• En Suède, le désamour pour l’hydroxychloroquine
    https://www.lemonde.fr/planete/article/2020/04/09/en-suede-le-desamour-pour-l-hydroxychloroquine_6036144_3244.html

    Alors que l’essentiel des structures hospitalières suédoises avait adopté ce traitement contre le Covid-19, des doutes sur son efficacité et des craintes sur les effets secondaires ont conduit à son quasi-abandon hors essais cliniques.

    Fin mars, l’hôpital de Sahlgrenska à Göteborg a été le premier à annoncer qu’il arrêtait de prescrire la chloroquine et l’hydroxychloroquine dans le traitement du Covid-19. « Je pense que toutes les cliniques en Suède ont commencé à utiliser ce traitement quand les premiers patients sont arrivés. A Göteborg, nous étions très prudents depuis le début, explique Magnus Gisslén, professeur de maladies infectieuses et médecin à l’hôpital de Sahlgrenska. Nous nous sommes rendu compte que les preuves d’efficacité étaient faibles, mis à part une étude chinoise, cependant réalisée sans groupe témoin, et l’étude française où l’hydroxychloroquine est combinée à l’azithromycine, étude dont nous estimons qu’elle n’est pas suffisamment bien faite pour démontrer l’efficacité. »

    Ce spécialiste souligne aussi les risques d’effets secondaires de ces médicaments sur le cœur (troubles du rythme cardiaque) mais aussi au niveau des reins. « Nous avons d’abord décidé de ne plus donner de chloroquine aux patients souffrant d’insuffisance rénale, puis de ne plus le donner du tout, même si nous n’avons pas constaté d’effets secondaires chez nous. Des collègues, en Suède et à l’étranger, nous ont fait part de cas suspicieux, même s’il est difficile de savoir si la chloroquine était à l’origine des effets observés ou si c’était une conséquence de la maladie. »

    « Pas de conclusions solides »
    Comme l’hôpital de Sahlgrenska dispose de la plus grosse clinique infectieuse en Suède, les autres hôpitaux du pays ont suivi, à commencer par le Södersjukhuset à Stockholm. « Je pense que plus un seul hôpital n’utilise ces médicaments aujourd’hui. La décision a été un peu controversée au début, mais rapidement, l’agence du médicament est venue avec ses propres recommandations, ce qui a convaincu ceux qui doutaient encore », poursuit Magnus Gisslén.

    Dans un communiqué publié le 2 avril, l’Agence suédoise du médicament, la Läkemedelsverket, estime que « les données disponibles actuellement ne permettent pas d’aboutir à des conclusions solides concernant les effets cliniques et l’innocuité de la chloroquine et de l’hydroxychloroquine dans le traitement de patients atteints du Covid-19 ». En raison de ces incertitudes, l’agence recommande leur utilisation « pour le traitement du Covid-19 uniquement dans le cadre d’études cliniques ». Le communiqué poursuit en déconseillant vivement l’automédication, avec une longue liste des effets secondaires.

  • Renaud Piarroux : « L’expérience des épidémies s’est perdue en France »
    https://www.lemonde.fr/planete/article/2020/04/09/renaud-piarroux-l-experience-des-epidemies-s-est-perdue-en-france_6036096_32

    L’infectiologue et chef du service de parasitologie à l’hôpital de la Pitié-Salpêtrière prône un suivi étroit des cas sur le terrain, parallèlement au confinement, afin d’éviter une deuxième vague de contamination.

    Professeur à la faculté de médecine de Sorbonne Université, chercheur et chef du service de parasitologie à l’hôpital de la Pitié-Salpêtrière, Renaud Piarroux avait révélé que le camp des casques bleus népalais déployés en Haïti après le séisme de 2010 était bien la source de l’épidémie de choléra qui avait ravagé l’île moins d’un an après, faisant 10 000 morts. Il avait aussi proposé une approche de la lutte communautaire par des équipes d’intervention rapide, ce qui a permis d’éliminer ce fléau. Face à l’épidémie de Covid-19 en France, cet épidémiologiste de terrain plaide pour une approche ciblée sur les cas et l’application de mesures de suivi étroit des contacts.

    Nous entamons la quatrième semaine de confinement. Que nous a-t-il apporté jusqu’à présent ?

