• Bribes de rêves
    Sans intérêt
    Que je ne prends pas en note

    Revenir bredouille
    Avec ma mère
    De la chasse au fantôme

    S’énerver
    Conduire comme un con
    Prendre un risque (idiot)

    S’énerver encore
    Prendre une grande respiration
    Repenser à certaines séances récentes

    Se calmer
    Peut-être pas
    Attendre que cela se passe

    Salade de pâtes
    À la crise de nerfs
    Ses fromages tournés

    En oublier
    Tout érotisme
    L’oublier, elle

    À la sieste,
    Je finis par me souvenir
    Du rêve de cette nuit

    Un concert
    Pitoyable de jazz
    Dans la vallée de la Cèze

    Et pendant la sieste
    Dans les Cévennes
    Un mauvais rêve de S.F.

    Buvant mon café
    Après la sieste
    Je nourris tant de regrets

    Les enfants accablés de chaleur
    Attendent patiemment mon réveil
    Pour partir à la rivière, j’ai honte

    Au moulin du Roure
    Poussés par la chaleur
    Des vacanciers convergent

    D’aval ou d’amont
    Les baigneurs se jettent
    Dans une eau sans fraîcheur

    Les coins de baignade
    De mon enfance, maintenant
    Sont aussi surpeuplés que la planète

    Trop de bruit, un comble
    Pour lire à la rivière
    Un trou dans le ciel

    Mon avantage de vieux briscard :
    Sentir l’orage violent et subit arriver
    Et entamer la remontée à temps

    D’abord un peu de grêle (le vrai danger)
    Après des cataractes (une libération)
    Et enfin les nuages dans l’ubac (le spectacle)

    Une dernière glace à la Cézarenque
    Comme si les boules de Cathie
    D’ordinaire n’étaient pas assez grosses !

    Le Mont-Lozère
    Me fait
    Des adieux déchirants

    La pureté de la lumière
    Après l’orage
    Mille reflets dans la canopée

    Mais la chaleur intacte
    Inentamée, tenace
    Et désormais moite

    Tarte salée au pélardon
    Sourire des enfants
    Couchant. Fin

    Des clefs égarées
    Et des paroles qui sans doute
    Dépassent leurs pensées

    Ces clefs deviennent la clef
    Le symbole de mes désaccords
    Avec mes parents

    Je cherche
    Et je cherche encore
    Le sommeil

    #mon_oiseau_bleu

  • Presque un soulagement
    J’ai de nouveau un rêve à noter
    Même à l’intérêt relatif

    Merde !
    J’ai oublié
    De reboucher le pot de peinture hier

    Réveillé par une envie
    De déféquer
    Pas du tout par l’aube

    Déçu par l’aube
    Déçu par mon rêve
    Mais pas déçu par juillet

    Je crois que je ne peux plus
    Voir le rouge basque
    En peinture

    Et pourtant
    Il me reste deux couches
    Sur trois portails à passer

    Torse nu sous la voute
    Peignant, la caresse
    D’un peu de vent qui passe

    Daniel et Émile
    Partis en forêt
    Une œuvre de land-art

    Poème
    Ecrit
    Nu

    Poème
    Ecrit
    Avec un café

    J’ai maigri
    Tiens, que vois-je ?
    Ma verge !

    Rideaux tirés sur la chaleur
    Pénombre dans la chambre
    Seul. Je repense à d’autres étés.

    Poème
    Ecrit
    En maillot de bain

    J’en tiens un !
    Des quatre rêves brefs de cette sieste
    Trois engloutis par la chaleur

    Contraste saisissant entre la chaleur
    Et la fraîcheur de l’eau, la poitrine
    Est affolée le temps d’une longueur

    La Grève des rêves cela ne va pas
    Pas du tout, je le sais depuis le début
    Saisir des anguilles avec les mains mouillées ?

    Les Anguilles
    Les mains
    Mouillées
     !

