• Le coronavirus, nouvelle source de colère des Russes contre le Kremlin
    https://www.lemonde.fr/international/article/2020/04/24/le-coronavirus-nouvelle-source-de-colere-des-russes-contre-le-kremlin_603765


    A Moscou, près de la place du Kremlin, le 24 avril. DMITRY MADORSKY / REUTERS

    Dans la rue, mais surtout sur le Web, la contestation dénonce la faiblesse des mesures économiques et sociales pour aider les Russes pendant le confinement.

    En Russie, les opposants aux Kremlin se sont aussi mis en mode confinement. Alors que se multiplient les signaux de mécontentement face à la gestion par les autorités de la crise due au coronavirus, la contestation s’organise sur le Web. Ilya Azar, l’une des figures de la société civile derrière les manifestations de l’été 2019 à Moscou, a appelé à « une protestation on line » sur YouTube mardi 28 avril. Avec, pour slogan : demander au Kremlin et au gouvernement des mesures urgentes pour aider familles et travailleurs contraints de rester à la maison pendant la pandémie.

    En début de semaine, profitant des espaces « conversations » des applications de cartes de Yandex, le principal portail Internet en Russie, des manifestations virtuelles sont apparues dans plusieurs villes autour des bâtiments officiels. A distance, les internautes se sont ainsi rassemblés en déposant des épingles sur les administrations visées et ont laissé éclater leur colère. Dans des encarts écrits, ils ont mis des messages pour, parfois dans un style cru, évoquer leurs difficiles conditions de vie et exiger des aides publiques.

    D’autres internautes ont ajouté quelques mots plus politiques, ciblant tantôt les autorités locales, tantôt directement le chef du Kremlin, Vladimir Poutine. Société privée mais sous étroit contrôle des régulateurs au service du Kremlin, Yandex a rapidement fait disparaître tous ces messages et mis fin à cette soudaine protestation virtuelle.
    Des rassemblements spontanés ont aussi surgi en dehors des réseaux.

    Dans les rues de Vladikavkaz, ville moyenne du sud de la Russie, en plein Caucase, quelque 2 000 personnes ont protesté contre les mesures de confinement et dénoncé les difficultés économiques. Sans masques de protection, elles se sont regroupées devant le siège de l’administration régionale. Mettant en doute l’ampleur du danger sanitaire, elles ont expliqué haut et fort craindre plus le #chômage que le coronavirus. Arrêté, l’organisateur de la manifestation, le chanteur d’opéra Vadim Tcheldiïev, a été placé en détention pour deux mois.

    Effet plus large sur la confiance des Russes

    Virtuelles ou réelles, ces protestations restent minoritaires et localisées. Imprévisible, la contestation online (« en ligne ») pourrait devenir virale à Moscou, où une partie des habitants sont devenus ultraconnectés. L’an passé, les réseaux sociaux avaient déjà été un élément-clé dans l’organisation de plusieurs mouvements. En juin, c’était pour défendre Ivan Golounov, journaliste réputé soudainement poursuivi pour trafic de drogues dans une affaire montée de toutes pièces. Puis, tout l’été, ce fut pour dénoncer l’absence de candidats indépendants à l’élection du conseil municipal, transformée du coup en enjeu national. Dans les deux cas, la nouvelle société civile de Moscou est descendue dans la rue pour exprimer ses frustrations contre les manipulations des autorités.

    Au-delà de la capitale, la crise due au coronavirus pourrait aujourd’hui avoir un effet plus large sur la confiance des Russes, déjà affect entamée par la baisse du pouvoir d’achat depuis 2014. « Face aux difficultés sociales et économiques provoquées par la pandémie, mais aussi la chute du prix du pétrole, la popularité du Kremlin pourrait baisser », explique le politiste Andreï Kolesnikov. « Toutes ces cybermanifestaions sont le reflet du mécontentement de personnes non politisées qui ne vont pas forcément rejoindre l’opposition politique. Mais cela accroît son réservoir… » D’autant que la « stabilité », au cœur du discours de Vladimir Poutine depuis vingt ans, ne répond plus aux attentes d’une part croissante de la population, lasse et désireuse d’évolution.

    Demandant aux Russes de faire preuve de « discipline » et de « responsabilité », le chef du Kremlin a déclaré avril « mois chômé ». Les unes après les autres, les régions ont organisé le confinement. Puis le président a multiplié les déclarations, annonçant des rafales de mesures économiques et sociales de soutien. Mais, dans les faits, le programme fait pâle figure, loin de suffire pour compenser les pertes de revenus provoquées par le confinement. Le président a exigé « le maintien des salaires » pour tous. Si elle est applicable dans les pléthoriques administrations, cette mesure est cependant irréaliste pour de nombreux secteurs de l’économie qui fonctionnent encore largement au noir, sans contrat de travail ni aucune protection sociale.

