/2013

  • Avant Raif Badawi, il y a eu...

    Turki al-Hamad journaliste, essayiste, analyste politique

    Ce qu’en dit Wikipedia
    http://en.wikipedia.org/wiki/Turki_al-Hamad

    Turki al-Hamad, born in 1953, is best known for his trilogy about the coming-of-age of Hisham al-Abir, a Saudi Arabian teenager, the first installment of which, Adama, was published in 1998. Although banned in Saudi Arabia, Bahrain, and Kuwait, the Arabic edition of the trilogy — called in Arabic Atyaf al-Aziqah al-Mahjurah (Phantoms of the Deserted Alley) — has sold 20,000 copies.

    The novels explore the issues of sexuality, underground political movements, scientific truth, rationalism, and religious freedom against the backdrop of the late 1960s and early 1970s, a volatile period in Saudi Arabia, sandwiched between the 1967 Six-Day War and the 1973 oil crisis.

    Hamad is quoted on the cover of one of his novels:

    « Where I live there are three taboos: religion, politics and sex. It is forbidden to speak about these. I wrote this trilogy to get things moving. »

    As a result of his work, four fatwas have been issued against him by the country’s religious clerics, and he has been named as an apostate in a statement by al-Qaeda. He continued nevertheless to live in Riyad, calling the fatwas

    « more of a nuisance than anything else »

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    Il est arrêté en décembre 2012 :

    Saudi Arabia arrests another writer over tweets

    http://stream.aljazeera.com/story/201212250316-0022449

    http://stream.aljazeera.com/sites/default/files/styles/fb_og_image/public/turki-al-hamad.jpg?itok=iRqbdJ8T

    A well-known Saudi writer, Turki Al-Hamad, was arrested on Monday for tweets deemed critical of Islam. Saudi Arabia’s Interior Minister Prince Mohammed bin Nayef reportedly ordered the arrest.

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    Mobilisation après l’arrestation d’un écrivain saoudien pour tweets blasphématoires

    http://abonnes.lemonde.fr/societe/article/2013/01/02/mobilisation-apres-l-arrestation-d-un-ecrivain-saoudien-pour-tweets-

    Quelque 500 intellectuels, pour la plupart saoudiens, ont adressé une pétition au prince héritier Salman ben Abdel Aziz réclamant la libération d’un écrivain libéral arrêté pour des propos sur Twitter jugés offensants envers l’islam.

    « Nous espérons, réclamons et nous attendons une décision rapide pour corriger cette grave erreur commise » à l’égard de Turki Al-Hamad, affirme le texte de la pétition mise en ligne, qui appelle à « la libération immédiate et inconditionnelle » de l’écrivain. Parmi les signataires figurent Manal Al-Charif et Najla Hariri, deux militantess ayant défié l’interdiction de conduire pour les femmes dans le royaume, ainsi que l’éditorialiste Ahmad Adnan. La pétition réclame que « des excuses publiques » soient adressées à Hamad pour son arrestation.

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    Turki Al-Hamad a été traduit par Courrier international

    http://www.courrierinternational.com/article/2012/12/28/turki-al-hamad-arrete-pour-ses-tweets-blasphematoires

    « Il sera difficile de combler le fossé qui nous sépare du monde contemporain. Ils [les islamistes ou les docteurs de la foi] nous bernent en parlant de la loi de Dieu [charia], alors que celle-ci n’est que le produit de leurs cerveaux. Notre Prophète [Mahomet] avait rectifié la doctrine d’Abraham. L’heure est venue de de rectifier la doctrine de Mahomet. Ils nous baratinent avec des détails et oublient la grandeur [de l’islam]. Un nouveau nazisme se lève sur le monde arabe. Son nom est islamisme, mais l’époque du nazisme est révolue et le soleil se lèvera à nouveau. Le Prophète a apporté une doctrine humaniste, mais certains l’ont transformée en doctrine de haine de l’homme. Toutes les religions appellent à l’amour. Celui qui a ne serait-ce qu’une graine de haine dans son cœur ne vaut rien, même s’il prie et jeûne. »

    Et encore :

    « Je ne fais pas confiance à ceux qui disent détenir la vérité absolue. Le monde se préoccupe des capacités nucléaires iraniennes, et nous nous préoccupons de savoir si les femmes doivent avoir le droit de conduire une voiture. »

    #arabie_saoudite #apostasie #peine_de_mort #droits_humains #inhumanité #dieu_plutôt_que_les_humains #brutes_épaisses

  • Le succès en trompe-l’oeil des sites de rencontres extraconjugales - LeMonde.fr
    http://abonnes.lemonde.fr/societe/article/2013/12/31/le-succes-trompeur-des-sites-de-rencontre-adultere_4341563_3224.html

    L’infidélité ne progresse pas, au contraire. AUjourd’hui, elle est devenue une preuve d’amour. La demande de confiance est beaucoup plus forte qu’autrefois dans la cellule familiale, valeur refuge des temps de crise. Tags : internetactu internetactu2net fing #rencontre #mariage #couple

  • #Dieudonné : la posture de paria, un ascenseur pour son succès
    http://abonnes.lemonde.fr/societe/article/2013/12/28/dieudonne-la-posture-de-paria-un-ascenseur-pour-son-succes_4340971_3

    Il y a l’humoriste Dieudonné, le citoyen M’bala M’bala et l’ami « Dieudo », comme l’appellent ses inconditionnels. Les trois personnages sont indissociables. C’est d’ailleurs sur cette confusion, cette absence de distance ou de second degré que s’appuient ceux qui lui dénient le statut d’homme de spectacle. Point de nez rouge de clown, point de salopette à la Coluche ou même de jeu de scène outré pour marquer la dérision ou l’entrée dans la peau d’un personnage fictif.

    L’humoriste se nourrit directement des mésaventures du citoyen, les met en scène, en abyme plutôt. Le premier narre la persécution dont est l’objet le second, complot pour le faire taire ourdi par « Jérusalem », par « Israël », ordres venus de « là-haut » (index pointé vers le ciel), et parfois « du plus haut » (« Au-dessus, il n’y a que le soleil »).

    Dans cette entité éthérée veille, tel Zeus, le #lobby_juif, relayé par les médias et les hommes politiques à sa solde (« François Hollande a été convoqué par le président du CRIF », « le président du #CRIF, c’est le mec qui décide qui sera le président »). Lui, Dieudonné M’bala M’bala, le showman et l’homme conscientisé, est la voix qui dérange cette nébuleuse. Il est un garant de la liberté d’expression, bien mieux que « cette vieille prostituée de démocratie ».

    « LA RÉSISTANCE PROGRESSE »

    Alors, quand François Hollande ou Manuel Valls lui font le cadeau de vouloir l’interdire, après tant de maires UMP ou PS, il jubile (« C’est une promotion formidable »), il ne crie pas au martyre individuel, trop malin, mais au calvaire collectif. Car ce n’est pas lui qu’on veut faire taire mais les Français. Il n’est « qu’un intermédiaire entre le peuple et cette poignée de dirigeants ». Il est celui qui dit, claironne ce qui est tu. Il s’appuie en cela sur cette vérité révélée, indiscutable, à la base de la théorie du #complot : « Personne n’en parle. »

    Dieudonné peut procéder par ellipses, sans craindre les foudres d’un procès. Chacun saura remplir les blancs imposés par la loi à grands éclats de rire. Il n’a qu’à évoquer « la maison mère » et tout le monde a compris que c’est #Israël qui est désigné, là où se prennent les décisions du monde. Il lui suffit de dire « les attentats du #11-Septembre… » ou « c’est comme les #chambregaz… », nulle nécessité de pousser plus avant les thèses révisionnistes. Aussitôt fuse l’approbation jubilatoire de la salle.

    Cette rare symbiose entre l’artiste et le spectateur, cette mécanique bien huilée du rire est le casse-tête des associations antiracistes. « Avec Dieudonné, le nombre de tôles qu’on s’est prises », raconte Alain Jakubowicz, président de la Ligue internationale contre le racisme et l’antisémitisme, fidèle ennemi et donc parfait connaisseur.

    Mais, en faisant monter sur la scène du Zénith le révisionniste Robert Faurisson, en s’affichant avec des chefs d’Etat antisémites, vantant leur « infréquentabilité », ou en montant des listes électorales, Dieudonné a perdu la clémence des tribunaux. « La situation a changé, poursuit Alain Jakubowicz. Les juges reconnaissent que l’élément idéologique est caractérisé. » Le mot de la fin revient de droit à Dieudonné. « Ce n’est pas moi qui suis malade, c’est la société. »

    #antisemitisme #liberté_d_expression #quenelle #anti-systeme #extreme-droite #soral

    #plo

  • Masculin-féminin : cinq idées reçues sur les études de #genre
    http://abonnes.lemonde.fr/societe/article/2013/05/25/masculin-feminin-cinq-idees-recues-sur-les-etudes-de-genre_3174157_3

    En 1968, le psychiatre et psychanalyste Robert Stoller utilise quant à lui la notion de « gender identity » pour étudier les transsexuels, qui ne se reconnaissent pas dans leur #identité #sexuelle de naissance.

    C’est dans les années 1970 que le mouvement féministe se réapproprie les questions de genre pour interroger la domination masculine. Les « gender studies » ("études de genre") se développent alors dans les milieux féministes et universitaires américains, s’inspirant notamment de penseurs français comme Simone de Beauvoir – et son célèbre « On ne naît pas femme, on le devient » –, Michel Foucault ou Pierre Bourdieu.

    En France, la sociologue Christine Delphy est l’une des premières introduire le concept en France, sous l’angle d’un « système de genre », où la femme serait la catégorie exploitée et l’homme la catégorie exploitante. Mais la greffe ne s’opère réellement que dans les années 1990, lorsque le débat sur la parité s’installe au niveau européen. La promotion de l’égalité entre les hommes et les femmes devient l’une des tâches essentielles de la Communauté européenne avec l’entrée en vigueur du traité d’Amsterdam en 1999, notamment dans son article 2.

    Le concept de genre s’est développé comme une réflexion autour de la notion de sexe et du rapport homme/femme. Loin de nier la différence entre le sexe féminin et le #sexe masculin, le genre est utilisé par les chercheurs comme un outil permettant de penser le sexe biologique (homme ou femme) indépendamment de l’identité sexuelle (masculin ou féminin). Il ne s’agit donc pas de dire que l’homme et la femme sont identiques, mais d’interroger la manière dont chacun et chacune peut construire son identité sexuelle, aussi bien à travers son éducation que son orientation sexuelle (hétérosexuelle, homosexuelle, etc.).

