• StopCovid : le double risque de la “signose” et du “glissement”
    https://medium.com/@hubertguillaud/stopcovid-le-double-risque-de-la-signose-et-du-glissement-b1e2205bff5a

    L’application StopCovid sera donc basée sur le volontariat et le respect des données personnelles, comme l’expliquaient le ministre de la Santé, Olivier Véran, et le secrétaire d’État au numérique, Cédric O, au Monde. Très bien ! C’est la loi !, a rappelé la CNIL. L’application de pistage massif des Français sera chiffrée et les données complètement anonymisées complète Mediapart. Elle sera une “brique” de déconfinement parmi d’autres (qui n’ont pas été annoncées). On nous l’assure !

    Soit ! Mais pour combien de temps ? Quelle sera la durée de cette assurance ? Que dirons-nous quand mi-mai, fin mai, mi-juin, nous n’aurons toujours ni masques ni tests en quantité suffisante (les autres “briques”, je suppose ?) ?

    Article chopé sur "la Toile" grâce à la grande sagacité de @simplicissimus et de ses saines lectures (voir https://seenthis.net/messages/845903).

    Cet article a été repris ici également :
    https://framablog.org/2020/04/10/stopcovid-le-double-risque-de-la-signose-et-du-glissement

    Nous sommes aujourd’hui très honoré⋅e⋅s de pouvoir publier cet article d’Hubert Guillaud. Depuis de nombreuses années, Hubert Guillaud publie des analyses précieuses autour du numérique sur le site InternetActu.net dont il est le rédacteur en chef (nous vous invitons vivement à découvrir ce site si vous ne le connaissiez pas, et pas seulement parce qu’il est soutenu par nos ami⋅e⋅s de la Fing).
    Nous republions ici avec son accord un article initialement publié sur Medium, qui interroge les risques autour de l’application StopCovid.

    #data #surveillance #social_containment #pandémie #StopCovid #covid-29

  • StopCovid : le double risque de la “signose” et du “glissement”
    https://medium.com/@hubertguillaud/stopcovid-le-double-risque-de-la-signose-et-du-glissement-b1e2205bff5a

    Une signose consiste à “prendre le signal pour la chose”. C’est-à-dire transformer le signe (la barbe) en signal (la radicalisation) ! Souvenez-vous ! C’est le problème fondamental qui se cache dans les outils d’analyse automatisés et que dénoncent sans relâche nombre de spécialistes du sujet, comme la mathématicienne Cathy O’Neil ou Kate Crawford par exemple.

    L’application — pourtant “privacy by design” — n’est pas encore déployée que déjà on nous prépare aux glissements, autoritaires ou contraints ! Le risque bien sûr est de passer d’un contrôle des attestations à un contrôle de l’application ! Un élargissement continu de la pratique du contrôle par la police qui a tendance à élargir les dérives… Ou, pour le dire avec la force d’Alain Damasio : “faire de la médecine un travail de police”.

    Le risque du glissement, c’est de croire qu’en lançant StopCovid nous pourrons toujours l’améliorer. C’est de croire, comme toujours avec le numérique, qu’il suffit de plus de données pour avoir un meilleur outil. C’est de continuer à croire en la surenchère technologique, sans qu’elle ne produise d’effets autres que la fin des libertés publiques, juste parce que c’est la seule solution qui semble rationnelle et qui s’offre à nous !

    Le risque, finalement est de continuer à croire que l’analyse de mauvaises données fera pour moins cher ce que seule la science peut faire : mais avec du temps et de l’argent. Le risque, c’est de croire, comme d’habitude que le numérique permet de faire la même chose pour moins cher, d’être un soin palliatif de la médecine. On sait où cette politique de baisse des coûts nous a menés en matière de masques, de lits et de tests. Doit-on encore continuer ?

    Le risque c’est de croire qu’une application peut faire le travail d’un médecin, d’un humain : diagnostiquer, traiter, enquêter, apaiser… Soigner et prendre soin. Le risque c’est de rendre disponible des informations de santé de quelque nature qu’elles soient en dehors du circuit de santé et de soin !