    Menace supplémentaire de surendettement

    Dans les faits, les licenciements se multiplient et beaucoup de Russes se retrouvent chez eux, sans emploi et sans revenu. Le gouvernement a certes annoncé des aides, promettant en particulier d’accélérer les versements de subventions aux familles ou d’augmenter les indemnités pour maladie et les allocations chômage. Les foyers touchés par des baisses de revenus peuvent aussi demander une suspension temporaire des remboursements d’emprunts. Mais, face à la perte de salaires, de nombreuses familles sont au contraire tentées de s’endetter. Avant même la pandémie, le surendettement menaçait déjà le système bancaire [et les Russes, ndc] .

    « Le mécontentement de la population va grandir et l’opposition peut s’en servir pour renforcer son influence et sa popularité, prévient le politologue Fyodor Krasheninnikov. Vladimir Poutine et son gouvernement n’ont pas encore offert de compensations sérieuses aux personnes touchées par la crise. » Dans une économie déjà gagnée par la stagnation depuis trois ans, la colère gagne aussi le secteur des petites et moyennes entreprises (PME), qui, loin du soutien public aux grandes entreprises d’Etat, peine face au gel de leurs activités depuis le début du confinement.

    « La plupart d’entre nous ne comprenons pas l’action, ou l’inaction, des autorités. Poutine est vu comme le principal responsable », témoigne un homme d’affaires dans le commerce. Les mesures d’urgence du Kremlin, notamment fiscales avec baisses des charges, risquent d’être insuffisantes pour sauver de la faillite de nombreux employeurs privés. On et off line, beaucoup sont prêts à se mobiliser.

    #crise_sanitaire #Russie #économie #protection_sociale

  • En Inde, un Etat marxiste se heurte au pouvoir central dans la lutte contre le virus
    https://www.lemonde.fr/international/article/2020/04/24/en-inde-un-etat-marxiste-se-heurte-au-pouvoir-central-dans-la-lutte-contre-l


    Dépistage du coronavirus à Ernakulam, dans l’Etat indien de Kerala, le 6 avril 2020. STRINGER / REUTERS

    Le Kerala se targue d’avoir maîtrisé la propagation du Covid-19 par le déblocage de fonds publics et la mise en place d’un confinement drastique.

    Entrée mercredi 22 avril dans sa cinquième semaine de confinement, l’Inde avance à tâtons face au coronavirus. Le géant d’Asie du Sud, en dépit d’une population de plus de 1,3 milliard d’habitants, ne déplore actuellement que 22 728 cas recensés de contamination et seulement 723 morts. Lundi 20 avril, certaines activités ont pu reprendre, au bon vouloir de chacun des vingt-huit Etats et des huit territoires fédérés qui composent le pays. En fonction, aussi, de la progression de la pandémie dans chacun des 736 districts administratifs qui découpent son territoire.

    Certains endroits sont érigés en modèle. Ainsi de Bhilwara, une ville d’un demi-million d’habitants située à une centaine de kilomètres au nord-est d’Udaipur (Rajasthan), l’un des premiers foyers infectieux où l’application d’un confinement extrêmement strict a permis de stopper très rapidement la propagation du virus. Ainsi également de Goa, petit Etat de 2 millions d’habitants sur la côte ouest du sous-continent, où sept personnes avaient été déclarées positives et où les autorités ont annoncé dimanche 19 avril qu’il n’y avait « plus aucun malade du Covid-19 » .

    Mais c’est le Kerala, dernière région de l’Inde à être dirigée par un gouvernement marxiste, qui est cité en exemple par un grand nombre d’experts. Dans cet Etat de l’extrême sud de 35 millions d’habitants, connu pour afficher le taux d’alphabétisation le plus élevé du pays (94 % contre une moyenne nationale de 74 %), mais aussi la plus forte densité de population (860 habitants au kilomètre carré, contre 382 en moyenne en Inde), les pouvoirs publics ont réussi à contrôler la pandémie et à rapidement aplatir la courbe des contaminations, grâce à une anticipation précoce : chaque Kéralais infecté n’a jusqu’ici transmis le virus qu’à 0,4 personne, alors qu’en moyenne un Indien infecté en contamine 2,6 autres.