    En dissociant intellectuellement le culturel et le biologique, le concept de genre interroge les clichés liés au sexe. Par exemple, l’idée selon laquelle les femmes sont plus naturellement enclines à s’atteler aux tâches domestiques que les hommes est de l’ordre de la construction sociale et historique, et non pas liée au fait que la femme dispose d’un vagin et d’ovaires.

    Pour les détracteurs du genre, la construction d’une personne en tant qu’individu se fait dans l’assujettissement à des normes dites « naturelles » et « immuables » : d’un côté les femmes, de l’autre les hommes. Mais certains travaux de biologiste, tels ceux de l’Américaine Anne Fausto-Sterling, montrent que l’opposition entre nature et culture est vaine, les deux étant inextricables et participant d’un même mouvement. Il ne suffit pas de dire que quelque chose est biologique pour dire que c’est immuable. C’est l’exemple du cerveau humain : il évolue avec le temps, et de génération en génération.

    #plo

  • Evacuation d’un campement de Roms à Villeurbanne
    http://abonnes.lemonde.fr/societe/article/2013/10/29/evacuation-d-un-campement-de-roms-a-villeurbanne_3504651_3224.html

    Un campement où vivaient une centaine de Roms a été évacué, mardi 29 octobre au matin, derrière une salle de concert à Villeurbanne, près de Lyon, selon des représentants du Mouvement contre le racisme et pour l’amitié entre les peuples (MRAP) et de la préfecture.

    J’étais passé devant dimanche matin...


    #roms
    #villeurbanne
    #lyon
    #campement

  • Espionnage de masse : des sociétés françaises au service de dictatures
    http://abonnes.lemonde.fr/societe/article/2013/10/28/espionnage-de-masse-des-societes-francaises-au-service-de-dictatures
    Les deux journalistes du Wall Street Journal sont entrés avec précaution, le 29 août 2011, dans le vaste hall de l’immeuble. Il s’ouvre sur une grande salle déserte, propre et obscure ; une photo géante et souriante de Mouammar Kadhafi pend de travers dans un couloir. – le régime est tombé une semaine plus tôt, le Guide est en fuite quelque part, il n’y a plus grand monde au centre de surveillance libyen, un bâtiment de six étages au coeur de Tripoli.

    Dans un petit bureau, un fauteuil défoncé, deux sofas horribles et un cendrier plein. Plus loin, les salles d’espionnage. Froides, modernes, grises et noires, façon Pentagone sauf que la table est hexagonale, et que le désordre est indescriptible. Des cartons en vrac, des documents passés en hâte à la broyeuse, des centaines de dossiers, de cassettes, des morceaux d’ordinateurs. Et des dossiers d’opposants. Au mur, une carte de la Jamahiriya libyenne, avec cet avertissement en anglais : « Aidez-nous à garder notre travail secret. Ne parlez pas d’informations classifiées hors du quartier général ». Avec le logo d’une entreprise, Amesys, une société française du groupe Bull.

    Ce sont effectivement les Français qui ont installé le système d’espionnage libyen, avec une filiale de Boeing, Narus, une société chinoise ZTE Corp, et une sud-africaine, VSTech. Il y a un pense-bête, le nom et les coordonnées du responsable français à joindre en cas de problème technique. Le responsable du « projet Eagle », fort bien résumé sur une affichette du centre : « Où beaucoup de systèmes d’interception d’Internet consistent à filtrer les adresses IP ou à extraire seulement ces communications du flux global (interception légale), Eagle analyse et stocke toutes les communications (interception massive) ».

    Amesys est née en 2007 de la fusion de deux petites sociétés, i2e et Artware, spécialisées dans les hautes technologies, avant d’être rachetée trois ans plus tard par Bull, le poids lourd de l’informatique française. Tour de force : c’est le patron de la petite Amesys, Philippe Vannier, qui est devenu le PDG de Bull.… Il avait proposé dès décembre 2006 un système d’espionnage massif aux autorités libyennes, il a lui-même signé le contrat en décembre 2007 à Tripoli, sous l’œil bienveillant d’Abdallah Al-Senoussi, beau-frère de Kadhafi et chef des services secrets libyens – condamné en 1999 par contumace à la perpétuité en France pour son rôle dans l’attentat du DC-10 d’UTA, qui a coûté la vie à 170 personnes.

    La société allemande Rohde & Schwarz faisait à l’époque le siège de Tripoli pour les interceptions radio, les Sud-Africains de Saab Grintek, les Allemands de Atis et les Danois de ETI Connect pour les interceptions téléphoniques. Philippe Vannier obtient le marché du Net : un contrat de 26,5 millions d’euros, selon Mediapart, sur lequel l’incontournable intermédiaire des marchés d’armement de l’ancienne majorité, Ziad Takieddine, a touché 4,5 millions de commission.

    La surveillance à l’échelle d’une nation

    Le système d’espionnage Eagle est, il est vrai, d’excellente qualité. « Le système massif a été conçu pour répondre aux besoins d’interception et de surveillance à l’échelle d’une nation, expose sans détour la plaquette de promotion d’Amesys, publiée par le site Owni. Complètement et facilement connectables aux systèmes existants, les produits massifs conçus par Amesys sont les meilleures réponses à vos besoins. »

    Eagle est capable de livrer automatiquement les adresses personnelles et les adresses mail, les numéros de téléphone, les photos des suspects et aussi de faire des recherches par date, heure, numéro de téléphone, mots-clés, géolocalisation, « ce qui permet d’obtenir une vision claire des différentes activités de vos cibles ». Le système déchiffre aussi bien l’arabe que le croate, le tamoul, le japonais que le farsi ou le mandarin. C’est pratique.

    Amesys fait appel en 2008 à des anciens de la Direction du renseignement militaire (DRM) pour former les jeunes espions libyens. « Nous leur avons appris comment trouver des cibles dans le flow massif du pays, a indiqué un militaire retraité retrouvé par Le Figaro, et nous avons travaillé sur des cas d’école. Par exemple, comment placer une université sous interception et trouver des individus suspects en fonction de mots-clés. » C’est pédagogique : « On leur avait montré comment trouver tous les Libyens qui allaient sur lefigaro.fr et sur lemonde.fr. » Après trois semaines de formation, les apprentis espions piaffent d’impatience, au point de « planter le serveur » à la fin de l’été 2008 tant le système est sollicité.

    Le système Eagle n’est parfaitement opérationnel que début 2010, et commence vite à porter ses fruits. Saleh D. est arrêté le 3 janvier 2011, les services libyens lui mettent sous le nez ses mails sur Yahoo du printemps 2010. Mohamed G. est interpellé le 18 février 2011, les policiers ont avec eux un message qu’il a envoyé à l’ambassade du Canada le 27 septembre 2007, extrait des profondeurs de sa messagerie. Mohamed A. est arrêté le 16 février 2011. « On m’a montré des preuves écrites. Ils m’ont montré des retranscriptions de mes conversations téléphoniques, SMS et copies de mails tirés de ma messagerie. Je ne sais pas par quel moyen ils ont accès à toutes mes correspondances. »

    Lire aussi : Des internautes libyens torturés entendus par un juge français

    En France, la direction d’Amesys est un peu gênée. Elle explique que « le contrat a été signé dans un contexte international de rapprochement diplomatique avec la Libye qui souhaitait lutter contre le terrorisme et les actes perpétrés par Al-Qaida ». Nicolas Sarkozy a effectivement rendu visite au colonel Kadhafi en juillet 2007, et le dictateur libyen a planté sa tente en décembre dans les jardins de l’hôtel Marigny, la résidence des hôtes de marque, pour sa première visite à Paris depuis trente-quatre ans.

    « Le contrat concernait la mise à disposition d’un matériel d’analyse portant sur une fraction des connexions Internet existantes, soit quelques milliers », assurait modestement Amesys en 2011 –– contre l’évidence.

    Une plainte pour complicité de torture

    La Fédération internationale des droits de l’homme (FIDH) et la Ligue des droits de l’homme ont déposé plainte à Paris contre les quatre sociétés du groupe Amesys le 19 octobre 2011, pour « complicité de torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants » –– les juridictions françaises sont compétentes si une personne physique ou morale, accusée d’atrocités quelque part dans le monde, « se trouve en France ». « Amesys a nécessairement eu conscience de l’aide et de l’assistance portée au régime libyen, indique la plainte, et n’a cessé sa collaboration avec ce dernier non pas pour mettre un terme à des crimes, mais en considération du renversement d’alliance entre la France et la Libye. »

    C’est peu dire que la plainte a été reçue avec des pincettes. Le procureur de Paris –– sur instructions écrites du procureur général –– a estimé qu’il n’y avait pas lieu de l’instruire, et a soutenu que « les liens contractuels et de coopération ayant existé entre la société Amesys et le régime libyen de Mouammar Kadhafi relèvent uniquement d’actes de commerce ordinaire ne pouvant recevoir de qualification pénale ».

    Le juge d’instruction est passé outre, le procureur a cependant fait appel, la cour d’appel a balayé ses arguments le 15 janvier 2013 et ordonné la poursuite de l’instruction, confiée aux trois magistrats du nouveau pôle « génocide et crimes contre l’humanité ». Mais quinze mois ont été perdus.

    Qosmos, l’art de la sonde

    Eagle, pour analyser les données, a besoin de sondes sur le réseau pour les trier. Cette « brique » technologique permet, par exemple, d’en extraire les métadonnées (qui communique avec qui, quand, et où, sans avoir le contenu même du message –– l’équivalent des fadettes pour les téléphones) ou de bloquer des sites, surveiller les mails et les sites Web, extraire les mots de passe : ce que les informaticiens appellent le DPI, deep packet inspection, ou inspection en profondeur des paquets.

    Or, une petite start-up française est justement à la pointe du DPI. Elle s’appelle Qosmos –– de Qos, quality of service, et Mos (mean opinion score), un standard qui permet de mesurer la qualité de la voix sur la Toile. Elle a été fondée en 2000 par cinq chercheurs du Lip 6, le laboratoire d’informatique de Paris-VI, rejoint fin 2005 par un manager qui a fait ses armes dans la Silicon Valley, Thibaut Bechetoille. Il en fait une véritable entreprise, épaulée par l’Etat lorsque le Fonds stratégique d’investissement (FSI), créé par Nicolas Sarkozy pour sécuriser le capital d’entreprises stratégiques, y investit 10 millions d’euros en septembre 2011.

