« La Peste écarlate », de #Jack_London : le feuilleton littéraire de Camille Laurens
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COMME L’ÉCUME
Certaines lectures sont très dépendantes du contexte dans lequel elles ont lieu. Pour avoir lu La Peste écarlate, de Jack London (1876-1916), lorsque j’étais adolescente, au début des années 1970, et l’avoir relu ces jours-ci, je ne peux que le constater. Ce « roman d’anticipation », comme on a coutume de l’étiqueter, paru en feuilleton 1912, s’il débute en 2073, est en grande partie le récit d’une pandémie qui ravagea le monde soixante ans plus tôt, en 2013, donc. Lorsque l’écrivain américain s’y attela, il se projetait à un siècle de distance, imaginant par exemple qu’au recensement de 2010 la Terre compterait « huit milliards » d’habitants, dont « dix-sept millions à New York » et « quatre » à San Francisco, ce qui était excessif, certes, mais pas dément. Quand je l’ai lu en 1970, 2013 était encore un lointain horizon et j’ai pu savourer ce livre catastrophe comme les films du même genre qui commençaient à fleurir – le roman, dans la précision de l’horreur, a d’ailleurs quelque chose de très cinématographique. Ma peur s’amusait, et je ne croyais pas plus à ce conte d’inspiration prophétique que ne le font les enfants du roman à qui leur grand-père raconte l’histoire – « radoteur », « faible d’esprit », pensent-ils.