    « Enquêtes extrêmement rigoureuses »

    Pour l’instant, la région n’a enregistré que 437 cas, 70 % des patients ont guéri et deux seulement sont morts. C’est pourtant ici que les premières contaminations de l’Inde ont été repérées, dès le 30 janvier, chez des étudiants qui rentraient de Wuhan, berceau chinois de la pandémie. « La préparation est la clé de notre succès et la leçon à tirer de notre expérience », a longuement expliqué il y a quelques jours au journal Indian Express le ministre des finances du Kerala, Thomas Isaac.

    « Notre force majeure est notre système de santé publique. Il a connu ces dernières années une augmentation de 40 milliards de roupies [485 millions d’euros] des investissements en infrastructures et en équipements, et il a bénéficié de la création de 5 775 postes », rappelle ce membre du comité central du Parti communiste indien (marxiste).

    « Le Kerala est un modèle parce qu’il a fixé très haut la barre des tests de #dépistage et mené dès le début des #enquêtes extrêmement rigoureuses de traçage des personnes ayant pu être en contact avec les contaminés, pour casser les chaînes de contagion » , estime Amit Singh, chercheur d’origine indienne spécialiste des droits de l’homme à l’université de Coimbra, au Portugal. Le gouvernement local, ajoute-t-il, a immédiatement instauré des quarantaines « plus longues qu’ailleurs » (28 jours au lieu de 14), imposé le confinement avant que Delhi ne le généralise à tout le pays, construit des hébergements d’urgence « pour les travailleurs migrants bloqués » sur place et distribué « des millions de plats cuisinés » à ceux qui en avaient besoin.

    Dès le 19 mars, le chef de l’exécutif local, Pinarayi Vijayan, a débloqué 2,4 milliards d’euros de crédits pour soutenir l’hôpital public, verser les petites retraites avec deux mois d’avance et rembourser les prêts à la consommation des plus démunis. Ramenée à chaque habitant, cette enveloppe représente cinq fois plus que ce que le premier ministre Narendra Modi mobilisera une semaine plus tard, à travers un plan d’urgence national doté de 20 milliards d’euros.

    Capacité de réaction

    Le Kerala a en fait tiré les enseignements de deux événements survenus chez lui coup sur coup en 2018 : une épidémie de nipah, virus sans vaccin ni traitement transmis par la chauve-souris, qui avait semé la terreur dans les villages, et des inondations dramatiques qui avaient détruit 20 000 logements durant la mousson.

    La capacité de réaction de la population avait alors été testée à grande échelle. Elle s’était avérée d’autant plus efficace qu’au Kerala, le système des « panchayats » fonctionne à l’extrême. Ces #assemblées_locales, comparables à des communautés de communes, ont la possibilité de prendre des décisions au plus près du terrain, sans avoir à en référer à la capitale, Trivandrum.

    Tout ceci irrite au plus haut point la droite nationaliste et centralisatrice au pouvoir à Delhi. Lundi 20 mars, alors que les communistes kéralais venaient de décider de la réouverture des ateliers de confection, salons de coiffure, restaurants et librairies, ainsi que de la reprise des transports publics par autobus, le gouvernement Modi leur a aussitôt intimé l’ordre de faire marche arrière et d’attendre ses consignes.

    La semaine précédente, le climat s’était déjà tendu entre les deux parties à propos de la situation de la diaspora indienne vivant aux Emirats arabes unis (3,3 millions d’ouvriers du BTP et d’employés de maison, dont un tiers originaires du Kerala). M. Vijayan dénonce les conditions de confinement et de quarantaine « inadéquates » offertes sur place à cette population. Avec l’appui des autorités de Dubai, il demande à M. Modi d’organiser des rapatriements, en vain. Selon nos informations, Delhi avait envisagé fin mars de faire revenir par avion 26 000 ressortissants indiens mais y a finalement renoncé, en raison du risque de contagion que ces derniers représenteraient à leur arrivée en Inde.

    #Covid_19 #investissement_collectif #maillage_local (sans smartphones)

  • Coronavirus : au Brésil, « nous sommes à la limite de la barbarie »
    https://www.lemonde.fr/international/article/2020/04/24/coronavirus-au-bresil-nous-sommes-a-la-limite-de-la-barbarie_6037594_3210.ht


    Enterrement de victimes présumées du coronavirus, le 21 avril, à Sao Paulo. AVENER PRADO POUR LE MONDE

    L’épidémie de Covid-19, qualifiée de « petite grippe » par le président Bolsonaro, s’intensifie désormais, frappant un pays où le système de santé n’est pas en capacité de répondre à un tel défi sanitaire.