    Ces trois premières semaines de confinement ont atténué la vague épidémique et nous ont évité de subir une déferlante qui aurait pu nous noyer en submergeant les capacités de notre système de soins. La France connaît une épidémie dont la trajectoire est comparable à celle qu’a subie l’Italie une semaine à dix jours avant nous. Au début, elle était assez limitée. Le 17 mars, jour de l’instauration du confinement, nous en étions à 7 700 cas et 175 décès, soit beaucoup moins que les 10 000 morts, et même au-delà, actuels.
    Un confinement met toujours du temps à produire ses effets. Le week-end qui a précédé sa mise en place, il faisait beau, les gens étaient dehors, ils étaient incités à aller voter pour le premier tour des élections municipales… Beaucoup de contaminations ont eu lieu à cette période. Le temps que l’infection incube, que les gens tombent malades, soient hospitalisés, nous avons retrouvé une forte hausse du nombre de cas dans les quinze jours ayant suivi l’instauration du confinement, comme cela s’est passé en Italie.

    Comment la situation a-t-elle évolué depuis ?

    Elle se calme un peu depuis une semaine. Il existe une tendance à la baisse du nombre de nouveaux cas mais celle-ci est lente, en plateau. Le confinement a permis d’infléchir la courbe de l’épidémie. Cependant, les services de réanimation sont pleins, souvent dans l’incapacité d’accepter de nouveaux malades, travaillant presque à flux tendu. Pour gérer cet afflux exceptionnel, il a fallu une énorme mobilisation de tous. Il y a trois semaines, nous parlions de 400 patients qu’il faudrait accueillir en réanimation à l’Assistance publique-Hôpitaux de Paris (AP-HP).

    Nous avons actuellement 2 500 patients en réanimation en région parisienne, à l’AP-HP, dans les hôpitaux périphériques, les cliniques… Mais nous n’avons pas été débordés comme cela a été le cas en Lombardie, à Madrid, à Londres ou à New York. Le confinement a permis d’obtenir un équilibre précaire entre les capacités du système de soins et l’arrivée de nouveaux patients. Cet équilibre a également été rendu possible par un énorme effort de transferts de patients vers des hôpitaux d’autres régions moins touchées : plus de 160 malades à ce jour transférés depuis la région parisienne.

    Le premier ministre a évoqué une sortie du confinement alors que le président du conseil scientifique insiste sur son indispensable prolongement…

    Cette première vague a déjà fait plus de 10 000 morts et il y aura encore beaucoup de décès parmi les malades hospitalisés, de l’ordre de 35 % d’entre eux. A quoi s’ajoutent les patients qui meurent dans les Ehpad, à leur domicile… Quand on considère l’épidémie et les résultats préliminaires des tests sérologiques [qui permettent de savoir si une personne a été infectée], nous constatons que le confinement a empêché beaucoup de cas, mais que, dans leur grande majorité, les Français n’ont pas rencontré le virus. Si l’on relâche trop vite le confinement, chaque personne infectée en contaminera plus d’une, ce qui nous confrontera à une épidémie encore plus forte qu’actuellement. Sans confinement et sans mesures additionnelles, l’épidémie repartira, avec un nombre de nouveaux cas qui peut doubler tous les trois jours. En dix jours, il pourrait être multiplié par dix !
    Lire aussi Coronavirus : le confinement sera prolongé au-delà du 15 avril en France, où le bilan frôle désormais les 11 000 morts
    Bien sûr, le confinement est très difficile à supporter, sans parler de la catastrophe économique qu’il provoque. Certains pays, comme l’Autriche, qui a un niveau de transmission inférieur au nôtre, envisagent de lâcher du lest à la mi-avril. La France ne peut pas se le permettre. Nous avons échappé de très peu à ce qu’ont connu ou connaissent la Lombardie ou New York, avec un hôpital de campagne géant dans Central Park. Pourtant, il n’est pas possible de continuer indéfiniment le confinement tout en ayant des hôpitaux surchargés et qui doivent aussi pouvoir accueillir des personnes atteintes d’autres maladies graves.

    Concrètement, quelle stratégie faudrait-il mettre en œuvre ?

