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  • (1) Pour l’indépendance de l’Inspection du travail et la réintégration immédiate d’Anthony Smith - Libération
    https://www.liberation.fr/debats/2020/04/27/pour-l-independance-de-l-inspection-du-travail-et-la-reintegration-immedi

    Un collectif de responsables politiques, syndicalistes, militant·es associatif·ves, féministes, artistes, et intellectuel·les exige l’abandon de toute procédure disciplinaire à l’encontre de l’inspecteur du travail mis à pied par la ministre du Travail, Muriel Pénicaud.

    Pour l’indépendance de l’Inspection du travail et la réintégration immédiate d’Anthony Smith

    Tribune. Depuis le 15 avril 2020, Anthony Smith, inspecteur du travail du département de la Marne, ancien secrétaire général de la CGT-TEFP et membre de son bureau national, représentant des inspecteurs·trices du travail au Conseil national de l’inspection du travail, ne peut plus exercer ses missions de protection de la santé et de la sécurité des travailleurs·euses.

    Il a en effet été mis à pied par la ministre du Travail, Muriel Pénicaud, et fait l’objet d’une procédure disciplinaire. Que lui est-il reproché ? Selon le ministère du Travail, d’avoir « [méconnu] de manière délibérée grave et répétée les instructions de l’autorité centrale du système d’inspection du travail concernant l’action de l’inspection durant l’épidémie de Covid-19 ». En fait, après le rappel des obligations légales resté sans effet, d’avoir initié sans l’aval de sa hiérarchie une procédure de référé afin que soit prescrite notamment l’utilisation de masques pour les salarié·es d’une structure d’aide à domicile, particulièrement exposées au Covid-19 du fait de leur activité, et d’avoir adressé des lettres de rappel de la réglementation à d’autres entreprises de son secteur demandant là encore notamment la fourniture d’équipements de protection individuelle pour les travailleurs·euses.

    A lire aussiInspecteur du travail suspendu : la politique de la mise au pas

    Depuis le début de la crise sanitaire que nous traversons, l’orientation du gouvernement est la poursuite de l’activité économique à tout prix, et quel qu’en soit le coût pour les salarié·es. L’Inspection du travail est perçue comme un obstacle à cette orientation, qu’il s’agit de mettre au pas. A cette fin, le ministère du Travail est prêt à toutes les dérives et n’hésite pas à violer allégrement les textes nationaux et internationaux, notamment la convention numéro 81 de l’Organisation internationale du travail, qui rend les agent·es de l’inspection du travail indépendant·es « de toute influence extérieure indue » et leur confère le droit de décider librement de leurs interventions et des suites qu’ils y donnent. Or l’article L 4732-1 du code du travail prévoit bien que l’inspecteur du travail peut décider seul de saisir le juge des référés.

    La mise à pied d’Anthony Smith, intervenue à la demande directe de l’employeur visé par l’assignation en référé et de responsables politiques locaux, dont le président du conseil départemental, est un condensé de ces dérives et de la politique à front renversé que mène le gouvernement. Plutôt que de sanctionner, le rôle du ministère du Travail devrait être de protéger les agent·es qui, dans ces circonstances difficiles, agissent conformément au droit du travail pour préserver la santé des salarié·es. C’est pourquoi nous, responsables politiques, syndicalistes, militant·es associatif·ves, féministes, artistes, intellectuel·les, exigeons ensemble la réintégration immédiate d’Anthony Smith et l’abandon de toute procédure disciplinaire à son encontre. Nous affirmons que dans ces circonstances exceptionnelles ou des centaines de milliers de salarié·es exposent quotidiennement leur santé et leur vie, l’Inspection du travail doit avoir les moyens de contrôler en toute indépendance le respect des règles de santé et de sécurité.

    Premiers signataires : Philippe Martinez, secrétaire général de la CGT ; Benoît Teste, secrétaire général de la FSU ; Cécile Gondard-Lalanne, porte-parole de l’union syndicale Solidaires ; Estellia Araez, présidente du Syndicat des avocats de France ; Katia Dubreuil, présidente du Syndicat de la magistrature ; Nicolas Girod, porte-parole de la Confédération paysanne ; Aurélie Trouvé, porte-parole d’Attac ; Suzy Rojtman, porte-parole du Collectif national pour les droits des femmes ; Malik Salemkour, président de la Ligue des droits de l’homme ; Caroline De Haas, militante féministe ; Bernard Thibault, représentant des travailleurs au conseil d’administration de l’OIT ; Clémentine Autain, députée de Seine-Saint-Denis ; Monique Pinçon-Charlot et Michel Pinçon, sociologues, anciens directeurs de recherche du CNRS ; Nicolas Silhol, réalisateur (du film Corporate) ; Jean-Luc Mélenchon, président du groupe LFI à l’Assemblée ; Nathalie Arthaud, porte-parole de Lutte ouvrière ; Fabien Roussel, secrétaire national du PCF ; Olivier Faure, premier secrétaire du PS ; Christine Poupin, porte-parole du NPA.

    #Syndicalisme #Confinement #Inspection_travail

  • Le projet StopCovid doit être abandonné - Libération
    https://www.liberation.fr/debats/2020/04/27/le-projet-stopcovid-doit-etre-abandonne_1786576

    A la veille du débat parlementaire sur l’application destinée à suivre la diffusion de l’épidémie, un collectif de spécialistes pointe une technique inadaptée sans aucune garantie quant à une installation limitée dans le temps. Tribune. Pour préparer le déconfinement auquel les Français aspirent, deux critères essentiels doivent guider nos décisions publiques : d’abord l’efficacité et l’utilité d’une solution pour freiner la propagation de l’épidémie et éviter un effet rebond, qui doivent être maximales ; (...)

    #CNIL #surveillance #santé #COVID-19 #BigData #technologisme #géolocalisation #anonymat #TraceTogether #StopCovid #smartphone #Bluetooth #contactTracing #algorithme (...)

    ##santé ##Apple

  • Les confinés, ce sont les plus mobiles !

    Le confinement spatial est aussi une question de #frontières. Les confinés sont ceux qui, même immobiles, « ont accès ». Pouvoir se confiner relève du même processus que pouvoir traverser une frontière légalement, il faut appartenir au cercle restreint des « acteurs » de la globalisation.

