondre à des projets dont les cadres sont préconçus par les institutions de l’Union européenne. Et celles-ci, comme l’a récemment montré notre collègue #Bernard_Rougier dans Le Point , utilisent ce moyen « pour imposer un #modèle_multiculturel » . Les financements s’obtiennent au final en s’inscrivant dans ces cadres qui, en #sciences_humaines, font la part belle à l’#inclusivisme et aux #théories_décoloniales.

    On a assisté, parallèlement, à un démantèlement des filières de validation scientifique classiques au profit de logiques d’évaluation et de « reporting » menées par des comités anonymes. C’était ouvrir la porte à toutes les demandes sociales ou politiques qui deviennent le critère principal des gestionnaires des établissements d’enseignement supérieur cherchant à flatter les responsables publics. On obtient alors à l’université une synthèse du pire de ce que peuvent produire la planification bureaucratique et le management capitaliste.

    Dans ce contexte, nous avons alerté dans une tribune collective sur la montée du #mouvement_décolonial dans les établissements d’enseignement supérieur. À la faveur du délitement de nos missions, des chercheurs militants, confondant #propagande et #recherche, ont investi le monde académique et procèdent à une occupation méthodique des postes-clés : élections de présidents et des conseils universitaires, commission de recrutements pour la cooptation des jeunes maîtres de conférences et recrutements de vacataires ou d’allocataires de bourses de thèses. Ces derniers sont contraints de suivre un mouvement qui leur promet la sortie de la précarité à laquelle ils se croient condamnés.

    La #précarité des postes est une réalité qui pèse lourdement sur les orientations scientifiques puisqu’elle transforme des fonctions indépendantes en missions ponctuelles. Au plan national, dans le supérieur, le taux de contractualisation des emplois administratifs est de 38,8 % du total des postes (filière BIATSS). Ces agents ont une mission capitale : ils sont responsables des aspects financiers du fonctionnement des composantes des universités. C’est le nerf de la guerre. Et une part non négligeable de ces recrutements temporaires est liée aux orientations du cadre européen imposant aux laboratoires universitaires leur mode de fonctionnement et leurs finalités.

    Le domaine de l’enseignement n’est pas épargné. La carrière du chercheur libre au service de l’État-stratège est devenue un Graal inaccessible : songeons que l’âge moyen d’entrée dans la carrière est aujourd’hui de 33 ans ; l’âge de soutenance de thèse est de 29 ans. Conséquence ? La précarisation des emplois va grandissant et la stabilité des équipes de recherche est remise en cause.

    À cette situation financière peu favorable au développement d’une recherche de long terme s’ajoute une mécanique électorale clientéliste : à l’université, que l’on soit précaire ou titulaire, on vote tout le temps. Et on ne vote pas pour un représentant, comme c’est d’ordinaire la règle, mais pour un chef de service susceptible d’accorder emplois, primes et augmentations. Pour ceux qui ne rentrent pas dans cette logique, des phénomènes de censure, d’intimidation, de discrimination politique ont été instaurés, créant ainsi des clivages inédits qui forcent des jeunes doctorants à un alignement idéologique sur des courants politiques légitimés par le nombre d’obligés et de vacataires recrutés, autant dire leur armée.

    C’est dans ce contexte qu’intervient la promotion de la #loi_de_programmation_de_la_recherche (#LPR) élaborée par le gouvernement et adoptée par le Parlement fin décembre au terme de la procédure accélérée (ce qui n’est pas anodin). La loi consiste entre autres à supprimer l’étape de « qualifications nationales » pour les professeurs. Aujourd’hui, les recrutements des chercheurs sont conditionnés par l’examen devant le Conseil national des universités (CNU). Bien qu’étant très loin d’être parfait, ce mécanisme assurait le développement national et homogène de l’institution. Ce ne sera désormais plus le cas. L’étape de la vérification de la qualité des travaux des candidats par le Conseil national des universités est supprimée et les recrutements directs des professeurs par les universités sont autorisés.

    Les militants du #décolonialisme et de l’#intersectionnalité seront dorénavant libres de poursuivre leur entreprise d’accaparement de l’université au gré de politiques universitaires locales. Pour répondre à de pseudo-besoins territoriaux - en réalité politiques - ou favoriser l’implantation de filières présumées « innovantes » , les présidences clientélistes de certaines universités pourront, sans rendre aucun compte, favoriser cette orientation.

    Une telle évolution fait peser en outre une menace non négligeable sur le recrutement des professeurs de l’enseignement secondaire de demain. Car n’oublions pas qu’un étudiant de 2021 sera un professeur certifié en 2025. Si son cursus de formation n’est plus harmonisé ou n’est plus composé que d’#études_décoloniales, qu’enseignera-t-il demain en classe à des collégiens et des lycéens ?

    En lançant l’#Observatoire_du_décolonialisme_et_des_idéologies_identitaires, nous appelons à mettre un terme à l’embrigadement de la recherche et de la transmission des savoirs. Dans ce cadre, nous dénonçons la loi de programmation de la recherche (LPR) qui donne des marges de manoeuvre inédites aux ennemis de l’universalisme.

    * Samuel Mayol est maître de conférences en sciences de gestion. Xavier-Laurent Salvador, agrégé de lettres modernes, est maître de conférences en langue et littérature médiévales. L’Observatoire du décolonialisme et des idéologies identitaires dispose d’un site internet : decolonialisme.fr

    Des chercheurs militants, confondant propagande et recherche, ont investi le monde académique et procèdent à une occupation méthodique des postes-clés

    https://www.lefigaro.fr/vox/societe/comment-les-militants-decoloniaux-prennent-le-pouvoir-dans-les-universites-
    #ESR #université #facs #France

    Quelques extraits, de vraies perles...

    Les militants du #décolonialisme et de l’#intersectionnalité seront dorénavant libres de poursuivre leur entreprise d’accaparement de l’université au gré de politiques universitaires locales.

    Si son cursus de formation n’est plus harmonisé ou n’est plus composé que d’#études_décoloniales, qu’enseignera-t-il demain en classe à des collégiens et des lycéens ?

    En lançant l’#Observatoire_du_décolonialisme_et_des_idéologies_identitaires, nous appelons à mettre un terme à l’embrigadement de la recherche et de la transmission des savoirs.

    –—
    ajouté au fil de discussion sur le #séparatisme et autre dérives...
    https://seenthis.net/messages/884291

    ping @isskein @cede @karine4

    • L’#Observatoire_du_décolonialisme_et_des_idéologies_identitaires

      Ce site propose un regard critique, tantôt profond et parfois humoristique, sur l’émergence d’une nouvelle tendance de l’Université et de la Recherche visant à « décoloniser » les sciences qui s’enseignent. Il dénonce la déconstruction revendiquée visant à présenter des Institutions (la langue, l’école, la République, la laïcité) comme les entraves des individus. Le lecteur trouvera outre une série d’analyses et de critiques, une base de données de textes décoloniaux interrogeable en ligne, un générateur de titre de thèses automatique à partir de formes de titres, des liens d’actualités et des données sur la question et un lexique humoristique des notions-clés.

      Cet observatoire n’a pas pour but de militer, ni de prendre des positions politiques. Il a pour but d’observer et d’aider à comprendre, à lire la production littéraire, scientifique et éditoriale des études en sciences humaines ou prétendument scientifiques orientées vers le décolonialisme. Il veut surtout aider à comprendre la limite entre science et propagande.

      L’équipe :


      http://decolonialisme.fr

    • La gauche sans les minorités. Réflexions à partir de S. Beaud et G. Noiriel : « L’article de S. Beaud et G. Noiriel est problématique tant dans l’analyse des phénomènes de racialisation qu’il propose que dans les conséquences stratégiques qu’ils en tirent. La gauche ne se reconstruira pas à partir de diagnostics approximatifs. Les coalitions qu’ont construit les mouvements antiracistes ces dernières années, comme certaines données électorales tracent une autre voie. » https://blogs.mediapart.fr/julien-talpin/blog/080121/la-gauche-sans-les-minorites-reflexions-partir-de-s-beaud-et-g-noiri ...

    • À propos de Beaud et Noiriel : l’enfermement identitaire n’est pas le lot de quelques-uns
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      Beaud et Noiriel n’aiment pas « la racialisation du discours public », dans lequel ils voient un effet de « l’américanisation de notre vie publique ». Elle installerait une frange importante de la population dans un « enfermement identitaire ». Elle contredirait ainsi la construction nécessaire d’alliances politiques autour de la question sociale, seule à même selon eux de rassembler les catégories populaires au lieu de les diviser. Les identités raciales, ajoutent-ils, ne sont qu’une illusion et la marque d’un oubli : « La classe sociale d’appartenance [reste] le facteur déterminant autour duquel s’arriment les autres dimensions de l’identité des personnes ».