    La France n’a pas adopté la stratégie de certains pays qui ont déployé des équipes pour identifier les cas, rechercher les porteurs du coronavirus dans leur entourage, isoler tous les porteurs parallèlement au confinement. Cette méthode implique de nombreux tests, des enquêtes épidémiologiques et l’isolement de toutes les personnes qui pourraient être porteuses du virus.
    Aujourd’hui, quand un malade vient aux urgences à l’hôpital et qu’il ne remplit pas les critères d’une hospitalisation, il repart avec une fiche donnant quelques consignes, une invitation à s’inscrire sur Covidom [application gratuite de suivi à domicile], mais on ne lui donne pas de masques, ni de solution hydroalcoolique. Ainsi, il est susceptible de contaminer d’autres personnes sur son trajet ou à son domicile. S’il n’est pas isolé, on a des chaînes de transmission, comme en témoigne la survenue de nouveaux cas trois semaines après l’entrée en vigueur du confinement. Il faut identifier et isoler les malades et les porteurs.
    Pourquoi cette méthode n’est-elle pas systématiquement appliquée ?
    L’expérience des épidémies et de leur gestion sur le terrain s’est perdue en France, si l’on excepte le monde humanitaire, mais MSF n’est pas dans le tour de table des cellules de crise. Du coup, des réflexes manquent, comme celui d’aller voir au plus près du terrain où sont les cas, d’établir une courbe épidémique sur des endroits précis, même si cela implique un énorme travail.

    Il est nécessaire d’avoir des équipes mobiles qui viennent voir les familles où il y a des cas pour les informer, les aider à se protéger pour éviter la transmission, les tester et isoler les porteurs du coronavirus.
    Bien sûr, outre les problèmes de disponibilité des tests, cela pose celui de l’acceptabilité de l’isolement, soit au domicile, soit dans un hôtel ou un autre lieu. Mais, si cette méthode n’est pas appliquée, nous resterons trop longtemps avec trop de cas. Nous devons recréer ce savoir-faire, comme nous avons su créer des places en réanimation. Cela doit se faire pendant le confinement en renforçant la surveillance là où existent des clusters. D’où l’importance de la cartographie des cas.

    Qu’apporte cette approche cartographique ?

    Elle permet de guider les interventions. On constate par exemple de nombreux cas dans les 18e et 19e arrondissements de Paris, là où se forment beaucoup d’attroupements. Aujourd’hui, il n’est pas possible de fournir deux masques par jour à toute la population, mais plus nous diminuerons le nombre de cas, plus nous aurons de possibilités d’interventions ciblant les zones encore atteintes. En intervenant, nous pouvons chercher des solutions avec la population. L’expérience des épidémies montre que, lorsque l’on prend le soin de venir au contact des populations, il y a des gens qui se révèlent des aides et des relais précieux.

    Le traçage par l’utilisation des données de téléphonie mobile contribuerait-il à la démarche que vous proposez ?

    Le traçage permet de localiser les cas de manière anonyme. Les données personnelles – adresse, numéro de téléphone… – dont disposent par exemple les centres 15 à partir des appels ne peuvent pas être utilisées, du moins pour l’instant. Alors, de grandes entreprises ont proposé des solutions numériques totalement anonymisées. Mais cela transforme les cas en points et je ne sais pas faire porter un masque à un point, ni l’aider à protéger ses proches.

  • Coronavirus : l’urgence absolue de créer des structures de prise en charge des patients peu symptomatiques, Franck Nouchi
    https://www.lemonde.fr/idees/article/2020/03/27/coronavirus-l-urgence-absolue-de-creer-des-structures-de-prise-en-charge-des

    Les spécialistes de santé publique s’alarment : le risque, en confinant chez eux les malades peu graves, est de transmettre le virus à leur famille, créant ainsi des milliers de « clusters » intrafamiliaux. Il faut, d’urgence, organiser leur accueil dans des centres d’hébergement ou des hôtels.

    C’est un patient parmi des milliers d’autres. Il se présente à l’hôpital. Fiévreux, il tousse, a mal à la gorge et une légère difficulté pour respirer. Le médecin qui le reçoit porte un masque. Il lui explique qu’on ne peut pas lui faire de test, les instructions étant qu’on les réserve aux malades graves et aux personnels de santé. Il ajoute : « Vous souffrez très probablement d’une infection à coronavirus. Votre état ne nécessitant pas d’hospitalisation, je vais vous prescrire du paracétamol et des masques de protection. Vous irez les retirer à la pharmacie près de chez vous. De retour à votre domicile, faites attention à bien respecter les mesures barrières. Mais, rassurez-vous, à votre âge, vous ne risquez rien. »
    A la pharmacie, la pharmacienne est désolée : « Pas de masque, je n’ai pas été livrée. Et on les réserve de toute façon aux personnels de santé. »

    De retour chez lui, le patient informe le reste de sa famille de la situation. Il est étiqueté « cas probable ». Vu ses symptômes, on doit se comporter avec lui comme s’il était atteint du #Covid-19. L’épouse, les deux enfants et la belle-mère du patient accusent le coup. Dans leur trois-pièces, la belle-mère dort sur le canapé-lit du salon. Vivant seule et pas très en forme, inquiète des mesures de confinement, elle s’était réfugiée près de sa fille et de ses enfants, qui l’ont accueillie sans problème, puisque ça ne « devait pas durer plus de quinze jours ».