    Mon Oiseau bleu et
    Les Anguilles les mains mouillées
    Tête-bêche

    Départ sur les chapeaux de roue
    Pour la Garde de dieu, tentative illusoire
    De prendre de vitesse le couchant

    On traverse une forêt de hêtres
    Des troncs ont été coupés
    Daniel frémit

    Sur la draille, je vois mes enfants marcher
    Vers la dernière borie, comme un jour
    Ils feront quand je n’y serai plus

    Je passe sous les franges
    Sombre du bouleau
    Une photographie malgré tout

    La succession
    Bleutée
    Des vallées

    Au loin, d’un côté
    Le Mont-Aigoual
    De l’autre le Mont Ventoux

    La lumière sur le visage
    De mes enfants
    Qu’ils sont grands !

    C’était hier
    Que je devais les porter
    Jusqu’ici

    Le chemin forestier
    De plus en plus sombre
    De plus en plus raviné

    Un jour c’est sûr
    Sur ce chemin
    Je casserai un essieu

    Dans la descente
    Les grands mélèzes
    Comme des mats

    On passe devant une ruine
    Que j’ai connue habitée
    C’était une ferme en 77

    Des couches et des couches de rouge basque
    Des allers-retours dans le gourd à la nage
    Marcher sur la draille dans le couchant

    Quel genre de rêves
    Fait-on
    Après une telle journée ?

    #mon_oiseau_bleu

  • Rêve d’une audition pour Niels Arelstrup
    Je suis retenu pour mes grands talents
    De serveur-danseur équilibriste

    Le matin, après l’orage
    Trois petites balles de coton
    S’effilochent sur l’ubac

    Au marché sur la place
    Un vieil homme, sa canule,
    Sa bonbonne, mon futur ?

    L’insuffisance respiratoire, sa peur
    Est ce qui me fait nager, nager encore
    Et nager plus longtemps et plus vite

    Les trous de lumière
    Entre les platanes
    Sur les étals du marché

    Tel commerçant surpris
    Que je connaisse l’endroit
    Où paissent ses chèvres

    http://www.desordre.net/musique/zappa_illinois_ennema_bandit.mp3

    Les truites du lac de Villefort
    Ecoutent Frank Zappa
    Dans leurs derniers moments

    Je ne dirais pas que cela leur donne
    Un goût particulier, tout de même pas
    Mais cela rend chaleureux l’échange

    http://www.desordre.net/musique/taylor.mp3

    Mes repères dans l’existence
    Le pisciculteur écoute Zappa
    Mon garagiste Cecil Taylor

    Derrière le comptoir de la boucherie
    Des sachets de chips délicieuses
    Et une photographie d’un ex-Président en visite

    Spaghetti à la truite fumée
    Bleu de chèvre de Lozère
    Reines-Claudes

    Tout est tellement calme
    Nous sommes tous heureux
    Manque une étreinte

    Zoé cherche de la lecture
    Dans les rayonnages de châtaignier
    Parmi mes livres d’adolescent

    Cela faisait presque quarante ans
    Que ses livres attendaient une lectrice
    Sur les planches du vieux châtaignier

    Petit à petit l’apprenti poète
    Serre ses écritures
    Dans un recueil sans fin (connue)

    Je relis à voix haute la version courte
    D’ Une Fuite en Égypte
    En face du Mont-Lozère

    Puis je pars avec Clément, Juliette,
    Sarah et Émile marcher sur le Mont-Lozère
    Du Mas de la Barque au Pic Cassini

    Au Belvédère des Bouzèdes, sur le sentier
    Je retrouve, perdu l’année dernière
    L’œilleton de mon appareil-photo

    Comme un con je suis parti
    Avec de nouvelles chaussures
    Pas encore cassées, ampoules (quelles !)