    Depuis que le virus Covid-19 a été identifié, le repli spatial a constitué une préconisation politique essentielle. Ce qui est recommandé sous le terme désormais consacré de distance sociale, c’est le maintien d’une distance minimale entre les personnes, bien géographique celle-là. Et la mettre en œuvre suppose une forme de maîtrise sur nos conditions de vie, sur notre habiter. Confiner, c’est placer entre des limites. Cela implique que le contour que l’on érige à la périphérie de soi-même, entoure un centre, stable lui ! En filigrane de cette politique, on voit s’esquisser une pensée politique de l’espace très classique, tout à fait en décalage avec l’analyse des mobilités contemporaines.

    Ne sont véritablement confiné·es aujourd’hui que celles et ceux qui ont un logement suffisamment grand pour permettre au nombre de personnes qui y vivent de ne pas trop en sortir. En avoir deux, qu’on soit des enfants en résidence alternée ou des couples non-concubins, c’est déjà se trouver hors de ce cadre normatif… Cette logique de sédentarité extrême se présente désormais comme une marginalité spatiale positive, car choisie. Ne sont donc concernés ni les sans-logis, ni les entassés. Notamment celles et ceux qui subissent, en prison ou en centre de rétention administrative, une assignation de mise l’écart de la société qui prend effet dans des lieux enclos où le confinement est paradoxalement impossible : les densités trop fortes s’y traduisent dans les faits par une promiscuité délétère.
    Ceux qui ont « accès »

    Le confinement dont il s’agit n’a rien d’un enfermement ! Et ce, malgré le sentiment croissant de frustration de celles et ceux qui l’appliquent depuis un mois en se privant de l’accès à la multiplicité des lieux habituellement fréquentés. A y regarder de plus près, ne sont finalement concernés que celles et ceux qui peuvent vivre entre quatre murs parce qu’ils le font de manière tout à fait connectée ! Pouvoir, depuis chez soi, conserver des ressources régulières, c’est travailler à distance, être retraité ou encore indemnisé pour un chômage partiel ou permanent, un arrêt maladie. On continue alors d’être relié à un système marchand, lui-même relayé par un complexe bancaire qui nous « donne accès ». Et place les personnes concernées en situation de continuer à consommer à distance (faire ses courses le moins loin possible du domicile, se faire livrer, etc.).

    Certes, certains biens et services, notamment immatériels, sont désormais inaccessibles : soins du corps, pratiques de sociabilité, offre culturelle. Et l’avalanche d’ouverture de contenus en ligne dans ces domaines ne compense pas ce qui fait leur force habituelle, l’intensité des liens que ces secteurs stimulent. Mais ce mode « dégradé » reste un luxe, la carapace électronique qui garantit la faisabilité de notre enfermement apparent. Toute cette insertion économique se produit dans un processus d’invisibilisation des liens, produit par le système capitaliste qui les financiarise. Qu’il est facile de commander sur une grande plateforme en ligne sans penser aux employés qui travaillent dans ses entrepôts, livrent, déploient matériellement les réseaux sur lesquels repose notre approvisionnement !
    Informalisés et autres illégalisés

    Les confiné·es sont donc celles et ceux qui, même immobiles, « ont accès ». A l’extrémité inverse du spectre social, les non-productifs, les « informalisés » et autres « illégalisés », celles et ceux qui ne peuvent plus vendre leur travail manuel et physique (ménage, construction), qui ne sont pas pris en charge par les systèmes de santé, et tous ceux qui ont du mal à se relier au monde libéral. On peut aussi assister à des bascules rapides : l’étudiant·e issu·e d’un milieu modeste, qui n’a pas d’ordinateur ou de bonne connexion internet chez lui, parfois confiné·e dans une chambre minuscule où il·elle est désormais privé de la restauration à bas prix du Crous, peut tout à fait décrocher de la dynamique vertueuse que ses efforts lui avaient permis d’intégrer, éjecté du monde mobile auquel il aspirait.

    Paradoxalement, celles et ceux qui peuvent aujourd’hui se confiner dans de bonnes conditions sont très exactement les personnes qui avaient accès à la liberté de mouvement dans le monde d’avant. Ce sont des personnes qui disposent d’un degré d’autonomie globale leur permettant de choisir les interactions qui les mondialisent : en d’autres termes. Ce sont précisément celles et ceux qui disposaient d’un niveau de « #frontiérité » élevé, pour reprendre une expression que j’ai forgée avec Frédéric Giraut pour qualifier nos capacités inégales à traverser les frontières.

    Pouvoir se confiner relève du même processus que pouvoir traverser une frontière légalement : il s’agit de deux modalités de l’appartenance au cercle restreint des « acteurs » de la globalisation. Ce sont deux faces de l’« inclusion différentielle » (Sandro Mezzadra) qui régit désormais le corps social. Loin de l’égalité démocratique, l’attribution des droits politiques, notamment l’accès à une citoyenneté pleine et entière, semble dépendre de cette aptitude à pouvoir démontrer de l’utilité individuelle dans la mondialisation. Gommer opportunément de nos radars le fait que ceux qui produisent à bas coût des jeans ou des téléphones, du coton ou des minerais, actent tout autant cette économie inter-reliée que les élites mondialisées. Ne pas voir l’écheveau des liens complexes de notre système monde dont le Covid-19 est le symptôme, ne pas considérer pas la matérialité des biens qui sont derrière les liens électroniques sur lesquels repose notre confinement, c’est faire l’autruche.