    Plus de 42 000 confinés à domicile

    Anecdotique cette histoire ? Nullement. Des dizaines de milliers de personnes malades mais ne nécessitant pas d’hospitalisation immédiate sont aujourd’hui #confinées_à_domicile, où elles sont prises en charge par des médecins libéraux. Déjà 42 000 au 22 mars, selon l’estimation de Santé publique France dans son rapport hebdomadaire. Combien depuis ? Combien la semaine prochaine ? Il existe des situations de logement bien pires que celle-là, en Seine-Saint-Denis par exemple.
    Les spécialistes de santé publique sont unanimes : le risque en renvoyant chez eux ces malades peu graves, c’est qu’ils transmettent le virus à plusieurs membres de leur famille, créant ainsi des centaines, des milliers de « clusters » intrafamiliaux.

    C’est bien ce qui s’est passé en Chine, avant que les Chinois ne reprennent le contrôle de la situation. En ouvrant des #structures_intermédiaires permettant de mettre en #quarantaine ce type de patients, et en coupant du reste de la Chine et du monde la totalité de la province du Hubei. Le rapport de la mission d’experts de l’Organisation mondiale de la santé (#OMS) envoyée en Chine à la mi-février décrit parfaitement les mesures mises en œuvre. Les experts indépendants, américains et européens (aucun Français), étaient tellement impressionnés par les succès chinois que leur coordinateur, le Canadien Bruce Aylward, a tenu une conférence de presse dès son retour, le 24 février. Pour que tous les pays puissent comprendre à la fois les difficultés rencontrées par la Chine, et comment elle a su y faire face, le rapport intégral a été mis en ligne deux jours plus tard. Force est de constater que ce rapport a fait très peu d’émules, en particulier en Europe.

    Voir cette chronologie de l’émergence du corona virus
    https://seenthis.net/messages/834457

    Attention aux illusions d’optique

    Par rapport à d’autres pays européens qui recensent plus de cas (mais qui font plus de #tests), la situation de la France pourrait, à première vue, paraître légèrement plus favorable. Rien n’est moins sûr. Nous ne savons pas combien de personnes âgées sont mortes dans les établissements d’hébergement des personnes âgées dépendantes (Ehpad). Contrairement aux pays asiatiques, nous faisons face à une grave pénurie de #masques_de_protection. Attention donc aux illusions d’optique. Pour autant, serions-nous condamnés aux centaines de milliers de morts que prédisent les modélisateurs ?
    En France, disait-on dans les années soixante-dix, « on n’a pas de pétrole, mais on a des idées ». Aujourd’hui, des idées novatrices, originales, il n’est que temps d’en avoir. Et, pour ce faire, en regardant ce que font nos voisins, l’Espagne en particulier, qui ne cesse, pour désengorger des hôpitaux débordés, d’ouvrir des structures intermédiaires d’accueil.

    A Madrid, l’hôtel Gran Colon a été le premier à ouvrir une telle #structure_médicalisée. Initiative d’autant plus intéressante que cet établissement est situé à dix minutes à pied de l’hôpital Gregorio-Marañon, le plus grand de la capitale. D’autres établissements – une quarantaine pour l’heure – ont ouvert ou vont ouvrir dans la capitale espagnole. Au total, 9 000 lits devraient être mis à disposition.

    Parmi ces #hôtels reconvertis en centres médicalisés figurent même des établissements classés 5 étoiles. Ainsi du Cotton House Hotel, au centre de Barcelone, qui a décidé de mettre à disposition 83 chambres. Pour s’occuper des malades, il aura, selon la direction, « un personnel qui a reçu une formation spécifique pour la protection de la santé ». « Le personnel de nettoyage, de restauration et de blanchisserie qui travaillera dans cet hôtel a l’expérience du secteur sanitaire public et privé de Barcelone », ajoute-t-on, avant de conclure : « Ce virus, nous l’arrêterons unis. »

    Une question de justice sociale

    L’effort de « guerre » demandé aux Français et aux entreprises pourrait trouver dans cet exemple espagnol une source d’inspiration stimulante. Déjà, le groupe hôtelier Accor a mis à disposition des chambres pour les personnels soignants et un hôtel pour des personnes sans-abri. Il faut aller beaucoup plus loin. Les chambres et studios de pratiquement tous les hôtels des grandes villes sont assez grands pour accueillir ce type de patients. Ils sont équipées en réseaux Wifi et télévisions de manière à pratiquer la télémédecine.

