Devenir agent de recensement dans votre commune

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  • #Grigny, commune lésée pour compte des #statistiques - Libération
    http://www.liberation.fr/societe/2013/02/05/grigny-commune-lesee-pour-compte-des-statistiques_879631

    Dans le Libé d’hier un « mini-dossier » sur le recensement, en particulier à Grigny (pas forcément très lu puisqu’il était derrière le paywall temporaire de 24 heures destiné à protéger la version papier — qui n’a pas été disponible en kiosque…)

    De l’article principal (lien ci-dessus) :

    Le maire de Grigny estime perdre chaque année environ 1,5 million d’euros de dotations, à cause de ce qu’il n’hésite pas à nommer « une erreur manifeste de l’#Insee ».
    (…)
    Philippe Rio dit ne pas connaître les raisons exactes du différentiel. Une des hypothèses les plus probables (lire l’interview ci-contre) serait la présence importante à Grigny de personnes sans-papiers, mais surtout d’hébergements illégaux. Notamment dans la gigantesque copropriété de Grigny 2, une ville dans la ville conçue à la fin des années 60. Elle compte 5 000 logements sur les 8 800 recensés à Grigny. Dans cette copropriété dégradée, le nombre d’habitants varie de 12 000 à… 17 000, selon les estimations.

    (…)

    Pour autant, « le mythe des sans-papiers hébergés illégalement » ne suffit pas, d’après le maire, à expliquer une aussi forte proportion d’« invisibles » sur sa commune. Selon lui, la nouvelle méthode de #recensement de l’Insee n’est pas étrangère à ces mauvais comptes. Depuis 2004, cette dernière ne procède plus au recensement exhaustif décennal mais réalise des sondages à partir d’un recensement réalisé chaque année sur 8% de la population.

    L’interview ci-contre est sans doute (pas d’autre interview)

    Interview de Laurent Chalard, géographe (qui) conteste les méthodes de l’Insee et dénonce un tabou sur la population étrangère http://www.liberation.fr/societe/2013/02/05/la-france-ne-connait-pas-son-solde-migratoire_879632

    Aussi curieux que cela puisse paraître, la France ne connaît pas son solde migratoire. Derrière tout cela, il y a le grand tabou des chiffres de l’immigration, un vieux tabou politique français.

    Et, pour finir (?), les repères (sans doute un encadré dans la version papier) : http://www.liberation.fr/societe/2013/02/05/reperes_879633

    26 860

    C’est la population légale de la ville de Grigny. Mais elle serait, selon le maire, plus proche de 30 000. L’administration fiscale l’estime pour sa part à 29 393, et l’assurance maladie à 29 500.

    Beaucoup de choses dans cet/ces article(s), pas que du bon… l’impact final risquant bien de se résumer à erreur manifeste et, pour ceux qui ont tout lu, beurk, sondage (et donc n-ième variante du lies, big lies and statistics…)

    Ce qu’il faut retenir sur le fond finalement, c’est :

    Philippe Rio (le maire de Grigny) a annoncé à Libération qu’il allait engager un recours contre l’Insee.

    ce qui, je crois, doit être une première, le recensement ne donnant traditionnellement pas lieu, en France, matière à contentieux juridique.

    Mes commentaires à suivre en … commentaires…

    • Sur le fond, je ne pense pas que le recours de M. Rio ait de grandes chances de prospérer.

      1. comme le fait remarquer l’Insee (disclaimer : je ne suis pas de la maison…) contacté par la journaliste :

      L’Insee Ile-de-France, très sceptique sur ces critiques, explique que « tout le monde a intérêt à avoir des chiffres justes ». Elle renvoie la balle dans le camp du maire, rappelant que le recensement est réalisé sur le terrain par les services municipaux et sur la base des répertoires d’immeubles établis par les mairies. « Il existe des outils de discussion en cas de désaccord. Entre l’envoi de la population légale en décembre et sa publication au Journal officiel en janvier, le maire a un mois pour faire connaître ses éventuelles remarques. Grigny ne l’a pas fait », souligne un responsable de l’Institut.

      cf. leur page institutionnelle destinée aux collectivités locales : http://www.insee.fr/fr/publics/default.asp?page=collectivites/recensement.htm

      La loi [de 2002, dans sa partie sur la rénovation du recensement] clarifie la répartition des rôles entre l’Insee et les communes et instaure de fait un partenariat plus étroit pour la mise en oeuvre des enquêtes de recensement.
      La collecte des informations est organisée et contrôlée par l’Insee.
      Les enquêtes de recensement sont préparées et réalisées par les communes ou les établissements publics de coopération intercommunale qui reçoivent, à ce titre, une dotation forfaitaire de l’État.