      LIRE AUSSI SUR REGARDS.FR
      >> Crise de légitimité, colères sociales et stratégie macronienne de la muleta

      On ne juge pas d’un livre à partir de quelques pages. Celles qui sont proposées semblent toutefois très problématiques, d’autant plus qu’elles ne font que reprendre un vieux débat, celui qui oppose depuis quelques décennies l’attention au « social » et la préoccupation du « sociétal ». Ce débat est tout aussi improductif aujourd’hui qu’il l’était naguère.
      L’imaginaire et le réel

      La réflexion de nos deux auteurs procède d’un syllogisme. La « classe » est du côté de la réalité objective, la « race » est du côté de la représentation, donc de l’imaginaire ou de l’illusion. Or on ne peut fonder une visée politique critique sur une abstraction. S’il faut penser une « identité des personnes », il faut donc l’appuyer sur une identité de classe et non de race.

      Il est vrai que la notion de race s’expose toujours aux belles démonstrations de Claude Lévi-Strauss expliquant naguère que la race humaine n’existait pas au sens biologique du terme. Pourtant, si la race n’existe pas… elle n’en tue pas moins [1]. La race est une idée sans base matérielle biologique ; mais la racialisation qui la met au cœur de son projet est une force matérielle propulsive et pas seulement une idée.

      Or cette racialisation n’est pas le fruit de « l’américanisation ». Elle est une réalité inscrite dans une histoire qui est d’abord nationale. N’avons-nous pas le triste privilège d’avoir enfanté la première Bible du racisme théorique, avec le désolant auteur de l’Essai sur l’inégalité des races humaines, Arthur de Gobineau (1853) ? Et c’est bien chez nous qu’une longue acculturation nourrie par le fait colonial a produit ce qui n’est pas seulement un impensé, mais une pratique incessante de la discrimination, fonctionnant avant tout au faciès. Les médias possédés par « les entreprises américaines mondialisées » ont bon dos, pour disculper nos propres dominants et ceux qui les soutiennent. Il est tellement facile d’expliquer que c’est la faute aux autres…

      Tout mouvement qui se dresse, en totalité ou en partie, contre l’iniquité, la violence et la discrimination produite par le capitalisme dominant devrait être tenu pour légitime. Mais aucun mouvement n’est à l’abri d’évolutions qui, à l’arrivée, pourraient contredire l’objectif fondamental d’égalité et de liberté. L’enfermement identitaire est alors tout aussi meurtrier que l’indifférenciation, celle qui place tout combat particulier sous l’égide d’une norme présumée majoritaire.

      D’un autre côté, on peut mettre en doute l’idée que la seule réalité sociale est celle de la classe. Beaud et Noiriel savent bien que la classe est un rapport social, donc une construction historique et pas un matériau préexistant. À proprement parler, l’existence des classes ne précède pas celle de la lutte des classes : c’est au contraire la lutte elle-même qui les constituent, les font… et les défont.

      C’est par leur mise en mouvement et l’expérience de leurs conflits que les ouvriers, dispersés par leurs lieux, leurs statuts et leurs sociabilités, ont façonné leur conscience d’eux-mêmes, qu’ils ont ont défini leur rapport à la société qui les enserre et qu’ils se sont institués en classe s’affirmant en tant que telle. « Au début était la classe » : laissons cela à la légende…

      L’identité de la classe « objective » est une abstraction. La classe est un tout historique dans lequel s’entremêlent, de façon mouvante, de l’objectif et du subjectif, des positions sociales – définies par un classement – des pratiques organisées et des représentations qui deviennent des moteurs pour l’action. La classe est une réalité ; elle n’est toutefois pas une « chose », un objet qu’il suffit de catégoriser, de mesurer et de décrire.
      Réunir les catégories populaires dispersée

      Où en est-on aujourd’hui ? Les catégories populaires forment toujours l’ossature des sociétés. Mais l’unification relative qui a marqué l’histoire ouvrière sur deux siècles a laissé la place à une nouvelle dispersion. Le mouvement ouvrier a perdu de son souffle et le peuple n’a plus de groupe central. L’enjeu est, à nouveau, de réunir ce qui ne l’est pas.

      Le kaléidoscope social contemporain est le produit des logiques qui régissent l’organisation sociale. Elles sont connues depuis longtemps : exploitation, domination, aliénation, discrimination forment un tout, réuni par le modèle capitaliste de production et de distribution des ressources, matérielles comme symboliques. Les contours de celles et ceux que l’on peut rassembler en découlent : exploité-e-s, dominé-e-s, dépossédé-e-s, discriminé-e-s constituent l’univers des classes dites « subalternes ».

      Selon les moments, c’est un aspect ou un autre de la position subalterne qui crée le besoin de relever la tête, de se rassembler et d’agir. Quand le groupe ouvrier était en expansion spectaculaire, on pouvait penser que la question sociale du salariat était celle autour de laquelle tout pouvait se penser et se construire. Cette question n’a pas perdu de son acuité ; mais elle n’est plus la source unique ni même principale de l’engagement. Chaque espace de contestation devrait donc être considéré dans son égale dignité. Dans l’univers pluriel du peuple « sociologique », il n’y a pas de groupe central autour duquel tous les autres pourraient se rassembler. Dans le paysage foisonnant des luttes contemporaines, il est hasardeux d’assigner à chacune sa place dans une hiérarchie immuable.

      Traitant des mouvements réputés « identitaires » ou « minoritaires », Beaud et Noiriel évoquent l’importance de la dialectique du « eux » et du « nous » dans leur fonctionnement mental. Ils en perçoivent les limites ; il est dommage qu’ils n’étendent pas la critique à la totalité des champs de la lutte sociale.
      L’enfermement identitaire ne menace pas que les « minoritaires »…

      Il est vrai que l’affirmation de soi par la différence avec autrui est un facteur premier de conscience commune pour un groupe social. Les historiens savent depuis longtemps que la dynamique du « eux » et « nous » est un marqueur symbolique puissant, qui a fonctionné dans l’histoire ouvrière. Mais on sait aussi que le « eux-nous » a ses limites. La désignation de l’adversaire sous la forme indistincte du « eux » pousse à condamner le responsable et pas toujours la logique sociale qui produit la séparation de l’exploiteur et de l’exploité, du dominant et du dominé, du haut et du bas. Quand la complexification de la vie sociale rend plus difficile la désignation des responsables particuliers, la tentation est grande de désigner du doigt le bouc émissaire, que l’on va chercher du côté du plus familier. Ce sont ces raccourcis qui, couplés à la montée du ressentiment, forment aujourd’hui le socle des dérives autoritaires érodant toute dynamique démocratique. De ce point de vue, la survalorisation du « social » n’est pas une garantie : la défense des « petits » n’est-elle pas un cheval de bataille de l’extrême droite ?

      Plus fondamentalement, le « eux-nous » est opérationnel tant qu’il s’agit de penser un groupe dans sa dynamique spécifique : « nous » les ouvriers, par exemple. Mais il perd de sa force, quand l’enjeu n’est plus la reconnaissance du groupe par ses propres membres, mais par la société tout entière. Alors, l’objectif n’est plus seulement d’exalter une différence, mais de montrer en quoi la dignité reconnue d’une catégorie sociale est une chance pour la société elle-même.

      Dans ce moment-là, y a-t-il un risque d’« enfermement identitaire » ? Incontestablement, oui. Mais ce risque n’est pas propre aux mouvements « racialisés » ou minoritaires ; il peut toucher les mouvements « sociaux », quand bien même ils seraient numériquement dominants. Le mouvement ouvrier n’a pas été épargné par sa propre variante identitaire, cet « ouvriérisme » dont, fort heureusement, le socialisme historique et le communisme français du XXème siècle se sont globalement gardés. Et si l’on considère un mouvement récent, comme celui des Gilets jaunes, il serait bien imprudent d’affirmer qu’il n’a pas été atteint, au moins en partie, par les globalisations dangereuses du « eux » et « nous », du « peuple » et de « l’élite », mêlant ainsi l’exigence juste de démocratie citoyenne active et les rideaux de fumée du « tous pourris ».

      Il est décidément trop commode d’opposer le mouvement pur de toute dérive que serait le mouvement basé sur le « social » et celui qui, parce qu’il ne porterait pas sur le rapport d’exploitation, serait voué à l’enfermement identitaire et à l’éternelle minorité. Tout mouvement critique conscient devrait à la fois cultiver sa spécificité, affirmer sa légitimité et se garder du piège de l’identité. Tout individu a besoin de se définir par ses appartenances ; on court grand risque, néanmoins, à faire de l’une d’entre elles, sociale, religieuse, raciale ou ethnique et culturelle, un absolu qui tracerait une frontière indépassable entre les « identités ». Reconnaître le droit à l’identification n’est pas se soumettre au culte des identités.
      Le clivage du « social » et de « l’identitaire » est un piège

      À l’encontre de la primauté supposée du « social », on affirmera ici une autre piste de réflexion.