    Le numérique ne peut pas tout ! Alors qu’on y a recours comme jamais depuis le confinement, cette crise nous montre que le numérique ne livre pas les produits des Drive, ni n’assure la continuité pédagogique. Il ne repère pas non plus les malades ni ne le soigne. Pour cela aussi, nous avons encore besoin des hommes, des femmes, des premiers de cordée, ceux qui sont aux avant-postes, ceux qui sont essentiels, les irremplaçables (« la responsabilité suppose une exigence d’irremplaçabilité”, disait la philosophe Cynthia Fleury).

    @hubertguillaud
    #surveillance #numerique #covid19

  • StopCovid : le double risque de la “signose” et du “glissement”
    https://medium.com/@hubertguillaud/stopcovid-le-double-risque-de-la-signose-et-du-glissement-b1e2205bff5a

    Le risque face à une absence de masques et de tests qui est là pour durer est que cette brique logicielle devienne un peu le seul outil à notre disposition pour “déconfiner”. Que StopCovid, de “brique incertaine” devienne le seul outil prêt à être utilisé, tout comme aujourd’hui l’attestation dérogatoire de déplacement est devenue le seul outil de maîtrise du confinement qu’on renforce d’arrêtés municipaux ou nationaux (quand ce n’est pas d’appréciations liberticides des agents) sans réelle motivation sanitaire (comme l’interdiction de courir ou de faire du vélo ou la fermeture des parcs ou pire encore des marchés : alors qu’on peut organiser des marchés voir des commerces non essentiels comme des accès aux espaces verts avec des règles de distanciations sociales). Et donc que tout le monde souhaite le renforcer : en le rendant peut-être obligatoire et pire peut-être en le rendant accessible au contrôle policier ! Et dans l’urgence et le dénuement, pour sortir d’une crise qui se révèle chaque jour plus dramatique, nul doute que nombreux seront prêt à s’y précipiter !

    Le problème principal de StopCovid, c’est de ne reposer sur aucune science ! La seule étude disponible sur le sujet dans Science estime que ce type d’application doit accueillir 60% de la population pour être efficace et être associée à une politique de dépistage — dont nous ne disposons pas !

    À Singapour, l’application TraceTogether, qui rassemblait 15% de a population, pourtant couplée au dépistage n’a pas suffi, comme le rappelle Olivier Tesquet pour Télérama ou Margot Clément depuis Hong Kong pour Mediapart : c’est certainement le signe (pas assez fort pourtant) que ce n’est pas une solution.

    Le problème de StopCovid comme d’autres solutions de backtracking proposées, c’est de transformer une notion de proximité en alerte. Or, être à proximité d’un malade ne signifie pas le devenir automatiquement ! La médecine a besoin de suivre et confiner les malades, ceux qu’ils contaminent et ceux qui les ont contaminés. Mais cela ne peut pas se faire sur la base de conjoncture, de corrélation, d’approximation, de proximité et de localisation.

    Très souvent, le coeur des problèmes des systèmes réside dans les données utilisées et dans les décisions très concrètes qui sont prises pour décider ! Ici, tout le problème de cette proximité réside dans sa définition, sa qualification. Comment est définie la proximité par l’application ? Quelle durée ? Quelle distance ? Quelles conditions ? Quel contexte est pris en compte ? Et pour chacun de ces critères avec quelle précision et quelle fiabilité ?

    Le risque bien sûr, vous l’aurez compris, est que StopCovid produise énormément de “faux positifs” : c’est-à-dire des signalements anxiogènes et non motivés ! Dont il ne nous présentera aucun contexte : on ne saura pas ni qui, ni quand nous avons été à proximité d’un malade, donc incapable d’apprécier la situation, de lui rendre son contexte pour l’apprécier. Nous serons renvoyés à l’injonction du signal ! Sans être capable de prendre une décision informée (dois-je me confiner ? me faire tester — pour autant que ce soit possible !?).