      Conséquence pratique, les agents recenseurs sont recrutés et rémunérés par la commune.

      2. La sous-déclaration aux enquêtes de recensement est un phénomène très général et pas spécifique à Grigny (dont plus de 95% de la population est située en ZUS (Zone Urbaine Sensible) — record de France.
      Ainsi, aux États-Unis pour le recensement de l’an 2000, le projet du Bureau du recensement de redresser les résultats des centres ville en estimant la sous-déclaration par des enquêtes post-censitaires (oui, oui, le projet était bien de redresser l’exhaustif à l’aide de sondages…) a donné lieu à des batailles homériques, pas vraiment justifiées sur des arguments méthodologiques mais plutôt par les conséquences politiques, qui ont terminé devant la Cour suprême. Laquelle, par une décision serrée (5 contre 4), a affirmé le principe du « head count ».
      cf. (en très résumé) le paragraphe sur le sujet dans ledit recensement :
      http://en.wikipedia.org/wiki/Census_2000#Adjustment_controversy
      ou, un article de l’époque (plus circonstancié) :
      http://lubbockonline.com/stories/012699/LG3054.shtml

      3. le coup de patte à la méthodologie par sondage (ça ne peut pas faire de mal) n’est pas pertinent ici (il l’est beaucoup plus dans l’interview de L. Chalard).
      Exhaustif ou par sondage, le recensement est basé sur le répertoire exhaustif des logements. La difficulté, dans les deux méthodes, est le passage des logements (ménages) aux personnes. Et là, la seule source d’information est la personne qui renseigne les documents du recensement qui lui sont remis :
      Feuille de logement : http://www.insee.fr/fr/methodes/sources/pdf/questionnaire_RP_feuille_logement.pdf
      Bulletin individuel (un par personne) : http://www.insee.fr/fr/methodes/sources/pdf/questionnaire_RP_bulletin_individuel.pdf
      L’agent recenseur (employé par la mairie, petit boulot temporaire bien connu) est chargé de récupérer les documents.
      http://territorial.over-blog.fr/article-27550499.html

      Et on sait parfaitement que les personnes qui ne remplissent pas les questionnaires sont très loin d’être toutes des personnes en situation irrégulière.

    • Pour l’interview, comme il est bien gentil Laurent Chalard, il va peut-être nous dire comment on fait pour connaître le solde migratoire ?…

      Ah oui, c’est facile :

      Pour le calculer, il faudrait avoir le nombre d’entrées sur le territoire et celui des sorties.

      Ah flûte, il y a un conditionnel (faudrait). Ben oui, c’est un des cas d’emploi du conditionnel : l’irréel du présent. Si, en plus, on se dit que ce solde migratoire on cherche à le connaître non seulement au niveau du territoire national mais au niveau de chaque entité géographique, on voit bien qu’on a aussi affaire à un irréel du futur

      Ce qui fait que pour estimer le solde migratoire et bien on se contente de déterminer le solde (tout court) d’ajustement pour expliquer la variation de la population entre deux recensement compte tenu de l’accroissement naturel. D’ailleurs pour Grigny, le solde migratoire est négatif depuis pas mal de temps.

      L. Chalard a bien sûr raison quand il parle de l’impact de l’introduction de sondage dans la méthode du recensement. En particulier, elle introduit une incertitude liée à l’échantillonnage — incertitude d’ailleurs estimée puisqu’aléatoire. Contrairement à l’incertitude non aléatoire (et le biais éventuel, cf. commentaire précédent…) qui entache des dénombrements par recensement exhaustif. Là où le problème est le plus aigu (et c’est d’ailleurs l’exemple qu’il prend) c’est dans les calculs d’évolution et les comparaisons d’une année sur l’autre, puisque, rappelons-le, l’enquête est annuelle mais n’interroge qu’un cinquième de l’échantillon chaque année (groupes de rotation) et donc les estimations portent chaque année sur des logements différents.

      Ces dernières années, le solde migratoire est officiellement d’environ + 50 000. Mais on ne voit pas bien à quoi cela correspond. Pas forcément à la réalité en tout cas.

