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  • « Macron et le RN sont muets sur le fait que les résistants communistes étrangers aient compté parmi les plus éminents patriotes de France »
    https://qg.media/2024/02/19/macron-et-le-rn-sont-muets-sur-le-fait-que-les-resistants-communistes-etranger

    À quelques jours de la panthéonisation des époux Manouchian, ce mercredi 21 février, dont le souvenir imprègne la tristement célèbre « Affiche rouge », l’hommage national emmené par Emmanuel Macron laisse présager un accent mis sur leur origine arménienne plus que sur leur engagement communiste, et une instrumentalisation de leurs actes de bravoure. S’engageant à contre-courant des historiographies dominantes, Annie Lacroix-Riz revient pour QG sur le récit méconnu des ces ardents militants communistes d’origine immigrée, qui défendirent la France au péril de leurs vies, avec une bravoure que beaucoup de « bons Français » n’eurent jamais.

    • L’extrême droite veut profaner la mémoire du résistant Missak Manouchian
      https://contre-attaque.net/2024/02/20/lextreme-droite-veut-profaner-la-memoire-du-resistant-missak-manouch


      Dans cette période de confusion générale, tous les repères sont méthodiquement démolis. L’été dernier, le gouvernement a proclamé un nouvel « arc républicain » qui allait de l’extrême droite au Parti Socialiste, excluant la gauche, et considérant ainsi que toute valeur résolument écologiste, anti-raciste ou anticapitaliste étaient « anti-républicaine ». Ainsi, le « front républicain » qui s’opposait jadis à l’extrême droite se transformait en barrage contre la gauche.

      En novembre, nous avons vu une fausse « marche contre l’antisémitisme » réunir les pires politiciens racistes, notamment Le Pen et Zemmour, les héritiers historique du pétainisme et de la collaboration en guise d’invités d’honneur, pendant que la gauche était huée et diffamée en continu dans la rue et les médias.

      Voici à présent la cheffe de file du Rassemblement National qui annonce sa participation à la cérémonie de panthéonisation de Missak et Mélinée Manouchian. Cet événement aura lieu mercredi 21 février, à l’initiative de Macron.

      Au mois de juin 2023, Emmanuel Macron annonçait l’entrée de Missak Manouchian et sa compagne Mélinée au Panthéon, le temple des personnalités qui ont marqué l’histoire de France. Manouchian était un résistant arménien qui a pratiqué la lutte armée et la guérilla urbaine contre les nazis. Il est mort assassinés en 1944, avec d’autres membres de son réseau, les Francs Tireurs Partisans. Les nazis les avaient décrits comme « l’armée du crime » sur l’Affiche rouge, insistant sur le fait qu’ils étaient juifs et étrangers. Les FTP-MOI étaient composés de prolétaires immigrés luttant contre l’extrême droite. Ils représentaient absolument tout ce que le RN et le reste de la droite cherche encore aujourd’hui à éliminer.

      Autrement dit, l’héritière d’un parti fondé par des nazis et des collabos compte profaner par sa présence la mémoire d’un résistant communiste qui combattu jusqu’à la mort contre le fascisme. La dissonance cognitive de l’époque est à son paroxysme.

      Cette « panthéonisation » en elle même est un scandale. C’est le même Emmanuel Macron qui déclarait en novembre 2018 que « Pétain était un grand soldat » et qui a dissout des collectifs antifascistes quelques années plus tard. C’est le même qui criminalise les héritiers de Manouchian, qui enferme les militant-es antifascistes et couvre l’extrême droite, jusqu’au sein de sa police.

      Quant au parti de Marine Le Pen, redisons-le : il a littéralement été fondé par les assassins de Manouchian et ses camarades ! Marine Le Pen est une millionnaire, héritière, raciste. Manouchian était un prolétaire immigré antifasciste. Tout les oppose.

      « Que Marine Le Pen ait l’outrecuidance d’être présente, je ne peux pas le supporter », a déclaré Georges Duffau-Epstein, fils de Joseph Epstein, chef des Francs-tireurs partisans pour la région parisienne. « Elle n’est pas la bienvenue, compte tenu de sa filiation, de la personnalité des fondateurs du Front National, des blagues délirantes de son père sur “Durafour-crématoire” et autres », explique-t-il à Libération.

      Reste à savoir si la présence obscène de fascistes le jour d’une commémoration en mémoire d’un couple d’antifascistes, véritable profanation mémorielle, se déroulera dans le calme. Ce qui serait une honte historique.

    • « Rappelons que si inviter Le Pen ne dérange pas Macron, ce dernier a fait le choix de ne pas inviter Léon Landini résistant FTP MOI et président de l’amical des résistants des bataillons Carmagnole Liberté »
      https://www.initiative-communiste.fr/articles/prcf/video-leon-landini-resistant-ftp-moi-evince-de-lentree-au-pant
      https://www.youtube.com/watch?v=ep5ZT7XJALo

      Tout un symbole. D’un coté Léon Landini, résistant FTP MOI, président de l’amicale des résistants des bataillons FTP MOI Carmagnole Liberté, évincé par l’Elysée de l’entrée au Panthéon de Manouchian, ses camarades, compagnons d’arme. De l’autre Marine Le Pen, fille de Jean Marie Le Pen fondateur du RN au coté de waffen SS, invité officiellement par Emmanuel Macron. Les préférences politiques et sympathies du régime Macron sont on ne peut plus claires. Léon Landini, dans une vidéo réalisée ce 17 février 2024 revient sur les raisons très politiques de son éviction, des raisons qui ont tout à voir avec l’effacement systématique de celui de la résistance communiste, et en particulier celle des FTP MOI, et de leur combat antifasciste pour une France libre, souveraine, la France des travailleurs.

      Honorer Manouchian et les FTP-MOI c’est rendre enfin justice à la résistance communiste, cesser de criminaliser le communisme en poussant à la fascisation, mettre fin à la dissolution de la France dans l’UE atlantique. https://www.initiative-communiste.fr/articles/luttes/honorer-manouchian-et-les-ftp-moi-cest-rendre-enfin-justice-a-

      Missak Manouchian au Panthéon : dans une lettre ouverte à Emmanuel Macron, les FTP-MOI dénoncent leur éviction de la cérémonie et ses raisons. https://www.initiative-communiste.fr/articles/luttes/missak-manouchian-au-pantheon-dans-une-lettre-ouverte-a-emmanu

      Sous la couverture de la reconnaissance officielle des combats menés pour la libération de la France par les immigrés lors de la Deuxième guerre mondiale, l’ostracisme continue. Léon Landini (98 ANS), dernier officier vivant des FTP-MOI (Franc-tireur et Partisan de la Main d’Oeuvre Immigrée) n’a pas été invité ce 21 février au Panthéon malgré ses demandes répétées à l’Elysée. Refus méprisant : « on reviendra vers vous si votre demande est acceptée ». Pourquoi ce refus ? Mais pour la même raison honteuse que les FTP-MOI ont été massacrés par les fascistes : parce qu’il est encore et toujours un indomptable communiste luttant contre le fascisme et défendant à la fois l’internationalisme prolétarien et la liberté, l’indépendance et la souveraineté de la France.

      Un rappel historique ; le groupe Manouchian s’appelait les FTP-MOI :
      Franc-Tireurs Partisans - Main d’Oeuvre Immigrée !

    • Panthéonisation de Manouchian : opération détournement de mémoire pour Macron et le RN
      https://www.revolutionpermanente.fr/Pantheonisation-de-Manouchian-operation-detournement-de-memoire

      La panthéonisation de Manouchian et les hommages hypocrites de la classe politique, du président de la République au Rassemblement national, s’inscrivent dans le détournement de la mémoire d’un communiste et internationaliste, aux antipodes de la xénophobie ambiante.

      Avant de salir Manouchian, Le Pen déjeunait avec l’AfD qui appelle à la « remigration »
      https://www.revolutionpermanente.fr/Avant-de-salir-Manouchian-Le-Pen-dejeunait-avec-l-AfD-qui-appel

      La veille de la cérémonie d’hommage à Manouchian, immigré résistant, le RN a partagé un déjeuner avec la présidente de l’AfD, le parti d’extrême droite allemand qui a organisé fin 2023 une rencontre visant à expulser plusieurs millions d’Allemands d’origine étrangère du territoire !

    • Feu ! Chatterton sauve la cérémonie de panthéonisation de Missak et Mélinée Manouchian
      https://www.telerama.fr/debats-reportages/feu-chatterton-sauve-la-ceremonie-de-pantheonisation-de-missak-et-melinee-m
      https://www.dailymotion.com/video/x8t3bnq

      L’entrée au Panthéon des résistants communistes a donc été célébrée ce mercredi, sous la pluie, et souillée par la présence du RN et un contexte politique révoltant. Seul le texte d’Aragon, sublimé par Arthur Teboul, leur a rendu un hommage digne, émouvant.

      Presque un mois après la promulgation de la loi immigration, loi scélérate qui introduit notamment le concept de préférence nationale, et dix jours après l’annonce par Gérald Darmanin de la fin du droit du sol à Mayotte, voilà que Missak Manouchian et ses compagnons d’armes allaient subir le dernier outrage à l’heure de leur héroïsation : la présence à la cérémonie de Marine Le Pen, présidente d’un parti fondé par des collaborateurs et d’anciens SS. La souillure et la honte.

      Et puis, et puis… La nuit frissonnante, le vent par rafales, la pluie telle une froide caresse, et la voix d’Arthur Teboul s’élevant comme un poème entre les colonnes du Panthéon. « Adieu la peine et le plaisir, adieu les roses/Adieu la vie, adieu la lumière et le vent. » Le chanteur de Feu ! Chatterton interprète L’Affiche rouge, écrit par Louis Aragon, longtemps chanté par Léo Ferré, et c’est une splendeur. Un moment suspendu où sensibilité, sobriété et intelligence convergent pour faire céder toutes les digues et déferler l’émotion. Rendre enfin aux « 20 et 3 étrangers et nos frères pourtant » les honneurs qui leur sont dus.

      Merci FeuChatterton !