    Qosmos se targue de pouvoir extraire plus de 6000 métadonnées du flux Internet, et se dit la meilleure sur le marché. L’ancêtre d’Amesys, i2e, lui passe commande le 12 mars 2007 d’une sonde baptisée Jupiter, qui doit « récupérer l’ensemble du flux d’informations qui a circulé sur le réseau » et être opérationnelle en novembre 2011. Il est convenu de faire un point avec le client tous les vendredis à 11 heures. C’est secret : « La solution sera livrée sans aucune référence à Jupiter, insiste la société, la présence de la marque est une clause de rupture de contrat. »

    Qosmos travaille d’arrache-pied mais les résultats sont peu probants. Amesys escompte des débits de l’ordre du gigabit, Qosmos arrive à peine à faire du 10 megabits (cent fois moins), et ne parvient pas à extraire le contenu des correspondances par mail. Amesys opte donc en septembre 2008 pour la sonde d’un fournisseur allemand, Ipoque. Cela permet à Qosmos d’insister aujourd’hui « sur le fait que même pendant la durée du contrat liant Qosmos et Amesys, la technologie de Qosmos n’a pas été opérationnelle en Libye ». C’est vrai, mais ce n’est pas faute d’avoir essayé.

    Lire aussi : Qosmos collabore avec le renseignement français

    Sur le coup, Qosmos juge la rupture de contrat « inexplicable » et « injustifiée » et confirme au Monde qu’elle a réclamé 80 000 euros de dédommagement à Amesys. Mais le PDG d’Amesys est devenu celui du puissant groupe Bull, et on conseille à Qosmos de trouver « une solution amiable ».

    Dans l’entreprise, un homme au moins commence à se poser des questions : James Dunne, un Irlandais de 49 ans, arrivé chez Qosmos en 2005 comme rédacteur technique et devenu au fil du temps responsable de la documentation technique. C’est lui qui met en forme les modes d’emploi pour les clients et, à la différence des ingénieurs qui travaillent chacun sur un bout de projet, il a une vue d’ensemble du produit final.

    Il envoie le 24 octobre 2007 un mail au patron, Thibaut Bechetoille, avec tous les salariés en copie, où il s’inquiète de « l’utilisation de la technologie Qosmos à des fins de fichage et interception » et s’interroge sur le « code de conduite éthique » de l’entreprise « quand nous sommes tenus au secret par des clients qui n’existent pas ? » –– c’est-à-dire des clients que seuls les dirigeants connaissent. On le rassure, Qosmos a une attitude responsable et éthique.

    En juin 2009, les locaux de Qosmos, désormais classés confidentiel-défense, sont puissamment sécurisés, insonorisés, avec accès individuel par clés électroniques. Qosmos est désormais techniquement à l’abri des oreilles indiscrètes, et juridiquement de la curiosité des juges. A l’été 2011, la plupart des membres du personnel d’Amesys et de Qosmos découvrent avec accablement dans la presse que le projet Eagle sur lequel ils ont travaillé était destiné à espionner les opposants de Kadhafi.

    Lire aussi : Qosmos : des marchés à Macao et Bahreïn

    Le nom de Qosmos apparaît pour la première fois le 6 octobre 2011 dans un article de Mediapart, qui explique que « tous les voyages de la direction de Bull en Libye, notamment de l’actuel PDG de Bull, Philippe Vannier, étaient planifiés par Ziad Takieddine ». Chez qui les journalistes trouvent un document en anglais, « Spécifications techniques du programme de sécurité nationale » de la société i2e – avant qu’elle devienne Amesys. Un mode d’emploi, qui donne à titre d’exemple une liste de mails extraite d’Internet et qui viennent tous du Lip 6, le laboratoire informatique de Paris-VI. D’où sont issus les fondateurs de Qosmos.

    Fureur des chercheurs, qui découvrent qu’ils ont été espionnés en 2004 par Qosmos, la start-up voisine de leurs locaux dans le 15e arrondissement. L’un des patrons de la société vient s’en expliquer devant les chercheurs espionnés, avoue que c’était « maladroit » mais n’en fait pas un fromage : les gens étaient « au courant », bien qu’ils n’aient pas franchement donné leur accord, et il leur indique en passant que, d’ailleurs, « les trafics sont filtrés sur le réseau de l’université » et que ce n’est pas illégal. La réunion, un peu houleuse, a été enregistrée clandestinement et est disponible sur le site Reflets, l’un des meilleurs spécialistes de ces questions.

    Le projet Asfador

    James Dunne, à Qosmos, est effondré. Quand il entend le ministre de la défense de l’époque, Hervé Morin, expliquer que le matériel de surveillance livré à un dictateur notoire vise à « traquer des pédophiles et des terroristes », c’est pour lui « se moquer du monde ».

    Comme un malheur n’arrive jamais seul, l’agence Bloomberg publie le 4 novembre 2011 une dépêche retentissante, qui explique que, alors que la répression en Syrie a déjà fait 3 000 morts depuis mars, une compagnie italienne, Area SpA, travaille à Damas pour installer un système d’espionnage du Net. Le système est fourni par une société allemande, Utimaco, avec des sondes du français Qosmos et des unités de stockage du californien Sunnyvale. C’est le projet Asfador, du nom d’un monsieur qui aurait spontanément appelé les Italiens pour leur dire qu’ils auraient intérêt à répondre à l’appel d’offres. On n’a jamais su qui était cet Asfador, mais la société italienne a emporté le marché de 13 millions d’euros.

    Qosmos a signé un contrat avec Utimaco Safeware AG le 16 novembre 2009. Les sondes de surveillance et d’interception des communications ixM-Li (Qosmos information extraction machine for legal interception) devaient être opérationnelles en 2011, avec des obligations de maintenance et de mise à jour jusqu’au 16 novembre 2013. Qosmos a fait des progrès : les « robustes sondes d’interception de Qosmos » sont désormais capables de monter en charge « de centaines de mégabits par seconde à des dizaines de gigabits par seconde », se réjouit le directeur produit d’Utimaco. Qosmos assure qu’elle peut intercepter 5,3 millions de sessions en simultané et stocker deux ans de métadonnées au lieu de six mois auparavant.

    Quand éclate le scandale de la collaboration avec la Syrie, Thibaut Bechetoille indique que « l’évolution des événements en Syrie à l’été 2011 a amené Qosmos, pour des raisons éthiques et cela avant les publications dans la presse de novembre 2011, à se retirer du projet Asfador le 17 octobre 2011 ».

    La déclaration ne coïncide pas vraiment avec celle qu’il avait faite à Bloomberg le 4 novembre, indiquant que « ce n’était pas bien de continuer à soutenir le régime », et que la société avait décidé « quatre semaines plus tôt » de se retirer du marché. Le vice-président marketing et communication de Qosmos, Erik Larsson, ajoutait combien il était « compliqué techniquement et contractuellement » de se retirer du partenariat.

    Utimaco, de son côté, certifie que Qosmos a prévenu dès le 2 mai qu’elle rompait le partenariat et cessait toute livraison ou services à partir de novembre. L’entreprise allemande ajoute perfidement que ce n’est pas nécessairement pour des raisons éthiques : « Nous soulignons que les livraisons de Qosmos avant réception de la lettre de résiliation ont été partiellement défectueuses et incomplètes, n’obtenant pas ainsi l’acceptation technique d’Utimaco. »… Quoi qu’il en soit, si Qosmos s’est dégagée en mai, pourquoi dit-elle avoir rompu le contrat à l’été, au vu « de l’évolution des événements en Syrie » ?

    James Dunne assure de son côté « qu’il nous a été annoncé en interne, fin mars 2012, que Qosmos continuerait pour des raisons contractuelles à fournir des mises à jour à Utimaco dans le cadre de ce même contrat pendant les deux années à venir ». La mise à jour majeure de la sonde ixM-Li 4.12 a été livrée à Utimaco le 31 décembre comme prévu, assure pourtant James Dunne, et la documentation technique (les « Release Notes » et le « Configuration Guide 4.12 ») le 31 janvier 2012.

    Qosmos répond qu’« une confusion a été faite par certains entre le projet Asfador et d’autres projets conduits par Utimaco ». James Dunne assure qu’il n’a jamais entendu parler d’autres contrats avec Utimaco, et, s’il y en avait « de plus avouables », pourquoi la société n’en a jamais parlé ?

    Le projet syrien est en tout cas terminé, l’entreprise italienne, Area, qui avait obtenu le marché d’espionnage abandonne à son tour le 28 novembre.

    Nouvelle plainte

    La FIDH et la Ligue des droits de l’homme ont déposé une nouvelle plainte, le 25 juillet, auprès du parquet de Paris, qui vise Qosmos pour la fourniture de matériel de surveillance au régime de Bachar Al-Assad. « Alors que les autorités françaises dénoncent avec fermeté les exactions perpétrées par Bachar Al-Assad, a expliqué Patrick Baudouin, président d’honneur de la FIDH, il est indispensable que toute la lumière soit faite sur l’éventuelle implication de sociétés françaises dans la fourniture de matériel de surveillance au régime syrien ». Qosmos a contre-attaqué en portant plainte en septembre pour dénonciation calomnieuse.

    James Dunne, en pleine dépression, a fini par être licencié le 13 décembre 2012. Il avait posté en février 2011 sur sa page Facebook un lien vers un article, « Le DPI est-il une arme ? », puis écrit des commentaires désagréables pour Qosmos sur Mediapart. « Vous aviez un accès privilégié à des informations internes, confidentielles et particulièrement sensibles concernant certains de nos clients », écrit Qosmos, qui l’a licencié pour faute lourde, « manquement à l’obligation de confidentialité et de loyauté » et « détention non autorisée de documents internes avec intention de les divulguer à un tiers ».

    Thibaut Bechetoille et James Dunne ont été entendus par le parquet de Paris et ont livré des pièces pour étayer leurs propos. Le procureur hésite encore à ouvrir une information judiciaire ; l’avocat de Qosmos, Me Benoît Chabert, est confiant : « Il n’y a rien dans le dossier. » Pourtant, « compte tenu des liens entre Amesys et Qosmos sur la Libye, indique de son côté Me Emmanuel Daoud, l’un des avocats de la FIDH, nous souhaitons que le parquet se décide à ouvrir une information judiciaire sur Qosmos et qu’elle soit elle aussi confiée aux trois magistrats déjà chargés du dossier Amesys ».

    La bataille se poursuit aussi du côté des prud’hommes, où Me Claude Katz, l’avocat de James Dunne, a expliqué le 23 octobre qu’on voulait sanctionner un lanceur d’alertes. Qosmos a répondu qu’il avait manqué à ses obligations de confidentialité et de loyauté. Le conseil, avec deux voix pour, deux voix contre, n’a pas été en mesure de trancher et le dossier va revenir aux prud’hommes devant un magistrat professionnel.