    Au pas de l’aigle toujours cette pensée
    Pour mon ami Stéphane Pagano
    Au loin, parmi les sucs, en Ardèche

    Au pic Cassini, mes pieds brûlent
    Mais je suis entouré des miens
    Et nous dégustons les spéculoos locaux

    Du pic Cassini, je pointe la source du Tarn
    L’entrée des gorges, les contreforts, le causse
    Et le Mont Gerbier de Jonc

    Du pic Cassini on voit de l’eau partir
    Vers la Garonne, le Tarn, et on distingue
    Les sources de la Loire en Ardèche

    Les enfants me sèment dans la descente
    Les pieds en feu, je me sens vraiment bien
    En marchant à mon train de (vieux) sénateur

    On rit beaucoup
    Et je bois beaucoup
    Au dîner !

    Tant de souvenirs
    Heureux à cette table
    À cette heure du jour !

    Pieds, dos et genoux
    En capilotade, mais quel bonheur !
    La pensée d’elle tenue à distance

    Je me couche
    Sourire aux lèvres
    Verge flasque

    #mon_oiseau_bleu

  • Deuxième nuit
    De grève
    Des rêves

    Par exemple, il n’est pas envisageable
    Que dans un de mes rêves cévenols
    Je dise when is the next meeting due on this ?

    Je crois que je me suis fait un tour de rein hier
    Tiens ! une nouvelle douleur de dos
    À mon répertoire pléthorique

    Réveillé ce matin
    Par le braiement
    De l’âne !

    J’assiste du fond de mon lit
    À la lente mise à nu de l’adret
    Spectacle éternel

    Sur la terrasse ombragée de la Cézarenque
    Des paroles qui résonnent plus fort
    JE VOUS L’INTERDIS. Par amour

    À la recherche de solutions
    D’adaptation d’un robinet
    Du XXème siècle

    Chez l’apiculteur
    Première visite
    Brefs échanges souriants

    L’apiculteur et sa femme
    Connaissent de moi une part
    Que peu de gens savent

    Je remonte seul de La Lauze
    Je m’arrête quelques temps
    Je réfléchis. Quels échos !

    Rien n’est simple, tout se complique
    Seul mon voisin Georges va savoir
    Maudit robinet, maudits joints

    Maudite chaleur
    Pendant la sieste
    Va-t’en, lui-dis-je !

    Soudain coup de vent dans la vallée
    M’a-t-elle entendu, m’a-t-elle écouté
    M’obéira-t-elle, cessera-t-elle de me tourmenter ?

    Départ en pleine chaleur
    En direction de la rivière
    À la recherche de l’ombre

    La caresse des eaux de la Cèze
    Comme celle du vent, font
    Ce qu’elles peuvent pour m’apaiser

    Toujours cette pensée admirative
    Devant la force de caractère cévenole
    Chemin pavé de lauzes jusqu’au moulin

    Descendre les sacs de châtaignes au moulin
    Remonter les sacs de farine depuis le lit de la Cèze
    Cuire le pain, manger, enfin

    De tels travaux, herculéens
    Ne devaient pas laisser beaucoup de place
    Aux chagrins d’amour

    Je reconduis un rituel photographique
    Désormais sans y croire, j’ai changé
    Elle m’a changé, ça m’a changé

    Rôti de porc aux olives
    Pélardon demi-secs
    Pêches blanches

    Une heure de solo
    De sifflet de vapeur
    Rôti à la cocotte

    Conversation téléphonique avec Daniel
    Assis dans mon fauteuil, devant la fenêtre
    Coucher de soleil, paroles d’amitié

    Daniel aux prises
    Avec des questionnements
    Voisins, analogues

    Réparation imparfaite du robinet
    Mais réparation malgré tout
    Filet d’eau malgré réparation

    Une fuite
    Au
    Bouchet ?

    Goutte
    À
    Goutte

    Je voudrais ne plus
    Entendre de musique
    Ne plus rien entendre

    Qui dit musique
    Dans mon esprit
    Dit musicienne

    Aller se coucher
    Avec les poules
    Quelle journée !

    What a love !
    What a day !
    What a life !

    #mon_oiseau_bleu

  • Je me débats ce matin
    Avec des souvenirs doux
    Des souvenirs d’aube cévenole

    Mon appareil-photo m’indique
    Que j’ai fait une dizaine d’images hier
    Quelle timide reprise !