  • Homo ricanus ou les railleries impuissantes de la petite bourgeoisie collabo
    https://qg.media/blog/haroldbernat/homo-ricanus-ou-les-railleries-impuissantes-de-la-petite-bourgeoisie-collabo

    Aujourd’hui l’édifice de la résignation collective repose sur le petit bourgeois, un type humain que l’homo ricanus de Nietzsche nous aide à penser. Toujours dans l’entre-deux, jamais un mot plus haut que l’autre, il se tient loin des rebellions, même lorsqu’il s’aperçoit des injustices. Il ne prend pas position, et encore moins de risques, s’assure d’être discret, ne likera jamais un post Linkedin mal pensant, ne remettra jamais en cause l’ordre social. Au fond c’est un collabo 2.0. Ce qu’il lui reste à faire ? Ricaner dans les coins. Se marrer mais s’adapter. Railler sans fin mais faire le sale boulot dans les open spaces. Analyse piquante d’un profil bien confortable par Harold Bernat sur QG

    Un détour par Nietzsche, trop peu cité quand il s’agit de s’engager dans une lutte, n’est pas forcément superflu. Marx, oui ; Nietzsche, non ? Soyons sérieux, Nietzsche est un réactionnaire, non ? Mais est-ce sérieux de passer sous silence ce que devient l’homme dans nos contrées de moins en moins tempérées ? Est-ce sérieux de ne pas jeter un regard clinique, un tantinet nietzschéen, sur le type d’homme qui nous condamne à l’impuissance, à la stérilité et à la soumission ? En un mot, à la défaite de la majorité quand le petit bourgeois et le dernier homme se tiennent les mains, les leurs, la sienne, dans une ronde d’impuissance politique entretenue. À quoi bon ? L’anthropologie sociale reste le cruel impensé de l’analyse politique. Tout mouvement politique qui chercherait à remettre un peu de vertu dans la pratique publique ne peut en faire l’économie. Une conviction...

  • Dernière traversée par Alain Accardo
    https://qg.media/blog/alainaccardo/derniere-traversee


    S’il fallait en juger par l’état du monde, il semblerait que Malraux se soit montré clairvoyant avec sa prédiction d’un XXIème siècle profondément « religieux ». À ceci près que c’est le prosélytisme du dollar qui a jusqu’ici mis toute la planète à genoux pour célébrer le culte du Veau d’or. Les bons crimes, ceux pour lesquels nous sommes aujourd’hui sommés de faire preuve de tolérance, voire d’approbation, ce sont les crimes commis au nom de la « défense-du-monde-libre ». D’ailleurs, ces crimes-là ne sont même pas des crimes nous dit-on à longueur de journée dans les médias occidentaux : ce sont des « ripostes », des réponses légitimes que les forces du Bien font aux forces du Mal, comme par exemple la guerre d’extermination qu’Israël est en train de faire aux Palestiniens de Gaza sous couvert d’éradication du Hamas, avec le soutien des Etats-Unis. En ce début d’année, Alain Accardo livre sur QG un regard philosophique terrible sur un monde en train de couler.

    En proclamant que Dieu était mort, Nietzsche est peut-être allé un peu trop vite au bout de sa pensée. En effet cette proclamation ne peut plus être entendue que comme un jugement de fait, c’est-à-dire une assertion sur l’état réel de la foi religieuse chrétienne en Europe à son époque. Il eût été plus exact de dire, de façon plus triviale, dans un style moins zarathoustrien et moins prophétique : « le christianisme a pris du plomb dans l’aile ». Mais il a fait comme tous ceux qui, s’autorisant de lui, sont allés répétant que notre monde était un monde sans Dieu, sans âme, sans signification et en perdition.

    Sans chercher à polémiquer inutilement sur le bien-fondé de la célèbre thèse nietzschéenne, dont il est permis de penser qu’elle décrit effectivement un état du monde occidental et même, plus précisément un état du monde occidental européen où le christianisme a perdu son statut multiséculaire de religion dominante, une remarque s’impose néanmoins : la thèse de la mort de Dieu souffre pour le moins d’une généralisation abusive reposant elle-même sur une confusion multiple.

    La généralisation a consiste à étendre à l’ensemble des religions existantes un constat qui était sans doute valable à propos de la représentation que l’occident chrétien pouvait se faire de la transcendance divine vers la fin du XIXème siècle. C’était un temps où l’apparent triomphe du rationalisme scientifique, le scientisme ambiant et les effets toujours plus spectaculaires de la révolution industrielle rendaient le recours au Dieu biblique de moins en moins nécessaire pour expliquer tout et le reste. Les esprits forts pouvaient aussi bien aller jusqu’à dire que Dieu était mort, puisqu’on voyait bien déjà que le christianisme était devenu davantage un héritage historique et social, une dimension culturelle identitaire de l’occident, voire pour certains une superstition, et beaucoup moins une tradition capable de vivifier quotidiennement l’esprit et la pratique de ses adeptes, comme en témoignait, entre autres indices, l’évolution de la signification des fêtes religieuses (Noël ou Pâques par exemple) dont le contenu s’est de plus en plus vidé de l’idée typiquement chrétienne de rédemption de l’Humanité et d’appel à assumer sa « vocation spirituelle », pour devenir ce qu’il est désormais, c’est-à-dire l’exaltation festive et hédoniste de ce qu’il y a de plus grossièrement consumériste et niais dans notre condition.

    Déjà au XVIIIème siècle, et même bien avant, on percevait en Europe occidentale les prodromes d’une évolution sociétale de grande portée. À d’innombrables changements dans les mœurs et les habitudes, on comprenait que le rapport des nouvelles générations à leur foi ancestrale était en train de se modifier. On ne disait pas encore, comme au siècle suivant, que « le Breton cesse d’être croyant en débarquant à la gare Montparnasse », mais sur un plan plus général cette orientation du mouvement de l’Histoire se précisait dans les esprits : la présence du Dieu d’Abraham, d’Isaac et de Jacob, s’avérait de moins en moins indispensable.

    Quelle que soit l’appellation qu’on a donnée à cette évolution anthropologique (déchristianisation, laïcisation, désenchantement du monde, profanation, etc.), elle traduit toujours un affaiblissement voire une disparition du sentiment du sacré qui accompagnait primitivement les pratiques et les moeurs traditionnelles. Le monde moderne est un monde profane et souvent même délibérément profané et profanateur, à des fins distinctives en particulier (cf. la posture intellectuelle petite-bourgeoise qui consiste à invoquer à tout bout de champ dans le débat public, la nécessité de « détruire un tabou » réel ou imaginaire et sans autre raison que celle imposée par la surenchère de la concurrence mondaine et par son déballage publicitaire). Une fois de plus le pendule s’en va trop loin. Il serait intellectuellement salutaire d’intégrer dans la doxa officielle cette idée que la civilisation tout entière s’est universellement construite sur des interdits et des auto-limitations, spécialement dans la violence des mœurs, et que le propre des périodes de décadence c’est, entre autres signes d’anomie, le flottement intellectuel et moral dans le choix des règles du vivre-ensemble.

    Quant à la confusion, c’est celle qui affecte aujourd’hui, en dehors du monde savant, les pratiques et les représentations des choses de la religion chez la plupart des croyants. Pendant longtemps on a englobé sous le terme unique de religion deux choses éminemment différentes : un besoin existentiel fondamental et irréductible, ayant toute apparence d’être un invariant transhistorique (la foi), et les formes culturelles dans lesquelles ce credo s’est historiquement et sociologiquement fixé ou déclaré. La foi étant un sentiment quasi instinctif, plus spontané et contagieux que réfléchi au départ, reste de l’ordre du vécu personnel le plus intime (« Deus intimior intimo meo », c’est Dieu au plus profond de moi-même, écrivait Saint Augustin). En tant que telle, elle est irréductible à quelque argumentation théorique que ce soit. Pour s’installer elle n’a besoin d’aucune justification. Elle s’éprouve sans avoir à se prouver (« foi du charbonnier »). On n’adopte pas une vérité de foi parce qu’elle est vraie, mais parce qu’on a besoin d’y croire pour vivre, comme d’oxygène pour respirer. Ce n’est qu’après coup que la raison reprend ses droits un moment bafoués (« fides quaerens intellectum« ), car nous sommes ainsi faits que nous ne pouvons nous satisfaire entièrement de vérités qui s’imposeraient au mépris de toute rationalité discursive, de façon purement intuitive et spontanée. Le croyant ne peut pas se permettre de croire parce que « tel est son bon plaisir ». Le règne de Dieu ne peut pas être celui d’un monarque absolu de droit divin. Dieu est Dieu, il peut tout, soit. Mais il est réputé être juste et ne peut se tromper ni vouloir nous tromper en nous affirmant une chose le matin et le contraire le soir, comme un politicien en campagne. L’exigence de rationalité est celle d’un minimum d’ordre, de logique, de cohérence dans la réalité de ce qui advient. Ce minimum se veut concevable et communicable sous forme d’un logos, avec le risque de dérapage philosophique et théologique que comportent la construction, la diffusion et la discussion de tout discours rationnel systématique. Sinon, ce serait ouvrir la porte au mensonge, à l’hérésie, au chaos. Donc Dieu se doit à lui-même de raisonner juste et de dire la vérité quand il dit quelque chose à ses créatures douées de raison.

    Mais justement, comment celles-ci sont-elles informées de ce que dit Dieu ? Pour la plupart des croyants, la réponse est connue de longue date : ils savent ce que leur environnement social a été capable de leur en dire. Un enseignement religieux, même sommaire, même dispensé sous forme d’un discours superficiel et lacunaire, par des éducateurs peu instruits, suffit à transmettre à des enfants une foi solide et durable autant que celle de leurs parents. Croire, c’est avant tout adhérer au discours explicite d’une religion donnée, dispensé par une autorité pédagogique, en l’occurrence une Eglise servie (et donc peu ou prou instrumentalisée) par un clergé, celui-ci serait-il extrêmement réduit en nombre et en compétences.