    Franck Johannès

  • Des internautes libyens torturés entendus par un juge français
    http://abonnes.lemonde.fr/societe/article/2013/10/28/des-internautes-libyens-tortures-devant-un-juge-francais_3503939_322

    Jalal A. arrêté le 10 février 2011 à Benghazi, en Libye

    Jalal A. a été arrêté le 10 février 2011 à Benghazi, en Libye. Il écrivait des articles sous pseudonyme sur Internet pour dénoncer le régime et la corruption –– les agents de la sûreté en avaient copie, ainsi que des messages qu’il avait envoyés de sa boîte mail depuis 2004. Plusieurs de ses contacts ont aussi été arrêtés. Son témoignage a été recueilli le 25 juin 2013 par le juge d’instruction parisien Claude Choquet, l’un des magistrats chargés du dossier Amesys.

    "J’ai été torturé pendant quatre jours par des décharges électriques, des coups de pied, toutes sortes de coups. On m’a suspendu aux portes, sans parler de la torture psychologique et morale, car on m’interdisait d’aller aux toilettes, de dormir. Les agents de sûreté libyens sont très compétents dans plusieurs méthodes de torture."

    "J’étais suspendu en haut de la porte, le corps d’un côté, et de l’autre côté les mains menottées. Mes pieds ne touchaient pas terre. Ils repoussaient la porte comme pour la fermer, et je restais ainsi bloqué et suspendu, pendant qu’ils m’interrogeaient. J’étais habillé mais j’avais une cagoule sur la tête. Je restais comme ça selon leurs besoins et, quand ils avaient fini de m’interroger, ils ouvraient brutalement la porte et je tombais. Ça pouvait durer quinze minutes ou trois heures, selon leur humeur (…...)"

    "Il y avait deux méthodes pour l’électricité, soit par un bâton électrique, soit par des câbles. Je ressentais la décharge, mais je ne voyais pas l’objet. Pour le câble, on m’enlevait la chemise. Ils touchaient les parties sensibles, derrière les oreilles, les parties génitales et le ventre, au niveau du nombril. Ils me frappaient avec un câble électrique très épais, sur toutes les parties du corps sans exception." Jalal a été libéré onze jours après son arrestation.

    Mohamed A. arrêté le 16 février 2011

    Mohamed A. a été arrêté le 16 février 2011, et relâché six mois et cinq jours plus tard. Il avait posté une vidéo sur la révolution tunisienne et correspondait avec des journalistes, des opposants et des juristes. Il a témoigné devant le juge français dans l’affaire Amesys le 27 juin 2013.

    "Le 20 février [2011] , on m’a sorti de ma cellule à 3 heures du matin. On m’a présenté au directeur de la prison d’Abou Salim. Il dormait sur un matelas dans une tente et il était ivre. Il y avait un groupe de militaires à côté de lui. Il a commencé à m’insulter et à m’humilier. Les soldats ont commencé à me frapper et à se moquer de moi en disant : “’Vous, les internautes !’” J’avais les pieds nus et ils m’ont mis un sac sur la tête. On m’a fait marcher à un endroit où il y avait des épines et où il faisait noir. On me tirait avec violence. Quelquefois, on me laissait me cogner contre le mur et d’autres fois on me poussait contre le mur."

    "Ensuite, on m’a fait entrer dans un endroit sombre. Il y avait cinq personnes, on m’a fait me mettre à genoux face au mur. Ils n’ont pas arrêté de m’insulter, de m’humilier. Ils disaient : “’Tu vas voir ce qu’on va faire de toi.’” Ils m’ont rappelé que, courant 1996, il y a eu une tuerie dans cette prison, 1 250 personnes sont mortes. Ils faisaient comme s’ils allaient me tuer immédiatement (...…). J’étais à genoux et j’ai senti l’arme sur mon cou, et j’ai entendu l’armement de la culasse."

    Mohamed G. arrêté le 17 février 2011

    Mohamed G., étudiant, a posté des messages contestataires sous pseudonyme sur Facebook et Yahoo. Arrêté le 17 février 2011, libéré le 24 août, il a témoigné devant le juge le 5 juillet 2013.

    "Au départ, ils m’ont demandé de me déshabiller, j’ai enlevé le haut et mes chaussures mais j’ai refusé d’enlever mon pantalon. (...…) Ils ont utilisé une sorte de bâton un peu flexible et ils m’ont donné des coups sur toutes les parties du corps. Ensuite, ils ont ramené une machine électrique avec laquelle ils me touchaient le corps à plusieurs endroits dont les parties génitales, et j’ai gardé des traces de cela pendant longtemps."

    "Il y avait aussi une autre position, mon corps était allongé sur le dos au sol et mes jambes sur le siège d’une chaise ; l’un des tortionnaires s’asseyait sur mes jambes, un autre sur la poitrine. L’un d’eux a ramené une bouteille d’eau de 1,5 litre et m’a fait boire toute la bouteille. Après, ils m’ont mis en position devant la fenêtre ouverte, j’étais debout, j’étais torse et pieds nus, c’était l’hiver, il faisait froid. (...…) J’ai fini par bouger un peu ma tête. Je ne voyais rien derrière et, lorsque j’ai bougé un peu ma tête, j’ai reçu un coup de cendrier dans la tête. Ils m’ont dit que si j’avais besoin d’aller aux toilettes je devais faire dans mon pantalon."

    Franck Johannès

  • Qosmos : des marchés à Macao et Bahreïn
    http://abonnes.lemonde.fr/societe/article/2013/10/28/qosmos-des-marches-a-macao-et-bahrein_3504048_3224.html

    Qosmos, comme saint Paul, a été touché par la grâce sur le chemin de Damas. Après avoir travaillé sur des sondes qui permettaient d’espionner sur Internet les opposants libyens ou syriens – sondes « qui n’ont jamais été opérationnelles », répète l’entreprise –, elle a décidé en 2011, « pour des raisons éthiques », de ne plus travailler pour les dictatures.

    Qosmos n’a certes jamais négocié directement avec Kadhafi ou Bachar Al-Assad ; elle fournissait des outils qui permettent d’extraire les données qui transitent par Internet à des intégrateurs, des entreprises qui avaient, elles, signé des contrats avec ces régimes. Qosmos ne pouvait ignorer qui était le client final, d’autant que ses sondes doivent être adaptées à chaque système local d’interception.

    Lire aussi : Des internautes libyens torturés devant un juge français

    Le PDG de Qosmos va plus loin : « Ce que nous pouvons dire, c’est que parallèlement à l’arrêt du projet Asfador [sur la Syrie], nous avons pris en 2011 la décision d’arrêter toute commercialisation de produits Qosmos à des intégrateurs et équipementiers d’interception légale », a indiqué au Monde Thibaut Bechetoille.

    C’est un peu contradictoire avec le cœur de métier de Qosmos, d’autant que l’interception légale – au service des Etats – est l’un des marchés les plus rémunérateurs.

    Qosmos travaillait d’ailleurs avec la police judiciaire de Macao, l’ancienne colonie portugaise sous administration chinoise – pas connue pour son indulgence avec la société d’interception de communications Al-Fahad de Dubaï, ou avec Nokia Siemens Network (NSN), l’un de ses gros clients à partir de 2008. Le système d’espionnage de Nokia a fait scandale à Bahreïn – « la torture à Bahreïn est devenue une routine avec l’aide de Nokia Siemens », indiquait en août 2011 l’agence Bloomberg. NSN a ensuite délégué le contrat à l’entreprise allemande Trovicor GmbH, à laquelle Qosmos a livré des sondes d’interception de courriels.

    Franck Johannès

  • Qosmos collabore avec le renseignement français
    http://abonnes.lemonde.fr/societe/article/2013/10/28/qosmos-collabore-avec-le-renseignement-francais_3503940_3224.html

    La technologie de Qosmos intéresse évidemment les services secrets français. « Seule la technologie Qosmos fournit les applications en temps réel qui permettent d’identifier plus de 97% du trafic et d’en extraire des métadonnées détaillées », indique fièrement l’entreprise. Qosmos travaille depuis 2007 avec le renseignement, dans le cadre d’un projet appelé « Kairos » –– le « moment opportun » chez les Grecs de l’Antiquité.

    Kairos était un dieu représenté par un jeune homme avec une touffe de cheveux sur la tête. Quand il passait à proximité, soit on ne le voyait pas, soit on ne faisait rien, soit on attrapait ses cheveux et on saisissait l’opportunité. Qosmos préfère évidemment la première solution.

    Une Kairos Business Unit, au sein de la division recherche et développement de Qosmos, garantissait encore en 2012 la présence d’ingénieurs trois jours par semaine dans des lieux secrets, « encadrés par des militaires », a indiqué James Dunne, un ancien salarié de Qosmos. « Nos contrats commerciaux sont soumis à des obligations de confidentialité », répète au Monde le PDG de l’entreprise, Thibaut Bechetoille, qui se dit « dans l’impossibilité » de commenter cette affirmation.

    SECRET DE POLICHINELLE

    Mais la collaboration de Qosmos avec les « services » est un secret de Polichinelle. L’un des fondateurs de l’entreprise, Eric Horlait, l’a reconnu à demi-mot en 2011 devant les chercheurs de Paris-VI, dont les mails avaient été interceptés à leur insu.

    « Dans le petit monde, tout le monde sait exactement ce qui s’est passé [sur la Libye], mais personne n’a intérêt à le dire », a indiqué M. Horlait, enregistré clandestinement. Le site Reflets, particulièrement bien informé, a publié la transcription. « Allez voir la DGSE en France, avant d’aller voir qui utilise tel ou tel matériel à tel ou tel endroit pour faire telle ou telle chose. Vous connaissez les fabricants des équipements qu’utilise la DGSE pour faire des écoutes légales en France ? »

    « Qosmos travaille ou pourrait travailler pour les RG Français ? », demande un chercheur.

    « Ecoutez mes propos, vous aurez la réponse, poursuit M. Horlait. C’est un problème de déchiffrage, hein, c’est pas très compliqué. (…...) Il y a eu un énorme marché –– juste pour illustrer les choses ––, la France, je pense que ce que j’ai dit, hein, vous avez la réponse à ta question sur les services français. (…...) Parce que notre beau pays dont on pense qu’il est tout de même raisonnablement démocratique (...…), il faut bien reconnaître que c’est notre pays qui le fait. On a ces gens qui le font au nom de...… Ça se comprend aussi, mais c’est comme ça. Tous les pays, même démocratiques, raisonnablement, ont leurs perversions. »

    Et de conclure : « Et à un moment donné, quand vous développez des technologies de ce type-là...… Je suis certain, un jour ou l’autre, que les technologies de Qosmos se retrouveront dans des usages parfaitement critiquables, sur le plan déontologique. Est-ce que c’est une raison suffisante pour ne pas développer cette société, je n’en sais rien. »

    Franck Johannès

  • Espionnage de masse : des sociétés françaises au service de dictatures
    http://abonnes.lemonde.fr/societe/article/2013/10/28/espionnage-de-masse-des-societes-francaises-au-service-de-dictatures

    Les deux journalistes du Wall Street Journal sont entrés avec précaution, le 29 août 2011, dans le vaste hall de l’immeuble. Il s’ouvre sur une grande salle déserte, propre et obscure ; une photo géante et souriante de Mouammar Kadhafi pend de travers dans un couloir. – le régime est tombé une semaine plus tôt, le Guide est en fuite quelque part, il n’y a plus grand monde au centre de surveillance libyen, un bâtiment de six étages au coeur de Tripoli.