      1. Les inégalités et les discriminations forment un tout indissociable. Parce que nos sociétés sont plus polarisées que jamais, elles nourrissent la tentation de légitimer la mise à l’écart : le non-civilisé, le barbare, le sauvage, l’autre, l’étranger, l’immigré, le non-national sont alors les boucs émissaires idéaux. L’incertitude extrême du temps et l’instabilité planétaire exacerbent en outre l’obsession de la protection : nos identités menacées devraient être défendues.

      Lutter contre les inégalités et agir contre les discriminations, sans établir une hiérarchie entre elles, sont deux faces d’un même combat. Tout engagement critique a son versant positif : on se bat contre les inégalités et les discriminations, parce que l’on croit nécessaires et possibles l’égalité et la dignité. Le tracé de frontières entre les luttes est en ce sens une impasse. Un mouvement qui se dresse contre la subordination sociale des individus et des groupes n’est ni « social » ni « sociétal » ni « identitaire » en soi. À un moment ou à un autre, son horizon peut conduire le regard vers une société où l’égalité et la dignité sont réunies par une même logique d’émancipation individuelle et collective.

      Abandonnons les lubies du « fondamental » et du « secondaire ». Chaque lutte contre un effet de l’ordre-désordre social participe à sa façon d’un combat de société : contre un modèle dominant de société, pour une autre conception de ce qui fait société…

      2. On ne lira pas les pages nouvelles du combat émancipateur avec les lunettes du passé et la nostalgie est en cela tout aussi dangereuse que les certitudes faciles de l’oubli. Il ne sert à rien de rêver des identités perdues, de la classe ouvrière abandonnée et du mouvement ouvrier à rebâtir. Le point de départ de la réflexion politique alternative devrait être dans l’observation attentive des mouvements critiques tels qu’ils sont. Or, sur ce point, rien ne serait pire que de délégitimer tel ou tel combat, ou à l’inverse de décerner des brevets de légitimité « anti-système ». Les mobilisations autour du climat, contre les violences faites aux femmes, contre le racisme, l’antisémitisme et l’islamophobie, les mouvements des précaires, les défilés contre les projets de réforme des retraites, les manifestations des Gilet jaunes, les courants anti-consuméristes, les essais d’organisation alternative du travail et de la vie sociale…

      En bref, les traces persistantes du mouvement ouvrier et les pousses nouvelles de la contestation participent du grand rêve de l’émancipation humaine. Ce sont ces mouvements – au pluriel – qui sont le terreau de toute construction future. Que le point de départ du combat « anti-systémique » soit la position sociale, le mal-vivre, la mise à l’écart des femmes, l’angoisse de l’implosion climatique, les valeurs humanistes, la passion altermondialiste, le refus des discriminations ou la peur du fascisme : tout cela importe peu. Seule compte la mise en mouvement…

      3. La juxtaposition des mouvements ne suffit pourtant pas à en faire une force agissante. L’idée grandit, sous bien des appellations (convergence, coordination, fédération, intersectionnalité…) qu’il est nécessaire de passer de l’addition simple à la mise en commun. Des formes de rapprochement se sont esquissées, dans la dernière période, il est vrai pour l’instant à la marge. Mais, en dehors du récit libéral-autoritaire de l’extrême centre et du récit autoritaire et excluant de l’extrême droite, il n’y a pas de grand récit unificateur apte à rassembler une majorité populaire portée vers l’émancipation. Dès lors, les classes populaires apparaissent sous la forme d’une multitude qui lutte, séparément ou pas, contre ce qui la meurtrit ; elles ne constituent pas pour autant un peuple en mesure de maîtriser politiquement son destin. La question est donc posée, en termes nouveaux, du « bloc historique », indissociablement social, politique et symbolique, qui portera l’exigence d’autres modèles sociaux et cela jusque dans les institutions.

      Ce récit et ce bloc n’ont aucune chance d’émerger et de s’imposer, si le préalable est de séparer le bon grain et l’ivraie, le mouvement légitime et celui qui ne l’est pas. Tout mouvement qui se dresse, en totalité ou en partie, contre l’iniquité, la violence et la discrimination produite par le capitalisme dominant mérite d’être pris en considération. Mais aucun mouvement n’est à l’abri d’évolutions qui, à l’arrivée, pourraient contredire l’objectif fondamental d’égalité, de liberté et de solidarité. L’enfermement identitaire est alors tout aussi meurtrier que l’indifférenciation, celle qui place tout combat particulier sous l’égide d’une norme présumée majoritaire.

      La légitimité et la part de risque valent pour chaque composante, et pas pour quelques-unes d’entre elles. Nul ne peut être écarté du grand œuvre ; nul ne doit se croire immunisé a priori de tout errement possible."
      Roger Martelli
      http://www.regards.fr/idees-culture/article/a-propos-de-beaud-et-noiriel-l-enfermement-identitaire-n-est-pas-le-lot-de ...

    • À propos d’un texte de S. Beaud et G. Noiriel : critique des impasses ou impasses d’une critique ?

      Un article de Stéphane Beaud et Gérard Noiriel, publié par Le Monde diplomatique de janvier 2021 sous le titre « Impasses des politiques identitaires », a suscité d’intenses controverses et des appropriations intéressées, notamment de la part de médias (Marianne), d’idéologues (par exemple Laurent Bouvet) ou de collectifs (le Printemps républicain) qui se sont spécialisés depuis longtemps dans la disqualification des mouvements antiracistes au nom de la « République » et de sa sauvegarde.

      Discuter la contribution de S. Beaud et G. Noiriel est nécessaire non seulement en raison des enjeux qu’elle soulève, ainsi que de la grande valeur de leurs travaux respectifs antérieurs[1], mais aussi de leur engagement tenace en faveur d’une science sociale critique des rapports de domination. Or, dans le cas présent, force est d’admettre que, comme on dit, le compte n’y est pas. On se bornera ici à se tenir au plus près de l’article publié pour en discuter la démarche et les présupposés, sans omettre que l’article en question est extrait d’un livre qui vient de paraître, plus précisément de son introduction et de sa conclusion1.

      Quelle est, présentée avec nuance, l’idée directrice de ce texte ? Que les revendications de minorités et des mouvements prétendant en défendre les intérêts (revendications et mouvements hâtivement qualifiés d’ « identitaires ») menacent d’enfermer les acteurs qui les défendent, en les rendant prisonniers de prétendues « politiques identitaires », jamais définies en tant que telles et réduites à un dénominateur commun imaginaire.

      Amalgames

      1. Quels sont les acteurs des « politiques » mises en cause ? Faute de les distinguer, l’article amalgame des chercheurs et universitaires (auxquels est réservé le titre d’« intellectuels »[2]), des organisations et mouvements (jamais clairement identifiés alors qu’ils sont très divers[3]), ou encore des mobilisations et des actions (dont ne sont retenus que des « coups de forces ultraminoritaires »[4]). Cet amalgame permet de construire à peu de frais des « politiques identitaires » globalisées, comme si elles prétendaient toutes à la définition de politiques globales et alors même que la quasi-totalité de celles et ceux qui sont (ou semblent) visés se réclament de l’égalité et non d’une quelconque « identité ».

      On voit d’ailleurs à quel point le pari de S. Beaud et G. Noiriel de se tenir sur un plan purement scientifique ne tient pas, puisqu’ils reprennent, là encore sans discussion, une expression – « identitaire » – extrêmement problématique et qui n’est nullement issue du champ scientifique mais de polémiques médiatiques et politiques. Ainsi parlent-ils de « politiques identitaires », ou dans leur livre de « gauche identitaire » (p. 17), sans s’interroger sur la valeur scientifique d’une telle notion, qui tend à amalgamer des courants qui revendiquent la défense d’une « identité » européenne qu’ils jugent menacée (en l’occurrence des mouvements d’extrême droite, bien souvent néofascistes), d’autres qui utilisent la notion d’« identité » pour critiquer les assignations identitaires, et d’autres encore qui usent d’une rhétorique de l’« identité » dans une perspective de revalorisation symbolique de groupes subalternes. Peut-on véritablement se débarrasser de ces différences d’usages en se contentant d’affirmer que tous « parlent le même langage » ?

      Symptomatique de ce schématisme, S. Beaud et G. Noiriel renvoient dos-à-dos la pétition intitulée « Manifeste pour une République française antiraciste et décolonialisée » diffusée par Mediapart le 3 juillet 2020, et l’« Appel contre la racialisation de la question sociale », initialement publié par Marianne le 26 juillet 2020. Avec cette conséquence : attribuer aux signataires de la première pétition l’objectif de « défendre un projet politique focalisé sur les questions raciales et décoloniales occultant les facteurs sociaux ».

      Ce disant, S. Beaud et G. Noiriel leur prêtent un projet politique global alors que les signataires interviennent ici exclusivement contre l’effacement de l’histoire coloniale et esclavagiste dont témoignent notamment les violences policières (dont les victimes sont très souvent issues de l’immigration postcoloniale). Comment peut-on négliger que nombre de ces signataires interviennent de longue date contre les politiques de classe qui accroissent les inégalités socio-économiques et dégradent les conditions de vie des classes populaires ? Et comment peut-on évoquer une prétendue occultation des facteurs sociaux en laissant ainsi entendre que la question raciale ne relèverait pas de mécanismes sociaux[5] ou ne serait pas une composante de la question sociale ?

