avorter en temps de confinement – ACTA

/je-suis-desolee-dappeler-pour-ca-avorte

  • « Je suis désolée d’appeler pour ça » : avorter en temps de confinement – ACTA
    https://acta.zone/je-suis-desolee-dappeler-pour-ca-avorter-en-temps-de-confinement

    Entretien avec Charlotte, militante salariée au Planning Familial

    Conditions de logement et de travail, accès aux soins et à l’éducation, la pandémie et sa gestion ont révélé et accru des inégalités multiples et systémiques. En ce qui concerne l’accès à la santé reproductive, les choses ne se passent pas de manière différente.

    En « première ligne » sur un numéro d’écoute dédié aux questions concernant les sexualités, la contraception et l’IVG, Charlotte, militante salariée du Planning Familial, nous a accordé un entretien.
    Il en ressort notamment que le droit à l’avortement, déjà largement menacé en temps normal, est davantage compromis en temps de crise sanitaire, mais aussi que les inégalités de classe face à ce droit se creusent. En ce sens, les scénarios à venir – avec notamment un dépassement massif des délais pour avorter en France et un risque de pérennisation des téléconsultations dans le domaine de la santé – sont très peu rassurants.

    Tu es coordinatrice du numéro vert du Planning Familial pour tout ce qui concerne les sexualités et la santé reproductive. En quoi consiste votre activité ? Comment les choses ont évolué depuis le début de la crise sanitaire, en termes de nombre d’appels et de leur contenu par exemple ?

    Je suis militante salariée à l’association du Planning Familial et je m’occupe du numéro vert porté par le Planning qui s’appelle « Sexualités, Contraception, IVG » (0800 08 11 11). Je suis coordinatrice mais également écoutante. Ce service s’appuie sur 15 plateformes téléphoniques régionales situées en métropole, en Martinique, en Guadeloupe et à la Réunion ; nous sommes plus de 180 écoutant.e.s à répondre aux appels du lundi au samedi, de 9h à 20h. Ce numéro existe depuis 5 ans maintenant et on n’a jamais eu autant d’appels ! On a enregistré une augmentation de 50% du nombre d’appels depuis le 16 mars, c’est-à-dire depuis le début du confinement en France. Les femmes et les quelques hommes qui appellent veulent des informations, une orientation ou une écoute principalement sur les questions de l’IVG, des tests de grossesse, de la contraception d’urgence et de la contraception en général. Les violences que les femmes subissent peuvent aussi être discutées, mais souvent dans un second temps, par exemple après des questions sur l’IVG.

    Comment avez vous réagi, qu’est-ce que vous avez fait, dans un premier temps ?

    Ce qu’on a fait dès le début du confinement a été d’actualiser notre annuaire, parce qu’on a un annuaire à jour avec toutes les structures qui pratiquent l’IVG, ou qui prescrivent la contraception. On a du le remettre à jour car certains hôpitaux ont arrêté de pratiquer les IVG pendant la crise sanitaire. Il y a les hôpitaux qui ont arrêté de faire les IVG en anesthésie générale, car les blocs sont occupés par les patients atteints du COVID19. Et il y a aussi certaines structures hospitalières qui ont décidé d’arrêter totalement les IVG par aspiration (autorisé en France jusqu’à 12 semaines de grossesse) parce que les médecins ne veulent pas pratiquer les IVG en anesthésie locale. Parce qu’en anesthésie locale on s’occupe beaucoup plus de la personne, on doit lui parler, on fait attention à son corps et à ses besoins. Alors qu’en anesthésie générale, on n’a pas à lui parler du tout. Ça demande un travail relationnel et d’écoute que certains médecins ne veulent pas prendre en charge. Certains centres ou cabinet médicaux qui pratiquaient les IVG par médicaments ont également fermé à cause du confinement. Majoritairement, les médecins qui font les IVG sont des femmes, qui ont parfois des enfants dont il faut s’occuper. Donc il a fallu refaire l’annuaire pour mieux orienter les femmes qui nous appellent et trouver les médecins qui pratiquent toujours l’IVG en ces temps de pandémie.

    En parallèle de ce travail, on a cherché à comprendre comment les structures qui continuent de pratiquer les IVG étaient en train de gérer la situation. Et les retours que nous avons eus, c’est que les femmes ne se déplacent pas pour avorter. Il y a une baisse significative des femmes qui vont avorter et c’est surtout flagrant sur les IVG pratiquées à l’hôpital.

    Donc d’un coté, on a constaté que nous avons une augmentation de 50% des appels, avec une grande majorité des appels qui concernent l’IVG, et de l’autre, les structures en ville ou hospitalières nous ont fait remonter que les femmes ne viennent pas avorter.

    On a alors essayé d’analyser, grâce aux remarques que chaque écoutant.e.s peut inscrire sur la fiche d’appel, les raisons de ce décalage. Et on a compris qu’il y avait plusieurs raisons : la première étant qu’on répète sans cesse aux gens qu’il ne faut pas sortir, qu’il faut attendre la fin du confinement. L’IVG est un soin urgent : se déplacer pour avorter est donc autorisé mais le gouvernement a mis longtemps à le dire et les femmes ne le savent pas forcément.

    #avortement #IVG #femmes #soin