    Dans un petit bureau, un fauteuil défoncé, deux sofas horribles et un cendrier plein. Plus loin, les salles d’espionnage. Froides, modernes, grises et noires, façon Pentagone sauf que la table est hexagonale, et que le désordre est indescriptible. Des cartons en vrac, des documents passés en hâte à la broyeuse, des centaines de dossiers, de cassettes, des morceaux d’ordinateurs. Et des dossiers d’opposants. Au mur, une carte de la Jamahiriya libyenne, avec cet avertissement en anglais : « Aidez-nous à garder notre travail secret. Ne parlez pas d’informations classifiées hors du quartier général ». Avec le logo d’une entreprise, Amesys, une société française du groupe Bull.

    Ce sont effectivement les Français qui ont installé le système d’espionnage libyen, avec une filiale de Boeing, Narus, une société chinoise ZTE Corp, et une sud-africaine, VSTech. Il y a un pense-bête, le nom et les coordonnées du responsable français à joindre en cas de problème technique. Le responsable du « projet Eagle », fort bien résumé sur une affichette du centre : « Où beaucoup de systèmes d’interception d’Internet consistent à filtrer les adresses IP ou à extraire seulement ces communications du flux global (interception légale), Eagle analyse et stocke toutes les communications (interception massive) ».

    Amesys est née en 2007 de la fusion de deux petites sociétés, i2e et Artware, spécialisées dans les hautes technologies, avant d’être rachetée trois ans plus tard par Bull, le poids lourd de l’informatique française. Tour de force : c’est le patron de la petite Amesys, Philippe Vannier, qui est devenu le PDG de Bull.… Il avait proposé dès décembre 2006 un système d’espionnage massif aux autorités libyennes, il a lui-même signé le contrat en décembre 2007 à Tripoli, sous l’œil bienveillant d’Abdallah Al-Senoussi, beau-frère de Kadhafi et chef des services secrets libyens – condamné en 1999 par contumace à la perpétuité en France pour son rôle dans l’attentat du DC-10 d’UTA, qui a coûté la vie à 170 personnes.

    La société allemande Rohde & Schwarz faisait à l’époque le siège de Tripoli pour les interceptions radio, les Sud-Africains de Saab Grintek, les Allemands de Atis et les Danois de ETI Connect pour les interceptions téléphoniques. Philippe Vannier obtient le marché du Net : un contrat de 26,5 millions d’euros, selon Mediapart, sur lequel l’incontournable intermédiaire des marchés d’armement de l’ancienne majorité, Ziad Takieddine, a touché 4,5 millions de commission.

    La surveillance à l’échelle d’une nation

    Le système d’espionnage Eagle est, il est vrai, d’excellente qualité. « Le système massif a été conçu pour répondre aux besoins d’interception et de surveillance à l’échelle d’une nation, expose sans détour la plaquette de promotion d’Amesys, publiée par le site Owni. Complètement et facilement connectables aux systèmes existants, les produits massifs conçus par Amesys sont les meilleures réponses à vos besoins. »

    Eagle est capable de livrer automatiquement les adresses personnelles et les adresses mail, les numéros de téléphone, les photos des suspects et aussi de faire des recherches par date, heure, numéro de téléphone, mots-clés, géolocalisation, « ce qui permet d’obtenir une vision claire des différentes activités de vos cibles ». Le système déchiffre aussi bien l’arabe que le croate, le tamoul, le japonais que le farsi ou le mandarin. C’est pratique.

    Amesys fait appel en 2008 à des anciens de la Direction du renseignement militaire (DRM) pour former les jeunes espions libyens. « Nous leur avons appris comment trouver des cibles dans le flow massif du pays, a indiqué un militaire retraité retrouvé par Le Figaro, et nous avons travaillé sur des cas d’école. Par exemple, comment placer une université sous interception et trouver des individus suspects en fonction de mots-clés. » C’est pédagogique : « On leur avait montré comment trouver tous les Libyens qui allaient sur lefigaro.fr et sur lemonde.fr. » Après trois semaines de formation, les apprentis espions piaffent d’impatience, au point de « planter le serveur » à la fin de l’été 2008 tant le système est sollicité.

    Le système Eagle n’est parfaitement opérationnel que début 2010, et commence vite à porter ses fruits. Saleh D. est arrêté le 3 janvier 2011, les services libyens lui mettent sous le nez ses mails sur Yahoo du printemps 2010. Mohamed G. est interpellé le 18 février 2011, les policiers ont avec eux un message qu’il a envoyé à l’ambassade du Canada le 27 septembre 2007, extrait des profondeurs de sa messagerie. Mohamed A. est arrêté le 16 février 2011. « On m’a montré des preuves écrites. Ils m’ont montré des retranscriptions de mes conversations téléphoniques, SMS et copies de mails tirés de ma messagerie. Je ne sais pas par quel moyen ils ont accès à toutes mes correspondances. »

    Lire aussi : Des internautes libyens torturés entendus par un juge français

    En France, la direction d’Amesys est un peu gênée. Elle explique que « le contrat a été signé dans un contexte international de rapprochement diplomatique avec la Libye qui souhaitait lutter contre le terrorisme et les actes perpétrés par Al-Qaida ». Nicolas Sarkozy a effectivement rendu visite au colonel Kadhafi en juillet 2007, et le dictateur libyen a planté sa tente en décembre dans les jardins de l’hôtel Marigny, la résidence des hôtes de marque, pour sa première visite à Paris depuis trente-quatre ans.

    « Le contrat concernait la mise à disposition d’un matériel d’analyse portant sur une fraction des connexions Internet existantes, soit quelques milliers », assurait modestement Amesys en 2011 –– contre l’évidence.

    Une plainte pour complicité de torture

    La Fédération internationale des droits de l’homme (FIDH) et la Ligue des droits de l’homme ont déposé plainte à Paris contre les quatre sociétés du groupe Amesys le 19 octobre 2011, pour « complicité de torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants » –– les juridictions françaises sont compétentes si une personne physique ou morale, accusée d’atrocités quelque part dans le monde, « se trouve en France ». « Amesys a nécessairement eu conscience de l’aide et de l’assistance portée au régime libyen, indique la plainte, et n’a cessé sa collaboration avec ce dernier non pas pour mettre un terme à des crimes, mais en considération du renversement d’alliance entre la France et la Libye. »

    C’est peu dire que la plainte a été reçue avec des pincettes. Le procureur de Paris –– sur instructions écrites du procureur général –– a estimé qu’il n’y avait pas lieu de l’instruire, et a soutenu que « les liens contractuels et de coopération ayant existé entre la société Amesys et le régime libyen de Mouammar Kadhafi relèvent uniquement d’actes de commerce ordinaire ne pouvant recevoir de qualification pénale ».

    Le juge d’instruction est passé outre, le procureur a cependant fait appel, la cour d’appel a balayé ses arguments le 15 janvier 2013 et ordonné la poursuite de l’instruction, confiée aux trois magistrats du nouveau pôle « génocide et crimes contre l’humanité ». Mais quinze mois ont été perdus.

    Qosmos, l’art de la sonde

    Eagle, pour analyser les données, a besoin de sondes sur le réseau pour les trier. Cette « brique » technologique permet, par exemple, d’en extraire les métadonnées (qui communique avec qui, quand, et où, sans avoir le contenu même du message –– l’équivalent des fadettes pour les téléphones) ou de bloquer des sites, surveiller les mails et les sites Web, extraire les mots de passe : ce que les informaticiens appellent le DPI, deep packet inspection, ou inspection en profondeur des paquets.

    Or, une petite start-up française est justement à la pointe du DPI. Elle s’appelle Qosmos –– de Qos, quality of service, et Mos (mean opinion score), un standard qui permet de mesurer la qualité de la voix sur la Toile. Elle a été fondée en 2000 par cinq chercheurs du Lip 6, le laboratoire d’informatique de Paris-VI, rejoint fin 2005 par un manager qui a fait ses armes dans la Silicon Valley, Thibaut Bechetoille. Il en fait une véritable entreprise, épaulée par l’Etat lorsque le Fonds stratégique d’investissement (FSI), créé par Nicolas Sarkozy pour sécuriser le capital d’entreprises stratégiques, y investit 10 millions d’euros en septembre 2011.

    Qosmos se targue de pouvoir extraire plus de 6000 métadonnées du flux Internet, et se dit la meilleure sur le marché. L’ancêtre d’Amesys, i2e, lui passe commande le 12 mars 2007 d’une sonde baptisée Jupiter, qui doit « récupérer l’ensemble du flux d’informations qui a circulé sur le réseau » et être opérationnelle en novembre 2011. Il est convenu de faire un point avec le client tous les vendredis à 11 heures. C’est secret : « La solution sera livrée sans aucune référence à Jupiter, insiste la société, la présence de la marque est une clause de rupture de contrat. »

    Qosmos travaille d’arrache-pied mais les résultats sont peu probants. Amesys escompte des débits de l’ordre du gigabit, Qosmos arrive à peine à faire du 10 megabits (cent fois moins), et ne parvient pas à extraire le contenu des correspondances par mail. Amesys opte donc en septembre 2008 pour la sonde d’un fournisseur allemand, Ipoque. Cela permet à Qosmos d’insister aujourd’hui « sur le fait que même pendant la durée du contrat liant Qosmos et Amesys, la technologie de Qosmos n’a pas été opérationnelle en Libye ». C’est vrai, mais ce n’est pas faute d’avoir essayé.

    Lire aussi : Qosmos collabore avec le renseignement français

    Sur le coup, Qosmos juge la rupture de contrat « inexplicable » et « injustifiée » et confirme au Monde qu’elle a réclamé 80 000 euros de dédommagement à Amesys. Mais le PDG d’Amesys est devenu celui du puissant groupe Bull, et on conseille à Qosmos de trouver « une solution amiable ».

