• On arrête tout ? – sur L’An 01 de Doillon, Gébé, Resnais et Rouch | Mériam Korichi | AOC media
    https://aoc.media/critique/2020/03/29/on-arrete-tout-sur-lan-01-de-doillon-gebe-resnais-et-rouch

    « On arrête tout », « On réfléchit », « Et [on voit que] c’est pas triste ». C’est les propos de trois personnages coiffés de chapeau cloche (que l’on retrouve dans le film) sur la couverture de la BD.

    C’est un film collectif, fait à beaucoup, mais pas tous à la fois, comme dit la bande-son du générique fait de bulles BD agglutinées qui consigne les noms d’à-peu-près 300 acteurs. Gébé et Doillon sillonnèrent la France pour tourner avec de nombreux volontaires. Film participatif, film aux multiples séquences improvisées, film néanmoins monté suivant un ton impérieux d’irrévérence, dans l’idée de mettre en pratique un esprit résolument libertaire qui serait également partagé.

    Disposant d’un budget minime (vingt-cinq fois moindre que celui d’une production normale, le CNC ayant refusé l’avance sur recettes), le film réunit ainsi nombre d’acteurs improvisés mais aussi Gérard Depardieu dans son premier rôle au cinéma, ouvrant magistralement le film dans les deux scènes dialoguées retranscrites plus haut, Miou-Miou, Gotlib, l’équipe d’Hara Kiri, des équipes de compagnies et de théâtres très engagés comme l’équipe de l’Aquarium, de Pezenas, du Chêne noir, la proto-troupe du Splendide (on reconnaît Gérard Jugnot et Thierry Lhermitte), Coluche… Un assemblage incroyable.

    Le film nous fait voyager dans une utopie politique et sociale imaginée à l’échelle planétaire. Il est fait d’une suite de scènes et de séquences, tournées dans la rue, dans les champs, un peu partout, il y a des séquences tournées à New York (par Alain Resnais), d’autres au Niger (par Jean Rouch). Il sort en 1973 en pleine crise du pétrole, annonçant le début de la fin des Trente Glorieuses, de ces trop peu nombreuses décennies rendues euphoriques par l’idéal moderniste et productiviste du progrès économique et technique – le progrès social et moral allait bien suivre !

    (…) Les ondes hertziennes sont piratées et tout le monde reçoit le même message délivrée d’une voix de femme, suggestive, persuasive : « On nous dit le bonheur c’est le progrès, faites un pas en avant. Et c’est le progrès. – Mais ce n’est jamais le bonheur. Alors, si on faisait un pas de côté ? Si on essayait autre chose. Si on faisait un pas de côté, on verrait ce qu’on ne voit jamais… Et si on arrêtait tout ? »

    Slogan du @mdiplo depuis un bail.
    Repris ces derniers temps par Ruffin.