la crise sanitaire exacerbe la fracture sociale et politique

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  • Coronavirus : la crise sanitaire exacerbe la fracture sociale et politique, Daniel Cohen, Yann Algan, Bruno Cautrès et Luc Rouban
    https://www.lemonde.fr/politique/article/2020/04/18/coronavirus-la-crise-sanitaire-exacerbe-la-fracture-sociale-et-politique_603

    Selon le baromètre du mois d’avril du Cevipof, seule la moitié des sondés considèrent que les Français sont traités à égalité par les mesures gouvernementales.

    Les résultats de la vague d’avril 2020 du Baromètre de la confiance politique du centre de recherche de Sciences Po (Cevipof) montrent que, si l’épidémie a suscité une mobilisation massive des Français et des services publics, l’unanimité de façade masque bien des failles. En France, plus encore qu’au Royaume-Uni et en Allemagne, la crise sanitaire a révélé et exacerbé les fractures sociales. Le confinement, « fait social total » pour reprendre une formule chère aux sociologues, n’a pas fermé la porte aux inégalités et aux tensions politiques. Dans de nombreux domaines, il les a aiguisées.

    L’#emploi est un indicateur très révélateur pour expliquer ces tensions. L’enquête confirme tout d’abord les résultats déjà collectés par l’Insee et Pôle emploi. Un tiers des personnes interrogées sont au chômage partiel auquel s’ajoutent 6 % de commerçants qui doivent fermer boutique, un autre tiers doit continuer à travailler sur place, malgré le confinement, tandis que presque 30 % des sondés peuvent travailler de chez eux.

    Inégalités territoriales

    Le télétravail est sans surprise la marque des catégories favorisées, les cadres notamment. Ils sont 44 % à pouvoir le faire. A l’autre bout, seulement 3 % des ouvriers y ont accès, 55 % d’entre eux étant au chômage partiel. Les inégalités territoriales sont de même ampleur : 47 % de ceux qui vivent à Paris ou dans son agglomération sont passés en télétravail contre 20 % de ceux qui vivent dans le Nord-Est. Cette configuration de l’espace social est parfaitement reflétée dans les préférences partisanes des personnes. Les électeurs de Marine Le Pen ne sont que 14 % à télétravailler. Les électeurs d’Emmanuel Macron et de Benoît Hamon sont respectivement 41 % et 44 % à pouvoir le faire. Les électeurs de Jean-Luc Mélenchon sont, à l’aune de ce critère, dans la moyenne nationale.

    44 % des cadres peuvent télétravailler. Alors que seulement 3 % des ouvriers y ont accès, 55 % d’entre eux étant au chômage partiel.
    Si 58 % des personnes interrogées déclarent que la crise due au coronavirus a renforcé la solidarité entre les Français, ce sentiment se vit très différemment selon la situation en emploi : ils sont 62 % à le penser parmi ceux qui sont au télétravail, mais 54 % parmi ceux qui travaillent in situ. Deux blocs bien distincts s’opposent sur le partage des efforts face à la crise. Si 92 % des électeurs de Mme Le Pen et 94 % des électeurs de M. Mélenchon soutiennent les mesures économiques, le chômage partiel notamment, seule la moitié des sondés considèrent que les Français sont traités à égalité par les mesures gouvernementales, et cette part tombe à 34 % parmi les électeurs de La France insoumise et 45 % parmi les électeurs de Marine Le Pen.
    Forte demande de protectionnisme économique