    Le ciel cévenol rappelle
    Qui il est, ce matin
    Le patron

    Du vent brosse
    La canopée
    Mi-Juillet

    Les sept enfants
    Aux petits soins, prévenants
    Je suis inquiet de les inquiéter

    Pas de musique non plus
    Pendant tout un mois
    Confiant

    Chaque été
    J’oublie quelque chose
    Mes accessoires de yoga !

    Voilà bien le poète que je suis
    Comptant ses vers, toutes pensées
    Tendues vers le recueil, pas le recueillement

    Vingt mille
    Sept cent
    Cinquante-neuf (mots)

    Est-ce que je ne ferai pas mieux
    De chercher l’inspiration
    En regardant par la fenêtre ?

    Je déplace des objets
    Je les arrange, c’est déjà, un peu
    De la photographie

    Fiers étrons du matin
    Je ne vous épargne rien
    Les Cévennes prennent le pouvoir

    Pesée matinale du bestiau
    Je ne vous épargne rien
    Les Cévennes prennent le pouvoir

    Se débarrasser des oripeaux de la ville
    Remiser clefs, badges, kits,
    Oublier mots de passe

    Être sur le pont
    Depuis trois bonnes heures
    Quand les jeunes gens émergent

    Convoquer des souvenirs tendres
    D’avant sa rencontre
    Avec d’autres femmes, s’y tenir

    Contrariée par le vent sans doute
    La buse ne vient pas
    À notre rendez-vous, café seul

    Dans les Cévennes, pas un mail
    Pas un coup de téléphone
    La mesure exacte de sa solitude

    Tu te demandes
    Est-ce vraiment le moment
    De travailler à Une fuite en Egypte

    De repasser par tous ces passages
    Dont elle avait dit qu’elle les avait aimés
    Qu’ils l’avaient charmée

    Et tous ces passages érotiques
    Dont tu comprends après coup
    Qu’elle s’en était inspirée pour ton plaisir

    Tu es cerné
    Tu as fui dans les Cévennes
    C’est, en fait, une impasse, un piège

    Pourtant c’est depuis le cœur
    Depuis le centre de toi-même
    Que tu dois repartir

    Cette Suzanne dont il est question
    Dans Une Fuite en Egypte
    La rencontreras-tu un jour ?

    Elle pourrait même ne pas s’appeler
    Suzanne, mais un prénom un peu tarte
    Comme Sophie ou Jessica

    Tu viens de penser à quelque chose :
    Tu penses tout le temps à elle
    Elle pense-t-elle à toi, même un peu ?

    Ne prenant plus tant de photographies
    Tu comprends, enfin, que ce gourd sera
    Toujours là, été après été, tel qu’il a toujours été

    Est-ce que cela ne devrait pas me rassurer ?
    Mes souvenirs, finalement, seront toujours intacts
    Ce que je voudrais ce sont de nouveaux souvenirs

    Les nouveaux souvenirs
    N’écraseront pas
    Les vieux souvenirs

    Je change mon fusil d’épaule
    Un osso-buco devient
    Un sauté de veau au curry

    Distrait par l’écriture
    De mes petits poèmes
    Je rate le coucher de soleil

    Que je note un rêve
    Ou que j’écrive un récit
    Je tente d’aller mieux

    A la fin d’une journée cévenole
    Pas de triptyque
    Pas de bilan

    #mon_oiseau_bleu

  • J – 65 : Mon esprit d’escalier est parfois sans remède.