    Dans l’entreprise, un homme au moins commence à se poser des questions : James Dunne, un Irlandais de 49 ans, arrivé chez Qosmos en 2005 comme rédacteur technique et devenu au fil du temps responsable de la documentation technique. C’est lui qui met en forme les modes d’emploi pour les clients et, à la différence des ingénieurs qui travaillent chacun sur un bout de projet, il a une vue d’ensemble du produit final.

    Il envoie le 24 octobre 2007 un mail au patron, Thibaut Bechetoille, avec tous les salariés en copie, où il s’inquiète de « l’utilisation de la technologie Qosmos à des fins de fichage et interception » et s’interroge sur le « code de conduite éthique » de l’entreprise « quand nous sommes tenus au secret par des clients qui n’existent pas ? » –– c’est-à-dire des clients que seuls les dirigeants connaissent. On le rassure, Qosmos a une attitude responsable et éthique.

    En juin 2009, les locaux de Qosmos, désormais classés confidentiel-défense, sont puissamment sécurisés, insonorisés, avec accès individuel par clés électroniques. Qosmos est désormais techniquement à l’abri des oreilles indiscrètes, et juridiquement de la curiosité des juges. A l’été 2011, la plupart des membres du personnel d’Amesys et de Qosmos découvrent avec accablement dans la presse que le projet Eagle sur lequel ils ont travaillé était destiné à espionner les opposants de Kadhafi.

    Lire aussi : Qosmos : des marchés à Macao et Bahreïn

    Le nom de Qosmos apparaît pour la première fois le 6 octobre 2011 dans un article de Mediapart, qui explique que « tous les voyages de la direction de Bull en Libye, notamment de l’actuel PDG de Bull, Philippe Vannier, étaient planifiés par Ziad Takieddine ». Chez qui les journalistes trouvent un document en anglais, « Spécifications techniques du programme de sécurité nationale » de la société i2e – avant qu’elle devienne Amesys. Un mode d’emploi, qui donne à titre d’exemple une liste de mails extraite d’Internet et qui viennent tous du Lip 6, le laboratoire informatique de Paris-VI. D’où sont issus les fondateurs de Qosmos.

    Fureur des chercheurs, qui découvrent qu’ils ont été espionnés en 2004 par Qosmos, la start-up voisine de leurs locaux dans le 15e arrondissement. L’un des patrons de la société vient s’en expliquer devant les chercheurs espionnés, avoue que c’était « maladroit » mais n’en fait pas un fromage : les gens étaient « au courant », bien qu’ils n’aient pas franchement donné leur accord, et il leur indique en passant que, d’ailleurs, « les trafics sont filtrés sur le réseau de l’université » et que ce n’est pas illégal. La réunion, un peu houleuse, a été enregistrée clandestinement et est disponible sur le site Reflets, l’un des meilleurs spécialistes de ces questions.

    Le projet Asfador

    James Dunne, à Qosmos, est effondré. Quand il entend le ministre de la défense de l’époque, Hervé Morin, expliquer que le matériel de surveillance livré à un dictateur notoire vise à « traquer des pédophiles et des terroristes », c’est pour lui « se moquer du monde ».

    Comme un malheur n’arrive jamais seul, l’agence Bloomberg publie le 4 novembre 2011 une dépêche retentissante, qui explique que, alors que la répression en Syrie a déjà fait 3 000 morts depuis mars, une compagnie italienne, Area SpA, travaille à Damas pour installer un système d’espionnage du Net. Le système est fourni par une société allemande, Utimaco, avec des sondes du français Qosmos et des unités de stockage du californien Sunnyvale. C’est le projet Asfador, du nom d’un monsieur qui aurait spontanément appelé les Italiens pour leur dire qu’ils auraient intérêt à répondre à l’appel d’offres. On n’a jamais su qui était cet Asfador, mais la société italienne a emporté le marché de 13 millions d’euros.

    Qosmos a signé un contrat avec Utimaco Safeware AG le 16 novembre 2009. Les sondes de surveillance et d’interception des communications ixM-Li (Qosmos information extraction machine for legal interception) devaient être opérationnelles en 2011, avec des obligations de maintenance et de mise à jour jusqu’au 16 novembre 2013. Qosmos a fait des progrès : les « robustes sondes d’interception de Qosmos » sont désormais capables de monter en charge « de centaines de mégabits par seconde à des dizaines de gigabits par seconde », se réjouit le directeur produit d’Utimaco. Qosmos assure qu’elle peut intercepter 5,3 millions de sessions en simultané et stocker deux ans de métadonnées au lieu de six mois auparavant.

    Quand éclate le scandale de la collaboration avec la Syrie, Thibaut Bechetoille indique que « l’évolution des événements en Syrie à l’été 2011 a amené Qosmos, pour des raisons éthiques et cela avant les publications dans la presse de novembre 2011, à se retirer du projet Asfador le 17 octobre 2011 ».

    La déclaration ne coïncide pas vraiment avec celle qu’il avait faite à Bloomberg le 4 novembre, indiquant que « ce n’était pas bien de continuer à soutenir le régime », et que la société avait décidé « quatre semaines plus tôt » de se retirer du marché. Le vice-président marketing et communication de Qosmos, Erik Larsson, ajoutait combien il était « compliqué techniquement et contractuellement » de se retirer du partenariat.

    Utimaco, de son côté, certifie que Qosmos a prévenu dès le 2 mai qu’elle rompait le partenariat et cessait toute livraison ou services à partir de novembre. L’entreprise allemande ajoute perfidement que ce n’est pas nécessairement pour des raisons éthiques : « Nous soulignons que les livraisons de Qosmos avant réception de la lettre de résiliation ont été partiellement défectueuses et incomplètes, n’obtenant pas ainsi l’acceptation technique d’Utimaco. »… Quoi qu’il en soit, si Qosmos s’est dégagée en mai, pourquoi dit-elle avoir rompu le contrat à l’été, au vu « de l’évolution des événements en Syrie » ?

    James Dunne assure de son côté « qu’il nous a été annoncé en interne, fin mars 2012, que Qosmos continuerait pour des raisons contractuelles à fournir des mises à jour à Utimaco dans le cadre de ce même contrat pendant les deux années à venir ». La mise à jour majeure de la sonde ixM-Li 4.12 a été livrée à Utimaco le 31 décembre comme prévu, assure pourtant James Dunne, et la documentation technique (les « Release Notes » et le « Configuration Guide 4.12 ») le 31 janvier 2012.

    Qosmos répond qu’« une confusion a été faite par certains entre le projet Asfador et d’autres projets conduits par Utimaco ». James Dunne assure qu’il n’a jamais entendu parler d’autres contrats avec Utimaco, et, s’il y en avait « de plus avouables », pourquoi la société n’en a jamais parlé ?

    Le projet syrien est en tout cas terminé, l’entreprise italienne, Area, qui avait obtenu le marché d’espionnage abandonne à son tour le 28 novembre.

    Nouvelle plainte

    La FIDH et la Ligue des droits de l’homme ont déposé une nouvelle plainte, le 25 juillet, auprès du parquet de Paris, qui vise Qosmos pour la fourniture de matériel de surveillance au régime de Bachar Al-Assad. « Alors que les autorités françaises dénoncent avec fermeté les exactions perpétrées par Bachar Al-Assad, a expliqué Patrick Baudouin, président d’honneur de la FIDH, il est indispensable que toute la lumière soit faite sur l’éventuelle implication de sociétés françaises dans la fourniture de matériel de surveillance au régime syrien ». Qosmos a contre-attaqué en portant plainte en septembre pour dénonciation calomnieuse.

    James Dunne, en pleine dépression, a fini par être licencié le 13 décembre 2012. Il avait posté en février 2011 sur sa page Facebook un lien vers un article, « Le DPI est-il une arme ? », puis écrit des commentaires désagréables pour Qosmos sur Mediapart. « Vous aviez un accès privilégié à des informations internes, confidentielles et particulièrement sensibles concernant certains de nos clients », écrit Qosmos, qui l’a licencié pour faute lourde, « manquement à l’obligation de confidentialité et de loyauté » et « détention non autorisée de documents internes avec intention de les divulguer à un tiers ».

    Thibaut Bechetoille et James Dunne ont été entendus par le parquet de Paris et ont livré des pièces pour étayer leurs propos. Le procureur hésite encore à ouvrir une information judiciaire ; l’avocat de Qosmos, Me Benoît Chabert, est confiant : « Il n’y a rien dans le dossier. » Pourtant, « compte tenu des liens entre Amesys et Qosmos sur la Libye, indique de son côté Me Emmanuel Daoud, l’un des avocats de la FIDH, nous souhaitons que le parquet se décide à ouvrir une information judiciaire sur Qosmos et qu’elle soit elle aussi confiée aux trois magistrats déjà chargés du dossier Amesys ».

    La bataille se poursuit aussi du côté des prud’hommes, où Me Claude Katz, l’avocat de James Dunne, a expliqué le 23 octobre qu’on voulait sanctionner un lanceur d’alertes. Qosmos a répondu qu’il avait manqué à ses obligations de confidentialité et de loyauté. Le conseil, avec deux voix pour, deux voix contre, n’a pas été en mesure de trancher et le dossier va revenir aux prud’hommes devant un magistrat professionnel.

    Franck Johannès

  • Antonio Muñoz Molina : « La démocratie n’est pas naturelle. Il faut faire de la pédagogie »
    http://abonnes.lemonde.fr/societe/article/2013/10/24/antonio-munoz-molina-la-democratie-n-est-pas-naturelle-il-faut-faire

    Entretien avec Antonio Muñoz Molina

    Le monde tel qu’on le connaît vous semble fragile...

    Quand on vit en Europe, on s’habitue, c’est naturel, au fait que nos enfants puissent aller dans une école publique décente, au fait que l’on puisse aller chez le médecin ou dans un hôpital qui va nous soigner, ou simplement à marcher tranquillement dans la rue, des choses impossibles dans de nombreux pays d’Amérique latine. Il faut se demander ce qui est fondamental, ce sans quoi on ne peut pas vivre de vie décente. Pour moi, cela consiste en peu de chose : la santé, l’éducation, le règne de la loi. Voir un policier et ne pas devoir lui payer de pot-de-vin ou craindre d’être emprisonné.

    Et que proposez-vous ? Le tableau que vous dessinez d’institutions politisées qui sont gangrenées d’incompétents et de corrompus, de partis qui, à gauche comme à droite, sont victimes d’une crise morale, laisse peu de place à l’espoir.

    On peut avoir confiance en la régénération du système. En Espagne, le pouvoir politique a agi avec une autonomie absolue, sans contre-feu de l’administration. Les nominations dépendent des caprices politiques. Les tribunaux eux-mêmes sont politisés. Ni la presse ni l’opinion publique n’ont exercé leur rôle de contrôle, souvent par collusion. Aujourd’hui, tout le monde écrit sur les exagérations urbanistiques, mais pourquoi n’ont-ils pas dit cela avant ?