    Les confinés, c’est-à-dire les plus « frontiérisés », se trouvent être aussi les êtres humains qui ont la plus forte empreinte écologique ! Sortir du confinement ne se fera pas en réouvrant les frontières, mais en re-visibilisant les liens. L’analyse fine des inégalités territoriales du monde mobile qui a produit la crise du Covid-19 constitue une étape essentielle pour poser les bases de la justice sociale nécessaire pour imaginer l’« après ».

    https://www.liberation.fr/debats/2020/04/27/les-confines-ce-sont-les-plus-mobiles_1786544

    #confinement #mobilité #immobilité #globalisation #mondialisation #inclusion_différentielle #Mezzadra #Sandro_Mezzadra #repli_spatial #distance_sociale #distance_spatiale #sédentarité #marginalité #assignation #SDF #détention #détention_administrative #prisons #sans-abrisme #rétention #promiscuité #enfermement #télétravail #connectivité #internet #enfermement_apparent #confinés #non-confinés #espace #liberté_de_mouvement #liberté_de_circulation #autonomie #im/mobilité #hyper-mobilité #immobilité

    Tribune de #Anne-Laure_Amilhat-Szary (@mobileborders)

    ping @isskein @karine4

  • Les sans-papiers à l’épreuve du coronavirus - Libération
    #Covid-19#France#sanspapier#migrant#migration

    https://www.liberation.fr/debats/2020/04/24/les-sans-papiers-a-l-epreuve-du-coronavirus_1786184

    Parce qu’ils n’existent plus administrativement, les étrangers sans papiers deviennent des « sans-ressources », exclus du travail et de toute aide publique. Et exclus d’un accès aux soins, ce qui en temps d’épidémie déroge à toutes les règles de santé publique.

  • (17) Pour faire la guerre au virus, armons numériquement les enquêteurs sanitaires - Libération
    https://www.liberation.fr/debats/2020/04/26/pour-faire-la-guerre-au-virus-armons-numeriquement-les-enqueteurs-sanitai

    Pourquoi se focaliser sur une application qu’il faudra discuter à l’Assemblée nationale et qui risque de ne jamais voir le jour, alors que nous devrions déjà nous concentrer sur la constitution et l’outillage numérique d’une véritable armée d’enquêteurs en épidémiologie ?

    Tribune. Le débat sur l’apport du numérique à la résolution de la crise sanitaire actuelle est bien mal engagé. Une énergie considérable est consacrée à développer et affiner le controversé projet d’application de traçage StopCovid, dont la faisabilité et l’utilité restent pourtant sujettes à caution. Pendant qu’on en développe plusieurs versions, qu’on engage un bras de fer avec Google et Apple et qu’on mobilise les parlementaires à discuter et voter sur une application qui risque de ne jamais voir le jour, rien n’est dit de la préparation de l’équipement numérique de la « force sanitaire », cette « armée » d’enquêteurs de terrain qu’il va falloir déployer à partir du déconfinement pour remonter et casser les chaînes de transmission.

    Pourtant, pour l’anthropologue et médecin Paul Farmer, ex-envoyé spécial des Nations unies à Haïti après le séisme en 2009, la réponse à une épidémie, c’est avant tout « staff and stuff » : des gens et des choses.

    Ces enquêtes, minutieuses, fastidieuses, peuvent mobiliser des effectifs importants. 9 000 enquêteurs à Wuhan (pour une ville de 11 millions d’habitants), 20 000 en Corée (qui en compte 52 millions). Les experts en santé publique de l’université Johns-Hopkins estiment ainsi à 100 000 le nombre d’enquêteurs qu’il faudrait aligner aux Etats-Unis pour un coût d’environ 3,6 milliards de dollars. Selon Tom Frieden, un ancien directeur du CDC, ce chiffre pourrait être trois fois plus élevé. En Allemagne, le gouvernement fédéral envisage de recruter 20 000 agents (une équipe de cinq personnes pour 20 000 habitants). En Belgique, Wallonie, Bruxelles et Flandre comptent recruter 2 000 enquêteurs.

    En France, selon le président du Conseil scientifique, Jean-François Delfraissy, ce sont entre 10 000 et 15 000 nouvelles contaminations par jour qui pourraient être enregistrées à partir de la mi-mai ou de la fin mai. Pour prendre en charge les nouveaux contaminés et tracer les cas contacts, il évalue à 20 000 ou 30 000 personnes la taille de cette « force sanitaire » : « une armada » pour reprendre ses mots. Il alerte : « Si on n’a pas cette brigade, une app numérique ne marchera pas. »

    Ce qui ne veut pas dire que le numérique ne peut pas les aider. Car ces enquêteurs, il va falloir les outiller. En tutoriels. En questionnaires pour accompagner et guider la personne atteinte dans recherche de contacts (« Quand avez-vous déjeuné ? Où étiez-vous alors ? »). Il faudra déployer une plateforme pour remonter et centraliser les données, dans le respect de la vie privée de l’ensemble des personnes concernées, malades, proches, enquêteurs eux-mêmes ! Et des outils pour interagir rapidement avec les épidémiologistes plus chevronnés et avec la chaîne aval (masques, tests et isolement volontaire). On peut aussi imaginer des bases de connaissance pour aider les enquêteurs à apporter des réponses précises et documentées aux personnes qu’elles seront amenées à interroger. Il faut aussi envisager le cas de personnes atteintes qui ne parleraient pas le français, et prévoir la possibilité de faire appel à distance à des interprètes.
    Délai record

    C’est sur l’outillage numérique des enquêteurs et sur le recueil des données les plus utiles que devraient se concentrer les efforts et le débat, pour que la France se dote du seul moyen reconnu à ce jour comme efficace pour lutter contre la pandémie.

    Notre fascination collective pour les applications de traçage révèle notre désir d’en finir « magiquement », grâce à une killer app qui résoudrait tout, avec la maladie.

    Didier Sicard Président d’honneur du Comité National d’Ethique ,
    Benoit Thieulin ancien président du Conseil national du numérique ,
    Maurice Ronai ancien commissaire à la Cnil ,
    Godefroy Beauvallet ancien vice-président du Conseil national du numérique

    #After #Epidémiologie

  • (8) Les sans-papiers à l’épreuve du coronavirus - Libération
    #Covid-19#France#sanspapier#migrant#migration

    https://www.liberation.fr/debats/2020/04/24/les-sans-papiers-a-l-epreuve-du-coronavirus_1786184

    Parce qu’ils n’existent plus administrativement, les étrangers sans papiers deviennent des « sans-ressources », exclus du travail et de toute aide publique. Et exclus d’un accès aux soins, ce qui en temps d’épidémie déroge à toutes les règles de santé publique.

