• • La guerre perdue des photoreporters
    http://www.liberation.fr/monde/2013/02/15/la-guerre-perdue-des-photoreporters_882160

    Loin des conflits qui ont fait sa gloire, une profession lutte contre sa disparition au sein d’une presse qui brade ses images. Illustration avec le parcours d’Alain Buu.

    Les témoignages s’accumulent sur la situation des photojournalistes mais rien ne change. Ceux qui en parlent ne peuvent s’empêcher au passage d’entretenir le mythe du reporter de guerre. Il est plus grave qu’un ancien reporter de guerre se retrouve au chômage mais moins pour un type qui n’aurait jamais quitté sa région, fut-elle l’Île-de-France comme des photographes puisque c’est elle qui concentre presque tous les rédactions françaises et étrangères. Parce qu’en France tout va bien, pas besoin d’image, des illustrations suffit pour faire la une annuelle sur l’immobilier, les salaires des cadres, le blues des infirmières, la rentrée scolaire… On sait ce que c’est par coeur, pas besoin d’aller sur le terrain pour voir ce qui se passe, une image réalisé avec des mannequins sous de beaux éclairages dans un pays de l’Est fait très bien l’affaire…

    #photojournalisme

  • La guerre perdue des #photoreporters

    Désormais, cet ancien [Alain Buu] de Gamma, qu’il a quittée en 2004 parce que l’agence ne lui donnait plus de sujets à l’étranger, regarde à distance le monde se déchirer. Environ 80% de ses activités sont désormais des « corporates » (des commandes d’entreprises). « Des centaines de photographes sont dans mon cas », précise-t-il.

    Et ce n’est qu’une fois sa bourse remplie qu’il peut envisager un départ. « Il y a trois ans, je suis allé suivre la guerre au Tchad. Cela m’a coûté 5 000 à 6 000 euros, dépensés en pure perte car je n’ai pas vendu de photos. »

    [...]

    Marc Roussel, un autre photographe engagé sur ces questions, résume : « En quinze ans, le nombre de commandes fermes a été divisé par trois, la valeur marchande d’un #reportage par deux et le temps qu’il faut y consacrer ne cesse de s’accroître avec le travail de postproduction numérique. Ce qu’autrefois le laboratoire - et donc le #journal - assumait, c’est aujourd’hui le #photographe qui le supporte sans contrepartie financière. » « Les stars arpentant Rolex au poignet et Leica en bandoulière sont devenues des va-nu-pieds, précaires bouche-trous d’une presse qui se fournit abondamment, et à l’œil, sur Internet », ajoute-t-il.

    Facteur aggravant, avance Alain Mingam, ancien patron de Gamma, « la pudeur et le silence complice, car obligé, des photographes qui n’avouent qu’en privé l’état déplorable de leurs revenus et le traitement de leurs images, recadrées sous l’effet d’une "illustrationnite" aiguë ». « Le photographe tend alors, complète-t-il, à se retourner vers les festivals, fondations, galeries, musées devenus les refuges nobles ou le "Samu obligé" d’une photo de presse malade, car trop mal exploitée dans ses supports d’origine. » Alain Buu a, lui, profité d’un séjour en Afghanistan, lors de la chute de Ben Laden, pour réaliser un « beau livre » : Sur les pas des cavaliers. Cela ne lui a pas pour autant rapporté de quoi financer un prochain voyage.

    Source : http://www.liberation.fr/monde/2013/02/15/la-guerre-perdue-des-photoreporters_882160

    #Presse