    Toute religion exige de la part du croyant un acte de foi dans des vérités expressément formulées, en dehors desquelles les croyants réduits à eux-mêmes ne sauraient constituer une Église reconnue. En quoi et à qui pourrait-on bien croire si des Ecritures, des prêtres, des assemblées conciliaires, des dogmes, des encycliques, des homélies, des formules sacramentelles, etc., n’en avaient pas expliqué le sens. D’où la confusion permanente dans l’esprit de la majorité des croyants entre la foi et la religion, la religion et le dogme, le dogme et la parole de l’Eglise, la parole de l’Eglise et le clergé qui la formule, dans une certaine langue, etc. En principe toutes ces composantes de la pratique religieuse sont à distinguer l’une de l’autre. En fait, elles sont le plus souvent confondues et même Nietzsche, qui était par ailleurs un philologue averti, emporté par son lyrisme effervescent et dans l’élan de sa critique, n’a pas toujours pris la peine d’opérer les distinguos nécessaires. De sorte que lorsqu’il proclame que Dieu est mort, on ne sait exactement de quoi ni de qui il parle. De quelqu’un qui, sous apparence d’être encore officiellement en vie, ne serait déjà plus qu’un cadavre en décomposition, ou de quelqu’un qui serait déjà mort en gardant l’apparence d’être encore en vie ? Où passe exactement la limite entre le nominal et le réel ? Par quel concile le débat a-t-il été tranché ?

    Au temps de la Genèse, dans Sodome et Gomorrhe, on voyait déjà plus d’un méchant déambuler sur les places, des individus qui s’ingéniaient à « s’écarter des voies de l’Eternel » (lequel se chargea d’ailleurs de leur faire sentir son courroux). Malgré l’omniprésence du mal parmi les vivants, on n’en tirait pas la conclusion que Dieu était mort, mais seulement que son absence, ou sa fatigue, ou ses blessures, par moments et par endroits, étaient très dommageables à ses créatures infidèles.

    S’il fallait en juger par l’état du monde et des relations internationales aujourd’hui, il semblerait même que des deux prophètes Nietzsche et Malraux, ce soit ce dernier qui se serait montré le plus clairvoyant avec sa prédiction d’un XXIème siècle profondément « religieux », si on veut bien considérer que la mondialisation capitaliste et le prosélytisme du dollar américain ont désormais mis toute la planète à genoux pour célébrer le culte universel du Veau d’or. Dans la lutte implacable que se sont livrée depuis au moins la disparition de l’Empire romain, et surtout depuis le développement de l’impérialisme occidental européen, les forces du Capital et celles du Travail, le christianisme institutionnel (toutes Églises confondues) a choisi son camp : celui des propriétaires, des puissants, des féodalités, de la Banque et de l’Etat capitaliste.

    Nietzsche a fini par mourir lui aussi, dépassé et remplacé par les prédicateurs évangélistes les plus retors et les plus cupides de Californie, de Floride et d’ailleurs. Mais gageons que cette annonce nécrologique ne perturbera pas le moins du monde nos journalistes bien « informés » de Radio France qui semblent tout ignorer de l’intégrisme néo-libéral et du catéchisme de l’Ecole de Chicago. Que cet intégrisme-là ait dévasté en quelques générations la planète entière, irréversiblement, ils n’en ont cure. La liberté des échanges, du capital et de sa presse, a un prix. Il faut donc apprendre à distinguer entre les crimes. Avec un flair infaillible, nos informés-décrypteurs savent trier les bons crimes des mauvais. Les bons crimes, ceux pour lesquels nous sommes sommés de faire preuve de compréhension, de discernement, voire de tolérance, et même d’approbation, ce sont les crimes commis par les défenseurs-des-libertés-du-monde-libre.

    D’ailleurs, ces crimes-là, ce ne sont même pas des crimes. On est prié de réserver cette appellation aux crimes authentiques, ceux des méchants dictateurs et de leurs gouvernements populistes, comme par exemple les Russes avec leur Poutine. Certes les crimes des nations civilisées ressemblent à s’y méprendre aux autres, ils en ont la fureur génocidaire, les écoles et les hôpitaux éventrés, les quartiers d’habitation rasés, les cadavres de femmes, d’enfants et de vieillards le long des rues, mais ce ne sont pas des crimes : ce sont des « ripostes », des réponses légitimes, nous disent les journalistes bien informés, que les forces du Bien font aux forces du Mal, comme par exemple la guerre d’extermination qu’Israël fait aux Palestiniens de Gaza sous couvert d’éradication du Hamas, avec le soutien des Etats-Unis.

    On est en plein cauchemar. « Orwellien », comme aiment à préciser les lettrés aujourd’hui. En laissant libre cours dans tous les domaines à l’esprit d’entreprise capitaliste, la modernité mondialiste a métamorphosé en défaut rédhibitoire ce qui jusque-là avait pu faire en certaines circonstances figure de vertu dans le coffre à outils d’Homo sapiens : cette capacité apparemment unique du genre humain à mobiliser et concentrer toutes les ressources de son intelligence, de son imagination et de sa volonté pour la résolution d’un problème donné a certainement constitué une propriété précieuse au regard de la sélection naturelle, et cette propriété remarquable a sans doute plus d’une fois aidé notre espèce à réussir là où d’autres échouaient. Ce n’est donc pas l’esprit d’entreprise en soi qui est préjudiciable au genre humain ; c’est ce que le mode de production capitaliste en a fait en le mettant au service à peu près exclusif de la marchandisation généralisée de l’oekoumène. A telle enseigne que le capitaliste en est arrivé à croire que tout ce qui existe sub sole sans exception est fait pour être acheté ou vendu, y compris la personne humaine. C’est dans le triomphe indécent de cette logique de la vénalité généralisée et de l’accumulation insatiable du profit que réside la monstruosité d’un système qui, à force de démesure, a fini par rendre notre monde difforme, infirme, inhumain, et donc inacceptable.

    Un peuple éliminé et l’autre en voie de l’être se font face sur cette pancarte. Manifestation Paris, janvier 2024, photo Serge d’Igniazio

    On a brouillé tous les repères, emmêlé tous les fils : tous les courants de la bêtise se sont déchaînés, toutes les chorales de l’égoïsme nationaliste ou individualiste, toutes les chapelles de la mauvaise foi humaine se sont une fois de plus coalisées pour boucher les voies de l’intelligence et de la générosité. Notre paquebot républicain, éventré par les écueils de la banquise capitaliste, a commencé à sombrer. On entend à son bord les flons-flons de l’orchestre qui joue pour les passagers hors-classe, les milliardaires enivrés et aveuglés devenus incapables même de comprendre ce qui leur arrive ; on voit zigzaguer vers les chaloupes de sauvetage bondées une petite-bourgeoisie, déboussolée, aliénée jusqu’à la caricature, qui, sentant le navire sur le point de couler, redouble pathétiquement d’efforts pour prolonger un état de choses que ses journalistes et ses marcheurs ne savent plus comment qualifier, et qu’ils appellent « le ni-ni » et « le en même-temps », ce charabia signifiant qu’à l’instar de leur maître à penser, ils veulent comme toujours avoir le beurre et l’argent du beurre. Avec aujourd’hui une figure chorégraphique inédite (façade écologique oblige) : sauver la planète mais sans modérer en rien leurs habitudes consommatoires ni leurs objectifs dans aucun domaine, ce qui les conduit à tituber plus vers la Droite (et même l’extrême Droite) que vers la Gauche. Laquelle, la malheureuse, n’arrive même plus à se trouver un nom de bataille qui fasse rêver.

    Quant aux classes populaires, comme toujours cocufiées et mystifiées de toutes les façons par toutes les classes dominantes, on a depuis longtemps entrepris de leur enseigner à sauter par-dessus bord, en leur donnant l’assurance qu’on repêchera plus tard ceux qui auront réussi à surnager le plus longtemps.

    Pendant ce temps, sur le paquebot « Républic », l’orchestre des riches a commencé à jouer « Plus près de Toi, mon Dieu »… Mais Dieu est-il encore là pour écouter ?

    Alain Accardo

    • Un peuple éliminé et l’autre en voie de l’être se font face sur cette pancarte. Manifestation Paris, janvier 2024, photo Serge d’Igniazio


      On a brouillé tous les repères, emmêlé tous les fils : tous les courants de la bêtise se sont déchaînés, toutes les chorales de l’égoïsme nationaliste ou individualiste, toutes les chapelles de la mauvaise foi humaine se sont une fois de plus coalisées pour boucher les voies de l’intelligence et de la générosité. Notre paquebot républicain, éventré par les écueils de la banquise capitaliste, a commencé à sombrer. On entend à son bord les flons-flons de l’orchestre qui joue pour les passagers hors-classe, les milliardaires enivrés et aveuglés devenus incapables même de comprendre ce qui leur arrive ; on voit zigzaguer vers les chaloupes de sauvetage bondées une petite-bourgeoisie, déboussolée, aliénée jusqu’à la caricature, qui, sentant le navire sur le point de couler, redouble pathétiquement d’efforts pour prolonger un état de choses que ses journalistes et ses marcheurs ne savent plus comment qualifier, et qu’ils appellent « le ni-ni » et « le en même-temps », ce charabia signifiant qu’à l’instar de leur maître à penser, ils veulent comme toujours avoir le beurre et l’argent du beurre. Avec aujourd’hui une figure chorégraphique inédite (façade écologique oblige) : sauver la planète mais sans modérer en rien leurs habitudes consommatoires ni leurs objectifs dans aucun domaine, ce qui les conduit à tituber plus vers la Droite (et même l’extrême Droite) que vers la Gauche. Laquelle, la malheureuse, n’arrive même plus à se trouver un nom de bataille qui fasse rêver.

      Quant aux classes populaires, comme toujours cocufiées et mystifiées de toutes les façons par toutes les classes dominantes, on a depuis longtemps entrepris de leur enseigner à sauter par-dessus bord, en leur donnant l’assurance qu’on repêchera plus tard ceux qui auront réussi à surnager le plus longtemps.

      Pendant ce temps, sur le paquebot « Républic », l’orchestre des riches a commencé à jouer « Plus près de Toi, mon Dieu »… Mais Dieu est-il encore là pour écouter ?

      Alain Accardo

  • Michel Kokoreff : « L’impossible réforme de la police traduit une fragilité du pouvoir »
    https://qg.media/2023/08/18/michel-kokoreff-limpossible-reforme-de-la-police-traduit-une-fragilite-du-pouv

    Avec l’éclatement des émeutes de 2023, l’histoire se répète. Comme en 2005, elles ont été déclenchées par une rencontre mortelle avec la police. Si les similitudes entre ces démonstrations de colère sont évidentes, des nouveautés émergent. Premières émeutes post-Covid, venant de quartiers très fragilisés par la crise sanitaire, elles ont aussi donné lieu à des pillages sans précédent dans les centres-villes. Ce qui frappe le plus, c’est toutefois la faiblesse de la réponse gouvernementale, uniquement sécuritaire, sans gestes forts. Le sociologue Michel Kokoreff, spécialiste des violences urbaines, dresse pour QG le constat d’un déni collectif dicté par la dépendance toujours croissante du pouvoir politique français aux forces de l’ordre

    • Je suis toujours emmerdé avec les analyses sur la « dépendance » du pouvoir aux « forces de l’ordre », comme si ça dénotait une faiblesse de ce pouvoir politique.