  • Les droits fondamentaux en quarantaine ? - Libération
    https://www.liberation.fr/debats/2020/04/24/les-droits-fondamentaux-en-quarantaine_1786200

    Il ne s’agit pas tant de porter un jugement sur la décision du pouvoir exécutif de confiner la population, ou de prendre des mesures « d’exception », que de constater les incohérences, et surtout le manque de « garde-fou » face aux dérives, dans l’application de l’état d’urgence. La faiblesse, pour ne pas dire l’absence, d’un pouvoir législatif qui aurait pu initier un débat contradictoire dans l’adoption de l’état d’urgence sanitaire, n’a pas été compensée par le contrôle juridictionnel, en particulier celui du Conseil d’Etat, pourtant primordial dans un Etat supposé « de droit ».

    Contrairement à ce qu’a pu affirmer Laurent Fabius, président du Conseil constitutionnel, une « éclipse des droits fondamentaux » est bien intervenue, et risque de s’inscrire dans le droit commun si rien n’est fait pour y remédier, à l’image des dernières législations votées en matière antiterroriste. Sous prétexte de gestion d’une crise, le droit décline et ce n’est pas non plus l’affirmation de Nicole Belloubet selon laquelle « l’Etat de droit n’est pas mis en quarantaine » qui assurera du contraire.

    Dans une tribune parue le 18 avril 2020 dans Libération, des députés européens, dont Nathalie Loiseau, ancienne ministre du gouvernement d’Edouard Philippe et tête de liste de la majorité aux élections européennes, ont proposé de faire adopter à Bruxelles un encadrement des lois d’exception afin d’éviter que des Etats membres profitent d’une crise sanitaire, comme celle du Covid-19, pour s’arroger des pouvoirs antidémocratiques. Bien que légitime, cette idée est curieusement formulée d’une façon qui en annihile les effets. Outre que le texte stigmatise la Pologne et la Hongrie, alors que la dérive autoritaire concerne aussi la France et son gouvernement, il soutient que « l’Europe a besoin d’exécutifs forts », comme s’ils avaient été jusqu’à présent faibles et impuissants face à la crise. Dans les faits, l’action d’un Etat comme la France n’a pas été entravée par un quelconque contrôle par les pouvoirs législatif ou judiciaire, ce qui altère indéniablement la sauvegarde des droits fondamentaux.

    Certes, la CNCDH a, par exemple, mis en place un observatoire de l’état d’urgence sanitaire et du confinement, visant à contrôler la mise en œuvre des mesures coercitives qu’autorise cet état d’exception, et relevé que « l’état d’urgence sanitaire ne justifie pas une telle disproportion dans l’atteinte aux droits ». Certes, le Défenseur des droits a pu alerter les pouvoirs publics sur des conséquences nocives de l’état d’urgence sanitaire, notamment dans l’accès aux services publics. Cependant, malgré ces alertes, aucune modification notable n’apparaît dans l’action publique.

    #pouvoir #contre-pouvoir #monarchie

  • Tiens, les militants de l’économie sortent leur tribune dans Libération.
    On peut déconfiner pépouze, disent-ils, les températures vont augmenter à l’approche de l’été et perturber la propagation du virus. CQFD.

    https://www.liberation.fr/debats/2020/04/24/coronavirus-et-climat-tirer-les-lecons-du-cas-francais_1786267

    Une implication politique de ces résultats est qu’il est plus probable qu’on ne le croit généralement que les mesures de confinement dans l’hémisphère Nord puissent être assouplies avec succès et de plus en plus à l’approche de l’été.

    #covid19 #Croissance #militant_de_l'économie

    • Longtemps ignorée par les autorités sanitaires, cette crise fait l’objet d’une attention croissante, même si chacun sait qu’il n’existe pas de solution magique aux traitements de l’addiction et de la dépression, surtout lorsque celles-ci sont nourries par les inégalités économiques et sociales. Le « mur » promis par Trump pour éloigner les vendeurs de drogue en provenance du Mexique ou les actions en justice contre les grands groupes pharmaceutiques chassent l’ombre pour la proie. Seule une politique de « santé publique de précision », comme disent les spécialistes, et une meilleure prise en charge de la couverture médicale, envisagée du temps de Barack Obama, permettront de protéger les populations en proie au désespoir.

      Point essentiel pour comprendre ce qui se joue en ce moment aux Etats-Unis, l’épidémie du Covid-19 se juxtapose donc à cette première crise sanitaire. Pour l’heure, les chiffres de la mortalité annoncent des différences dans la composition sociale des populations affectées. Le virus touche des populations plus urbaines et âgées, notamment dans le Nord-Est, et épargne jusqu’ici les zones rurales. Moins touchée par les opiacés et surtout les suicides, la population afro-américaine est, en revanche, fortement affectée par le virus. Mais dans les deux cas, les populations les plus pauvres figurent au premier rang des victimes. Que l’on meurt du Covid-19 ou du désespoir, on meurt avant tout en fonction de son revenu mensuel aux Etats-Unis.

  • #Coronavirus : l’heure des comptes, le temps du dégoût - Libération

    https://www.liberation.fr/debats/2020/04/21/coronavirus-l-heure-des-comptes-le-temps-du-degout_1785807

    Après avoir été lui-même contaminé, un chirurgien exprime sa gratitude pour les équipes soignantes et sa lassitude face à un système fourvoyé laissant surnager communicants et dirigeants incompétents face à la crise.

    #communicants #macronie #novlangue

  • Médicaments : la planification sanitaire que nous voulons - Libération
    https://www.liberation.fr/debats/2020/04/20/medicaments-la-planification-sanitaire-que-nous-voulons_1785700

    La solution n’est donc plus du ressort des industriels, elle relève de la responsabilité du gouvernement. L’Observatoire et de nombreux experts internationnaux ont depuis des semaines fournie des données factuelles, précises, documentées pour construire ces chaines de production en France et en Europe, notamment à travers la mise en œuvre de la transparence sur tous les aspects de la chaine de production et de développement du médicament. Le gouvernement français s’est même engagé en ce sens en mai 2019 devant l’Organisation Mondiale de la santé. Cette transparence est essentielle pour guider les politiques publiques en santé et pour permettre une meilleure réactivité dans une crise mondiale. Pour construire une réponse internationale et dépasser les altermoiements quant aux tensions sur les approvisionnements. Et pour faire face à cette crise sanitaire majeure, elle nous aurait grandement aidés.

