• #StopCovid : une efficacité incertaine pour des risques réels
    https://medium.com/@paula_forteza/stopcovid-une-efficacit%C3%A9-incertaine-pour-des-risques-r%C3%A9els-7e12b37

    par Paula Forteza

    Le 12 avril, un sondage de l’Ifop et de la Fondation Jean Jaurès a révélé que l’opinion publique française reste très partagée : 45% déclarent ne pas souhaiter installer et utiliser une telle application, contre 46% déclarant l’inverse et 9% ne se prononçant pas. Ces chiffres diffèrent fortement d’une précédente étude réalisée fin mars qui démontrait que 79% étaient prêts à utiliser une telle technologie.

    Cette évolution dans l’opinion à quelques semaines d’écart, prouve bien que seul le temps du débat publique, mesuré et rationnel, peut permettre à chacun de se forger un avis sur des sujets aussi techniques que celui-ci. Les décisions concernant le déploiement de technologies à risque ne doivent pas être prises de façon unilatérale et dans l’urgence.

    Nos expériences respectives nous font converger vers un jugement défavorable quant à l’utilisation d’une telle technologie en temps de crise. Ce choix est fondé sur des considérations techniques et éthiques.

    II. Des risques individuels réels

    L’efficacité de cette application n’étant pas avérée, nous pourrions arguer qu’il y aurait néanmoins un intérêt à tester ou expérimenter le dispositif. Ceci serait le cas si aucun risque individuel ou collectif n’était à prendre. Concernant le droit des personnes, deux présupposés doivent être garantis, tels qu’ils sont définis par la loi : 1) l’anonymisation et le contrôle du stockage des données ; 2) le consentement libre et éclairé.
    1. La confiance dans l’utilisation des données est incertaine

    Nous pouvons distinguer trois niveaux de respect de la vie privée (privacy) : (1) celle vis à vis de nos contacts ; (2) celle vis à vis des autorités ; (3) celle vis à vis des acteurs mal intentionnés.

    2. Le consentement libre et éclairé est questionnable

    La CNIL a rappelé les principes fixés par le RGPD concernant le consentement :

    “Il faut bien s’entendre sur les mots : pour constituer un « consentement » valide au sens du RGPD, le « volontariat » doit en respecter toute les conditions, à savoir être éclairé (informé), spécifique à la finalité, univoque et libre — c’est-à-dire que le refus de consentir ne doit pas exposer la personne à des conséquences négatives.”

    L’interprétation de ce texte ne peut pas se faire d’un point de vue strictement juridique. La définition d’un consentement “libre et éclairé” est contextuelle, sociale et appelle à des réflexions éthiques.

    C’est ce que rappelle le Comité consultatif national d’éthique dans son avis rendu publique mardi 7 avril :

    “Cependant, ce choix individuel peut être orienté, voire influencé, de diverses manières, par exemple à travers les techniques de persuasion (« nudging ») ou de manipulation, la pression sociale, l’imitation des actions des proches, etc. En pareille hypothèse, le défaut de consentement libre et éclairé, la possibilité de son instrumentalisation ainsi que la portée du consentement sur les proches et autres contacts de la personne concernée, ou encore l’attribution de la responsabilité à la personne plutôt qu’à la collectivité, sont d’importants sujets de préoccupation éthique.”

    Aussi, nous devrions éviter de faire porter à nos concitoyens un dilemme moral : serions non fautifs si nous ne téléchargeons pas cette application ? La pression sociale ou le sentiment de culpabilité pourrait faire naître un consentement induit, indirectement contraint.

    III. Des risques sociétaux possibles

    Si les risques individuels à court-terme peuvent être aisément discernables, les risques sociétaux à moyen et long terme sont moins évidents. Ils doivent cependant être sérieusement considérés. Ceux-ci peuvent être de deux ordres : 1) l’éventualité d’un “effet cliquet” ; 2) un poids des géants du numérique renforcé.

    Google et Apple ont déclaré construire un projet commun d’interfaces de programmation (API) entre Androïd et iOS pour permettre l’interopérabilité des applications gouvernementales. Dans un second temps, ils ont convenu de travailler de concert pour une application plus large de traçage fondée sur le bluetooth.

    A l’heure où l’hégémonie de ces géants du numérique effraie et que certains vont jusqu’à conseiller leur démantèlement, des projets conjoints d’une ampleur sans précédent voient le jour. Des études du point de vue du droit de la concurrence doivent être menées. La question de la neutralité des terminaux, notamment des systèmes d’exploitation, doit être mise a l’agenda de toute urgence.

    Une potentielle collaboration entre les géants du numérique et les Etats sur ce genre d’application ouvre aussi une question sans réponse : quand est-ce que le point de vue de l’utilisateur est exprimé, respecté, défendu ?

    Le rapport de force entre les ‘Big Tech” et les utilisateurs est déjà suffisamment déséquilibré. Les convergences de ces entreprises entre elles et de ces entreprises avec les Etats font craindre un approfondissement de cette brèche. Le législateur et le régulateur peuvent être la cheville ouvrière d’une nouvelle gouvernance du numérique pour redistribuer le pouvoir vers la société civile et les utilisateurs, comme nous l’expliquions avec Sébastien Soriano, président de l’ARCEP le 28 février dernier.

    #Covid-19 #Contact_tracing #Paula_Forteza

    • Elle a quitté LREM ;-)
      Sur le numérique, elle a souvent eu des positions correctes... Dommage que ce ne soit pas le cas sur tous les secteurs. Je crois avec le recul qu’il y a eu pas mal de gens qui ont cru à la « révolution » de Macron, surtout parmi celles et ceux qui n’avaient pas d’expérience politique (les autres, vieux rats de la politique y sont allé par intérêt bien compris et parce que de glissement en glissement les ex-PS se retrouvent plutôt sur la ligne de droite - et non à suivre la droite ligne de leur engagement antérieurs, si tant est que le terme engagement ait un sens quand on parle des élus du PS, à la différence d’une partie de sa base... réduite comme peau de chagrin, très gros chagrin même).