    À l’occasion de la parution de « TOUT CE QUE L’ON CROYAIT SOLIDE » d’Antonio Muñoz Molina (Seuil, 256 p., 21 euros). [pas lu]

    Sur la crise espagnole, où crise morale et crise urbanistique se conjuguent, lire aussi (vraiment déprimant) : Rafael Chirbes, Crémation (Rivages 2009) http://www.payot-rivages.net/livre_Cremation-Rafael-Chirbes_ean13_9782743618940.html

  • Le Parlement face à l’opacité du « Big Brother » français
    Le Monde daté du 23 août
    http://abonnes.lemonde.fr/societe/article/2013/08/22/le-parlement-et-l-opacite-du-big-brother-francais_3464597_3224.html
    http://www.lemonde.fr/societe/article/2013/08/22/ce-qu-ont-dit-les-responsables-des-services-secrets-devant-les-deputes_34646

    La DPR essaie, dans son communiqué, de concilier deux approches que tout oppose. L’approche légale d’abord : « La délégation rappelle que les interceptions des flux de données, en France, sont réalisées dans le cadre de la loi de 1991 relative aux interceptions de sécurité », c’est-à-dire aux écoutes. Cette loi de 1991 a été fondue dans le code de la sécurité intérieure. Si les interceptions « concernent des résidents français, elles sont obligatoirement soumises à l’autorisation préalable de la Commission nationale de contrôle des interceptions de sécurité (#CNCIS), selon des motifs déterminés par la loi et la jurisprudence de cette commission ».

    La CNCIS est une toute petite structure : cinq personnes, plus deux secrétaires et un chauffeur. Elle est présidée par un magistrat honoraire et composée de deux parlementaires, dont Jean-Jacques Urvoas, président de la commission des lois de l’Assemblée. Le gros du travail est abattu par le délégué général et un chargé de mission.

    Le contrôle, même si la Commission le conteste, est sommaire : 6 396 interceptions ont été demandées en 2011. Et 541 en « urgence absolue » : la CNCIS se fait un devoir d’y répondre en moins d’une heure et a créé une permanence.

    Elle a refusé ou interrompu 99 interceptions en 2011, soit 1,5 % des demandes. Si l’on ajoute les 619 écoutes en matière de terrorisme qu’elle a épluchées, les 16 visites aux centres d’écoute et le traitement du courrier, on comprendra que la commission n’a ni le temps ni le droit de se pencher sur les #métadonnées de la #DGSE, leur interceptions comme leur stockage, et encore moins sur leur consultation par les autres services.

    #france #surveillance #secret

    Comment les démocraties encadrent le #renseignement

    Selon les pays, le contrôle des #services_secrets s’est structuré de diverses manières. Le Canada ou la Belgique disposent d’un comité de surveillance du renseignement, autonome et apolitique, qui n’a aucun lien de dépendance avec le Parlement mais lui adresse des rapports annuels. Les Etats-Unis, Israël ou l’Allemagne ont confié cette tâche à leurs corps législatifs respectifs. La Grande-Bretagne a créé un comité qui dépend du seul premier ministre mais qui comprend en son sein des parlementaires. Enfin, des pays ont opté pour un contrôle échappant aux institutions parlementaires. En Australie ou en Suisse, un inspecteur général assume cette fonction. La Nouvelle-Zélande, l’Espagne et la Suède ont confié cette compétence à une autorité judiciaire.

    En lien : http://seenthis.net/messages/146890
    http://bugbrother.blog.lemonde.fr/2013/07/11/la-dgse-a-le-droit-despionner-ton-wi-fi-ton-gsm-et-ton-gps-a
    http://seenthis.net/messages/153692

    • Compléments du Canard du mercredi 28 août : « La faille juridique qui permet à la DGSE de singer la NSA », à propos de la possibilité de créer une autorité indépendance pour contrôler les services secrets :

      une disposition méconnue leur permet [aux barbouzes] de capter en douce une masse énorme d’informations sans en référer à quiconque. L’article 20 de la loi de 1991 prévoit que la CNCIS n’a pas à se mêler « des mesures prises par les pouvoirs publics pour assurer, aux seules fins de défense des intérêts nationaux, la surveillance et le contrôle des transmissions empruntant la voie hertzienne ». (...)

      « L’article 20, c’est la zone grise, confie Jean-Jacques Urvoas au “Canard”. On touche là à l’incapacité du gouvernement de contrôler les méthodes des services. » Car la loi de 1991 n’avait pas prévu la formidable extension des mémoires d’ordinateurs. Or la DGSE ne se contente pas de balayer : après avoir capté des données plus ou moins au hasard (les professionnels disent « sniffer »), elle conserve — sans aucune limite de temps — tout ce que ramassent ses balayettes électroniques. Comme la souligné « Le Monde » (23/8), il s’agit de « métadonnées » (...)

      Les mots de passe utilisés par tout un chacun subissent le même traitement : « Nous stockons bien évidemment tous les mots de passe. Nous avons des dictionnaires de millions de mots de passe », avait imprudemment avoué, en juin 2010, Bernard Barbier, le directeur technique de la DGSE, au cours d’une rencontre avec des professionnels de la sécurité informatique. Le même avait alors ajouté : « Toutes ces métadonnées, on les stocke sur des années, et, quand on s’intéresse à une adresse IP ou à un numéro de téléphone, on va chercher dans nos bases de données, on retrouve la liste de ses correspondants pendant des années et on arrive à reconstituer tout son réseau. »

      Cette formidable bibliothèque est également mise à la disposition des services de police — et plus particulièrement de la #DCRI. Et cela en dehors de tout contrôle, puisque la CNCIS n’a pas le droit de se mêler de ces histoires de « balayage hertzien ».

  • Trappes : radiographie d’une émeute

    http://abonnes.lemonde.fr/societe/article/2013/08/16/trappes-radiographie-d-une-emeute_3462360_3224.html

    Il y a un mois, dans la nuit du vendredi 19 au samedi 20 juillet, une brutale poussée de violence a tenu éveillé le quartier défavorisé des Merisiers, à Trappes (Yvelines). A l’origine, un contrôle d’identité qui tourne mal, la veille. Celui de Cassandra, une jeune femme de 21 ans portant le voile intégral. « On n’est pas à Kaboul ! », lui aurait lâché un policier. Son mari, Mickael, 20 ans, s’est interposé. Il est soupçonné d’avoir tenté d’étrangler un des fonctionnaires et a été placé en garde à vue.

    Comme dans d’autres cités, aux Merisiers, les relations entre jeunes et forces de l’ordre sont loin d’être au beau fixe. Mais, de l’avis des habitants, de la police et des élus, un élément inédit a cette fois participé à l’engrenage qui a conduit aux deux nuits de heurts : une solidarité religieuse, ingrédient absent des violences urbaines qui ont marqué ces dernières années.

  • Soudain, face à François Hollande, une femme donne un visage au chômage
    http://abonnes.lemonde.fr/societe/article/2013/08/10/soudain-face-a-francois-hollande-une-femme-donne-un-visage-au-chomag

    Pendant deux ou trois minutes, une femme fluette au verbe posé a incarné, face au président de la République, ce chômage qu’il a érigé en priorité gouvernementale. Nathalie Michaud a transformé l’abstraction – les 3 538 500 demandeurs d’emploi – en un visage, un regard, une trajectoire de vie bien réels, et bien rudes.

  • Le droit de porter le voile à l’université remis en question
    Stéphanie Le Bars
    Lemonde.fr, 5 août 2013

    http://abonnes.lemonde.fr/societe/article/2013/08/05/le-droit-de-porter-le-voile-a-la-fac-remis-en-question_3457436_3224.

    C’est un rapport alarmiste et une proposition polémique que le Haut Conseil à l’intégration (HCI) a légués à l’Observatoire de la laïcité, détenteur depuis avril des prérogatives de sa mission sur la laïcité. Dans l’un de leurs derniers travaux que Le Monde s’est procuré, les membres de cette mission, menée par l’inspecteur général de l’éducation nationale Alain Seksig, se sont intéressés au respect de la neutralité religieuse dans l’enseignement supérieur.

    Face aux « nombreux contentieux intervenus dans tous les secteurs de la vie universitaire », le rapport émet douze propositions parmi lesquelles l’adoption d’une loi interdisant « dans les salles de cours, lieux et situations d’enseignement et de recherche des établissements publics d’enseignement supérieur, les signes et tenues manifestant ostensiblement une appartenance religieuse ».

    Sans aller jusqu’à étendre à l’enseignement supérieur la loi de 2004 en vigueur dans le second degré, l’idée est bien d’interdire aux étudiantes musulmanes de porter le voile islamique pendant les cours. Une proposition potentiellement polémique, alors que se discute l’opportunité d’interdire les signes religieux, et principalement le voile, dans d’autres sphères de la société française.

    Lire aussi Voile intégral : une loi difficilement applicable

    A l’appui de leur proposition, les rapporteurs rappellent la loi Savary de 1984, qui précise que la liberté d’expression accordée aux usagers de l’enseignement supérieur « ne doit pas porter atteinte aux activités d’enseignement et à l’ordre public ». Les rapporteurs précisent aussi que le code de l’éducation prévoit que « le service public de l’enseignement supérieur est laïque et indépendant de toute emprise politique, économique, religieuse ou idéologique ». Ils « voient donc mal pourquoi l’enseignement supérieur camperait dans un hypothétique statut d’extraterritorialité ».

    UNE « MONTÉE DE REVENDICATIONS IDENTITAIRES ET COMMUNAUTARISTES »

    Selon les auditions menées ces derniers mois par la mission sur la laïcité, « certaines universités » sont en butte à « des demandes de dérogation pour justifier une absence, au port de signes d’appartenance religieuse, à des actes de prosélytisme, à la récusation de la mixité tant au niveau des étudiants que des enseignants, à la contestation du contenu des enseignements, à l’exigence de respect des interdits alimentaires, à l’octroi de lieux de culte ou de locaux de réunion à usage communautaire... »

    "Les problèmes n’ont pas disparu, ne se sont pas raréfiés mais se sont banalisés, indique le rapport. Des personnalités auditionnées parlent même « d’actions souterraines » (associations cultuelles masquées, conférences à contenu politico-religieux, etc.). Des professeurs nous signalent, par exemple, la difficulté qu’ils éprouvent parfois à organiser des binômes d’étudiants des deux sexes pour des travaux de groupe."