    A priori, il n’y a aucune raison pour que la plupart des personnes symptomatiques, ou des patients guéris à l’hôpital mais devant respecter quinze jours de quarantaine, ne soient pas volontaires pour se rendre dans ce type d’établissement ; ne serait-ce que pour ne pas risquer de contaminer leurs proches (ce qui est inévitable, sauf pour les familles qui ont au moins une pièce par personne et deux salles de bains).
    C’est donc – aussi – une question de justice sociale. Tous les patients qui disposent de vastes logements où ils peuvent s’isoler facilement n’ont d’ailleurs pas besoin d’y aller et préféreront sûrement rester chez eux, ce qui ne pose pas de problème.

    Les 40 000 médecins et infirmières qui se sont portés volontaires pour la réserve sanitaire pourraient être affectés préférentiellement à la surveillance médicale de ces lieux d’accueil. Resterait à organiser la logistique, distribution de repas en particulier. Là encore, les hôtels et les municipalités espagnoles nous montrent la voie à suivre.

    660 000 chambres d’hôtel inoccupées

    Il y a là une urgence absolue. Si l’on ne fait rien, les hôpitaux des régions les plus touchées seront débordés au point qu’ils ne pourront même plus servir de lieux de consultation pour ces patients « suspects ». Un engrenage infernal s’ensuivra, avec la multiplication de ces contaminations intrafamiliales ou entre amis.
    Les pouvoirs publics, les grands groupes hôteliers, les groupes de services d’aide à la personne doivent se mobiliser sans tarder. Chaque journée de perdue, ce sont des milliers de contaminations qui auraient pu, qui auraient dû être évitées. Il y a aujourd’hui en France 660 000 chambres d’hôtel inoccupées.

    Il y a deux jours, en regardant la télévision, les Français ont certainement dû être frappés par une image : visitant le nouvel hôpital militaire de campagne de Mulhouse, le chef de l’Etat avait revêtu un masque de protection. Cette image insolite rappelait à chacun la #pénurie qui frappe le pays. Rien de plus normal évidemment que de voir le président de la République ainsi doté de matériel de protection. Mais, n’ergotons pas à l’infini : il n’y a, aujourd’hui, pas de masque pour tout le monde alors qu’il en faudrait. Il n’y en a même pas pour les personnes professionnellement les plus exposées au virus. Ces dernières n’ont pas le choix : médecins, infirmiers, aides-soignants, policiers, caissiers de supermarché, éboueurs, etc., leur présence est requise. En revanche, un patient suspect de coronavirus, non seulement sa présence n’est pas requise à son domicile s’il vit dans une relative promiscuité avec son entourage, mais elle est dangereuse.

    • La mise à l’isolement des malades atteints du Covid-19 dans des hôtels reste rare en France
      https://www.lemonde.fr/planete/article/2020/04/09/la-mise-a-l-isolement-des-malades-atteints-du-covid-19-dans-des-hotels-reste

      DÉCRYPTAGES La Mairie de Paris souhaite la mise en place de solutions d’hébergement pour éviter que les personnes infectées contaminent leurs proches. Près de Perpignan, le recours à une structure hôtelière permet déjà de libérer des lits à l’hôpital.

      Pour contrôler l’épidémie de Covid-19, la France n’a jusqu’à présent pas fait le choix d’isoler les personnes contaminées dans des structures hôtelières. L’idée semble pourtant faire son chemin : dans un courrier adressé lundi 6 avril au premier ministre, Edouard Philippe, la Mairie de Paris a proposé de « faciliter la mobilisation de sites dédiés et d’hôtels » pour héberger les Parisiens touchés par le virus et qui « ne peuvent être confinés chez eux dans des conditions satisfaisantes pour protéger leur entourage d’une contamination ».

      A l’agence régionale de santé (ARS) d’Ile-de-France, on ne ferme pas la porte à une telle solution, déjà mise en œuvre dans d’autres pays. Si le sujet n’est pas identifié comme prioritaire, on assure qu’une « réflexion active » est menée de manière à « être capable de répondre le jour J », si une telle décision devait être prise.