      Que le solde migratoire estimé ne corresponde pas forcément à la réalité est une évidence (cf. début de ce commentaire).

      Le grand tabou des chiffres de l’immigration ?
      Ok, comment on fait pour connaitre les vrais chiffres de l’immigration ? (Au passage, dit comme ça, ça a tout de suite une autre connotation…)

      Si tabou il y a, en revanche, c’est celui de l’indépendance de l’Insee. Le Code de bonnes pratiques de la statistique européenne d’Eurostat http://epp.eurostat.ec.europa.eu/cache/ITY_OFFPUB/KS-32-11-955/FR/KS-32-11-955-FR.PDF mentionne dans son premier principe :

      L’indépendance professionnelle des autorités statistiques à l’égard aussi bien des autres instances et services politiques, réglementaires ou administratifs, que des opérateurs du secteur privé, assure la crédibilité des statistiques européennes.

      (j’adore son frontispice, gravé dans le marbre en capitales romaines…)

      En France, il y a un petit souci c’est que

      L’Institut national de la statistique et des études économiques (Insee) est une direction générale du ministère de l’Économie et des Finances.
      Il s’agit donc d’une administration publique, dont les salariés sont des agents de l’État, qu’ils aient ou non le statut de fonctionnaire. L’Insee est soumis aux règles de la comptabilité publique ; les crédits dont il dispose figurent au budget général de l’État.

      source : http://www.insee.fr/fr/insee-statistique-publique/default.asp

      Mais, comme on est entre gens bien, le Rapport de l’évaluation par les pairs de l’Institut de statistique français sur la mise en oeuvre du Code de bonnes pratiques effectué en 2007 sous l’égide d’Eurostat conclue sur ce premier principe :

      Évaluation d’ensemble : par opposition à la situation généralement observée dans d’autres pays, l’indépendance de l’Institut National Statistique français en matière statistique n’est pas inscrite dans le droit. Néanmoins, notre opinion est que, en pratique, l’indépendance professionnelle est une composante importante de la culture Insee et une valeur forte parmi le personnel. En dépit de son manque d’indépendance inscrite dans le droit, l’Insee est généralement considéré comme un institut statistique de grande qualité.

      source : http://www.insee.fr/fr/insee-statistique-publique/connaitre/rapport_fr.pdf

      C’est donc une affaire de culture et d’opinion générale…

    • Enfin, pour les Repères (et les différents chiffres de population), plusieurs remarques.

      1. C’est quand même assez bizarre de voir que le chiffre retenu pour la population de Grigny est celui de 26 860. D’une part, c’est celui de l’année dernière (population légale 2012, date de référence 1/01/09).
      Mais c’est surtout celui de la population municipale (ex-population sans double compte) et donc justement pas celui qui est utilisé pour calculer les différentes dotations. La base des dotations est la population totale : au chiffre précédent, il faut ajouter la population comptée à part. En général, ça ne fait pas une grande différence, dans le cas de Grigny, on passerait de 26 860 à 27 026 (pop. légale 2012) et pour les chiffres 2013 (date de référence 1/01/10, disponibles depuis fin décembre 2012 et sujets traditionnels d’un marronnier…) on a
      – population municipale : 26 638
      – population totale (légale) : 26 796

      2. la population fiscale 29 393 (que l’on trouve dans la fiche de la commune de Grigny (tableau REV T2, p. 11) http://www.statistiques-locales.insee.fr/FICHES%5CDL%5CDEP%5C91%5CCOM%5CDL_COM91286.pdf ) correspond au nombre de personnes dans les ménages fiscaux est bien connue de l’Insee. En effet, dans les travaux préparatoires des opérations de recensement figure un rapprochement avec le fichier (fiscal) de la taxe d’habitation (puisque la base de comptage sont les logements).

      3. Enfin, pour la population de l’assurance maladie, je ne localise pas la source (ni la date de référence) du chiffre de 29 500. En fouillant directement dans le site de l’Insee je tombe bien sur un fichier Excel qui contient un chiffre, mais n’étant pas passé par les pages d’accès, je ne connais pas le contexte ou les références. Je trouve (sous le chapeau CNAM 2011)
      – allocataires : 15 557
      – population couverte : 27 453
      sachant que toute la population n’est pas couverte par la CNAM.