Solidarité(s) et conflit | L’Humanité

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  • Solidarité(s) et conflit | L’Humanité
    Par Denis Merklen Sociologue, professeur des universités, Université Sorbonne Nouvelle
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    Dans son allocution du 13 avril, le Président de la République a annoncé un tournant. Le maître mot de son discours a été la « solidarité » qu’il a saluée, encouragée, remise au centre de notre espace politique. Si ce discours résulte d’une prise de conscience qui réoriente l’action de son gouvernement il sera le bienvenu dans une nation qui en a bien besoin.

    La crise sanitaire et économique provoquées par la diffusion du nouveau « Corona virus » et les réponses qu’il a suscitées sont à l’origine de cette prise de conscience collective que le président a exprimée. L’Etat, les services publics, les institutions, les travailleurs et les professionnels ont repris le centre de la scène là où l’entreprise et les désirs effrénés d’autonomie et d’enrichissement les avaient chassés. Le peuple est réapparu uni dans le respect du confinement et les applaudissements de vingt heures en reconnaissance à ceux qui nous protègent en prenant des risques.

    Mais il convient de revenir à la conflictualité qui a précédé l’épidémie si nous voulons repenser notre vie commune d’après crise. Six mouvements sociaux différents ont ébranlé notre espace public. Les gilets-jaunes, la défense du service public (l’hôpital et la santé publique, l’école et l’enseignement supérieur et les EHPAD), la défense du salariat et de la solidarité professionnelle (mobilisations contre la réforme du code du travail et du système des retraites), l’écologie (en défense du climat et pour une meilleure production alimentaire), le mouvement féministe (contre la violence et pour la fin des inégalités), le mouvement des banlieues (dénonçant le racisme et revendiquant l’intégration pour une partie de notre jeunesse). Cette conflictualité a été suscitée en partie par des formes d’injustice devenues insupportables, en partie par les réformes que le gouvernement a impulsées, à juste titre perçues comme des atteintes à notre modèle de solidarité et comme des intensificateurs de l’injuste. Ces mouvements sociaux portent en eux, chacun à sa manière, une forme de projection vers l’avenir.