Pour l’interview, comme il est bien gentil Laurent Chalard, il va peut-être nous dire comment on fait pour connaître le solde migratoire ?…
Ah oui, c’est facile :
Pour le calculer, il faudrait avoir le nombre d’entrées sur le territoire et celui des sorties.
Ah flûte, il y a un conditionnel (faudrait). Ben oui, c’est un des cas d’emploi du conditionnel : l’irréel du présent. Si, en plus, on se dit que ce solde migratoire on cherche à le connaître non seulement au niveau du territoire national mais au niveau de chaque entité géographique, on voit bien qu’on a aussi affaire à un irréel du futur…
Ce qui fait que pour estimer le solde migratoire et bien on se contente de déterminer le solde (tout court) d’ajustement pour expliquer la variation de la population entre deux recensement compte tenu de l’accroissement naturel. D’ailleurs pour Grigny, le solde migratoire est négatif depuis pas mal de temps.
L. Chalard a bien sûr raison quand il parle de l’impact de l’introduction de sondage dans la méthode du recensement. En particulier, elle introduit une incertitude liée à l’échantillonnage — incertitude d’ailleurs estimée puisqu’aléatoire. Contrairement à l’incertitude non aléatoire (et le biais éventuel, cf. commentaire précédent…) qui entache des dénombrements par recensement exhaustif. Là où le problème est le plus aigu (et c’est d’ailleurs l’exemple qu’il prend) c’est dans les calculs d’évolution et les comparaisons d’une année sur l’autre, puisque, rappelons-le, l’enquête est annuelle mais n’interroge qu’un cinquième de l’échantillon chaque année (groupes de rotation) et donc les estimations portent chaque année sur des logements différents.
Ces dernières années, le solde migratoire est officiellement d’environ + 50 000. Mais on ne voit pas bien à quoi cela correspond. Pas forcément à la réalité en tout cas.
Que le solde migratoire estimé ne corresponde pas forcément à la réalité est une évidence (cf. début de ce commentaire).
Le grand tabou des chiffres de l’immigration ?
Ok, comment on fait pour connaitre les vrais chiffres de l’immigration ? (Au passage, dit comme ça, ça a tout de suite une autre connotation…)
Si tabou il y a, en revanche, c’est celui de l’indépendance de l’Insee. Le Code de bonnes pratiques de la statistique européenne d’Eurostat ▻http://epp.eurostat.ec.europa.eu/cache/ITY_OFFPUB/KS-32-11-955/FR/KS-32-11-955-FR.PDF mentionne dans son premier principe :
L’indépendance professionnelle des autorités statistiques à l’égard aussi bien des autres instances et services politiques, réglementaires ou administratifs, que des opérateurs du secteur privé, assure la crédibilité des statistiques européennes.
(j’adore son frontispice, gravé dans le marbre en capitales romaines…)
En France, il y a un petit souci c’est que
L’Institut national de la statistique et des études économiques (Insee) est une direction générale du ministère de l’Économie et des Finances.
Il s’agit donc d’une administration publique, dont les salariés sont des agents de l’État, qu’ils aient ou non le statut de fonctionnaire. L’Insee est soumis aux règles de la comptabilité publique ; les crédits dont il dispose figurent au budget général de l’État.
source : ▻http://www.insee.fr/fr/insee-statistique-publique/default.asp
Mais, comme on est entre gens bien, le Rapport de l’évaluation par les pairs de l’Institut de statistique français sur la mise en oeuvre du Code de bonnes pratiques effectué en 2007 sous l’égide d’Eurostat conclue sur ce premier principe :
Évaluation d’ensemble : par opposition à la situation généralement observée dans d’autres pays, l’indépendance de l’Institut National Statistique français en matière statistique n’est pas inscrite dans le droit. Néanmoins, notre opinion est que, en pratique, l’indépendance professionnelle est une composante importante de la culture Insee et une valeur forte parmi le personnel. En dépit de son manque d’indépendance inscrite dans le droit, l’Insee est généralement considéré comme un institut statistique de grande qualité.
source : ▻http://www.insee.fr/fr/insee-statistique-publique/connaitre/rapport_fr.pdf
C’est donc une affaire de culture et d’opinion générale…