      En revanche, S. Beaud et G. Noiriel passent ici sous silence l’universalisme abstrait de l’appel publié par Marianne : un universalisme qui, sous couvert de la proclamation d’une universalité de droits égaux, dissimule les oppressions et occulte des discriminations et ségrégations structurelles que sociologues, économistes ou démographes n’ont pourtant aucune peine à mettre en évidence quand on leur en donne les moyens statistiques[6]. Comme si l’universalité concrète n’était pas encore à conquérir et pouvait l’être sans mobilisations menées à partir de ces situations d’oppression.

      Or cette mise en scène polémique permet à nos auteurs de déplorer, en des termes un tantinet méprisants, une supposée guéguerre entre deux « camps » qui menacerait la position de surplomb d’universitaires défendant l’indépendance de la recherche[7] :

      « Ces affrontements identitaires, où chaque camp mobilise sa petite troupe d’intellectuels, placent les chercheurs qui défendent l’autonomie de leur travail dans une position impossible ».

      Sans nier la tension qui peut exister entre la recherche théorique et l’intervention politique, on voit mal en quoi la mobilisation politique de chercheurs menacerait l’indépendance de leurs recherches, ou comment celle-ci serait garantie par le refus d’intervenir directement dans le débat politique[8].

      Et on ne peut s’empêcher de relever cet étrange paradoxe : publier dans un mensuel journalistique un extrait (discutable) est le type même d’intervention politique que S. Beaud et G. Noiriel récusent, alors que le second, dans une note de son blog, attribue un malentendu au titre choisi par Le Monde diplomatique :

      « Même si le titre qu’a choisi la rédaction du Monde Diplomatique (”Impasses des politiques identitaires”) a pu inciter une partie des lecteurs à penser que notre propos était politique, ce que je regrette pour ma part, il suffit de le lire sérieusement pour comprendre que notre but est justement d’échapper à ce genre de polémiques stériles. ».

      Comme si le « propos » de cet extrait n’avait rien de « politique », même en un sens minimal, dans la mesure où il renvoie à des options politiques et critique d’autres options politiques.

      2. Qu’auraient donc en commun les acteurs qui, à des titres divers, rompent avec l’universalisme abstrait ? S. Beaud et G. Noiriel l’affirment : leur sous-estimation ou leur ignorance des déterminations de classe des discriminations et des oppressions subies par des minorités en raison de telle ou telle origine, couleur de peau et/ou religion.

      C’est évidemment inexact s’agissant des universitaires et chercheurs qui, en France, font plus ou moins référence à l’intersectionnalité sans négliger, bien au contraire, les déterminations de classe. C’est totalement réducteur s’agissant de nombre de militant·es, de mouvements et d’organisations en lutte contre le racisme qui n’ignorent pas que l’oppression raciale s’imbrique avec l’exploitation de classe. C’est unilatéral s’agissant des mobilisations de masse les plus récentes. C’est abusivement simplificateur s’agissant des revendications d’appartenance d’habitants des quartiers populaires, souvent parfaitement conscients de l’existence d’inégalités de classe dont ils sont les victimes ; même si cette conscience s’exprime parfois dans un langage davantage territorial (le « quartier ») qu’économique, cela sans doute en raison même du chômage qui sévit si fortement parmi les jeunes de ces quartiers.

      Raccourcis

      1. Mais d’où vient l’importance prise par les affrontements dont S. Beaud et G. Noiriel dénoncent le simplisme ? D’où viennent, en particulier, face à un universalisme proclamé mais largement démenti, l’adhésion d’inégale intensité de minorités opprimées à des appartenances particulières et leur participation à des mobilisations spécifiques ?

      Une évocation du nouveau monde médiatique est mise au service d’une critique de la prétendue « américanisation du débat public ». Cette critique empruntée sans discernement au bavardage médiatique fait office d’explication de la centralité qu’aurait acquise la dénonciation du racisme dans le débat public, imputable de surcroît à des « émotions ». Alors que la contestation et les mobilisations correspondantes sont, en France, généralement minorées, marginalisées, déformées voire traînées dans la boue dans les grands médias audiovisuels et par la presse de droite (qu’on pense à la marche contre l’islamophobie du 10 novembre 2019 ou des mobilisations contre les violences policières de l’été 2020), S. Beaud et S. Noiriel ne craignent pas d’affirmer :

      « Le racisme étant aujourd’hui l’un des sujets politiques les plus aptes à mobiliser les émotions des citoyens, on comprend pourquoi sa dénonciation occupe une place de plus en plus centrale dans les médias. »

      Quels médias, si l’on excepte la presse indépendante et les « réseaux sociaux » dont l’audience est minoritaire ? Quelle étude empirique, même sommaire, permet à des chercheurs attachés à de telles études d’affirmer cette prétendue centralité de la dénonciation du racisme dans les médias ? Cela d’autant plus que la plupart des travaux scientifiques sur la question des discriminations raciales sont à peu près inconnus de la plupart des journalistes comme des responsables politiques, que les chercheurs·ses travaillant sur ces questions sont rarement sollicité·es par les médias de grande écoute et que cette question est loin d’être au cœur de l’agenda politique.

      Pour ne prendre qu’un exemple, a-t-on jamais vu les inégalités ethno-raciales constituer un point sur lequel on interroge les candidats à l’élection présidentielle au cours des vingt dernières années ? La dimension raciale des violences policières est-elle véritablement discutée dans les médias de grande écoute ? Au contraire, les polémiques médiatisées sont polarisées par une débauche de mots vides ou vidés de tout contenu précis, mais sans cesse ânonnés par lesdits journalistes et responsables politiques : « communautarisme », « séparatisme », « racialisme » ou encore « indigénisme ».

      Ces polémiques médiatisées sont même parvenues à s’emparer de la mobilisation mondiale de l’été 2020 contre les crimes racistes commis par la police et à s’enflammer autour d’un prétendu « racisme anti-blanc ». De même, on a vu un ancien joueur de football, Lilian Thuram, être régulièrement accusé de « racisme anti-blanc » pour avoir pointé des formes de racisme profondément ancrées dans les sociétés européennes. Les associations et les mobilisations les plus incisives sont malmenées, tandis que les « débats vraiment faux » prolifèrent, sans impliquer ni atteindre les premiers concernés.

      C’est pourtant à la médiatisation des « polémiques identitaires dans le débat public » que S. Beaud et G. Noiriel attribuent les revendications d’appartenance d’une partie des jeunes :

      « Étant donné l’importance prise par les polémiques identitaires dans le débat public, il n’est pas surprenant qu’une partie de ces jeunes puissent exprimer leur rejet d’une société qui ne leur fait pas de place en privilégiant les éléments de leur identité personnelle que sont la religion, l’origine ou la race (définie par la couleur de peau). »

      C’est là, à l’évidence, attribuer une importance disproportionnée au « débat public » dans la manière dont les individus se représentent le monde social. Sans doute les catégories produites et diffusées dans l’espace public par ses principaux tenanciers – les porte-voix journalistiques et politiques – ont-elles une influence non-négligeable. La référence aux catégories diffusées dans l’espace public est bien souvent négative et réactive : c’est généralement parce que les musulman·es sont pris·es à partie dans des médias de grande écoute qu’ils ou elles sont amené·es à se revendiquer comme tel·les. Mais, surtout, on peut penser que c’est l’expérience directe des ségrégations ethno-raciales (dans les villes, à l’école ou au travail) par des groupes sociaux qui, généralement, n’ont pas accès aux médias qui est ici déterminante. Elle ne nourrit pas, ou pas seulement, des opinions mal fondées en attente de validation par des chercheurs forts d’une indépendance proclamée.

      2. Cette « explication » par le rôle du débat public est confortée par une autre. S. Beaud et G. Noiriel connaissent fort bien – à la différence des indignés mobilisés par Marianne, Le Point et Valeurs actuelles – les discriminations subies par ces jeunes. Mais quand ils n’affirment pas qu’ils seraient d’autant plus émotifs qu’ils sont livrés à une médiatisation imaginaire, ils attribuent leurs revendications d’appartenance (dont ils présument parfois qu’elles seraient exclusives d’autres appartenances) à des déficits en capital économique et culturel :

      « Malheureusement, les plus démunis d’entre eux sont privés, pour des raisons socio-économiques, des ressources qui leur permettraient de diversifier leurs appartenances et leurs affiliations. ».

      Pourquoi ne pas dire plus clairement que ces « déficits » résultent des discriminations et de multiples mécanismes inégalitaires – où se mêlent une variété de facteurs (de classe, de race, de territoires, de genre, etc.) – qu’ils subissent (et qu’ils connaissent bien souvent) ?