    #médicament #covid_19 #planification_sanitaire #observatoire_de_la_transparence_dans_les_politiques_du_médicament
    #jérôme_martin #pauline_londeix #hugues_charbonneau

  • Le « contact tracking » ou la généralisation du bracelet électronique pour les citoyens - Libération
    https://www.liberation.fr/debats/2020/04/10/le-contact-tracking-ou-la-generalisation-du-bracelet-electronique-pour-le

    L’application StopCovid n’est pas une réponse au virus mais une démarche idéologique destinée à limiter les libertés des personnes. Il faut s’opposer à ce projet qui ne sera ni efficace, ni sans danger. Tribune. L’outil de tracking proposé par le gouvernement n’est ni efficace, ni sans danger. Et surtout, loin de se contenter de menacer la vie privée, ce n’est ni plus ni moins qu’une forme de bracelet électronique généralisée et donc la mise en détention globale de tous les Français qui est aujourd’hui (...)

    #surveillance #santé #COVID-19 #BigData #métadonnées #[fr]Règlement_Général_sur_la_Protection_des_Données_(RGPD)[en]General_Data_Protection_Regulation_(GDPR)[nl]General_Data_Protection_Regulation_(GDPR) #technologisme #géolocalisation #biopolitique #StopCovid #smartphone (...)

    ##santé ##[fr]Règlement_Général_sur_la_Protection_des_Données__RGPD_[en]General_Data_Protection_Regulation__GDPR_[nl]General_Data_Protection_Regulation__GDPR_ ##bracelet ##contactTracing ##algorithme

  • Femmes migrantes, encore plus fragiles en temps d’#épidémie

    Au bas de l’échelle de la #précarité, ces femmes en migration qui voient se restreindre les possibilités d’#accueil et l’accès au système de #santé sont encore plus en danger.

    Ce n’est un secret pour personne, les #inégalités sont criantes devant la maladie du Covid-19 même si tout le monde y est exposé. L’#état_d’urgence_sanitaire laisse des populations entières sans protection, loin de tous dispositifs d’accueil et de prise en charge médicale et hospitalière. Nous voulons parler ici des centaines de femmes migrantes sans existence officielle ou demandeuses d’asile sans protection sociale ni matérielle. A ce dénuement du corps et de la dégradation brutale de leur état de santé, s’ajoutent les multiples violences dont elles font l’objet. #Victimes, elles le sont à plusieurs titres : socialement, sexuellement, psychologiquement, administrativement.

    L’augmentation des violences faites aux femmes lors du #confinement est réelle. Mais on peut se demander quel sens peut avoir la notion même de « confinement » pour ces #femmes_précaires dans une période où les liens entre #pouvoir et #violences sont mis à nu, la perte du premier exacerbant les seconds. Dans ce contexte, le climat de #peur les incite à l’#évitement ou l’(auto)exclusion de l’#espace_public sauf pour celles qui restent soumises à la loi du plus fort dans l’espace fermé de l’#appartement ou l’espace ouvert de la #rue. Rien ne leur est épargné. La peur des contrôles de police et la méconnaissance du fonctionnement des institutions les mettent à la merci de prédateurs, qui prolongeront en France leur calvaire.

    Généralement sans statut légal, ce sont des femmes seules, enceintes sans conjoint avec ou sans enfants. Ces dernières années, la décision inique de restreindre l’accès au système de santé pour les populations migrantes se révèle catastrophique aujourd’hui dans l’urgence de contenir la pandémie.

    Santé

    Nous savons par nos expériences professionnelles et nos enquêtes que les situations de forts #déclassements et d’#humiliations_sociales s’accompagnent le plus souvent de complications graves de santé. C’est encore plus vrai pour des migrants hommes et femmes ayant parcouru des milliers de kilomètres dans les pires conditions. Leur arrivée en Europe (quand ils y arrivent) ne va jamais sans une dégradation du corps et de la santé : blessures accidentelles, hypothermie, brûlures, problèmes cardiovasculaires, diabète, hypertension, etc. Les femmes migrantes sont quant à elles confrontées à des problèmes spécifiques touchant notamment à la santé de la mère, du nouveau-né et de l’enfant, à la santé sexuelle et reproductive et une exposition plus grande aux violences sexuelles et aux maladies sexuellement transmissibles.

    Les déplacements forcés rendent la continuité des soins périlleuse pour certaines maladies chroniques y compris en France quand les traumatismes des violences sexuelles nécessitent des prises en charge spécifiques complexes et sur le long terme. Ainsi les effets du stress post-traumatique liés aux violences sont manifestes lors de leur parcours de soins : difficulté à se concentrer, incapacité à agir efficacement, remémoration douloureuse de l’agression, troubles amnésiques liés à la contradiction de devoir raconter et d’oublier, terreurs nocturnes et anxiété, autant de contraintes qui altèrent leur capacité à faire valoir leurs droits.

    Les réseaux de solidarité plus ou moins précaires sont mis à l’épreuve. Nous avons eu connaissance lors de nos activités sur le terrain qu’un certain nombre de femmes seules, enceintes ou avec enfant en bas âge, ont été « poussées » vers la porte de sortie par leur ami·es, hébergeure·s dès lors qu’elles avaient tous les symptômes, réels ou supposés, du Covid-19.

    Périple

    Le soin et la mise à l’abri des violences sont le salut de ces femmes. En période de pandémie, l’hôpital et ses soignants retrouve sa dimension d’« hospice » accueillant les plus démunis. Le système d’hébergement d’urgence sans cesse saturé voire inexistant dans certains départements, s’est retrouvé également en première ligne pour accueillir et soigner. Ces centres d’hébergement sont majoritairement collectifs et ne présentent pas de chambres adaptées au confinement avec leur sanitaire et cuisine propre. Dans leur périple, certaines femmes ont la chance d’être conduites vers les services d’urgence pour premier examen et réorienté vers les centres de desserrement dédiés au confinement des sans-abris atteints du Covid-19. On peut donc mesurer, sans trop de difficultés, les conséquences publiques, et pas seulement privées, de leur marginalisation (en réalité de leur invisibilité) juridiques et sanitaires. Ces femmes (car ce sont elles qui ont, dans les pires conditions, la charge quotidienne des enfants en bas âge), sont dans des logiques incessantes et infernales de survie au quotidien, comme celui, primordial, de se nourrir et de nourrir ses enfants, car biens des acteurs de la distribution alimentaire ont été contraint de limiter leur activité du fait de l’épidémie et du confinement de leurs bénévoles habituels, trop âgés pour s’exposer, provoquant ainsi des tensions dramatiques sur l’accès à la nourriture.

