• Notre usine est un roman, de Sylvain Rossignol
    https://www.monde-diplomatique.fr/2009/08/BURGI/17734

    Après avoir lutté contre la fermeture d’un centre de recherche pharmaceutique à Romainville, et finalement perdu cette bataille, les salariés de #Sanofi #Aventis, autrefois Roussel-Uclaf, se sont organisés pour conserver et transmettre un fragment de leur histoire — qui est aussi celle de l’#industrie_pharmaceutique des années 1967-2007. Rédigé à partir de très nombreux entretiens de salariés (ouvriers, syndicalistes, cadres, techniciens), ce livre « filme la force des mots » de ces hommes et de ces femmes restés fidèles à l’utilité sociale du travail, notamment aux enjeux de santé publique liés à leur activité — des enjeux peu à peu sacrifiés par les élites économiques et politiques sur l’autel du marketing et du profit (de là, par exemple, la pénurie de médicaments innovants dans le monde). Ici, comme dans d’autres secteurs industriels, l’abandon des finalités essentielles de la production industrielle à la faveur de vagues de restructurations répétitives s’est classiquement accompagné d’une individualisation de l’organisation du travail et d’une dévalorisation, sinon d’une destruction, des métiers.

    À propos de #Nereïs, un contre-projet pharmaceutique à #Romainville, voir @Fil (2003). https://www.monde-diplomatique.fr/2003/03/RIVIERE/10000

    Dont le site d’époque… https://web.archive.org/web/20050409180657/http://www.nereis-sante.com/nereis.html

    … fait aujourd’hui de la publicité pour le « Lait de toilette bébé : le soin quotidien indispensable ».

    • Témoignage de Pierre Vermeulin, ancien directeur-adjoint du secteur chimie au CNRS (Intervention publiée dans un quatre pages CGT, novembre 2002, cité dans Sanofi : Big Pharma, Syllepse, 2014 ).

      Que les chercheurs, les techniciens, les employés de Romainville aient lutté pendant toutes ces années pour la sauvegarde de leur emploi, c’est évident. Mais au-delà de cette résistance indispensable, ces travailleurs ont su opposer à la logique de régression, de repliement et de fermeture, celle de l’extension de leur activité en construisant un projet novateur qui corresponde à des besoins urgents dans le domaine de la santé. Les raisons de fermer tout ou partie du centre de Romainville sont essentiellement celles de la rentabilité : les firmes pharmaceutiques, en particulier Aventis, ne manquent pas encore pour l’heure, d’équipes de recherche performantes capables de découvrir de nouvelles molécules et de les développer. Cependant leur travail n’est pris en compte par les firmes que dans la mesure où il peut déboucher, avec une quasi-certitude, sur un retour élevé sur investissement. Il s’ensuit un rétrécissement de l’activité sur les créneaux jugés les plus rentables, sur des fermetures de sites et à terme sur le démantèlement d’équipes de recherche et de production. C’est ce que vivent ceux de Romainville. Avec le projet Néréis, les travailleurs du centre ont mis en avant une tout autre logique. Ils ont opposé à cette recherche du profit maximal, la responsabilité de l’entreprise dans la prise en charge des besoins actuels de la santé publique, aussi bien dans les pays développés que dans ceux qui ne peuvent actuellement faire face aux maux qui les frappent. Faire de Romainville, ou du moins d’une partie du site, un centre de développement de nouvelles molécules, c’était offrir un outil pour élargir l’innovation thérapeutique. Ce pouvait être un lieu d’accueil, de test et de développement des idées nouvelles issues de laboratoires publics ou privés qui n’ont pas ou peu les moyens de passer de la recherche à l’application. Ne mettant pas en priorité la rentabilité financière, le projet permettait d’ouvrir des voies dans des domaines où le profit ne peut être garanti, notamment ceux des maladies qui frappent le tiers-monde. Ce pouvait être un lieu de formation pour des équipes de pays en voie de développement qui aspirent à une autonomie scientifique et industrielle dans l’industrie pharmaceutique. Dans un moment où il est de bon ton de prôner la valorisation scientifique et la promotion de l’innovation, les propositions des travailleurs de Romainville auraient dû rencontrer un accueil plus militant de la part des ministères responsables, ceux de la recherche et de la santé. Un engagement de l’État, et des organismes de recherche qui en dépendent, aurait affirmé l’intérêt public du projet et aurait contribué à mieux placer Aventis devant ses responsabilités. Les discours en faveur de l’entraide envers les pays du Sud auraient trouvé plus de crédibilité. Utopie, alors, dépourvue de toute référence à la réalité. C’est certainement ce que d’aucuns voudraient faire croire. Ce sont bien pourtant ces propositions nouvelles qui collent à une réalité qui commence à être bien connue. Il faudra bien un jour qu’en matière de médicaments, l’intérêt des millions des personnes en attente de traitements, soit reconnu prioritaire sur le fameux retour sur investissement. L’utopie est bien ici l’annonce de l’avenir qu’il faut construire. La lutte de ceux de Romainville est exemplaire, elle a su lier la lutte pour la sauvegarde de l’emploi à la lutte pour une nouvelle conception de l’entreprise qui doit œuvrer à produire pour les besoins des populations. C’est certainement une avancée considérable dans la stratégie de lutte contre la régression sociale dont chacun peut faire l’expérience de nos jours. Il ne s’agit pas seulement de résister mais aussi de commencer à tracer les voies du futur. La loi du profit maximal n’est pas encore révoquée, les intérêts des grandes firmes et de leurs actionnaires sont encore dominants. Cependant dans les luttes actuelles de nouvelles possibilités se créent.

      PDF du bouquin https://www.syllepse.net/syllepse_images/articles/sanofi.pdf

    • « Big Pharma », ou la corruption ordinaire, par Philippe Rivière @fil (Le Monde diplomatique, octobre 2003)
      https://www.monde-diplomatique.fr/2003/10/RIVIERE/10610

      Cette mise à l’écart du politique (qui n’est que l’autre nom du « trou » de la Sécurité sociale) n’est pas irrémédiable : diverses propositions permettraient de réintégrer patients et médecins dans les choix de santé — comme l’ont fait, sans attendre d’invitation, les malades du sida. Il faudra en premier lieu faire sauter les verrous intellectuels solidement mis en place par les laboratoires, qui assurent la carrière des chercheurs scientifiques leur ouvrant des marchés et répriment les autres, achètent la bienveillance ou la complicité de certains médias, flattent les « bons prescripteurs » et se défient des médecins « passéistes » qui se contentent de donner de bons vieux médicaments éprouvés... L’industrie — mise en coupe réglée par la finance et disposant de fabuleuses réserves de cash — fait régner, sur l’ensemble des protagonistes, une effrayante police de la pensée. La petite corruption ordinaire instillée par ces pratiques a fini par gangrener, à tous les échelons, le contrat social signé autour de la santé publique.