    Au Brésil, partout ou presque, on creuse. Des trous, des fosses, par milliers. A la pelle et à la pioche quand on dispose d’un peu de temps. Au tractopelle et à l’engin de chantier, quand on en manque. Pas pour planter du café ou trouver du pétrole, comme avant. Au Brésil, aujourd’hui, on creuse des trous pour enterrer des corps.
    Le Covid-19 est arrivé « et c’est chaque jour de pire en pire », constate Paulo Henrique, jeune croque-mort de 26 ans au cimetière de Vila Formosa, à Sao Paulo. Ce mardi 21 avril, un petit embouteillage de corbillards s’est formé entre les tombes. « C’est le septième que je transporte aujourd’hui, le double que d’habitude. C’est épuisant », poursuit-il, patientant au volant de son véhicule funéraire. La cérémonie ne dure pas plus de cinq minutes, le temps de dire au revoir et d’une pelletée de terre. « Tout le monde est terrifié », constate Paulo Henrique.

    Au 23 avril, l’épidémie a fait 3 313 victimes au Brésil (un bond record de 407 décès par rapport à la veille) pour 49 492 cas confirmés. Mais qui croit encore aux chiffres officiels ? Débordées, les autorités ne parviennent à tester ni les vivants ni les morts, et certains décès dus au Covid-19 sont enregistrés avec vingt jours de retard. Selon des estimations, divulguées par la presse, le nombre de personnes réellement infectées serait de douze à quinze fois supérieur au chiffre annoncé par les autorités. Le nombre de morts pourrait quant à lui avoir déjà dépassé les 15 000 victimes dans le pire des scénarios. Et le pic n’est prévu que pour mai…

    D’ores et déjà, toute la Fédération est frappée : les grandes métropoles du sud du pays, comme Sao Paulo et Rio, où se concentrent la moitié des décès, mais aussi l’Etat nordestin du Pernambouc ou celui d’Amazonas, loin dans les terres, en pleine forêt tropicale. Dans ces régions, les hôpitaux publics sont déjà saturés ou presque, avec des taux d’occupation des services en soins intensifs dépassant souvent les 70 % ou les 80 %. On espérait le nouveau coronavirus saisonnier ? Sensible à la chaleur ? Force est de constater qu’il s’adapte très bien à la torpeur tropicale.

    Partout la chasse au lit

    Tout ça fait peur. Tout ça fait pleurer aussi, de rage et de désespoir. « Nous sommes à la limite de la barbarie », s’est effondré en larmes cette semaine le maire de Manaus, Arthur Virgílio Neto, désespéré, lors d’une interview. Dans la plus grande cité d’Amazonie, le nombre d’enterrements a triplé, on creuse des fosses communes à l’engin de chantier. Dans les hôpitaux surchargés, les cadavres sont alignés dans les couloirs, des patients trop âgés ont déjà été renvoyés pour mourir chez eux.

    Partout, c’est la chasse au lit, la course aux ventilateurs. « Une guerre quotidienne », témoigne un chirurgien de l’hôpital général de Fortaleza, dans le Ceara nordestin, requérant l’anonymat. « On est plein, 100 % des lits en soins intensifs sont occupés et tous les respirateurs sont maintenant utilisés. On avait pourtant consacré un étage entier et cinq unités de soins exclusivement pour le Covid-19. Mais même avec ça, l’autre jour, 48 personnes attendaient un lit ! A ce rythme on ne tiendra pas quinze jours », s’inquiète-t-il.

    A Fortaleza, on a de la chance : pour l’instant, il y a suffisamment de gants et de masques. C’est loin d’être le cas partout. A Sao Paulo, « à l’hôpital, une bonne partie du personnel n’est pas équipée et a dû utiliser des capes de pluie et des sacs-poubelles, achetés au marché, pour se protéger ! », enrage Sergio Antiqueira président du Syndicat des employés de la ville. A certains, on a confié un seul et unique masque de protection jetable pour un mois entier. « Ces gens sont en danger », s’indigne-t-il.

    Le Brésil est à nu. « Nous ne sommes pas du tout prêts pour faire face à cette pandémie », regrette Ligia Bahia, experte du secteur de la santé à l’Université fédérale de Rio. Le pays dispose pourtant de dizaines de milliers de lits en soins intensifs. Mais « la moitié sont dans le privé : inaccessibles pour l’écrasante majorité de la population », soupire-t-elle. Résultat : en moyenne, selon l’Institut de statistique national, un Brésilien doit parcourir aujourd’hui 155 kilomètres pour trouver un hôpital capable d’offrir des soins complexes, tels ceux exigés par le Covid-19. Dans le grand nord amazonien, la distance peut aller jusqu’à 400 ou 500 kilomètres.