      Or, si le pouvoir a lui-même une idéologie autoritaire, ça n’est pas une faiblesse : c’est logiquement l’instrument de son pouvoir. De la même façon que les ordonnances du premier quinquennat, et les 49.3 du second.

      L’idéologie même des macronistes, c’est depuis des décennies de répéter à tout bout de champ, à chaque dîner en ville, dans chaque plateau télé, dans chaque édito…, qu’« on ne peut pas réformer dans ce pays, ouin ouin les syndicats, ouin ouin les fonctionnaires, ils bloquent tout le temps on peut rien faire… ». Et que donc avec Macron, on va (enfin) faire du Tatcher et passer en force.

      Donc passer en force, ça veut dire 49.3 et répression violente des mouvements sociaux : pas par faiblesse, mais parce que c’est le principe même de ce pouvoir. Ce que Kokoreff nomme d’ailleurs « co-gestion », et pas « fragilité » comme retenu dans le titre.

    • Les incapables. Ils ont allumé un feu et n’ont aucune solution pour l’éteindre
      https://reflets.info/articles/les-incapables

      Qu’est -ce qui a changé depuis… toujours ? Rien. La société est incapable de proposer un cadre équitable, un vivre ensemble, une répartition des richesses acceptable. Les politiques qui se succèdent s’évertuent à ne rien changer. Et quand la marmite explose, ils accusent ceux qui mijotaient dedans.

      [en accès libre jusqu’au 31 aout]

    • @arno :

      Donc passer en force, ça veut dire 49.3 et répression violente des mouvements sociaux : pas par faiblesse, mais parce que c’est le principe même de ce pouvoir. Ce que Kokoreff nomme d’ailleurs « co-gestion », et pas « fragilité » comme retenu dans le titre.

      D’aucuns disaient dans les « temps anciens » que la « pédagogie », c’est l’art de faire fermer sa gueule à un gosse ...

      #co-gestion certes mais #totalitarisme quand même.

      A force de nous indigner, on va tous·tes finir sous antidépresseurs (zombification) ou sous psychédéliques micro-dosés (développement personnel) si on est riche, mâle, blanc et cadre dirigeant dans une start up.

    • « Frères », le film d’Ugo Simon disponible gratuitement sur #AuPoste
      https://www.auposte.fr/freres-le-film-dugo-simon-disponible-gratuitement-sur-au-poste

      Au départ, un film de fin d’études (et pas n’importe où : la Fémis, Paris) qui devient un film à part entière, capte la force et la souffrance de Diané Bah, Mahamadou Camara et Farid El Yamni — dont les frères ont croisé la route mortelle des forces de l’ordre. En 45 minutes, fortes et denses, c’est leur combat, et leur sourire, la vérité qui éclate, les mensonges auxquels il faut faire (af)front, qui surgissent.

  • Pablo Stefanoni : « L’extrême droite a réussi à installer l’idée que dorénavant les élites sont de gauche »
    https://qg.media/2023/07/09/pablo-stefanoni-lextreme-droite-a-reussi-a-installer-lidee-que-dorenavant-les-

    La contre-révolution culturelle d’extrême droite en cours se revendique souvent des prestiges de la rébellion. Sous des formes multiples, elle gagne partout du terrain dans le monde, se dressant en rivale d’une gauche insuffisamment convaincante. Alors que la cagnotte lancée pour le policier responsable de la mort de Nahel a récolté plus de 1,6 million d’euros, que des groupuscules fascistes sont sortis durant les récentes émeutes en France pour « se faire des noirs et des arabes », et que la rédaction du JDD se voit confiée à un ultra de Valeurs Actuelles, que disent ces événements de la banalisation des idées réactionnaires dans l’espace public ? Analyse par le journaliste argentin Pablo Stefanoni sur QG.

    « Vous n’avez pas le monopole de la rébellion », pourrait dire un militant de droite ou d’extrême droite à un militant de gauche de nos jours. Et pour cause, toute une galaxie de pensées néoréactionnaires, parfois opposées entre elles, est à l’assaut pour convaincre une jeunesse inquiète et en colère. Pour QG, le journaliste argentin Pablo Stefanoni, auteur du livre La rébellion est-elle passée à droite ? (La Découverte, 2022), souligne combien l’extrême droite gagne du terrain face à une gauche sclérosée, qui peine à offrir un horizon alternatif, une utopie réaliste. Entretien par Jonathan Baudoin

  • « Le calice jusqu’à la lie » par Rodolphe Bocquet
    https://qg.media/2023/06/24/le-calice-jusqua-la-lie-par-rodolphe-bocquet

    Sommes-nous condamnés à être les témoins impuissants de l’avènement du pire ? La macronie ne cesse de dénoncer la violence de ses opposants, des Gilets jaunes jusqu’à Sainte-Soline, mais nul besoin d’être un observateur aguerri, pour voir que la violence constitue l’ADN stratégique de la Macronie. Au-delà même de la jouissance apparente à soumettre. Pointée du doigt par l’ONU et par le Conseil de l’Europe, la France dégringole tous les classements en matière de libertés publiques depuis l’élection de Macron. Jusqu’à quand laisserons-nous faire ? Ex-trader à la Société Générale, Rodolphe Bocquet examine le naufrage politique français

  • Que voulons-nous ? L’effondrement du macronisme. Après on verra
    https://qg.media/blog/haroldbernat/que-voulons-nous-leffondrement-du-macronisme-apres-on-verra

    Pour arrêter le mouvement, Macron et le siens comptaient sur l’inflation, la lassitude, le fatalisme, le matraquage médiatique, la moraline, la peur de la matraque, le « ce qui se fait ailleurs ». Ils ont en face la solidarité, la détermination, le refus, le volontarisme, le collectif, la vraie morale, le courage face à la peur, le « ce que nous voulons ici ». Ne les lâchons pas, jusqu’au retrait. C’est l’édito de la semaine d’Harold Bernat

    ... L’impunité du mensonge, nous l’avons en face depuis des années. Les mensonges s’accumulent mais le sourire reste, la morgue et le mépris paraissent inoxydables. Mais tout cela travaille dans l’ombre. La légalité, semaine après semaine, ne tient plus le tableau, elle ne parvient plus à dompter de ses tautologies (la loi, c’est la loi, dura lex sed lex, en latin c’est toujours plus impressionnant) la légitimité de la révolte qui monte des six coins de la France. Alors on reformule la question, non plus du côté de la légalité mais du point de vue désormais obsédant de la légitimité. Qui est en face ? Un escroc, un menteur, un faux. De quelle guerre parlons-nous ? D’une guerre juste, une guerre pour le respect du travail et des travailleurs, une guerre pour avoir le droit de partir à la retraite après plus de quarante années de travail sans que des millionnaires improductifs et parasites de l’État viennent nous sermonner comme des gosses de dix ans. Quelle pourrait être la fin générale de cette guerre sociale et politique ? L’effondrement du capitalisme ? Soyons peut-être plus modestes. Le retrait de la réforme des retraites et pas son report ou un moratoire bidon reste un préalable. Mais ce que nous voulons, au fond, c’est l’effondrement de la macronie, du règne de la fausseté attaché au nom de ce président philosophe complètement bidon et gonflé à la mondanité satisfaite. Pas l’effondrement de l’État ou de la République, de la macronie qui en est une corruption profonde. Après on verra.

    Pour arrêter le mouvement, Macron et son engeance comptaient sur l’inflation, la lassitude, l’acceptation, le fatalisme, l’individualisme, l’intersyndicale Casimir, le matraquage médiatique, la moraline, la peur de la matraque, le « ce qui se fait ailleurs », la lobotomie collective. Ils ont en face la solidarité, la détermination, le refus, le volontarisme, le collectif, l’inter-syndiqués anti-Casimir, la résistance critique, la vraie morale, le courage face à la peur, le « ce que nous voulons ici », l’éveil collectif. Ne les lâchons pas, serrons les mâchoires, plus fort encore, nous commençons à les tenir. N’ayons pas peur de ce chantage à la légalité en face d’individus qui sont en train de perdre ce sans quoi la légalité n’est qu’une coquille vide : la légitimité. Cela fait des années que cela dure, des années que nous endurons cette très dure carrière de mensonges et de malversations. Des années que nous souffrons ce monologue pathétique qui s’arroge le droit unilatéral de régenter des vies avec des passes et des coups de matraque. Nous ne verrons pas la fin de cette guerre car elle dépasse de très loin Macron le faux mais nous sommes engagés dans une lutte sérieuse et déterminée que l’on peut résumer sans trop de détours : nous ne voulons pas de ces gens-là au pouvoir en France. Faisons-les chuter lourdement. Que le bruit lourd de leur dégringolade s’entende jusqu’à Bruxelles, cela réchauffera sûrement le cœur du peuple grec qui a ouvert une voie inéluctable pour les peuples d’Europe.

    Harold Bernat

  • « Réforme des retraites : choisis le présent, camarade ! » par Harold Bernat

    Le 21/01/2023 par Harold Bernat
    https://qg.media/blog/haroldbernat/reforme-des-retraites-choisis-le-present-camarade

    Sommes-nous prêts à comprendre les enjeux symboliques de cette réforme, qui ne concerne pas simplement le niveau de nos pensions dans le futur, mais qui relève ici et maintenant d’une résistance aux stratégies de privatisation intégrale de nos vies ? Il ne s’agit pas seulement avec cette réforme d’une décote à venir, il s’agit de ce qui nous sépare, et nous séparera toujours plus d’une société décente, humaine.