    Samedi soir Martin et Isa avaient invité leur ami Denis, désormais à la retraite après une longue carrière comme agriculteur, Denis notamment produisait un fromage de chèvre qui rivalisait avec les pélardons de la Cézarenque que j’avais eu une fois l’occasion de lui faire goûter de retour des Cévennes en faisant un crochet par Autun pour couper la route, et ce soir-là Denis était là. Denis raconte un peu les mésaventures des repreneurs de sa ferme il y a quelques années auxquels il avait pourtant prêté main forte dans un très louable effort de transition. Malheureusement ces derniers n’ont pas eu la présence d’esprit d’écouter les conseils d’ancien de Denis qui avait pourtant fait de son exploitation une référence locale en matière de fromage de chèvres et ont fait graduellement capoter l’affaire. Ces repreneurs n’étaient pas agriculteurs de métier, ils tentaient de réinventer leur vie et avaient suivi une formation théorique pour ce qui relevait de la reconversion professionnelle, ils appliquaient trop strictement les savoirs reçus en formation et ne voulaient pas entendre que ces derniers devaient impérativement être pondérés par une connaissance locale acquise de longue date par un agriculteur qui, lui, avait réussi à produire du très bon fromage à cet endroit justement. Par exemple ils insistaient pour que les chèvres soient menées aux champs par un chien berger, ce qui dans la configuration des lieux n’avait aucune raison d’être et présentait par ailleurs l’inconvénient de stresser le troupeau. Denis se désole de cet entêtement. Et il me prend à témoin, me demandant, toi qui es informaticien, si tu voulais produire du fromage de chèvre au Rebout, tu t’y prendrais comment ? Et j’éclate de rire parce que je ne peux pas encore révéler à Denis que je suis justement en train de donner la dernière main à un roman dont le titre Élever des chèvres en Ardèche (et autres logiques de tableur) indique que son intrigue se trouve un peu à la croisée des chemins de ce dont il nous parle ce soir.

    Et j’en oublie même de demander à Denis quel est le nombre de litres de lait qu’il faut pour faire un fromage ce qui est précisément le détail, le renseignement, après lequel le narrateur informaticien ne cesse de courir sans jamais parvenir à élucider ce point ce qui l’empêche beaucoup de mener à bien ses calculs de probabilité quant à ses chances de reconversion professionnelle dans l’élevage des chèvres en Ardèche.

    Je ne saurais donc jamais combien il faut de litres de lait de chèvre pour produire un pélardon. Je sais combien de litres une chèvre produit par jour, je sais le prix d’une chèvre, je sais le nombre de chèvres qu’il me faudrait pour une exploitation de fromage de chèvres dans les Cévennes, je sais le prix de certaines installations d’occasion sur internet, on trouve beaucoup de choses sur internet, quand même bien pratique internet, mais on ne trouve pas sur internet le renseignement quant au nombre de litres qu’il faut pour produire un pélardon. Telle est, pour moi, la limite d’internet. Et c’est à cette limite que des amis comme Denis prennent le relai. Encore faut-il penser à le leur demander quand on les voit.

    Et écouter sa réponse.

    #qui_ca

  • J – 135 : Suis allé voir Une vie de Stéphane Brizet au Kosmos . En suis sorti enchanté.

    Suis allé voir Une vie de Stéphane Brizet au Kosmos , j’étais sous le charme à la fois des images toutes filmées avec de longues focales, et pour les plans rapprochés avec des angles de vues très surprenants, avec un fort goût pour le pan trois quart arrière qui n’est pas le plus expressif s’agissant des visages des acteurs, et pourtant, une certain nonchalance, une certaine lenteur, quelques très beaux effets de coupe au montage et ces plans qui seraient ingrats dans n’importe quel film finissent par être tout aussi évocateurs que d’autres plus face.

    Suis allé voir Une vie de Stéphane Brizet au Kosmos , j’ai été en de nombreuses occasions subjugué par la force de son montage, aussi bien pour les séquences entières que pour les séquences mises bout à bout, sans parler des effets de flashback et de flash forward si vifs et tellement surprenants, surtout le plan de fastforward du personnage de Jeanne, magnifiquement interprété par Judith Chemla, dont on se demande bien, au début du récit ce qu’il vient faire là, vers quelle attente est tenue cette Jeanne apparemment plus âgée. J’ai aimé particulièrement le silence de la bande-son des flashbacks qui indiquaient sans pouvoir s’y méprendre qu’ils étaient des flashbacks , j’ai aimé ces souvenirs silencieux, et, au contraire, la violence du vent dans les plans de flash forward et qui disent que le futur est un aspirateur implacable.

