Robin Rivaton : Inflation, j’écris ton nombre

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  • Robin Rivaton : Inflation, j’écris ton nombre - L’Express L’Expansion
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    Les tombereaux d’argent injectés dans le système économique laissent planer la crainte du retour de l’inflation.

    L’ombre de l’inflation plane sur nos économies. Son retour est annoncé partout depuis que les États et les banques centrales ont dévoilé des mesures exceptionnelles de soutien à une économie plongée en stase pour lutter contre la pandémie Covid-19. Les perdants à venir sont déjà connus : consommateurs au pouvoir d’achat rogné, épargnants punis par des rendements réels négatifs. 

    La crise de 2008 aura convaincu les gouvernements que réagir vite et fort pour compenser les revenus perdus par les ménages était crucial. Faire cesser l’activité est l’affaire de 24 heures, la faire reprendre peut devenir un combat de plusieurs mois. Le maintien de la confiance est le seul espoir d’une reprise rapide. Les États se sont donc extraits des règles budgétaires qu’ils s’étaient eux-mêmes appliquées, au nom de la confiance de long terme pour sauver la confiance de court terme. En Europe, la limite des 3 % de déficit rapporté au PIB a volé en éclat. En Chine, l’endettement local que le gouvernement s’efforçait de dégonfler a été libéré. Les Etats-Unis viennent d’annoncer un plan d’urgence qui pourrait faire passer le déficit fédéral à 17 % du PIB en 2020.

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    • NOS FUTURS

      Inflation, j’écris ton nombre
      Robin Rivaton

      Les tombereaux d’argent injectés dans le système économique risquent de se payer cher.

      L’ombre de l’inflation plane sur nos économies. Son retour est annoncé partout depuis que les Etats et les banques centrales ont dévoilé des mesures exceptionnelles de soutien à une économie mise en stase pour lutter contre la pandémie de Covid-19. Les perdants à venir sont déjà connus : consommateurs au pouvoir d’achat rogné, épargnants punis par des rendements réels négatifs.

      La crise de 2008 aura convaincu les gouvernements que réagir vite et fort pour compenser les revenus perdus par les ménages était crucial. Faire cesser l’activité est l’affaire de vingt-quatre heures, la faire reprendre peut devenir un combat de plusieurs mois. Le seul espoir d’une reprise rapide réside dans le maintien de la confiance. Les Etats se sont donc extraits des règles budgétaires qu’ils s’appliquaient à eux-mêmes, au nom de la confiance de long terme pour sauver la confiance de court terme. En Europe, la limite des 3 % de déficit rapporté au PIB a volé en éclats. En Chine, l’endettement local que le gouvernement s’efforçait de dégonfler a été libéré. Les Etats-Unis viennent d’annoncer un plan d’urgence qui pourrait faire passer le déficit fédéral à 17 % du PIB en 2020. Au-delà de l’aspect quantitatif, des outils non conventionnels ont été mobilisés. Le Trésor américain s’est engagé à verser des aides directes aux ménages les plus modestes - 1 200 dollars par adulte et 500 par enfant. Mais la procédure est longue et le suivi de cette allocation, impossible. Hangzhou, l’une des plus grandes métropoles chinoises, a annoncé son intention d’émettre l’équivalent de 220 millions d’euros de bons de réduction électroniques utilisables dans les magasins de la ville, via le service de paiement en ligne Alipay. Il n’en fallait pas plus pour alimenter l’idée que la monnaie avait perdu toute consistance, tout sens, et ne représentait plus que des chiffres que l’on peut transférer d’un compte à un autre.

      Les banques centrales à la manoeuvre

      Depuis 2008, nous vivons à l’ère des banques centrales. Aucune autre institution n’a eu plus d’influence sur l’économie mondiale. Elles ont abaissé les taux d’emprunt plus de 50 fois et vu leurs bilans gonfler de près de 11 000 milliards de dollars au gré des rachats d’actifs. Schématiquement, lorsqu’un Etat émet un nouvel emprunt obligataire, la banque qui achète l’obligation a la possibilité de la déposer ensuite à la Banque centrale en échange de liquidités. « Ne vous battez pas contre la Fed ! » est devenu le slogan de Wall Street. Alors que tout le monde s’inquiétait que les banques centrales soient insuffisamment armées pour faire face à une nouvelle récession, elles ont rouvert les vannes, aidant les Etats à s’endetter sans limites, et dupliquant ce mécanisme pour certaines grandes entreprises, ainsi que pour des créanciers automobiles ou immobiliers. Il leur a même été demandé de verser de l’argent directement sur les comptes bancaires des ménages, le fameux mécanisme de monnaie déversée par hélicoptère, dont la cause n’aura jamais autant progressé que pendant ces trois dernières semaines. Il n’en fallait pas plus pour que resurgissent les Nostradamus de l’inflation, qui invitent à se réfugier dans l’or et à délaisser les actifs risqués. Il est vrai que tout est lié. La faiblesse de l’inflation durant la décennie écoulée, et notamment entre 2014 et 2016, a été la condition sine qua non pour que les banques centrales endossent ce rôle de soutien à l’économie et aux marchés financiers. La stabilité des prix reste en effet la mission de la Banque centrale européenne et l’un des trois objectifs de la Fed. Si les prix devaient repartir à la hausse à la fin du confinement, les banques centrales devraient nécessairement revoir leurs politiques expansionnistes.

      La question des inégalités

      Mais il existe deux types d’inflation désormais. Celle des produits et celle des actifs. Une augmentation générale du niveau des prix semble peu vraisemblable. Nos sociétés sont vieillissantes, largement pourvues en biens d’équipement, engagées dans une meilleure utilisation des actifs. Va-t-on se précipiter pour acheter les voitures qui n’auront pas été acquises pendant le confinement ? On peut en douter vu qu’il s’en vendait moins chaque année. Sans parler des usines qui redémarrent en Asie et cassent déjà les prix. C’est donc l’inflation des actifs, celle qui échappe au mandat des banques centrales, qui risque de s’envoler. De la même manière que les politiques expansionnistes ont nourri, après 2012, les marchés financiers et l’immobilier dans les métropoles, creusant le fossé entre les détenteurs d’actifs et les autres. C’est donc plutôt la question des inégalités qui pourrait revenir sur le devant de la scène.

      Robin Rivaton, essayiste, gérant d’un fonds d’investissement dans les nouvelles technologies de la mobilité, l’énergie et le bâtiment.