  • « Pour les mobilisations :
    celui qui n’a pas peur est fou, celui qui a peur de la Peur est vaincu.
    Reste le courage. »

    Dissuasion par la peur et domestication de l’homme : au cœur des répressions contemporaines.
    https://qg.media/blog/haroldbernat/dissuasion-par-la-peur-et-domestication-de-lhomme-au-coeur-des-repressions-con

    « Il y a des gens qui ont peur,

    ça c’est de leur faute,

    des gens qui ont peur et qui n’assument pas leur peur. »

    Jacques Brel

    Jean Baudrillard (1929-2007) nous avait pourtant donné, quelques mois après le mouvement social de Mai 68, une petite clé fort utile pour comprendre ce que signifiait désormais la répression dans les sociétés contemporaines. Dans un texte lucide, publié dans la revue Utopie en mai 69, Le ludique et le policier, il écrit : « La répression, en pays civilisé, n’est plus une négation, une agression, c’est une ambiance. C’est la quotidienneté pacifiée, où s’efface la distinction entre le ludique et le policier. Autrement dit encore, la répression généralisée, qui se traduit par l’intériorisation des contraires (intellectuels et sexuels) et où l’instance répressive devient maternelle, est le lieu d’une intense participation. » Devenir le complice consentant de sa propre répression de façon ludique et forcément bienveillante. Nous n’avons pas besoin d’un énième mot anglais (le nudge) pour comprendre ce dispositif extrêmement efficace de dissuasion. Cette répression ne s’exerce pas sur des contenus manifestes potentiellement subversifs, elle les empêche. Ces contenus n’auront plus besoin d’être censurés, ils n’existeront pas. De ce point de vue, les CRS ne sont que la forme spectaculaire et datée de cette répression. Des dispositifs plus puissants, plus intimes, traversent les consciences et font courber l’échine avec une efficacité que n’aura jamais la matraque. Si les fondés de pouvoir du capital se permettent désormais d’éborgner et de mutiler des manifestants sans que cela émeuve plus que ça c’est que la dissuasion a déjà fait son œuvre sur un autre terrain. Une action plus invisible, sur un terrain autrement moins spéculaire : l’intime. Son moyen : une ambiance répressive qui dissuade en injectant quotidiennement une peur diffuse tout en rassurant les consciences ensoleillées. Un mélange de ludique et de policier, le marché de Noël, ses drones de surveillance, son plan Vigipirate et ses fouilles au corps. Bon vin chaud. Alertes gouvernementales, seuils en tous genres, niveaux de sécurité, plans blancs ou écarlates, nouvel ancien virus et huitième vague en attente de la quinzième. Il est d’ailleurs important que l’on ne sache plus du tout de quoi on parle, cela participe de l’ambiance. La menace distillée en pastilles de couleur, vagues et seuils d’alerte est un spectre. Il est partout, vous n’y échapperait pas, y compris avec un surcroît de discernement. Tout est construit pour que la place de la peur soit sans issues.

    Neutraliser pour que « ça passe » comme le rappelait Edouard Philippe au mardi de l’ESSEC, ce haut lieu de la pensée critique et politique. Quoi ? Tout. Les rapports bidons des parasites de l’argent public, la corruption des familles, Kohler et Pannier-Runacher, la liste est longue, la litanie des affaires, les réformes qui masquent de plus en plus mal la guerre du capital contre le travail, la nullité intellectuelle et morale de fausses élites, les pornosophes. Tout. Cette nouvelle doctrine du maintien de l’ordre peut compter sur une ingénierie sociale parfaitement rouée. Des cabinets de conseils grassement payés par les deniers publics servent à produire le niveau de répression sociale compatible avec le caractère anti-social de leurs émoluments. La charge policière ou la nasse témoignent de l’échec relatif de cette doctrine quand le manifeste des corps révoltés témoigne bruyamment dans la rue des limites de la dissuasion des esprits. La matraque corrige en bout de course les ratés de l’ingénierie sociale et de la dissuasion médiatique. Rien de plus. Une infime minorité du corps politique aura d’ailleurs droit à la matraque pour avoir défendu les intérêts d’une écrasante majorité. Alors laissons un instant de côté le « folklore obsessionnel inspiré par les CRS, l’objet de consommation n°1 de l’imaginaire révolté » (Le ludique et le policier, op. cit.) pour nous tourner vers cette ingénierie de la peur et de la dissuasion, stupéfiante d’efficacité. La question est au fond très simple : comment ça marche la répression sociale ? Et une autre, aussi simple que la première mais pourtant redoutable à penser : comment tenir les hommes sans raison ?

    Tâchons de faire les bons liens entre la peur, l’intime, la dissuasion et la résultante répressive de ce travail des âmes en haut régime de capitalisme avancé et de basses énergies politiques. Commençons par la peur. Les régimes de peur diffuse, parfaitement compatibles avec les sociétés contemporaines, permettent d’organiser le parc humain. Si cette stratégie n’est pas nouvelle, elle est déjà bien présente dans le Léviathan (1651) de Thomas Hobbes (1588-1679), elle a aujourd’hui des outils de dissuasion massive à sa disposition. Le média de masse terrorise et il n’y a de terreur collective qu’à travers lui. Aucune distinction à faire entre le dispositif de communication de masse et la peur qui traverse les masses. L’erreur est certainement d’avoir associé la peur aux régimes les plus manifestement violents, les plus évidemment liberticides. La constante résurgence de l’imaginaire nazi, l’omniprésence de la figure d’Hitler dans les copies de philosophie en terminale atteste de ce fait : nos régimes démocratiques, les droits de l’homme en super héros, sans que l’on se donne la peine d’y regarder de plus près, nous préservent fort heureusement de cette grande peur, du retour de la bête immonde. Tout est là, nous préserve. Nous serions donc collectivement en sursis, toujours sous le coup de la menace, y compris et surtout en temps de paix. Autrement dit, la grande peur, appelons cette peur « la Peur », sert de menace pour distiller une inquiétude constante, au compte-gouttes : la peur de la Peur. La rhétorique anti-totalitaire, car il s’agit avant tout d’un discours, aura servi pendant des décennies à masquer ce poison de la peur de la Peur parfaitement instrumentalisé par des pouvoirs aujourd’hui financiers qui se méfient par-dessus tout de la liberté politique. Qu’elle prenne la forme de la subjectivité révoltée ou de la souveraineté des peuples, la liberté politique doit être tenue en respect au nom de la paix des commerces, des services, des biens et du règne sans partage des banquiers, dits d’affaires pour le sérieux. Nous ne sommes pas à la Poste à vérifier le solde du compte courant. Un peu de sérieux avec François de Rugy, nouveau banquier d’affaire.

    Hobbes, dans le Léviathan, ce livre aux fondements de la philosophie politique moderne, a fait de la peur l’élément moteur de la sortie de l’état de nature. Ce serait la peur d’une vie brève, violente, brutale et courte, misérable en un mot, qui aurait poussé les hommes à passer un contrat de soumission légitime. La peur pour sortir de l’état de nature. C’est l’idée centrale du chapitre XIII sur l’état de misère primordial des hommes dans le Léviathan de Thomas Hobbes. Les partisans de cette thèse n’ont évidemment nuls moyens rationnels et encore moins raisonnables de la fonder. Ils nous enseignent par contre leurs peurs qui s’étendra désormais aux confins de l’univers des hommes, qui se cachera derrière chaque commerce comme une menace toujours présente, cette peur, leur peur qu’il faudra impérativement dompter. Pour dompter la peur, il faut dresser l’homme à la logique de peur, exercer la peur. Dominer la peur par la raison, par un surcroît de réflexion ? Non, trop risqué, les ombres pourraient se dissiper en laissant le pouvoir nu. C’est la peur qui corrigera la Peur dans une circularité vertigineuse entre dispositifs pour la susciter et stratégies pour l’apaiser. On monte par la peur et l’on régente en promettant de l’éliminer tout en la maintenant au sommet du narratif politique et de la construction du simulacre.

    Un immense dispositif de mise en scène/conjuration de la peur fera office de philosophie politique ou d’opinion commune : il y a toujours pire, plus terrifiant, encore plus menaçant. Ayez peur, on vous protège. Dans cette surenchère, il est possible, sans grande résistance, de repousser très loin les libertés civiles. De les effacer. Un Sénateur ventripotent, macroniste pour l’étiquette qui rend possible la réélection des petits fours, François Patriat, vous explique que ce n’est pas le moment de parler augmentation de salaires car « nous sommes au bord d’une guerre thermonucléaire ». La sottise crasse qui mange bien, à peu de frais pour lui, ne doit pas nous faire oublier ce qu’elle dit de l’ambiance et ça marche. Pour une peur grotesque, mille autres passeront inaperçues. D’autant plus redoutables qu’elles ne heurtent personne. Peur du terrorisme, du Virus, majuscule oblige, de la crise, peur du migrant, figure indiscernable vomie depuis les terres noires, peur du retour de la bête immonde, un classique. Hitler nous est conté. Discours de légitimation sans raisons, plutôt pratique. Il fera justement autorité. Exploitation de la Peur comme une donnée naturelle, ce sur quoi la raison n’aurait aucune prise, ne doit avoir aucune prise. Mais il s’agit là d’un artifice, d’une ruse, d’une stratégie pour domestiquer les âmes, tenir, parquer, dresser, contraindre. Les règles du parc humain supposent un terrain favorable. Il sera enrichi de belles peurs, nourri à cet engrais-là, l’engrais du pire des mondes possibles, catastrophique mais n’ayez crainte, nous allons vous sauver. Des dispositifs sont en place. Le meilleur des mondes possibles attendra. C’est de la mort subite dont nous parle Hobbes quand il évoque l’homme, cet animal mortel. Survivre en donnant au Léviathan de quoi nous guider. Que l’État nous amène à la mort n’est pas exclu si cette mort nous protège collectivement de la grande Peur terminale. Il faudra y croire, nous n’avons pas le choix, tout le reste est bien trop terrifiant.