    Suis allé voir Une vie de Stéphane Brizet au Kosmos , où j’ai aimé l’admirable surprise de la dernière ligne qui m’a fait un peu le même effet que la dernière ligne d’Extinction de Thomas Bernhard, après six cents pages atrabilaires et pesantes comme seul Thomas Bernhard savait les écrire, c’était une manière de rayon vert, de dernier rai de lumière dans une existence que l’on aurait pensé fermée sur elle-même, non sans quelques inspirations du côté du Ruban blanc de Michael Hanecke, ce côté d’observation clinique d’un monde reclus et dans lequel la règle sert de garde-fou, et quand elle cède, ce sont des grands naufrages qui ont lieu, il y a décidément quelque chose d’autrichien dans le cinéma de Stéphane Brizet auquel je trouvais déjà des airs de Michael Hanecke dans la longueur insupportable de ses plans séquences dans la Loi du marché.

    Suis allé voir Une vie de Stéphane Brizet au Kosmos , je me suis interrogé sur la permanence du luxe des étoffes des habits de Jeanne qui ne me semblait pas raccord d’avec le reste du récit et notamment sa déchéance économique, je me suis dit que réalisateur, Stéphane Brizet aurait dû gendarmer sa ou son costumière, fut-ce au prix de l’empêcher de jouir de cet étalage de grands châles aux motifs cachemire - même si j’ai moi-même en matière d’étoffes la même prédilection - et je me suis étonné de constater à quel point un tel détail pouvait avoir une incidence aussi désastreuse presque sur un film dont le reste de bout en bout est parfaitement maîtrisé.

    Suis allé voir Une Vie de Stéphane Brizet au Kosmos , en en sortant j’avais envie de relire Une vie de Maupassant, non pas par souci de vérification ou que sais-je d’un peu comptable de la sorte vis-à-vis d’un film dont je pensais de toute manière le plus grand bien, mais de Maupassant, dans ma bibliothèque tellement désordonnée, je ne suis parvenu qu’à remettre la main sur le Horla que j’ai relu le soir et qui m’a occasionné une très belle insomnie de peur, et puis finalement, un peu de sommeil quand même mais habité de rêves très angoissants dans un univers très dix-neuvième, et je ne me félicite pas d’une telle porosité de mon inconscient.

    Exercice #56 de Henry Carroll : Prenez un portrait de groupe qui saisit l’individualité de chacun.

    #qui_ca

  • Comment dire adieu à la maison de son enfance ? - Slate.fr
    http://www.slate.fr/story/105233/comment-dire-adieu-la-maison-de-son-enfance

    Plus que tout, j’aurais aimé être dans cette maison le 20 septembre 2000 pour empêcher ma mère de fermer la porte derrière elle, de marcher trois kilomètres et de se jeter dans le canal de Nantes à Brest alors que je me trouvais à l’autre bout du monde, à Sydney, pour couvrir les Jeux olympiques. La maison ne m’avait donc pas protégé du pire. Une maison d’enfance ne sert à rien quand vous êtes trop loin d’elle. Depuis 15 ans, et au gré de l’effondrement immédiat et interminable de mon père jusqu’à sa disparition récente, la maison est devenue à cause de cet événement un héritage affectif à la puissance presque nucléaire peut-être parce que j’entends encore ma mère m’annoncer un jour triomphalement que « la maison était payée » comme un but ultime atteint au bout d’une longue course de l’existence. Que fait-on du rêve abouti de sa mère quand on est le petit dernier ?

    Peu importe comment meurent vos parents, ils ne vous disent jamais comment vous devez vous arranger du poids de ce qu’ils vous laissent. Débrouillez-vous avec vos souvenirs, vos secrets, vos non-dits et, peut-être, une maison qui, elle, sait à peu près tout de vos souvenirs, de vos secrets et de vos non-dits qui ont pu éclater sur ses murs.

    #habitat #maisons