    Lire les témoignages (édition abonnés) « C’est une injustice de ne pas pouvoir travailler avec son voile »

    Largement fondé sur une enquête de la Conférence des présidents d’université (CPU) de 2004, le rapport évoque aussi, sans les quantifier ni les situer, des atteintes à la laïcité « dans certaines universités où des tenants de courants chrétiens évangéliques ou néobaptistes critiquent les théories darwiniennes de l’évolution au profit de thèses créationnistes. Ailleurs, des écrits de Voltaire, de Pascal ou de Camus peuvent être rejetés ». La mission « laïcité » du HCI relaie donc le « malaise d’un nombre croissant d’enseignants » face à ces « symptômes de la montée de revendications identitaires et communautaristes, de fermeture, voire d’ostracisme, de refus de certains savoirs ».

    BILAN POSITIF DE LA LOI DE 2004

    S’il reconnaît que « tous les établissements ne sont pas touchés par ces phénomènes » et que certains y ont apporté « des solutions concrètes et apaisantes », le HCI craint néanmoins une certaine « cacophonie » et juge « préférable d’anticiper ».

    Il estime donc « nécessaire que l’ensemble des établissements publics d’enseignement supérieur intègrent un article dans leur règlement intérieur visant à prévenir les contestations ou récusations d’enseignement ». Il recommande « l’insertion de l’étude du principe de laïcité dans les programmes des formations débouchant sur un métier des fonctions publiques d’État, hospitalière ou territoriale ou sur un métier des carrières sanitaires et sociales ».

    La mission « laïcité » propose enfin que « toute occupation d’un local par une association étudiante fasse l’objet d’une convention d’affectation des locaux, qui ne peuvent en aucun cas être affectés aux cultes ». Dans la même ligne, « les Crous étant soumis au principe de laïcité, ils ne peuvent compter de lieu de culte sur leur site, ni fournir de restauration de nature confessionnelle ».

    Dans ce contexte, le Haut conseil à l’intégration rappelle que « la loi de mars 2004 a contribué à diminuer les tensions dans les établissements du secondaire ». L’Observatoire de la laïcité, dans son point d’étape remis le 25 juin au président de la République, établit aussi un bilan positif de la loi de 2004, mais ne paraît pas pour autant enclin à reprendre les conclusions du HCI.

    « Nous entendons nous faire notre propre religion », indique-t-on à l’Observatoire. Ces recommandations devraient être publiées dans le rapport annuel du HCI, à l’automne, à moins que l’Observatoire de la laïcité, soucieux « d’apaisement » sur ces sujets, ne préfère les enterrer.

    #islamophobie

    • D’ailleurs, y’a l’articulet d’Élisabeth Badinter conseillant aux femmes voilées d’aller vivre en Afghanistan qui tourne beaucoup sur Facebook ces temps-ci. Sous couvert, de #féminisme, bien sûr…
      Cette adresse date d’il y a quelques années je crois mais sa réapparition prépare bien le terrain.
      http://www.media-web.fr/elizabeth-badinter-et-le-port-volontaire-du-voile-integral-78-104-1167.htm
      Je vois une référence à ce texte sur LMSI en 2010…
      http://lmsi.net/Un-feminisme-selectif

      #la_france_tu_l_aimes_ou_tu_la_quittes

    • A propos des Territoires perdus de la République, ouvrage collectif paru sous la direction d’Emmanuel Brenner [évoqué là par @le_bougnoulosophe http://seenthis.net/messages/163146 ], qui inspire encore aujourd’hui le Haut comité à l’intégration (à la désintégration devrait-on dire), organisme islamophobe qui vient de préconiser l’interdiction du foulard à l’Université. Deux extraits de mon livre, L’islam, la République et le monde. (@alaingresh)
      http://www.fayard.fr/lislam-la-republique-et-le-monde-9782012792531

      "Rejeté verbalement en France, le concept de « choc des civilisations », forgé et popularisé aux États-Unis, s’installe pourtant peu à peu dans les consciences. Emmanuel Brenner, toujours lui, l’évoque dans Les Territoires perdus de la République, un livre qu’il a dirigé sur la montée de l’antisémitisme et du sexisme dans les établissements scolaires. Cet ouvrage a marqué les esprits, a reçu des éloges presque unanimes et, selon le bandeau qui accompagne sa nouvelle édition, « a fait basculer le débat sur la laïcité à l’école » (lire chapitre consacré). Dans sa préface, Emmanuel Brenner nous met en garde : « Évoquer un conflit de valeurs, c’est aujourd’hui prendre le risque de se voir cataloguer partisan des thèses de Samuel Huntington et de son “choc des civilisations”. Refuser de voir et de nommer un péril ne l’a jamais fait reculer. Il l’a seulement exacerbé. » (…)

      L’un des thèmes rabâchés par ce livre est le risque d’une capitulation, d’un « Munich » face aux islamistes. « Le laxisme ambiant face à la poussée antisémite, explique Emmanuel Brenner, coordinateur de l’ouvrage, et au-delà face au travail de sape des valeurs n’est pas limité à l’école, on s’en doute. La société française tout entière est logée à la même enseigne, moralement désarmée, intellectuellement en panne de projet face à la poussée d’une foi qui, par le biais de l’islamisme, travaille une communauté nombreuse. » Dans la guerre engagée, les musulmans ne comprennent que la force. C’est « notre » force qui, seule, peut « les » calmer.

      Élise Jacquard, enseignante dans un établissement du nord de Paris, témoigne dans Les Territoires perdus de la République, après « la déclaration de guerre du 11 septembre 2001. C’est dans ces termes-là que la chose a été vécue au lycée, le dévergondage [sic !] précédemment observé ayant débouché sur une joie triomphale qui se lisait sur les visages des élèves et s’exprimait dans les comportements. Là, c’était sûr, cette fois ils [notons que ce “ils” fait référence à des élèves en majorité français, mais de confession musulmane] avaient la victoire, et s’ils toléraient encore les professeurs devant eux, c’était dans la perspective des aviateurs américains tombés au Viêt-Nam et promenés au milieu des foules 21 ». Elle ajoute, quelques pages plus loin, après la victoire américaine en Afghanistan, que les élèves, naguère rebelles, sont devenus des républicains convaincus. « Il faut donc admettre que, contrairement à ce qu’on lit dans les médias, cet écrasement par la force a redonné du lustre à l’Occident, et comment, en tout cas, ce sont les États-Unis qui ont pu dans les classes rendre la dignité aux professeurs abandonnés par l’État français 22 ». Merci, George W. Bush, d’avoir aidé à rétablir l’ordre dans ces « territoires perdus »… Et d’avoir évité ainsi un nouveau Munich…"

    • On jette tellement de voiles pudiques sur :
      – la non réglementation du monde de la finance
      – les activités illégales menées par l’Etat et ses sbires
      – l’accroissement des inégalités
      – les dépenses d’armement
      – les 68 (au hasard) engagements du présidentiable qui ne seront même jamais envisagés en vrai (c’est peut-être mieux comme ça)
      – ...

      Qu’il est plus que temps d’interdire les usages religieux du voile. Le marché court à la pénurie là.

  • Révélations sur le Big Brother français - LeMonde.fr
    http://abonnes.lemonde.fr/societe/article/2013/07/04/revelations-sur-le-big-brother-francais_3441973_3224.html

    La France aussi dispose d’un dispositif d’espionnage des télécommunications à grande échelle. La DGSE collecte les métadonnées de nos communications d’une manière clandestine, « a-légale ».  Tags : internetactu2net fing internetactu #surveillance

  • #Affaire_Tapie : Lagarde a opté pour l’arbitrage « en totale connaissance de cause », selon Richard
    http://abonnes.lemonde.fr/societe/article/2013/06/24/affaire-tapie-lagarde-a-opte-pour-l-arbitrage-en-totale-connaissance

    Stéphane Richard a assuré, lundi 24 juin, que l’ex-ministre de l’économie Christine Lagarde, dont il était le directeur de cabinet à #Bercy, avait opté « en totale connaissance de cause » pour l’arbitrage pour régler le litige qui opposait Bernard Tapie au Crédit lyonnais sur la vente d’Adidas.

    #corruption #plo

  • L’efficacité limitée du financement public de la recherche
    http://abonnes.lemonde.fr/societe/article/2013/06/10/l-efficacite-limitee-du-financement-public-de-la-recherche_3427151_3

    Et si on s’était fourré le doigt dans l’oeil depuis 2005 avec cette superniche fiscale pour les entreprises

    Les magistrats notent aussi une inconnue de taille : l’effet du crédit impôt recherche (CIR), une dépense fiscale consistant à rembourser aux entreprises une partie de leurs dépenses de R & D. Sur les 25 milliards d’euros supplémentaires injectés par l’Etat, 11,2 milliards correspondent au CIR, soit 45 % de l’effort. Or, la Cour renvoie à un prochain rapport pour connaître enfin l’effet véritable de cette niche fiscale dont plusieurs rapports antérieurs ont déjà pointé certains défauts. La Cour s’inquiète aussi de la montée en puissance du CIR : « Il sera difficile de concilier la croissance attendue de la dépense fiscale et le maintien d’une priorité en matière de crédits budgétaires alloués à la recherche. »

    On apprend aussi que la France exporte plus qu’elle n’importe de propriété intellectuelle, avec une balance positive de 4,4 milliards d’euros. Une satisfaction a priori mais qui s’accompagne d’un manque de développement d’activités économiques sur le territoire.

    Des entreprises qui ne sont pas à la hauteur ou qui préfère elle-même externaliser leur effort de recherche...
    #LRU
    #université
    #recherche

  • Rappel à l’ordre sur les fouilles à nu en #prison
    http://abonnes.lemonde.fr/societe/article/2013/06/07/rappel-a-l-ordre-sur-les-fouilles-a-nu-en-prison_3426030_3224.html

    Le #Conseil_d'Etat a donné un avertissement très sec au #gouvernement en interdisant solennellement, jeudi 6 juin, les fouilles à nu systématiques dans les prisons. Elles sont interdites depuis la loi pénitentiaire de 2009 et contraires à la jurisprudence constante de la Cour européenne – la France a même été condamnée le 20 janvier 2011 sur le cas de Philippe #El_Shennawy, fouillé en 2008 quatre à huit fois par jour, avec inspection anale, le tout filmé par un policier.

    La prison [Fleury] compte 3 882 personnes, et 14 séries de parloirs ont lieu chaque jour, soit pour un mois et demi, entre le 17 avril et le 31 mai, environ 10 000 parloirs pour la maison d’arrêt des hommes, soit 256 par jour (il n’y en a pas le dimanche), et autant de #fouilles à nu. 213 objets interdits ont été découverts – quelques grammes de haschich, des billets de banque, des puces téléphoniques –, c’est-à-dire que les fouilles sont infructueuses à 97,87 %.