    Ce que j’appelle “le glissement”, c’est le changement de finalité et l’évolution des autorisations d’accès. C’est le moteur de l’innovation technologique (une manière de pivoter dirait-on dans le monde entrepreneurial, c’est-à-dire de changer la finalité d’un produit et de le vendre pour d’autres clients que son marché originel). Mais le glissement est aussi le moteur de la surveillance, qui consiste bien souvent à transformer des fonctions simples en fonctions de surveillance : comme quand accéder à vos outils de télétravail permet de vous surveiller. Le risque du glissement consiste à faire évoluer dans l’urgence les finalités de l’application StopCovid, qu’elles soient logicielles ou d’usages. C’est ce dont s’inquiète (.pdf) très justement le comité consultatif national d’éthique en prévenant du risque de l’utilisation de l’application pour du contrôle policier ou du contrôle par l’employeur. Même inquiétude pour La Quadrature du Net et l’Observatoire des libertés numériques : le risque c’est qu’une “telle application finisse par être imposée pour continuer de travailler ou pour accéder à certains lieux publics”.

    Le risque le plus évident bien sûr est que votre employeur demande à voir votre application sur votre smartphone chaque matin ! Les commerçants, les bars, les policiers, les voisins… Que StopCovid devienne le “certificat d’immunité”, qu’évoquait dans son plan de déconfinement — tout à fait scandaleusement il me semble — la maire de Paris, Anne Hidalgo (sans compter qu’elle l’évoque comme un moyen de contrôle par l’employeur qu’elle représente, la Ville de Paris !). Le “glissement” le plus insidieux c’est que StopCovid devienne une application non pas obligatoire, mais injonctive. Que la santé de chacun soit à la vue de tous : employeurs, voisins, police ! Que nous devenions tous des auxiliaires de police plutôt que des auxiliaires de santé !

    L’application — pourtant “privacy by design” — n’est pas encore déployée que déjà on nous prépare aux glissements, autoritaires ou contraints ! Le risque bien sûr est de passer d’un contrôle des attestations à un contrôle de l’application ! Un élargissement continu de la pratique du contrôle par la police qui a tendance à élargir les dérives… Ou, pour le dire avec la force d’Alain Damasio : “faire de la médecine un travail de police”.

    Le risque enfin c’est bien sûr de faire évoluer l’application par décrets et modification successive du code… pour finir par lui faire afficher qui a contaminé qui et quand, qui serait le meilleur moyen d’enterrer définitivement nos libertés publiques !

    Le risque, finalement est de continuer à croire que l’analyse de mauvaises données fera pour moins cher ce que seule la science peut faire : mais avec du temps et de l’argent. Le risque, c’est de croire, comme d’habitude que le numérique permet de faire la même chose pour moins cher, d’être un soin palliatif de la médecine. On sait où cette politique de baisse des coûts nous a menés en matière de masques, de lits et de tests. Doit-on encore continuer ?

    Le risque c’est de croire qu’une application peut faire le travail d’un médecin, d’un humain : diagnostiquer, traiter, enquêter, apaiser… Soigner et prendre soin. Le risque c’est de rendre disponible des informations de santé de quelque nature qu’elles soient en dehors du circuit de santé et de soin !

    Ce que nous devons garantir en tant que société : c’est que les informations de santé demeurent des informations de santé. Que l’état de chacun face au Covid n’a pas à être communiqué : ni aux entreprises, ni à la police, ni aux employeurs, ni aux voisins ! La santé doit rester à la médecine et la médecine ne doit pas devenir la police. Devant un homme malade, on ne doit pas mettre une application, mais bien un soignant.

    #Coronavirus #Stop-covid #Libertyés_publiques #Données_médicales

  • StopCovid : le double risque de la “signose” et du “glissement”
    https://medium.com/@hubertguillaud/stopcovid-le-double-risque-de-la-signose-et-du-glissement-b1e2205bff5a

    L’application StopCovid sera donc basée sur le volontariat et le respect des données personnelles, comme l’expliquaient le ministre de la Santé, Olivier Véran, et le secrétaire d’État au numérique, Cédric O, au Monde. Très bien ! C’est la loi !, a rappelé la CNIL. L’application de pistage massif des Français sera chiffrée et les données complètement anonymisées complète Mediapart. Elle sera une “brique” de déconfinement parmi d’autres (qui n’ont pas été annoncées). On nous l’assure ! Soit ! Mais pour combien (...)

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