    Étrange fondement politique : fuir la peur à n’importe quel prix. Cette fuite aura évidemment un prix encore plus élevé à savoir l’insécurité, l’angoisse et le refus de ce qui fait de nous des hommes. Car la peur n’est pas simplement à fuir dans une fuite sans fin qui nous rendra toujours plus faibles devant ceux qui nous « protègent ». Elle est aussi une composante essentielle de notre liberté. Ici nous retrouvons la question de l’intime, de ce qui fait de nous des êtres sensibles. Institutionnaliser la gestion des peurs revient à amputer l’homme d’une de ses dimensions affectives, extirper la peur pour mieux aliéner les moyens de lui faire face. Pour affronter mes peurs, je dois en passer par le pouvoir qui aura le monopole de la peur légitime : un gardien de l’ordre, par définition, ne fait jamais peur, il vous évite d’avoir peur. Le visage en sang et un œil en moins, il faudra s’en persuader. Qu’est-ce qui est digne de faire réellement peur ? Ce que je ressens comme menaçant ou l’ennemi officiellement désigné ? Vais-je me faire confiance et écouter mes peurs ou vais-je suivre la peur mise en scène, celle qu’on me propose comme la peur dont il faut avoir peur, la grande Peur ? Dans Conjurer la peur : Sienne, 1338. Essai sur la force politique des images (Seuil, 2013) Patrick Boucheron nous rappelle ce principe de l’art de gouverner : si tu ne peux faire croire, fais peur. « Le mot d’ordre de tous les dirigeants dans l’histoire du monde : faire peur, à défaut de faire croire – sans jamais rien faire comprendre : assurément le meilleur moyen pour se faire obéir ». Faire peur ne suffit pas, il faut d’abord administrer la peur, la manipuler et pour cela l’isoler des autres forces émotionnelles qui lui sont attachées. Que reste-t-il du courage chez celui qui passe son temps à fuir sa peur ? Que reste-t-il de volonté chez cet homme qui préfère ne rien comprendre que d’avoir peur ? La lâcheté vient aussi avec la peur de la Peur. Avec elle l’ignorance et la soumission. Mais le constat est aujourd’hui sans appel : la peur de la Peur sert le maintien d’un ordre qui ne se pense plus. Avoir peur, c’est déjà obéir. Sans raison. Le management autoritaire sait cela très bien. On ne sanctionne pas le fonctionnaire, on ne le mute pas « pour intérêt de service » avec un dossier vide mais pour faire peur à ceux qui auraient, dans leur coin, en dépit de la dépolitisation encouragée, une velléité de révolte forcément illégitime puisqu’elle n’est pas « dans les clous »...

  • Royaume-Uni : vague de grève historique contre l’inflation pour la fin de l’année
    https://qg.media/2022/12/22/royaume-uni-vague-de-greves-historique-contre-linflation-pour-la-fin-de-lannee


    Plus d’un million de travailleurs britanniques s’apprêtent à faire grève au cours du mois de décembre, menaçant de paralyser le Royaume-Uni pendant la période de Noël. Les mouvements sociaux se sont multipliés ces dernières semaines pour exiger des hausses de salaire alors que l’inflation dépasse les 10 % Outre-Manche. L’armée a même été déployée afin de remplacer certains personnels de santé et policiers aux frontières. Une situation explosive, inédite depuis la fin des années 70.

    Cheminots, police aux frontières, postiers, infirmiers, ambulanciers, conducteurs de bus… Une vague de grèves inédite depuis quarante ans touche le Royaume-Uni alors que l’inflation au mois d’octobre dernier a atteint les 11,1 %, et 10,7 % pour le mois de novembre. Des journées de grève sont annoncées chaque jour jusqu’à la fin de l’année, menaçant de perturber fortement le pays pour la période de Noël.

    Les médias britanniques évoquent un nouvel « hiver du mécontentement » – winter of discontent – en référence au mouvement de grève historique qui avait balayé le pays durant l’hiver de 1978-1979 sur fond d’inflation record. 

    Bien que la situation actuelle est pour le moment loin d’atteindre le niveau de cet hiver historique de la fin des années 70, l’Office national des statistiques (ONS) a annoncé que 417.000 jours de travail ont été perdus pour le seul mois d’octobre 2022 en raison des conflits sociaux et près d’un million depuis le début de l’année. Un nombre au plus haut depuis plus de 10 ans...

    • Les militants de Workers’Fight (le LO britannique) notaient récemment ceci :

      Précisons que, si toutes ces grèves sont réconfortantes, elles ne sont pas militantes. Les syndicats se contentent d’appeler les travailleurs à la grève tel et tel jour, et ne cherchent pas à coordonner les grèves. La nouvelle vedette des cheminots, Mick Lynch, a prétendu cet été que «  la classe ouvrière est de retour  ». Mais non, malheureusement, pas encore  ! En fait, les travailleurs laissent encore la plupart du temps la tenue des piquets de grève aux délégués et permanents syndicaux. Surtout, ils ne se sont pas montrés aux deux rassemblements qui ont eu lieu à Londres pour essayer de réunir les travailleurs de différents secteurs.

      Cela dit, la colère et la détermination des grévistes sont réelles. Dans les chemins de fer, à cause de lois antisyndicales vraiment dingues, les travailleurs ont été appelés à se prononcer de nouveau pour la grève, par courrier, car le premier mandat, de six mois, avait expiré. Et ils ont de nouveau voté pour la grève, à plus de 70 %  ! Nous verrons donc ce qui se passera dans les prochaines semaines.

  • Données de santé: pourquoi Doctolib inquiète ?
    https://qg.media/2022/12/21/donnees-de-sante-pourquoi-doctolib-inquiete


    La fameuse plateforme, utilisée pour la prise de rendez-vous médicaux, est devenue quasi hégémonique en France. Mais l’utilisation de Doctolib n’est pas sans danger pour plus de quarante deux millions d’utilisateurs, et pose de sérieuses questions quant la confidentialité des données personnelles de santé. QG a rencontré des chercheurs qui tentent d’alerter sur une question qui risque un jour de devenir cruciale, alors même que le modèle du crédit social n’est plus un sujet un tabou dans certains cercles depuis la pandémie de Covid.

    Depuis la crise du Covid 19, la plateforme de prise de rendez-vous médicaux Doctolib, déjà très largement utilisée, a conquis une place quasi hégémonique. Selon les chiffres avancés par l’entreprise, 42,2 millions de patients utilisent Doctolib pour la prise de rendez-vous en ligne. Au plus fort de la pandémie, lors des campagnes de vaccination, elle a été un outil privilégié dans la prise de rendez-vous de par son partenariat avec le ministère de la santé. Elle s’est même retrouvée saturée à plusieurs reprises à cette période.

    C’est peu de dire que Doctolib détient donc de nombreuses données de santé. Des données qui ne sont pas toujours suffisamment protégées, ainsi que l’expliquent un certain nombre de chercheurs que nous avons pu interroger. Les informations que nous avons pu recueillir à ce sujet inquiètent d’autant plus que désormais, en 2022, le système de crédit social à la chinoise n’est plus un sujet tabou pour certains dirigeants européens...

  • « L’homo footballisticus, nouvelle déclinaison de l’homo economicus » #CoupeDuMondeFIFA

    Marchandisation, soft power, exploitation : Maxence Klein livre une critique mordante de l’industrie du #football
    https://qg.media/2022/12/04/lhomo-footballisticus-nouvelle-declinaison-de-lhomo-economicus

    « Le football, il a changé », comme dirait Kylian Mbappé. De quoi l’orgie de pognon que ce sport génère est-elle le symptôme ? Aujourd’hui, le jeu préféré de centaines de millions d’enfants est devenu le moyen de les enrôler dans le grand bain d’une économie autodestructrice, et l’amour du beau geste ou de l’instant heureux du dribble qui mène au but, a été déformé par une idéologie qui illustre de manière hyperbolique un fait central de notre époque : chacun est désormais contraint de se rapporter à lui-même comme valeur. Sur QG, Maxence Klein livre une réflexion sur la Coupe du monde 2022 qui bat son plein au Qatar, et sera peut-être un jour considérée comme l’un des derniers grands rites sacrificiels de l’histoire de la planète.

    • « La vie idyllique de Killian Mbappe repose in fine sur les rêves brisés de toute une génération mondiale de jeunes prolétaires déqualifiés »

      Il y a d’ailleurs tout un continuum entre le football contemporain et le logiciel discursif des RH. Il y a les « compétences-clés », le personal branding, les hard skills et les soft skills, la e-réputation, mais aussi la « guerre des talents », ce terme inventé par McKinsey en 1997 pour décrire les difficultés rencontrées par les entreprises à recruter des profils aux compétences rares, mais néanmoins dociles. Tout amateur de football doit aujourd’hui connaître les statistiques folles des Messi, Neymar, Ronaldo, Benzema ou Mbappe, mais peu nombreux sont capables d’établir le lien qu’elles entretiennent avec le fait que nous sommes en permanence scrutés et évalués sur notre lieu de travail, que nous sommes victimes de toutes sortes d’opérations qui visent à gérer et à optimiser ce cheptel humain au rang duquel nous avons été réduit.

      L’envers de ce décor de la réussite individuelle, c’est évidemment le lien qui unit les blessures des footballeurs professionnels aux épidémies contemporaine de troubles musculosquelettiques, de burn-out, de dépression et d’anxiété. C’est aussi le fait que seulement une infime minorité d’entre nous arrive à naviguer dans les eaux troubles du capitalisme et réussit encore à s’en sortir alors que d’autres se noient. Dans le football, combien sont-ils d’ailleurs, chaque année, à quitter les centres de formation professionnelle des grands clubs pour revenir végéter à la cité ? Quel est donc ce lien pas si secret que ça qui unit les terrains de football de la banlieue parisienne aux entrepôts Amazon ou Geodis, aux plateformes VTC, à Deliveroo, à Uber et à tous ces boulots qui ne payent pas ?