    Le cloisonnement des dispositifs du droit commun avec les réformes successives, ainsi que l’appauvrissement du système de santé, ont aujourd’hui de lourdes conséquences sur les conditions d’existences des plus fragiles.

    Pour remédier à ces manquements mortels (nous osons dire le mot) il est impératif que la puissance publique avec l’aide des acteurs sociaux se mobilise pour :

    – Davantage de place d’hôtel pour des confinements de qualité avec des stratégies de test PCR plus large pour ces publics surprécaires ;

    – Réduire significativement la pression sécuritaire sur les migrants et les campements, afin de favoriser le travail des associations et la coordination entre acteurs associatifs du soin-hébergement-sécurité alimentaire ;

    – Augmenter les dispositifs adaptés d’hébergement pour l’ensemble des mineurs placés par l’aide social à l’enfance et les mineurs non-accompagnés ;

    – Déployer davantage de places d’hébergement d’urgence pérennes pour les femmes victimes de violences sur le territoire et renforcer les dispositifs d’hébergement pour femmes seules notamment avec nourrissons et enfants ;

    – Accélérer les procédures de régularisations et de demande d’asile dans ce contexte de crise sanitaire ;

    – Accélérer la prise en compte des demandes de l’aide médicale d’Etat.

    Cette épidémie dépasse le strict enjeu du confinement. L’après-épidémie doit inclure dans les réflexions qui ne vont pas manquer de se poser sur le type d’organisation sociale que nous souhaitons dans tous les domaines de l’existence, ces populations qui étaient maintenues malgré elles hors du monde.

    https://www.liberation.fr/debats/2020/04/17/femmes-migrantes-encore-plus-fragiles-en-temps-d-epidemie_1785072
    #femmes #femmes_migrantes #fragilité #vulnérabilité #migrations #asile #réfugiés #coronavirus #covid-19 # Smaïn_Laacher

    @isskein & @karine4 —> #victimisation

  • Covid-19 en Syrie : sur tous les fronts, quoi qu’il en coûte ! - Libération
    En Syrie, où les besoins en matériel médical sont immenses, la propagation du Covid-19 serait une véritable crise dans la crise. Un collectif de soignants et humanitaires appelle l’Etat français à déployer l’élan de solidarité jusque dans les hôpitaux syriens.
    #Covid19#Syrie#Pétition#International#Crise_humanitaire#Guerre#migrant#santé#réfugiés#migration

    https://www.liberation.fr/debats/2020/04/09/covid-19-en-syrie-sur-tous-les-fronts-quoi-qu-il-en-coute_1784700

  • Non, ce virus n’est une bonne chose pour rien, ni personne - Libération
    Par Camille Islert , doctorante en lettres modernes à la Sorbonne-Nouvelle et membre de l’association les Jaseuses
    https://www.liberation.fr/debats/2020/04/12/non-ce-virus-n-est-une-bonne-chose-pour-rien-ni-personne_1784835

    A quoi bon discourir sur les « bons côtés du virus » ? De la chambre à coucher jusqu’à l’état de la planète, le coronavirus n’apporte rien de bon.

    Tribune. Depuis le début de la propagation du virus Covid-19, on voit fleurir des articles, des statuts, des dessins, des discours sur les bienfaits écologiques et humains du confinement. « Un peu de répit pour la planète » par-ci, « l’occasion de développer de nouvelles solidarités » par-là, « tout le monde à égalité devant le virus », sans compter les éternels déplaceurs de débat qui s’écrient en larmoyant « nous sommes le véritable virus de ce monde ». Alors, oui, il fait beau et le ciel est clair, mais non, ce virus n’est bon pour rien, ni personne, et il serait temps d’arrêter de vouloir nous remonter le moral à grands coups de projections aussi sensationnelles qu’indécentes.

    Non, le confinement n’est pas avantageux pour la planète, et il est encore moins un message que mère Nature nous envoie. Trois mois sans dégueulasser le monde ne sauvera rien du tout, et il y a de fortes chances, vu l’entêtement lunaire de nos dirigeants, que tout reprenne exactement comme avant à la fin des mesures. C’est déjà ce qu’ils nous disent, quand à l’heure où les trois quarts de la planète se rendent compte que leur travail n’est pas indispensable (oups), on force la moitié de ces trois quarts à continuer de produire. Que les choses ne changeront pas. C’est ce qu’ils nous disent quand ils nous distribuent les jours de confinement au compte-gouttes alors qu’on sait tous qu’on va y rester deux mois, comme des gentils papas qui ne veulent pas nous brusquer, quand ils nous racontent que les masques ça sert à rien ça-tombe-bien-y-en-a-pas puis que finalement c’est indispensable mais seulement si tu te le fabriques toi-même avec une vieille chaussette et un élastique.

    Mauvais élèves
    Et puis, de l’autre côté, bad cop, celui qui nous raconte que c’est de notre faute, qu’on est des mauvais élèves, qu’eux ils ont tout bien fait comme il faut mais qu’on n’a rien compris, que « si tu te retrouves en réa bah tu pourras t’en prendre qu’à toi ». C’est ce qu’ils nous disent quand ils nous font porter le chapeau, nous les réfractaires, les resquilleurs, sans regarder leur nombril bien, bien crade. Lunaire. Tous les compteurs sont au rouge pour ce qui est du grand bouleversement idéologique, économique et écologique post-corona. Autant dire, pour la planète, c’est même pas une pause, c’est une demi-respiration.

    Et non, ce n’est pas parce que des canards, des cerfs, des meutes de loups argentés se trimballent en ville et qu’on verra bientôt des dauphins dans les fontaines que c’est une bonne nouvelle : ils ont juste faim, parce que plus personne n’est là pour leur balancer des miettes de sandwich au jambon. Faim, comme les milliers d’animaux de compagnie abandonnés qui se traînent dans les rues désertes et qui finiront euthanasiés dans les fourrières parce que les refuges sont pleins à craquer.