      Les risques d’isolement, voire d’enfermement, existent sans doute, mais ils résultent pour une part essentielle des discriminations elles-mêmes, si bien que lutter contre ces risques passe en premier lieu par une lutte pied à pied contre ces discriminations et contre l’ensemble des mécanismes d’infériorisation sociale subis par celles et ceux qui cumulent le fait d’être issu·es des classes populaires et de l’immigration postcoloniale. Or S. Beaud et G. Noiriel nous offrent, en guise d’analyse de ces risques, une longue citation de Michael Walzer sur des impasses rencontrées par le nationalisme noir des années 1960 aux États-Unis, qu’il étend (sans nuances) au mouvement « Black Lives Matter » pour déplorer l’incapacité à nouer des alliances avec d’autres minorités.

      D’où il résulterait que les risques indéniables d’isolement sont attribués à la minorité concernée, alors que cette longue citation n’évoque même pas l’implacable répression des mouvements noirs par le pouvoir politique états-unien (allant jusqu’au meurtre des principaux dirigeants de ces mouvements) mais aussi les politiques de cooptation des élites noires, notamment au sein du Parti Démocrate. En outre, il est pour le moins audacieux, notamment de la part de chercheurs qui prétendent s’élever au-dessus du sens commun et fonder leurs affirmations sur des enquêtes, de transposer sans plus ample examen l’explication de M. Walzer à la situation française ; d’autant plus que ce dernier ne saurait en aucun cas être considéré comme un spécialiste de ces questions…

      Somme toute, S. Beaud et G. Noiriel inversent les rapports de causes à conséquences, comme si les « politiques identitaires », davantage postulées que constatées (en particulier dans le cas français), résultaient en premier lieu des limites des mobilisations antiracistes elles-mêmes, et non de l’incapacité ou du refus du mouvement syndical et des gauches politiques à s’emparer de revendications et d’aspirations légitimes[9]. Au détour d’une phrase, pourtant, on peut lire :

      « En outre, ces générations sociales ont dû faire face politiquement à l’effondrement des espoirs collectifs portés au XXe siècle par le mouvement ouvrier et communiste. » Quand le fondamental devient surplus…

      Ce qui est décisif en effet, par-delà « l’effondrement des espoirs collectifs », c’est la capacité d’inscrire dans une perspective générale des combats qui menacent de rester morcelés sans que ce morcellement soit imputable aux prétendues « politiques identitaires » : un morcellement qui concerne en réalité toutes les luttes sociales, y compris celles portées par le mouvement ouvrier « traditionnel » et, notamment, par les syndicats. Les appartenances à des minorités opprimées qui se revendiquent et se mobilisent comme telles ne sont pas des substituts ou des dérivatifs par rapport à d’autres appartenances ou mobilisations qui seraient prioritaires. Ce sont les composantes – potentielles et réelles – d’un combat englobant ; mais il ne peut être englobant qu’à condition de les inclure à part entière dans une politique d’émancipation qui reste à inventer.

      *

      (...) http://www.contretemps.eu/beaud-noiriel-race-classe-identite-gauche ....

  • À propos de Beaud et Noiriel : l’enfermement identitaire n’est pas le lot de quelques-uns | Roger Martelli
    http://www.regards.fr/idees-culture/article/a-propos-de-beaud-et-noiriel-l-enfermement-identitaire-n-est-pas-le-lot-de

    Stéphane Beaud et Gérard Noiriel sont connus pour leurs travaux originaux sur le monde ouvrier, dans l’histoire et aujourd’hui. Ils publient dans Le Monde diplomatique un texte, intitulé « « Impasses des politiques identitaires ». Il est extrait d’un livre à paraître en février 2021. Première réflexion, en attendant l’ouvrage annoncé… Source : Regards

  • Pif se prend une droite - regards.fr
    http://www.regards.fr/idees-culture/article/pif-se-prend-une-droite

    L’animal, des décennies durant, a occupé quatre cases quotidiennes dans L’Humanité vient d’élire domicile rive droite. Frédéric Lefebvre, ex-team Sarko, ex-secrétaire d’État du gouvernement Fillon, nouveau converti au macronisme, vient de s’offrir le groupe Vaillant. Avec lui, il a récupéré le canidé dont il compte optimiser le potentiel au travers d’un trimestriel mais également de programmes pour l’audiovisuel, des jeux… Pour le meilleur et pour le fric.

  • Serrer la vis ou laisser faire, le dilemme de l’immunité collective - Le Temps
    https://www.letemps.ch/sciences/serrer-vis-laisser-faire-dilemme-limmunite-collective

    Un groupe de scientifiques a récemment publié un texte mettant en garde contre les mesures contraignantes déployées pour faire face à une potentielle deuxième vague de Covid-19.

    Le document, paru sous le nom de Déclaration de Great Barrington, du nom de la ville américaine où il a été signé, a été rédigé par trois épidémiologistes : Jay Bhattacharya de l’Université Stanford, Martin Kulldorff de l’Université Harvard et Sunetra Gupta de l’Université d’Oxford.

    Ils affirment que « les politiques actuelles de confinement produisent des effets désastreux sur la santé publique », parmi lesquels « une baisse des taux de vaccination chez les enfants, une aggravation des cas de maladies cardio-vasculaires, une baisse des examens pour de possibles cancers ou encore une détérioration de la santé mentale en général ».

    Par conséquent, réclament-ils, il faut retourner au plus vite à la vie d’avant et laisser les restaurants, les commerces, les lieux culturels ou sportifs et les écoles ouvrir selon leurs habitudes. Sauf pour une partie de la population : les plus vulnérables au virus, principalement les plus âgés, doivent complètement s’isoler.

    Cette stratégie, qu’ils appellent la « protection focalisée » (focused protection) permettrait d’après eux au coronavirus de se propager rapidement dans la population jeune sans faire de dégâts majeurs tout en préservant les activités socio-économiques. Après quoi la majorité de la population guérie serait naturellement immunisée contre la maladie.

    Seuil d’immunité

    Ce concept n’est pas vraiment neuf : il est même régulièrement évoqué depuis le début de l’épidémie sous le nom d’« immunité collective » – en fait un abus de langage, ce terme ne désignant pas une stratégie ou un mécanisme, mais le statut immunitaire d’une population vis-à-vis d’une maladie infectieuse.

    [...]


    Ce graphe montre que plus le virus est contagieux (R zéro élevé, axe horizontal), plus le seuil d’immunité collective est important (en % de la population, axe vertical). « Measles » : rougeole. « Influenza » : grippe. « Smallpox » : variole.
    JAMA

    [...]

    D’autres scientifiques ont épinglé la Déclaration dans la revue The Lancet, vue comme « une dangereuse illusion non étayée par des preuves scientifiques ».

    Propos confirmés par Olivia Keiser, cheffe de la division des maladies infectieuses à l’Institut de santé globale de l’Université de Genève et membre de la task force scientifique suisse : « Ce que la Déclaration suggère n’est pas scientifique car on ne connaît pas encore les mécanismes liés à l’immunité au coronavirus, si celle-ci est efficace ou combien de temps elle dure. »

    « Le texte n’est du reste pas basé sur des critères éthiques », ajoute-t-elle. Atteindre le seuil fatidique sera un long processus durant lequel mourront de nombreuses personnes – plusieurs centaines de milliers pour un pays comme les Etats-Unis. Les mesures seraient en outre discriminantes envers les personnes à faible revenu, plus vulnérables.

    Enfin, l’épidémiologiste rappelle que garder les personnes les plus fragiles dans une bulle coupée du reste de la société est une gageure. D’autant que les aînés ne sont pas les seuls à être sensibles au Covid-19 – la population générale, même jeune, peut développer de terribles complications dont le « long covid », une forme chronique.

    https://seenthis.net/messages/881524
    https://seenthis.net/messages/881371
    #Great_Barrington_Declaration #immunité_collective

    • En même temps... les enfants et les jeunes restent scolarisés, les adultes peuvent étudier, travailler et les personnes âgées ne peuvent sortir qu’une heure par jour. Une manière de contourner l’impossibilité constitutionnelle d’un confinement sélectif des vieux. Agilitay qu’ils disaient.

      Eux-aussi ont noté que les « seniors » avaient été trois fois moins contaminés que la population générale lors de la première vague (#Épicov), ce qui a limité la surmortalité. Le game ce serait d’arriver à des contaminations sélectives, ce qui a pas bien marché cet été (tout n’est pas perdu, on peut faire la morale ensuite), et moins encore avec la rentrée solaire. Il faut rater encore ?

      Un jour (...) on pourra annoncer que le nombre d’entrée en réa et de décès baisse. On dira qu’on commence à voir la fin du tunnel des horreurs. Et ce sera une affaire de responsabilité individuelle et familiale de ne pas contaminer ses vieux. Dans le meilleur des cas, cet apprentissage sanitaire par les cercueils va laisser du temps à l’invention de pratiques sociales (comme ce fut le cas à l’hôpital en mars avril dernier).

