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  • Le livre, produit de première nécessité !
    https://www.nouvelobs.com/chroniques/20200416.OBS27604/le-livre-produit-de-premiere-necessite.html


    En Italie, les librairies ont été réouvertes.
    Photo Andrea Savorani Neri / NurPhoto via AFP

    LE CLIN d’ŒIL DE SERGE RAFFY. Tabacs ouverts, librairies fermées : une situation ubuesque, quasi scandaleuse, qui met en danger de mort le monde du livre, abandonné à Amazon. Franck Riester, ministre de la Culture, envisage la réouverture du secteur. Le temps presse.

    Il y a un mois, au moment de l’annonce de la mise en place du confinement, le gouvernement se gargarisait d’être le grand défenseur des libraires contre l’ogre Amazon. Ne riez pas. Le message de nos ministres était beau comme un jour sans décès en réanimation. On allait voir le génie français à l’œuvre. Les libraires ne seraient pas laissés au bord de la route. Non, au grand jamais, le pays de Voltaire et de Victor Hugo n’abandonnerait ses « invisibles », ses petits soldats vendeurs de livres, ces marchands de bonheur, chantres du commerce de proximité, diffuseurs de culture dans nos quartiers et nos villages.

    *Enfin, le temps de s’adonner à la lecture sans restriction*N’étaient-ils les parangons de la vertu française, uniques, comme le prix du livre imposé en son temps par Jack Lang ? Or, depuis près de cinq semaines, aucune décision concrète, à l’exception, comme dans tous les secteurs, d’aide aux salariés. Le fonds d’intervention de l’Etat pour éviter des centaines de faillites réclamé à cor et à cri par le Syndicat français du Livre ? En attente. Dramatique paradoxe : jamais les Français n’ont eu l’occasion, et le temps, de s’adonner à la lecture sans restriction, de replonger dans les classiques de la littérature. Relire Dostoïevski, Jack London, Albert Camus, Balzac, Albert Cohen, Stefan Zweig. Se replonger dans la poésie, Desnos, Tzara, Aragon, Guillevic. Et tant d’autres, la demande est énorme.

    Hélas, pendant la crise, le monde d’avant n’a jamais autant prospéré, celui d’Amazon, profitant de la fermeture stupide des librairies, se trouvant ainsi en situation de monopole absolu, ou presque, sur le marché du livre, n’ayant plus que le livre numérique comme concurrent. Une goutte d’eau dans l’océan. Comment expliquer aux amoureux du livre qu’on laisse les bureaux de tabac, diffuseurs de cancers, ouverts aux quatre vents, alors qu’on boucle leurs libraires ? Ces derniers ne seraient pas capables d’imposer les règles de distanciation appliquées aux commerces de bouche ? Leurs clients, ces irresponsables notoires, ceux qui refusent d’abandonner le destin du marché du livre au monstre américain, roi de la défiscalisation et du salariat au rabais, ne respecteraient pas les règles ?