    Non, le confinement n’est pas une bonne nouvelle pour les animaux. Ceux que nous avons rendus dépendants crèvent, et ceux qui n’ont pas besoin de nous crèvent, parce que les forêts, ça repousse pas en trois mois, et que même s’ils se promènent en ville, ça m’étonnerait qu’ils s’installent durablement dans un meublé. Sans compter que les jolis canards et les mignons hérissons d’aujourd’hui seront les premiers fauchés par les bagnoles dès la fin du confinement.

    Non, le confinement n’est pas bénéfique pour les gens. Etre confiné, c’est nul. Etre à la rue, c’est bien plus nul encore. Le mieux, sans suspense, c’est de pouvoir passer de l’un à l’autre. C’est de pouvoir rentrer au chaud, dormir en sécurité, et à l’inverse, c’est de pouvoir sortir quand tu es seul·e et isolé·e du monde, juste pour voir des gens, c’est de pouvoir aller voir tes proches et tes ami·es quand tu en as, c’est de pouvoir baiser quand tu en as envie. Tout le monde sait ça, mais il semblerait que les pubs, les discours officiels, les contenus sponsorisés de toutes sortes aient trouvé bon de nous abreuver d’images de bonheur, avec des bouquins de Musil et de Cohen que-j’avais-encore-jamais-réussi-à-lire-en-entier, des miches de pain dorées faites maison, des armoires triées-rangées-pliées, des muscles dont on ne connaissait pas l’existence qui apparaissent en dessous du bras si on se tient à un programme bien réglé, des sites pour apprendre en quelques jours tous les rudiments du suédois.

    Injonctions bienveillantes
    Qu’on s’entende, c’est super d’avoir des objectifs, de partager ses réussites avec ses connaissances, de se donner du courage. C’est super de réussir à se donner une raison de se lever, d’entretenir une rigueur quand on en a besoin. Créons-nous tous·tes des routines qu’on respecte ou pas ! Mais nous n’avons surtout pas à recevoir encore leurs injonctions plus ou moins masquées par la bienveillance. Parce que c’est super aussi de se ménager et d’admettre qu’on ne va pas bien et qu’on n’est pas capable sans culpabiliser.

    Ce qui n’est vraiment pas super, c’est d’entretenir constamment sur toutes les plateformes qui désormais sont nos seules fenêtres sur le monde, et cela même quand elle est heurtée de plein fouet dans ses convictions, une société performative et élitiste dans laquelle la pire des choses imaginables serait de « se laisser aller », de ne pas utiliser le temps à quelque chose de productif, de ne pas le mettre à profit : c’est pas super d’utiliser encore et toujours les mêmes termes qui sont ceux du capitalisme qui détruit la planète pour parler de notre quotidien confiné. Et là encore, sous prétexte de nous ménager, de nous offrir des solutions pour « tromper l’ennui », on nous infantilise au maximum : c’est le serpent qui se mord la queue, et ça n’indique rien de bon pour les changements post-crise. On va réussir, encore, alors qu’il faut juste rester chez soi et attendre, à nous faire sentir pas à la hauteur, pas assez bien.

    Nul n’est « héros »
    Non, « rester chez soi » ne sauve pas des vies. C’est le stade minimum de j’arrête de ne penser qu’à mon petit confort et à mon café en terrasse. Ça ne fait pas de nous, de toi, de moi, des héros. Ce qui sauve des vies, ou plutôt ceux qui sauvent des vies, aimeraient bien, sûrement, rester chez eux. Les médecins, les infirmièr·es, bien sûr, mais aussi les livreur·ses, les caissièr·es, les ouvrièr·es, celles et ceux qui nous sauvent un peu la vie à toutes échelles. Ils ou elles ne sont pas des héros non plus d’ailleurs. Les héros, ça fait les choses pour le mérite et la gloire. C’est beau. Et c’est pratique surtout, de hisser les gens au rang de héros quand on a besoin d’eux, de stimuler leur besoin de reconnaissance pour ne surtout pas leur donner ce dont ils ont vraiment besoin, cette petite chose basse et sale et pas du tout héroïque qui s’appelle l’argent.

    Bizarrement, ceux qui le veulent très fort, ce statut de héros, c’est plutôt les milliardaires, ceux qui donnent des pourboires aux hôpitaux, qui changent d’activité pour fabriquer des masques et du gel (qu’on soit bien d’accord, ce sont les employés qui changent d’activité quand une telle décision est prise, pas les milliardaires). Les mêmes qui déballent honteusement leur honteuse fortune dès que ça peut leur racheter un peu d’ego. Mais un peu moins cette fois que pour Notre-Dame, quand même, faudrait voir à pas abuser. Comme quoi, les gentils et les méchants, les héros et les anti-héros, c’est facile à confondre dès qu’on n’a pas les yeux en face des trous, ou qu’on regarde juste par la fenêtre.

    Coincé·es
    En fait, ça en met même en danger, des vies, de « rester chez soi ». Celles des personnes qui sont seules, qui sont dépressives, qui sont malades et qui n’osent plus appeler les médecins, qui sont enceintes et culpabilisent d’avoir recours à une IVG en période de crise sanitaire, celles des gens qui vivent dans des logements minuscules, insalubres, sans accès à du confort de base. Celles des travailleur·ses du sexe qui n’ont plus de source de revenu. Celles des femmes et des enfants qui sont enfermé·es avec des hommes violents, avec des hommes qui vont parfois oublier tout principe de consentement parce qu’en étant enfermés H24 ensemble c’est inconcevable qu’on n’ait pas envie, et puis faut bien passer le temps, et puis les besoins naturels et tout et tout. Celles des LGBTQI+ coincé·es avec des familles homophobes. Plus largement, celles de toutes les personnes dont le foyer n’est pas cette chose molletonnée et rassurante avec crépitement de cheminée qu’on nous vend dans les pubs. Forcément, on a moins envie de les regarder que la cellule familiale parfaite, où tout le monde met la main à la pâte (à pain), où on vit l’enfermement comme une folle aventure.