  • « Quelle idéologie derrière l’intégration européenne ? »

    Entre libéralisme autoritaire et neutralité de façade, Thibault Biscahie revient sur les origines méconnues de l’#UE
    https://qg.media/2022/12/01/quelle-ideologie-derriere-lintegration-europeenne-par-thibault-biscahie

    À rebours des platitudes selon lesquelles l’Union européenne aurait été fondée sur des idéaux de « paix et de prospérité », Michael Wilkinson, théoricien du droit à la London School of economics, livre un ouvrage fondamental sur les stratagèmes développés dans l’après-guerre pour contenir les peuples et assurer un ordre de fer sous couvert de neutralité et de démocratie. Centré sur la façon dont le libéralisme autoritaire a été le véritable moteur de cette intégration, depuis la République de Weimar jusqu’aux diktats de l’actuelle BCE, le livre n’est pas encore traduit en français. Le site de QG vous en propose en avant-première la recension approfondie tant il entre en résonance avec le climat actuel de déliquescence de l’UE, aboutissement d’un programme de cadenassage de la souveraineté populaire et de dépolitisation de l’économie datant de la Guerre froide

    En Allemagne, le « libéralisme autoritaire » fut une doctrine mise en œuvre au début des années 1930 pour tenter de sauver un système chancelant. Dans un contexte de « crise organique », les libéraux eurent recours à des stratégies plus rigides, tandis que des fractions paramilitaires de la classe dirigeante multipliaient leurs attaques contre les parlementaires. La restructuration constitutionnelle qu’ils orchestrèrent fit la part belle aux élites militaires vieillissantes, à la bureaucratie et aux grandes entreprises. L’idée selon laquelle l’État libéral était « neutre » apparaissait comme une supercherie : insensible aux inégalités socio-économiques, il était contrôlé par une classe qui légiférait par décrets et œuvrait à la dépolitisation des conflits sociaux menaçant les intérêts capitalistes. Ce libéralisme outrancier était intolérant à la dissension, méfiant à l’égard du parlementarisme, viscéralement anti-marxiste et craintif face à la démocratie de masse. Tolérée par les sociaux-démocrates, la cure d’austérité imposée par ce régime provoqua la déflation, et la marginalisation du parlement encouragea le recours à la violence. Dans ce contexte d’état d’urgence et de pouvoirs d’exception, les Nazis se présentèrent en recours, précipitant l’effondrement de la démocratie libérale.

  • « Pour en finir avec le petit-bourgeois en chacun de nous » par Alain Accardo
    https://qg.media/2022/11/08/pour-en-finir-avec-le-petit-bourgeois-en-chacun-de-nous-par-alain-accardo

    Après plus d’un demi-siècle d’américanisation néolibérale, que reste-t-il de la culture populaire ou d’un authentique désir de révolution en France ? Nos désirs intimes sont modelés par les « winners » que nous prétendons mépriser, et « changer la vie » est devenu un idéal pour coachs. Nos corps et nos âmes défaits ne sont plus que le champ de bataille de vainqueurs que nous adorons en secret, quelles que soient les opinions que nous brandissons sottement. Le sociologue Alain Accardo livre une nouvelle fois sur QG un texte d’une lucidité implacable.

    « Ou la dégringolade d’un pays dont la culture populaire et politique a été détruite. »
    https://twitter.com/alancelin/status/1590023016356130816?cxt=HHwWgMDRqcrg8pAsAAAA

    • En matière d’utopie sociale, ce qui, en toute rigueur, semble constituer un obstacle insurmontable, de nos jours encore, à un projet révolutionnaire radical, c’est le renforcement continu et réciproque, des effets matériels, psychologiques et moraux des structures de domination, surtout des plus incorporées, et donc en l’occurrence l’emprise du mode de vie capitaliste dominant, auquel les classes moyennes et populaires, à chaque génération davantage, ne rêvent plus que de s’intégrer. Ce mode de vie est désormais, bien que les classes dominées n’aient pas toutes, loin s’en faut, les revenus pour en assumer le coût, leur mode de vie fantasmé, le plus ardemment souhaité et préféré à tout autre. Une fois installée historiquement, la domination d’une classe ne peut que s’accomplir jusqu’au bout, c’est-à-dire jusqu’à un réaménagement des rapports sociaux qualitativement différent et impossible à imaginer exactement, parce que c’est le résultat imprévisible de toute la dialectique des luttes. Le fin du fin est atteint lorsque le principe même de la domination des uns par les autres est assumé comme allant de soi par les dominés eux-mêmes.

      […]

      Aujourd’hui encore, en plein 21e siècle, le sens commun reste, en matière de compréhension des actions et des comportements, en dépit des avancées considérables de toutes les disciplines psychologiques, très influencé par l’héritage post-cartésien du Rationalisme des Lumières, un ensemble de réflexions d’inspiration intellectualiste et spiritualiste, dont les deux principaux mantras peuvent s’entendre encore couramment : « Quand on veut, on peut » et « Il suffit de bien juger pour bien faire », en vertu de quoi on peut penser que tout, dans l’existence d’un individu est affaire de volonté et d’intelligence.

      […]

      Le mode de vie d’une population doit être entendu non pas seulement, de façon étroite, comme un mode de production économique. Celui-ci n’en est que le support structurel objectif, dans sa matérialité si l’on peut dire. Dans sa réalité vécue concrètement, le mode de production se transforme, et même se transfigure, en développant des dimensions subjectives individuelles et collectives, qui constituent la seule vraie réalité vécue, celle du mode de vie quotidien, auquel les gens sont attachés ou auquel ils aspirent, de sorte qu’on ne saurait réduire le mode de vie réel ou fantasmé des agents à leur seule position objective dans le procès de production. L’auto-entrepreneur qui se sent déjà « un petit patron dans sa tête » aura du mal à s’imaginer qu’il a les mêmes intérêts qu’un petit salarié smicard, même si dans les faits il ne peut guère se payer davantage et rien ne sera plus facile que de dresser un salarié du secteur privé contre son homologue du secteur public, en montant en épingle telle ou telle petite différence. La division des dominés est un effet hégémonique nécessaire tout autant que leur accoutumance à l’idée de la « supériorité » ou du « mérite », des dominants, ou l’existence d’un marché du simili permettant de se procurer à moindres frais des propriétés donnant l’illusion qu’on appartient à une fraction dominante. Ce phénomène d’allodoxie (ou fausse reconnaissance) est aussi un effet de l’hégémonie de la classe dominante. Et qui peut se flatter de ne jamais y tomber, en aucun domaine ? La captation de la majorité du corps enseignant et des cadres par la social-démocratie a été, dans l’histoire de notre République, une remarquable illustration de cette propension caractéristique des dominés à prendre pour du champagne révolutionnaire un simple pétillant réformiste.

      […]

      En disant cela je ne veux pas dire que toutes les oppositions se valent et que tous les contestataires sont à mettre dans le même sac, mais je veux seulement souligner la nécessité pour une force de contestation, tout particulièrement si elle est porteuse d’un projet de rupture avec l’ordre établi, de dire le plus précisément possible, si elle en est capable, d’où elle émane et ce qu’elle vise exactement, sous peine que d’autres n’expriment ses intentions en les travestissant. Les mobilisations de masse, même si pour des raisons circonstancielles, elles sont réprimées violemment par le Pouvoir, sont vouées à rester ambivalentes et confuses dans les luttes sociales si elles ne font qu’exprimer ponctuellement des mouvements d’humeur, du « mécontentement », de « la colère », de l’« indignation » et autres sentiments nécessaires mais insuffisants, dans la mesure où ils ne servent jamais que des fins impressionnistes et particulières.

      […]

      Cette cause fondamentale, c’est la quasi-incapacité de la masse des salariés d’aujourd’hui à se mobiliser pour autre chose que l’amélioration de leur position dans un système économique, politique et social qu’ils persistent à croire capable, même au prix de désagréments indéniables (qui entretiennent leur colère et leurs velléités par moments de « casser la baraque »), de leur apporter une intense et durable satisfaction de leurs aspirations « démocratiques » et « républicaines » au mieux-être matériel, à la considération sociale et à la distinction culturelle pour eux-mêmes et pour leurs enfants, et de leur permettre de vivre comme des Américains… c’est-à-dire comme des dominants de la planète tout entière. Ressembler à ceux qu’on tient pour les meilleurs en tout, ce n’est pas rien, assurément, c’est même un capital.

  • Emmanuel Macron, élu 2 fois à l’Élysée grâce au « front républicain »
    https://qg.media/2022/10/14/la-posture-des-neofascistes-cest-de-pretendre-que-le-monde-politique-et-mediat

    « La posture des néofascistes c’est de prétendre que le monde politique et médiatique est partout dominé par la gauche » par Ugo Palheta

    L’arrivée de Giorgia Meloni à la tête du prochain gouvernement en Italie oblige à se poser de nombreuses questions de l’état de décomposition de la politique européenne. Le sociologue Ugo Palheta, spécialiste de l’extrême droite, tire les leçons pour QG de l’événement. Lorsque la démocratie est vidée de toute substance, réduite à un ensemble de procédures et de stratégies publicitaires, même les nostalgiques de Mussolini parviennent à se faire passer pour des hommes neufs, et à incarner l’espoir de ceux qui n’en ont plus

  • La République, ultime totem du capitalisme agressif

    Le 08/10/2022 par Harold Bernat
    https://qg.media/blog/haroldbernat/la-republique-ultime-totem-du-capitalisme-agressif

    Le néo-libéralisme en France a fini par utiliser les « valeurs de la République » comme un des signifiants creux lui permettant de faire disparaître les intérêts de classe. Cette stratégie désarme idéologiquement depuis des années les forces qui s’opposent à la domination implacable du fric. Il faut reprendre ce mot aux héritiers actuels de Thiers

    Jean-Fabien Spitz que l’on ne peut suspecter de légèreté conceptuelle sur la question républicaine, dans son nouveau livre La République ? Quelles valeurs ? (1), a raison de lier l’omniprésence en France, en particulier chez les néo-libéraux les plus violents socialement, d’un discours de façade « républicain » à la crise d’hégémonie que traverse le modèle qu’ils promeuvent à grands renforts de campagnes médiatiques achetées. Il est certain que le marché, d’ailleurs faussé par des politiques publiques qui imposent un modèle au service d’une aristocratie de la finance, ne peut seul assurer la domination idéologique sur les représentations collectives du social. Spitz, après d’autres, constate que « le capitalisme agressif et financiarisé de ce début du XXIe siècle est donc partout confronté à un problème d’hégémonie. » Si la nature de ce capitalisme prédateur et autophage saute aujourd’hui aux yeux de ceux qui en ont encore, les stratégies d’acceptation de cet état de fait sont plus subtiles que la finalité obscène qu’elles maquillent : encore plus de fric pour ceux qui ont toujours plus de fric.

    Ces stratégies, contrairement à la logique du capitalisme de dévoration mondialisé, s’adaptent aux spécificités de chaque culture, de chaque pays. Si les intérêts de cette aristocratie de la finance, nommée à juste titre oligarchie contre les peuples, sont les mêmes aux Etats-Unis, en France ou au Qatar, le maquillage diffère. Il s’agit toujours de mettre en place un ensemble de « valeurs » qui feront consensus au-delà des intérêts de classe réels.
    Evangélisme, républicanisme, islamisme, à chaque zone d’influence culturelle – ne parlons plus de nations à ce stade de développement du capitalisme agressif – son système de « valeurs ». Ce système fonctionne comme un rempart et un ciment. Rempart contre les remises en question des inégalités sociales criantes en détournant la critique (stratégie de diversion) sur des « valeurs » supposées salvatrices. Ciment car cela permet de fédérer des classes sociales sur des logiques qui échappent à la guerre sociale (stratégie d’amalgame) autour de valeurs transclasses.

