Pourquoi les corps subalternes sont-ils toujours déshumanisés ?

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    Autrement dit, puisque les corps des Africain.e.s et des « prostituées » semblent voués à être exposés à un danger certain, autant les mobiliser d’une manière qui soit utile à d’autres corps, plus précieux. Pas une seule fois, l’idée de la sollicitation d’un consentement de la part des propriétaires de ces corps réduits à des supports expérimentaux, n’émerge durant cette conversation.

    Si ces propos ont suscité une large vague de condamnations, totalement justifiées, c’est parce qu’ils font écho à une déconsidération historique des corps subalternes.

    Depuis le début de l’épidémie, l’on entend régulièrement des commentaires inquiets quant à la catastrophe que pourrait constituer l’épidémie du coronavirus si elle s’amplifiait sur le sol africain dans les proportions de ce qui se produit en Chine, en Europe ou aux États-Unis. En effet, les structures hospitalières des 54 pays du continent ne seraient probablement pas en mesure de prendre en charge l’intégralité des patients, faute de moyens suffisants. Toutefois, ces anticipations inquiétantes et catastrophistes semblent aussi traduire un étonnement malsain – peut-être inconscient – quant au caractère inéluctable du destin tragique, forcément, d’un continent qui ne pouvait pas être épargné. Comme s’il était inconcevable qu’il ne soit pas effroyablement touché. Les précédentes décennies ont malheureusement fait de l’Afrique le théâtre d’un nombre affolant de malheurs et de tragédies, si bien que l’on semble désormais habitué à voir ses habitant.e.s en proie aux plus atroces souffrances. Les famines d’enfants, les guerres ou génocides, les pandémies, naufrages de réfugié.e.s et autres catastrophes ont fini par être inconsciemment associées au continent africain, comme s’il s’agissait d’une sorte de malédiction intrinsèque à ce territoire. Qu’une épidémie puisse frapper le monde, sans que l’Afrique ne prenne sa part, parait donc invraisemblable tant la souffrance des Africain.e.s est devenue une évidence.