      L’objectif fixé à 5000 covid + jour, ils nous le rappelleront jusqu’à la date butoir, le vaccin de l’été prochain.

      #protection_focalisée #contamination_sélective

    • bah alors @zeka ? pourquoi avoir recopié le texte de la « mise au point » de regards par rapport à cette tribune de merde publiée « par amitié » ? Sans nous préciser que Regards avait fait une « mise au point » ? Tout ça est très très flou…

      http://www.regards.fr/idees-culture/article/mise-au-point

      Cette publication ne signifie pas un soutien de la rédaction de Regards au contenu du texte. Depuis le début de cette pandémie, nous ne cherchons pas à nier sa gravité et son étendue. Au contraire, nous déplorons le manque de réactivité, de moyens et de cohérence de l’État pour faire face à ce péril. Nous affirmons que cette situation est profondément liée à des politiques délétères pour l’hôpital et pour l’environnement.

    • éventuellement retitrer « la déclaration de merde de Great Barrington », pour clarifier :)
      (je vois que @zeka a disparu)

  • La « misandrie » : une hostilité édentée
    http://www.regards.fr/idees-culture/article/la-misandrie-une-hostilite-edentee

    La frénésie qui entoure la publication des livres d’Alice Coffin et de Pauline Harmange, accusées de nourrir une condamnable « misandrie », témoigne d’une grande fébrilité quant à l’énonciation des luttes antisexistes dans le champ médiatique. Une panique massive dont la disproportion interroge.

    Qu’une femme puisse publiquement envisager une vie où elle choisit de réduire les influences masculines, qu’elle refuse de conditionner la formulation de son engagement au confort des hommes, est vécu comme une inacceptable menace à leur position hégémonique. En réalité, cette panique semée par un discours féministe renouvelé n’est que la traduction de la crainte de perdre une position centrale trop peu questionnée.

    Étiqueter ce discours du label de la « misandrie » comme s’il était possible de dresser un parallèle avec les forces misogynes est intellectuellement inepte. La misogynie est le fruit d’un système structuré contre les femmes, et ses mots font écho à des violences aussi concrètes que documentées. Par conséquent, les discours sexistes s’inscrivent dans un continuum dont l’aboutissement est le féminicide.

    De tous temps, les revendications féministes ont scandalisé la société majoritaire avant de finalement revêtir une apparence acceptable. Dès lors que l’on conteste l’ordre établi, il est impossible de créer le consensus.

    Or, il n’y a pas d’oppression sans pouvoir. Les hommes ne sont pas opprimés du fait de leur genre. La condition masculine n’a jamais été un désavantage qui puisse conduire à un traitement structurellement défavorable. Ni Alice Coffin, ni Pauline Harmange, ni aucune femme ne disposent du pouvoir de produire un rapport de force menaçant au point d’infléchir un système millénaire.

    Albert Memmi parlait de « racisme édenté » pour désigner la possible hostilité que pourraient éprouver des minorités contre des membres du groupe dominant. C’est une haine dépourvue de toute force, car elle est portée par des personnes qui n’ont pas le pouvoir social d’administrer un traitement discriminatoire aux personnes qu’elle vise. Du fait de dynamiques similaires, la prétendue misandrie des féministes n’est en rien comparable au patriarcat qui conditionne l’intégralité des relations sociales actuelles et qui s’insinue dans tous les rapports humains, à tous les niveaux de la société.

    Dans un tel contexte, on ne peut que comprendre que des femmes décident de préserver leurs espaces personnels et mentaux des discours et actes qui sont la caisse de résonnance de la condition subalterne qu’elles dénoncent.

    #misandrie #misogynie #domination_masculine #masculinisme #féminisme #backlash

  • APPEL. Décolonisons l’espace public ! - regards.fr
    http://www.regards.fr/idees-culture/article/appel-decolonisons-l-espace-public

    Un mouvement d’ampleur mondiale exige une décolonisation de l’espace public. De l’Afrique du Sud à Paris, de la Colombie à Lille, des USA à Nantes, de la Martinique à Bordeaux, etc., la planète entière voit se développer des mobilisations pour que cessent les valorisations et mises à l’honneur d’esclavagistes, de massacreurs coloniaux et d’idéologues et théoriciens racistes. Honorés par des statues ou des noms de voies publiques et d’écoles, ces symboles de plus de quatre siècles d’esclavage et d’un siècle et demi de colonisation, constituent une véritable insulte au peuple français en général et aux citoyennes et citoyens issus de ces peuples meurtris par l’esclavage et la colonisation. Ce mouvement est une bonne nouvelle pour tous les partisans de l’égalité. Il doit être soutenu et amplifié pour rendre incontournable la décolonisation, non seulement des espaces publics mais aussi des imaginaires collectifs et de l’histoire officielle.

  • À quelques heures de l’allocution d’Emmanuel Macron – très attendue notamment sur le thème des violences policières et du racisme –, nous publions ici la lettre ouverte au président de la République du sociologue Éric Fassin.

    TRIBUNE. Le régime de la peur - regards.fr
    http://www.regards.fr/idees-culture/article/tribune-le-regime-de-la-peur

    Alors que, partout dans le monde, les mobilisations se multiplient contre le racisme et les violences policières, vous tenez à dire qu’en France « le monde universitaire a été coupable. Il a encouragé l’ethnicisation de la question sociale en pensant que c’était un bon filon. Or, le débouché ne peut être que sécessionniste. Cela revient à casser la République en deux. » Vous désignez des coupables, mais vous n’avez pas l’honnêteté de les nommer, ni le courage d’assumer vos propos, tenus « en privé »… pour être publiés dans Le Monde.

    Je fais partie de ce petit nombre d’universitaires qui étudient « l’intersectionnalité », concept que vous dénoncez sans rien y comprendre. Mais qu’importe votre ignorance ? Votre mépris du travail universitaire, il nous est familier – à l’heure où vous jugez urgent de relancer la LPPR qui s’emploie à démanteler la recherche par une politique du court terme.

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    >> LPPR : le monde universitaire se mobilise contre la « privatisation progressive de la recherche »

    Ce qui est inquiétant, c’est que vous reprenez la rhétorique d’extrême droite, relayée par des médias comme Le Point qui a cru bon, par exemple, d’accoler mon nom à ceux d’Éric Zemmour et Alain Soral en tête de « ces idéologues qui poussent à la guerre civile » (sic). L’anti-intellectualisme n’est-il pas au cœur du projet néofasciste aujourd’hui incarné par Jair Bolsonaro au Brésil et Donald Trump aux États-Unis ?

    • Monsieur le Président,

      Alors que, partout dans le monde, les mobilisations se multiplient contre le racisme et les violences policières, vous tenez à dire qu’en France « le #monde_universitaire a été coupable. Il a encouragé l’ethnicisation de la question sociale en pensant que c’était un bon filon. Or, le débouché ne peut être que sécessionniste. Cela revient à casser la République en deux. » Vous désignez des coupables, mais vous n’avez pas l’honnêteté de les nommer, ni le courage d’assumer vos propos, tenus « en privé »… pour être publiés dans Le Monde.

      Je fais partie de ce petit nombre d’universitaires qui étudient « l’#intersectionnalité », concept que vous dénoncez sans rien y comprendre. Mais qu’importe votre #ignorance ? Votre #mépris du travail universitaire, il nous est familier – à l’heure où vous jugez urgent de relancer la #LPPR qui s’emploie à démanteler la recherche par une politique du court terme.

      Ce qui est inquiétant, c’est que vous reprenez la #rhétorique d’#extrême_droite, relayée par des médias comme Le Point qui a cru bon, par exemple, d’accoler mon nom à ceux d’#Eric_Zemmour et #Alain_Soral en tête de « ces idéologues qui poussent à la guerre civile » (sic). L’#anti-intellectualisme n’est-il pas au cœur du projet néofasciste aujourd’hui incarné par Jair Bolsonaro au Brésil et Donald Trump aux États-Unis ?

      C’est pourquoi vos propos contre des universitaires sont le révélateur de toute une #logique_politique. Votre refus d’un #savoir_critique participe en effet d’un double #déni. D’une part, vous voulez empêcher que l’on nomme les #violences_policières. Le 7 mars 2019, en pleine crise des gilets jaunes, vous déclariez ainsi : « Ne parlez pas de répression ou de violences policières, ces mots sont inacceptables dans un État de droit. » Pour vous, ce qui est intolérable, ce ne sont pas ces morts, ces yeux crevés, ces mutilations ; c’est le fait de les nommer. D’autre part, vous prétendez être « aveugle à la race », alors que vous l’êtes seulement au #racisme (pour reprendre le titre de mon texte de 2006 dans l’ouvrage que j’ai co-dirigé : De la question sociale à la question raciale ?). Dans un cas comme dans l’autre, vous rejetez le mot pour ne pas reconnaître la chose.