    En France, pour des raisons historiques évidentes, ce sera la République. C’est elle qui catalyse les fameuses « valeurs » et qui offre un totem d’immunité à des laquais du capitalisme agressif et à leur médiocre carrière politico-médiatique, au nom d’un soi-disant printemps, d’un renouveau, d’une renaissance, d’un horizon ou plus certainement d’une marche à pas forcés remplie de gaz et de violence de ce qu’il reste de l’État, dans une société largement sécularisée. Ce supplément d’âme – moi, Monsieur, je suis républicain ; moi, Madame, je défends les valeurs de la République – fera oublier la question sociale qui n’intéresse pas ceux qui s’engraissent au prix de sa négation. Cette théâtralisation républicaine, ce matraquage devenu insupportable, n’a qu’une seule fonction : faire oublier que le principe de non domination économique, sans lequel la liberté politique reste formelle, est par excellence la chose du peuple, res populi. Nous ne pouvons qu’aller dans le sens de Jean-Fabien Spitz : « ce discours pseudo-républicain s’emploie en réalité à nier les inégalités et les discriminations pour ne pas avoir à les combattre, et le pouvoir actuel ne se contente pas de verdir la façade d’une politique qui détruit la nature : il tente aussi de républicaniser une politique qui détruit la république. » (2)

    L’objection à cette analyse est pourtant connue pour qui prête l’oreille aux discours contre-hégémoniques sur la question sociale : cette distinction serait impertinente car la République, entendre ici la République bourgeoise, la République conservatrice, aurait toujours servi de totem d’immunité pour fédérer les détenteurs de capitaux contre les salariés, les travailleurs, les dominés économiquement. Défense d’un ordre bourgeois qui à défaut de légitimité religieuse collective se retrouvera dans lesdites « valeurs de la République ». Le faux nez du capitalisme agressif, dans une zone d’influence culturelle sécularisée, prend le nom de chose du peuple, l’affaire ne date pas d’hier. Il n’est pas sans conséquence de constater en effet que le signifiant est aujourd’hui largement mobilisé par ceux qui organisent le délitement terminal de tout ce qui est commun en foulant aux pieds les principes de non domination économique qui doivent servir de visées finales dans une République qui n’aurait pas trahi ses exigences sociales d’égalité et de justice. Nous n’en sommes plus là. La République sociale n’a-t-elle d’ailleurs pas été définitivement écrasée en 1848 ? Il suffira de lire Louis Ménard, Prologue d’une révolution pour s’en convaincre. Ce témoin de la révolution de février évoque Blanqui qui ouvrit le premier club sous le nom de Société républicaine centrale. Pour avoir défendu les principes sociaux de la République, ceux de Louis Blanc, « n’osant pas encore crier « A bas les républicains », on les poursuivit sous le nom de communistes. » (3) Cette tragédie refoulée, cet écrasement par la République de l’ordre d’un vaste mouvement populaire qui visait la réconciliation sociale des principes et des états de fait a laissé des traces profondes dans l’histoire sociale de la France. Combien de gilets jaunes ont pu se réclamer de cette République sociale, de ce vaste mouvement populaire qui criait justice ? Gazés, éborgnés, molestés, humiliés, harcelés juridiquement, insultés dans des médias crapules pour avoir rappelé les institutions publiques au peuple qu’elles doivent servir et non régenter. Souvenons-nous d’ailleurs de la trajectoire terminale de Louis Ménard, proche du boulangisme et finalement anti-dreyfusard. Comment expliquer cette réaction autrement que par l’écrasement social dont il fut le témoin ? Ce massacre du peuple. Comment défendre encore la République de la justice sociale quand les élites bourgeoises, aujourd’hui mondialisées et indifférentes au sort de la nation, nous servent ses « valeurs » ad nauseam ? D’où la question initiale : faut-il encore parler de République dans la lutte sociale ? Question de stratégie politique ? Pas seulement. C’est de ligne politique dont il s’agit pour ceux qui n’ont pas renoncé à voir la politique sous un autre prisme que celui des ragots dégueulasses qui servent de promontoires à quelques médiocres qui se hissent au niveau de la bassesse du spectacle pour ne pas travailler et faire trimer les autres...

  • « Treize thèses et quelques commentaires sur la politique aujourd’hui » par Alain Badiou - QG - Le média libre
    https://qg.media/2022/09/02/treize-theses-et-quelques-commentaires-sur-la-politique-aujourdhui-par-alain-b

    Aujourd’hui, les grandes puissances, d’un côté, cherchent à collaborer à la stabilité des affaires au niveau mondial, notamment en luttant contre le protectionnisme, mais d’autre part elles luttent sourdement pour leur hégémonie. Il en résulte la fin des pratiques directement coloniales, comme celles de la France ou de l’Angleterre au XIXe siècle, soit l’occupation militaire et administrative de pays entiers. La nouvelle pratique, je propose de la nommer le zonage : dans des zones entières (Irak, Syrie, Libye, Afghanistan, Nigeria, Mali, Centre-Afrique, Congo…) les Etats sont mis à mal, anéantis, et la zone devient une zone de pillage, ouverte à des bandes armées comme à tous les prédateurs capitalistes de la planète. Ou alors, l’Etat est composé d’affairistes liés par mille liens aux grandes compagnies du marché mondial. Les rivalités s’entremêlent dans de vastes territoires, avec des rapports de force constamment mouvants. Il suffirait dans ces conditions d’un incident militaire incontrôlé pour qu’on soit subitement au bord de la guerre. Les blocs sont déjà dessinés : les Etats-Unis et leur clique « occidentalo-japonaise » d’un côté, la Chine et la Russie de l’autre, des armes nucléaires partout. Nous ne pouvons alors que rappeler la sentence de Lénine : « Ou bien la révolution empêchera la guerre, ou bien la guerre provoquera la révolution. »

    #géopolitique #néocommunisme

  • « Considérations philosophiques sur le rituel électoral frauduleusement nommé démocratie » par Alain Badiou
    https://qg.media/2022/04/23/considerations-philosophiques-sur-le-rituel-electoral-frauduleusement-nomme-de

    Sur ce point, j’aime citer un ancien ministre gaulliste de la justice, Alain Peyrefitte. Le résultat des élections de 1981, qui avait porté au pouvoir une coalition socialo-communisme dirigée par Mitterrand, avait effrayé le loyal réactionnaire gaulliste Peyrefitte. Il sut alors trouver, et c’était, je crois bien, la première fois qu’il trouvait quelque chose, une formule admirable. Il dit : « Les élections sont faites pour changer de gouvernement, et nullement pour changer de société ». Guidé par son angoisse, il retrouvait, très paradoxalement, une considération de Marx lui-même : à savoir que les élections ne sont qu’une mécanique servant à désigner, selon l’expression de Marx, « les fondés de pouvoir du Capital ». L’un et l’autre, au fond, quoiqu’à des fins opposées, disaient que les élections concernent la gestion – le gouvernement – de l’ordre capitaliste bourgeois, mais n’envisagent aucunement la remise en cause de cet ordre lui-même.

  • « On va bientôt battre des records d’abstention dans les classes populaires » par Daniel Gaxie
    https://qg.media/2022/01/27/on-va-bientot-battre-des-records-dabstention-dans-les-classes-populaires

    À la veille d’une présidentielle où des records d’abstention devraient être battus, Daniel Gaxie, auteur du « Cens caché », classique de la science politique paru à la fin des années 70, livre les raisons de la mise à l’écart des classes populaires, hors du champ politique. Un éloignement qui ressemble souvent à une auto-exclusion émanant de précaires convaincus que personne ne règlera leurs problèmes. Interview par Jonathan Baudoin

    Est-ce que voter a encore un sens, quand on est issu des milieux populaires ? Voilà une question qui se pose à l’approche d’une élection présidentielle comme celle dont le premier tour arrive en avril prochain. Pour QG, le politologue Daniel Gaxie, auteur du livre Le Cens caché, soulignant l’auto-exclusion des classes populaires du vote, et de la vie politique, considère que la présidentielle de 2022 pourrait voir un niveau d’abstention record, avec le contexte sanitaire, et surtout le sentiment de défiance à l’égard de la politique, lié à une absence d’espoir, d’utopie, de vraie alternative idéologique.

    QG : En 1978, vous écriviez « Le Cens caché » (allusion au suffrage censitaire qui ne laissait voter que les notables), soulignant combien le degré de participation au vote diffère selon les classes sociales, les classes populaires se sentant moins concernées par le vote que la bourgeoisie. Les échéances électorales de ces dernières années illustrent-elles cette réflexion ?

    Daniel Gaxie : Je dirais que non seulement elles illustrent, mais aussi que, pour diverses raisons, elles renforcent la pertinence de cette analyse. Les mécanismes d’exclusion des catégories populaires, qui sont pour la plupart des mécanismes d’auto-exclusion, se sont renforcés pour diverses raisons. Il faut commencer par rappeler que la participation électorale est le résultat de trois facteurs : les dispositions individuelles, le contexte et les mobilisations.

  • « En Italie, des intellectuels aussi renommés que Giorgio Agamben, des directeurs d’institutions prestigieuses, et des universitaires, livrent bataille contre le #Passanitaire. Loin de la résignation française ! »

    https://qg.media/2021/12/04/en-italie-lexceptionnelle-resistance-des-anti-pass-reportage-par-giannina-mura

    Fortement frappée par le Covid début 2020, l’Italie de Mario Draghi est devenue le pays pionnier pour l’obligation vaccinale des soignants, et désormais pour l’ensemble des salariés, suscitant de très puissantes résistances dans de nombreuses villes du pays. Contrairement à la France, de grands noms de la pensée de gauche comme #Giorgio-Agamben y ont pris partie contre le pass vaccinal, et des directeurs d’institutions prestigieuses ont présenté leur démission pour ne pas avoir à le mettre en oeuvre.