      Si des patients atteints du Covid-19 ont été mis à l’isolement dans des hôtels ces dernières semaines, à travers le pays, c’est d’abord pour soulager des hôpitaux sous forte tension. L’Assistance publique-Hôpitaux de Paris (AP-HP) a ainsi annoncé le 5 avril l’ouverture de 38 places dans les locaux du centre national d’entraînement de la Fédération française de tennis, dans le 16e arrondissement de Paris, afin d’accueillir des patients « dont l’état de santé ne nécessite plus d’hospitalisation mais qui ne peuvent pas encore rentrer à domicile pour des raisons de contagiosité de leur entourage ».

      Objectif affiché : libérer des lits d’hospitalisation. « Ce n’est pas la mission de l’hôpital de contrôler l’épidémie, il n’a pas les moyens de mettre en œuvre un plan d’isolement des malades à grande échelle », souligne Bruno Riou, le directeur médical de crise de l’AP-HP, qui regrette qu’un tel concept, « essentiel », « n’ait pas été mis en place en France ».

      « Anticipation »

      Dans les Pyrénées-Orientales, depuis le 26 mars, c’est un hôtel de la périphérie de Perpignan qui accueille des malades atteints du Covid-19 ou des patients présentant les symptômes de la maladie. Ils sortent d’une hospitalisation ou ils sont envoyés par un des onze centres Covid du département des Pyrénées-Orientales. « L’initiative vient des médecins du centre hospitalier de Perpignan qui estimaient que de nombreux lits étaient occupés par des patients qui auraient pu les libérer. Ils invoquaient un besoin impératif d’avoir le plus grand nombre de lits disponibles en anticipation de la vague attendue », explique Philippe Chopin, le préfet du département.

      Les médecins libéraux, présents dans les centres Covid qui accueillent et diagnostiquent – sans toutefois toujours tester – la maladie, témoignaient aussi de la difficulté, et du risque, à laisser repartir des malades potentiels. « De nombreux malades expliquaient leurs difficultés à se confiner dans de bonnes conditions, trop nombreux dans des logements trop petits. Il fallait un lieu de confinement où ils puissent se reposer, se soigner sans risque pour eux et pour les autres », ajoute M. Chopin. D’autant plus que la ville de Perpignan a, un temps, représenté un cluster dynamique de la maladie, avec des risques de propagation rapide, notamment dans les quartiers populaires.

      La préfecture a alors cherché un hôtel avec une coursive extérieure qui permette aux malades de pouvoir s’aérer et discuter entre eux sans risque. Après avoir essuyé quelques refus, le choix s’est porté sur un établissement de 70 chambres de la chaîne Première Classe. Les malades y sont acheminés par ambulance. La grande majorité d’entre eux sortent d’hospitalisation et sont toujours porteurs du virus, les autres ayant été orientés là par les centres Covid.

      « Le dispositif, tout à la fois sanitaire et solidaire »

      Les employés de l’établissement, hormis le veilleur de nuit qui est resté à son poste, ont été remplacés par des bénévoles de la Fédération française de sauvetage et de secourisme (FFSS) qui assurent la logistique du dispositif. Deux membres de l’association sont présents en permanence pour apporter à manger aux malades, débarrasser, s’occuper d’eux. Médecins du monde s’assure de la partie médicale avec un médecin et une infirmière présents en permanence.

      « C’est une opération inédite qui a beaucoup intéressé le ministère. Un consul de Suisse est même venu voir comment cela fonctionnait. Le dispositif, tout à la fois sanitaire et solidaire, fonctionne grâce à un partenariat entre l’Etat, qui paye l’hôtel, le conseil départemental, qui fournit les repas, Médecins du monde et la FFSS », se félicite encore le préfet. Les coûts du dispositif, répartis entre différentes structures, devraient être limités, selon la préfecture, qui réglera la facture hôtelière, à 35 euros la nuit pour chaque chambre.

      Après avoir compté jusqu’à vingt-deux chambres occupées, l’hôtel accueillait, mardi, moins d’une dizaine de patients. « Ils ne sont pas là en vacances, mais, à part deux personnes qui ont quitté le dispositif [les malades sont volontaires], tous se félicitent de l’initiative. Ils sont bichonnés, ont la télévision dans la chambre. Mais les visites sont interdites, ils sont là quand même sur instruction médicale », précise M. Chopin.