      Or il se trouve qu’aujourd’hui, en France, les racistes évitent le plus souvent de parler « des races » (au pluriel) : blanche, noire, juive… À Marion Maréchal, qui « refuse de s’excuser en tant que blanche » (oubliant que ce sont d’abord des Noirs, et non des Blancs, qui ont mis un genou à terre), Marine Le Pen peut ainsi faire la leçon en se drapant dans une rhétorique universaliste : « Se mettre sur un plan racial, c’est tomber dans un double piège. Celui des indigénistes, des racialistes, alors qu’il faut rester sur un plan républicain. C’est aussi tomber dans le piège de l’américanisation, alors que rien ne se construit, en France, en fonction de communautés. » Désormais, ce sont des antiracistes, universitaires ou militants, qui parlent de « la race » (au singulier), pour rendre visible le mécanisme social d’assignation à une place inférieure.

      Votre double déni est aujourd’hui poussé à l’absurde : la #racialisation de la « #question_sociale », elle résulte des #discriminations_raciales, et d’autant plus qu’elles sont cautionnées, voire encouragées par les pouvoirs publics. À défaut de lire les travaux des universitaires, écoutez au moins le Défenseur des droits, dont l’enquête a établi que le risque de contrôle policier est 20 fois plus élevé pour les jeunes hommes arabes ou noirs. Et vous ne pouvez pas ignorer non plus une autre institution de la République : la #justice. En 2015, lorsque la cour d’appel, confirmant la réalité des #contrôles_au_faciès, a condamné la France pour « faute lourde », en vue de se pourvoir en cassation, l’État a dû les justifier : arrêter des étrangers supposerait de contrôler des gens qui… ont l’air étranger. Autrement dit, pour l’État, il y a des Français qui en ont l’apparence, d’autres non. La condamnation définitive date de 2016 : depuis votre élection en 2017, qu’avez-vous fait contre les contrôles au faciès ? Sans parler des sanctions, où sont les récépissés ? En laissant faire, vous encouragez. Vous êtes responsable de ces discriminations, et donc de la racialisation de la société.

      Ce choix de l’#aveuglement dessine une politique visant à faire passer à marche forcée vos réformes néolibérales. En premier lieu, vous jouez sur la peur des électeurs, et surtout des plus âgés, qu’il s’agisse d’immigration ou d’ordre public : avec cette politique qu’on peut dire « insécuritaire », tant elle produit le sentiment d’#insécurité qu’elle prétend combattre, vous faites concurrence à l’extrême droite ; mais c’est elle qui en récoltera les bénéfices, et non vous qui prétendez faire barrage contre elle. Deuxièmement, avec la #répression brutale contre les #mouvements_sociaux, vous tentez d’instiller la #peur ; décourager ainsi de manifester, c’est une #politique_d’intimidation.

      Ce #régime_de_la_peur, il dit d’abord votre peur. Monsieur le Président, vous avez peur de votre jeunesse. Celle-ci n’est pas gagnée par le cynisme désabusé des élites médiatico-politiques, qui finissent par s’accommoder de tout et par accepter n’importe quoi ; elle est prête à se mobiliser pour des causes comme le racisme – quelle que soit sa couleur ou son origine. Mais au lieu d’entendre sa protestation contre la dérive anti-démocratique de votre régime, vous n’y voulez voir qu’un symptôme d’angoisse. Bref, vous tentez de la psychologiser pour mieux la dépolitiser.

      Et ce n’est pas tout. Monsieur le Président, vous avez peur de votre police. C’est que vous en avez besoin pour imposer votre politique. Tout le monde l’a bien compris lorsqu’à la veille des mobilisations contre la réforme des retraites, les forces de l’ordre ont obtenu d’être épargnées : elles conservent leur « régime spécial » pour mieux réprimer dans la rue l’opposition à un projet prétendument universel. Votre peur est incarnée par le ministre de l’Intérieur qui recule à chaque fois que les syndicats de policiers élèvent le ton. Le contraste avec la campagne médiatique lancée par le ministre de l’Éducation contre les professeurs « décrocheurs » est frappante : Christophe Castaner est le ministre des policiers ; à l’évidence, Jean-Michel Blanquer n’est pas celui des enseignants.

      Or les idées d’extrême droite sont aujourd’hui majoritaires parmi les forces de l’ordre. Pour se faire entendre, des policiers n’hésitent pas à participer à des manifestations illégales. Si celles-ci se multiplient, c’est qu’elles ne sont jamais sanctionnées ; sont-elles même interdites ? Ils se sentent en position de force – quitte à endosser la posture de victimes. La ministre de la Justice elle-même s’abstient de condamner des consignes syndicales contraires à la loi : « Non, c’est pas légal ; mais la question n’est pas celle-là ! », s’agace Nicole Belloubet. Au contraire, elle réaffirme avoir « parfaitement confiance dans la #police_républicaine ». Autrement dit, la police est au-dessus des lois. On ne saurait être plus clair. Vous avez peur de la jeunesse, et vous la réprimez ; vous avez peur de la police, et vous capitulez. Votre régime de la peur fait peur pour la #démocratie ; c’est un régime inquiétant.

      Monsieur le Président, dans quelques heures, vous allez prendre la parole ; sans doute aborderez-vous ces questions. Pour ma part, je ne perdrai pourtant pas mon temps à vous écouter. En effet, ce qui m’importe, ce ne sont pas vos discours ; ce sont vos actes. Vous serez jugé sur les choses, et non sur les mots, tant par les électeurs que par l’Histoire. Prenez garde : à force d’acclimater politiquement ses idées et ses pratiques, sous prétexte d’y résister, vous pourriez bien rester comme le fourrier du #néofascisme.

      #Macron #peur #régime_de_la_peur #université #Didier_Fassin #intersectionnalité #culpabilité #France #ethnicisation #tribune #responsabilité

      –-

      voir aussi :
      https://seenthis.net/messages/860428

  • TRIBUNE. Partout, le feu - regards.fr
    http://www.regards.fr/idees-culture/article/tribune-partout-le-feu

    C’est que la perception sociale de la production et de la perpétuation de la violence raciale par la police est différenciée selon le territoire national. La question raciale, c’est toujours l’ailleurs : les États-Unis, l’Afrique du Sud ou le Brésil. Scruter les plaies américaines permet aux élites françaises de tenir celles de l’autre rive pour révolues, sinon sans matière. Une longue-vue offre à la conscience plus d’aise qu’un miroir – fût-il de poche. La dénégation des violences racistes en France plonge pourtant ses racines dans la conception historique, juridique et politique d’une République qui ne connaîtrait et reconnaîtrait que des citoyens et serait, par là même, aveugle à l’origine des individus – condition et promesse d’un véritable traitement égalitaire. Mais cet universalisme de papier a façonné des Hommes et d’autres qui l’étaient moins : en son nom, les détenteurs du capital ont volontiers légitimé l’entreprise coloniale à l’extérieur des frontières nationales, et, à l’intérieur de ces dernières, contribué à maintenir les femmes et les strates sociales qu’ils dominaient dans une forme de semi-citoyenneté. L’organisation politique républicaine – exaltée avec autant d’ardeur que l’on aime à accabler le « modèle communautariste américain » – n’est, en réalité, pas dissociable des perceptions racialisées des groupes sociaux. L’idée selon laquelle certains ou certaines seraient des êtres plus universels que d’autres, dès lors plus légitimes à vivre, respirer, fauter ou parvenir à leurs objectifs, produit des inégalités que la catégorie « sociale » n’épuise pas : des inégalités raciales de traitement scolaire, médical, professionnel, judiciaire, administratif et policier. Ainsi, en France, « selon les sites d’observation, les Noirs couraient entre 3,3 et 11, 5 fois plus de risques que les Blancs d’être contrôlés […]. Les Arabes ont été généralement plus de 7 fois plus susceptibles d’être contrôlés ; globalement ils couraient quant à eux entre 1,8 et 14, 8 fois plus de risques que les Blancs d’être contrôlés par la police (ou la douane) sur les sites retenus. » [2]

    Pourtant, il ne saurait être de « racisme structurel » qu’américain…

    • Le texte de l’appel :

      Nous sommes nombreuses, nous sommes nombreux : nous sommes tant et tant à penser et éprouver que ce système a fait son temps. Mais nos voix sont dispersées, nos appels cloisonnés, nos pratiques émiettées. Au point que quelquefois nous doutons de nos forces, nous succombons à la détresse de l’impuissance. Certes, parfois cette diffraction a du bon, loin des centralisations et, évidemment, loin des alignements. Il n’empêche : nous avons besoin de nous fédérer. Sans doute plus que jamais au moment où une crise économique, sociale et politique commence de verser sa violence sans faux-semblant : gigantesque et brutale. Si « nous sommes en guerre », c’est bien en guerre sociale. D’ores et déjà les attaques s’abattent, implacables : le chantage à l’emploi, la mise en cause des libertés et des droits, les mensonges et la violence d’État, les intimidations, la répression policière, en particulier dans les quartiers populaires, la surveillance généralisée, la condescendance de classe, les discriminations racistes, les pires indignités faites aux pauvres, aux plus fragiles, aux exilé-es. Pour une partie croissante de la population, les conditions de logement, de santé, d’alimentation, parfois tout simplement de subsistance, sont catastrophiques. Il est plus que temps de retourner le stigmate contre tous les mauvais classements. Ce qui est « extrême », ce sont bien les inégalités vertigineuses, que la crise creuse encore davantage. Ce qui est « extrême », c’est cette violence. Dans ce système, nos vies vaudront toujours moins que leurs profits.