    Un virus ? Quel virus ?

    La pandémie appuie là où ça fait mal. « Le coronavirus montre l’échec de notre système démocratique, s’attriste Ligia Bahia. Depuis la fin de la dictature, en trente ans, on n’a jamais vraiment investi pour créer un système de santé public effectif, qui offre des soins aux plus pauvres, les Noirs, les plus exclus, qui vont être les premières victimes. [Il] fonctionne d’abord pour les riches. Et [notre] démocratie ne garantit pas les droits sociaux. »

    Un virus ? Quel virus ? Malgré le drame en cours, le président d’extrême droite Jair Bolsonaro, pour qui le Covid-19 n’est qu’une « petite grippe », défend toujours le « retour à la normale ». Chaque fin de semaine, il s’adonne à des bains de foule, au mépris des règles sanitaires élémentaires. « J’ai le droit constitutionnel d’aller et de venir », a expliqué le chef de l’Etat, prenant les passants dans ses bras, serrant la main d’une femme âgée après s’être essuyé le nez dans son bras ou toussant carrément sur ses supporteurs lors d’un discours… Il y a gagné un surnom : « Capitaine Corona ».

    Le nouveau ministre de la santé, Nelson Teich, ne rassure pas davantage. Ce dernier s’exprime peu et a mis fin aux conférences de presse quotidiennes, prisées par son prédécesseur Luiz Henrique Mandetta, brutalement démis de ses fonctions par Jair Bolsonaro la semaine dernière. Jugé terne et soumis au président, M. Teich ne convainc personne, pas même au sein du gouvernement. « Tout est sous contrôle… Mais de qui, on ne sait pas ! », s’est ainsi amusé en public le vice-président Hamilton Mourão, juste avant la prise de fonction du ministre.

    Faut-il s’attendre à une tragédie ? Selon les prédictions de l’Imperial College de Londres, en cas d’inaction, l’épidémie pourrait faire au total plus de 1 million de victimes au Brésil.
    Heureusement, depuis la mi-mars, une majorité d’Etats, se substituant au gouvernement fédéral, ont mis en place des politiques de confinement, plus ou moins rigides. Mais avec quelle efficacité ? A peine un Brésilien sur deux serait aujourd’hui isolé chez lui. Dans les quartiers populaires, le contrôle des autorités est quasi inexistant et les rues à peine moins pleines qu’à la normale.

    Pire : alors que la vague s’approche, sous la pression combinée de l’exécutif et des milieux économiques, dix Etats sur vingt-sept ont déjà adopté des mesures pour flexibiliser à court ou moyen terme le très fragile et très partiel confinement. Prévoyant le pire, la ville de Sao Paulo a ordonné en urgence le creusement de 13 000 nouvelles tombes, l’achat de 38 000 urnes funéraires supplémentaires et la construction d’un nouveau cimetière. Pour éviter les embouteillages, la mise en terre se fera désormais sans public et de nuit, si besoin.

    #Covid-19 #hôpitaux_privés

  • Au Mexique, vague d’agressions contre les soignants, accusés « d’avoir le Covid »
    https://www.lemonde.fr/international/article/2020/04/24/au-mexique-vague-d-agressions-contre-les-soignants-accuses-d-avoir-le-covid_

    Les gens sont fous, mais ça ne les empêchera pas d’applaudir les soldats quand leur tour sera venu. L’individualisme marchand a tué beaucoup plus qu’on ne l’imagine dans nos sociétés.

    Quand la nuit tombe sur Mexico, les infirmières et les médecins n’ont pas droit à des applaudissements. Des bus, affrétés par la marie, les attendent pour les protéger des agressions en pleine pandémie.

    Devant l’Hôpital général, planté près du centre de la mégalopole, deux patrouilles de police surveillent. Un garde armé et casqué filtre les entrées. Juste à côté, une infirmière quadragénaire, qui porte un masque chirurgical, range sa blouse au fond de son sac. « La consigne du ministère est de ne pas sortir dans la rue en tenue de travail. C’est fou d’être obligée de se cacher. Je n’ai jamais vu ça en vingt ans de carrière ! »

    Depuis un mois, trente-cinq médecins et infirmières ont déposé plainte pour agression auprès du Conseil mexicain contre les discriminations (Conapred). Les témoignages affluent aussi sur le Web depuis que le gouvernement a lancé, le 30 mars, l’alerte sanitaire.

    #Mexique #Infirmières #Individualisme