• Une politique des corps écologiste(s) | Le Club de Mediapart
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    Ici se révèle toute la pertinence du militantisme écologiste. Au-delà de ses échecs et insuffisances, il a su forger, de par le monde, des corps conscients de leur fragilité, prêts à lutter pour un monde plus juste. Raillé, stigmatisé, minorisé, le corps écologiste se caractérise par un ensemble d’apprentissages adaptés au défi de la transition. Parmi tous, deux sont particulièrement structurants : celui de la limite et celui du temps.

    L’écologiste, c’est celui qui dit « Nous n’avons ni le temps ni l’espace, nous sommes finis, le monde aussi » ou « Oyé ! Nous sommes si fragiles, si petits, si rares ! ». A contrario de l’air du temps, il signifie les limites au lieu de les repousser. Il a l’air d’être contre le Progrès, le « Sens de l’Histoire », ne s’épate guère de pouvoir aller sur la Lune. Pour les autres, l’écologiste est un arriéré, une frustration permanente. Pour lui-même, un sacrifice de presque tous les instants, auquel il concède d’autant plus volontiers qu’il y est socialement préparé. Natif ou converti, l’écologiste sait qu’il n’est pas d’idéal sans acceptation de quelques formes de contention, sans plaisir de l’ascèse. Il est finitude et rareté.

    L’écologiste, c’est aussi le constructeur d’un nouveau temps des sociétés. Le temps qui manque, pour convaincre du bienfondé de la conversion écologique. Le temps qu’il faut, pour démontrer dans les faits, les pratiques, les gestes quotidiens, que cette conversion est nécessaire et désirable. Le temps gâché, d’une mission, d’une expertise, d’une conférence internationale, dont les préconisations vertueuses sont vite enterrées. Le temps d’une campagne électorale, d’un mandat, d’un ministère, dont les réalisations sont nécessairement trop peu ambitieuses, imparfaites, critiquées.

    Surtout, le temps qui passe, qui s’impose et qui rapproche des catastrophes qu’il s’agit justement d’éviter. Être écologiste, c’est accepter d’être à la fois pressé et patient, de vivre dans cette sorte d’élasticité du temps qui impose un va-et-vient constant entre le temps de la nature et celui de l’agenda politique, entre le temps du présent et celui d’un futur dont on ne sait finalement pas grand chose. L’écologiste est urgence et lenteur combinées.

    Et voici peut-être, finalement, la plus importante des tâches qui attendent les écologistes : enseigner aux autres à le devenir.

    #minorités_politiques #écologie #corps #Vanessa_Jérôme