    Le virus, une catastrophe pour les femmes
    Cette aventure inédite, faut-il le rappeler, ne l’est d’ailleurs pas pour bon nombre de détenu·es, de personnes malades, handicapé·es, agé·es, qui subissaient le confinement bien avant qu’il ne devienne un matériau romanesque. Le confinement est une catastrophe pour les femmes. Le droit de sortir pour autre chose que pour des « achats de première nécessité », il faut dire, elles l’ont gagné il n’y a pas si longtemps. Prendre soin de son intérieur, se faire belle pour rester chez soi, sortir pour faire les courses et saluer Simone de loin avec la main si on la croise, ça nous ramène à un atavisme moins vieux qu’on l’aimerait.

    Il n’y a qu’à sortir pour s’en rendre compte : dans les magasins, dans les rues, partout, une majorité de femmes, avec ou sans masque, trimballent des sacs de victuailles. Des hommes aussi, mais moins, quand même, si, si. Parce que quand on a une chance dans la semaine d’acheter les trucs qu’il faut pour la famille, il vaut mieux pas se louper, et il vaut mieux que ce soit la personne en « charge », vous savez cette fameuse charge mentale, qui se « charge » directement des achats, pour éviter les erreurs. Et devinez qui c’est, dans la majorité des couples hétéros ? Vous avez deviné : probablement la même qui s’occupe des enfants d’une main tout en télétravaillant de l’autre. Jean-Michel, lui, il va sûrement penser à acheter des choses hors du commun, des petits plaisirs pour rendre la vie plus belle, mais pas sûr qu’il pense aux œufs et aux couches. Héros, Jean-Michel, avec ses chips d’exception qui rendent la vie plus belle, mais qui torchent définitivement mal les fesses de bébé. Héros, encore, comme quoi, tout se recoupe.

    Mythe de l’égalité
    Pitié, non, le confinement ne met pas tout le monde à égalité. Le grand mythe de l’égalité dans une société où certains geignent devant leur quatrième barbecue et écrivant leur roman pendant que d’autres récurent leur 9 m2 ou se désespèrent de ne pas pouvoir aider leurs gamins à faire leurs devoirs, il a jamais été aussi loin. Jamais aussi loin quand certains crèvent seuls dans des Ehpad ou comptent sur la solidarité de leurs voisins pour leur apporter des pâtes, pendant que d’autres ne peuvent pas se passer de leur jogging du lundi.

    En fait, il révèle et empire : les personnes agé·e·s, précaires, racisé·e·s sont en première ligne, encore. Non, le coronavirus n’apporte et n’apportera rien de bon, de la chambre à coucher à l’organisation mondiale, pas de bouleversement positif à l’horizon. Des milliers et des milliers de mort·es, des centaines de milliers de muscles atrophiés en réanimation, des millions de deuils. Non, la planète ne s’en portera pas mieux. C’est de la merde de bout en bout, on fait avec, c’est indispensable, salvateur, mais nous abreuver de raisons vaseuses de le nier n’est bon pour personne. Aidons-nous quand on le peut, donnons-nous du courage puisqu’on ne peut pas (a-t-on jamais pu ?) compter sur le haut de la chaîne pour ça, faisons-nous rire et relativiser quand on le peut. Mais par pitié, arrêtez de vouloir nous forcer à loucher sur les « bons côtés du virus ». Il n’y en a pas, et c’est beaucoup plus normal et sain de se sentir dépassé, mou, déprimé, improductif, de faire ce qu’on peut, d’accepter qu’on ne peut pas. Cessez de vouloir nous faire « positiver » et « profiter » au prix de la décence : ça va, on va mal mais ça va.

  • #DP3T - Decentralized Privacy-Preserving Proximity Tracing
    https://github.com/DP-3T/documents

    C’est un projet membre de l’initiative #PEPP-PT, introduit par Michael Veale de cette manière :

    Governments cannot be trusted w/ social network data from Bluetooth. So w/ colleagues from 7 unis, 5 countries, we’ve built & legally analysed a bluetooth COVID proximity tracing system that works at scale, where the server learns nothing about individuals

    C’est ce projet qui est décrit en bédé par Nicky Case :


    … lire la suite sur le site
    https://ncase.me/contact-tracing

    #virusphone #contact_tracing

  • Le monde qui vient n’a rien d’une utopie, c’est un cauchemar (Michel Lepesant, Reporter, 27.03.20)
    https://reporterre.net/Le-monde-qui-vient-n-a-rien-d-une-utopie-c-est-un-cauchemar

    Tout au contraire, ce qui vient n’est ni l’insurrection ni la grève générale, c’est une #dystopie. Au 19e siècle, les socialistes les plus utopiques voyaient dans les expérimentations minoritaires les semences de la transformation sociale.
    Mais ce qui est en train de se passer est une expérimentation ni minoritaire, ni majoritaire, mais totalitaire, dans laquelle la fin affichée – « sauver des vies » – justifie tous les moyens. Quand on se souvient à quel point dans les temps précédents le gouvernement français a déjà fait preuve d’insensibilité, on peut s’attendre à ce que la suite lui donnera tout le temps d’accentuer sa violence économique, sociale et politique.

    C’est la dystopie économique qui vient : trop tard pour réviser une politique antérieure (RGPP) qui aujourd’hui – par faute de moyens – détermine une stratégie d’improvisation. C’est même l’occasion, sinon l’aubaine, pour accélérer les processus de dématérialisation des activités : télétravail, téléconsultation, la culture en 1 clic, la web-école… Que penser d’une société qui maintient le « travail » tout en interdisant de partir en vacances ? […]

    La dystopie sociale s’installe sous le nom de « distanciation sociale », car c’est d’#isolement individuel qu’il s’agit. Et en traitant aujourd’hui d’« imbéciles » les réfractaires au confinement, Castaner continue dans cette logique sociocidaire de la réduction de toute #responsabilité à sa seule dimension individuelle que toutes les réformes récentes du gouvernement tentent d’imposer […].

    La dystopie politique se renforce quand se multiplient ces listes qui inventorient les lieux, déplacements, activités, comportements autorisés : tout ce qui n’est pas permis devient #interdit. Que penser d’une société dans laquelle cette inversion du permis et de l’interdit semble ne susciter aucun débat public ?