      Nous n’avons plus peur des mots pour désigner la réalité de ce qui opprime nos sociétés. Pendant des décennies, « capitalisme » était devenu un mot tabou, renvoyé à une injonction sans alternative, aussi évident que l’air respiré – un air lui-même de plus en plus infecté. Nous mesurons désormais que le capitalocène est bien une ère, destructrice et mortifère, une ère d’atteintes mortelles faites à la Terre et au vivant. L’enjeu ne se loge pas seulement dans un néolibéralisme qu’il faudrait combattre tout en revenant à un capitalisme plus « acceptable », « vert », « social » ou « réformé ». Féroce, le capitalisme ne peut pas être maîtrisé, amendé ou bonifié. Tel un vampire ou un trou noir, il peut tout aspirer. Il n’a pas de morale ; il ne connaît que l’égoïsme et l’autorité ; il n’a pas d’autre principe que celui du profit. Cette logique dévoratrice est cynique et meurtrière, comme l’est tout productivisme effréné. Se fédérer, c’est répondre à cette logique par le collectif, en faire la démonstration par le nombre et assumer une opposition au capitalisme, sans imaginer un seul instant qu’on pourrait passer avec lui des compromis.

      Mais nous ne sommes pas seulement, et pas d’abord, des « anti ». Si nous n’avons pas de projet clé en mains, nous sommes de plus en plus nombreuses et nombreux à théoriser, penser mais aussi pratiquer des alternatives crédibles et tangibles pour des vies humaines. Nous avons besoin de les mettre en commun. C’est là d’ailleurs ce qui unit ces expériences et ces espérances : les biens communs fondés non sur la possession mais sur l’usage, la justice sociale et l’égale dignité. Les communs sont des ressources et des biens, des actions collectives et des formes de vie. Ils permettent d’aspirer à une vie bonne, en changeant les critères de référence : non plus le marché mais le partage, non plus la concurrence mais la solidarité, non plus la compétition mais le commun. Ces propositions sont solides. Elles offrent de concevoir un monde différent, débarrassé de la course au profit, du temps rentable et des rapports marchands. Il est plus que jamais nécessaire et précieux de les partager, les discuter et les diffuser.

      Nous savons encore que cela ne suffira pas : nous avons conscience que la puissance du capital ne laissera jamais s’organiser paisiblement une force collective qui lui est contraire. Nous connaissons la nécessité de l’affrontement. Il est d’autant plus impérieux de nous organiser, de tisser des liens et des solidarités tout aussi bien locales qu’internationales, et de faire de l’auto-organisation comme de l’autonomie de nos actions un principe actif, une patiente et tenace collecte de forces. Cela suppose de populariser toutes les formes de démocratie vraie : brigades de solidarité telles qu’elles se sont multipliées dans les quartiers populaires, assemblées, coopératives intégrales, comités d’action et de décision sur nos lieux de travail et de vie, zones à défendre, communes libres et communaux, communautés critiques, socialisation des moyens de production, des services et des biens… Aujourd’hui les personnels soignants appellent à un mouvement populaire. La perspective est aussi puissante qu’élémentaire : celles et ceux qui travaillent quotidiennement à soigner sont les mieux à même d’établir, avec les collectifs d’usagers et les malades, les besoins quant à la santé publique, sans les managers et experts autoproclamés. L’idée est généralisable. Nous avons légitimité et capacité à décider de nos vies – à décider de ce dont nous avons besoin : l’auto-organisation comme manière de prendre nos affaires en mains. Et la fédération comme contre-pouvoir.

      Nous n’avons pas le fétichisme du passé. Mais nous nous souvenons de ce qu’étaient les Fédérés, celles et ceux qui ont voulu, vraiment, changer la vie, lui donner sens et force sous la Commune de Paris. Leurs mouvements, leurs cultures, leurs convictions étaient divers, républicains, marxistes, libertaires et parfois tout cela à la fois. Mais leur courage était le même – et leur « salut commun ». Comme elles et comme eux, nous avons des divergences. Mais comme elles et comme eux, face à l’urgence et à sa gravité, nous pouvons les dépasser, ne pas reconduire d’éternels clivages et faire commune. Une coopérative d’élaborations, d’initiatives et d’actions donnerait plus de puissance à nos pratiques mises en partage. Coordination informelle ou force structurée ? Ce sera à nous d’en décider. Face au discours dominant, aussi insidieux que tentaculaire, nous avons besoin de nous allier, sinon pour le faire taire, du moins pour le contrer. Besoin de nous fédérer pour mettre en pratique une alternative concrète et qui donne à espérer.

      Dès que nous aurons rassemblé de premières forces, nous organiserons une rencontre dont nous déciderons évidemment ensemble les modalités.

      #le_monde_d'après #convergence #résistance #convergence_des_luttes #se_fédérer #détresse #impuissance #diffraction #guerre_sociale #inégalités #capitalisme #capitalocène #néolibéralisme #égoïsme #autorité #profit #productivisme #collectif #alternative #alternatives #bien_commun #commun #commons #partage #solidarité #marché #concurrence #compétition #rapports_marchands #affrontement #auto-organisation #autonomie #démocratie #brigades_de_solidarité #mouvement_populaire #fédération #contre-pouvoir #alternative

  • Pourquoi les corps subalternes sont-ils toujours déshumanisés ? - regards.fr
    http://www.regards.fr/idees-culture/article/pourquoi-les-corps-subalternes-sont-ils-toujours-deshumanises

    Autrement dit, puisque les corps des Africain.e.s et des « prostituées » semblent voués à être exposés à un danger certain, autant les mobiliser d’une manière qui soit utile à d’autres corps, plus précieux. Pas une seule fois, l’idée de la sollicitation d’un consentement de la part des propriétaires de ces corps réduits à des supports expérimentaux, n’émerge durant cette conversation.

    Si ces propos ont suscité une large vague de condamnations, totalement justifiées, c’est parce qu’ils font écho à une déconsidération historique des corps subalternes.

    Depuis le début de l’épidémie, l’on entend régulièrement des commentaires inquiets quant à la catastrophe que pourrait constituer l’épidémie du coronavirus si elle s’amplifiait sur le sol africain dans les proportions de ce qui se produit en Chine, en Europe ou aux États-Unis. En effet, les structures hospitalières des 54 pays du continent ne seraient probablement pas en mesure de prendre en charge l’intégralité des patients, faute de moyens suffisants. Toutefois, ces anticipations inquiétantes et catastrophistes semblent aussi traduire un étonnement malsain – peut-être inconscient – quant au caractère inéluctable du destin tragique, forcément, d’un continent qui ne pouvait pas être épargné. Comme s’il était inconcevable qu’il ne soit pas effroyablement touché. Les précédentes décennies ont malheureusement fait de l’Afrique le théâtre d’un nombre affolant de malheurs et de tragédies, si bien que l’on semble désormais habitué à voir ses habitant.e.s en proie aux plus atroces souffrances. Les famines d’enfants, les guerres ou génocides, les pandémies, naufrages de réfugié.e.s et autres catastrophes ont fini par être inconsciemment associées au continent africain, comme s’il s’agissait d’une sorte de malédiction intrinsèque à ce territoire. Qu’une épidémie puisse frapper le monde, sans que l’Afrique ne prenne sa part, parait donc invraisemblable tant la souffrance des Africain.e.s est devenue une évidence.

  • Contre la résilience - regards.fr
    http://www.regards.fr/idees-culture/article/contre-la-resilience

    Dans une tribune du Monde, la philosophe Eva Illouz mettait déjà en garde en 2016 contre les « usages idéologiques » de l’idéal de la résilience, qui « prive de légitimité les sentiments négatifs, pourtant inévitables et même nécessaires » dans les situations objectivement injustes et révoltantes. « Nos sociétés imposent au moi un devoir de performance psychologique où la psyché doit se montrer plus forte que les structures sociales, parfois écrasantes. »

    Macron ne s’y trompe pas. En baptisant son opération militaire « Résilience », le président signale qu’il ne s’attaquera surtout pas aux causes structurelles de l’épidémie : la destruction des habitats naturels et de la biodiversité qui favorisent la transmission du virus entre espèces, la mondialisation qui accélère la diffusion planétaire de l’épidémie, la démolition de la recherche publique scientifique qui nous prive de connaissances scientifiques sur les coronavirus et la dislocation de l’hôpital public qui complique le traitement des malades. Il n’est pas question, donc, de changer de système pour empêcher de futures épidémies, mais de sauver le système actuel et de tenter de survivre à la prochaine épidémie.