#géographie #numérique Entretien avec le géographie Philippe Estèbe dans Rue89 sur le plan numérique de François Hollande qui vise à couvrir le territoire national par la fibre optique, un cas pour questionner l’égalité des territoires en France et les rapports entre territoires urbains et ruraux. Avec les piques virulentes contre les élus ruraux !
Il y a aujourd’hui une folie autour de cette idée d’égalité des territoires – on entend égalité d’équipement des territoires – alors qu’en réalité on assiste à des transferts financiers massifs de l’urbain vers le rural . Le niveau de dépenses de fonctionnement par habitant est bien supérieur dans les communes rurales. En Lozère, vous avez un prof pour dix élèves. En Seine-Saint-Denis, un pour trente. Vous avez une surreprésentation de services publics dans les « déserts ».
L’uniformisation des territoires est un drôle d’idéal. Il me semble qu’on peut accepter d’avoir plusieurs modèles de développement dans un pays comme la France : des territoires qui vivent à des vitesses différentes, des lieux qui fonctionnent sur des logiques de niche...
Pour moi, cette histoire de fibre optique est d’un archaïsme total. Elle est liée à l’incroyable présence des élus ruraux dans le débat politique français . L’égalité des territoires, c’est d’abord la voix du monde rural qui s’exprime sur un mode victimaire. Il va peut-être falloir arrêter un jour de céder au lobby des élus ruraux, pour qui l’espace compte plus que les gens.
Aujourd’hui, les gens vivant à la campagne ont accès, grâce à la mobilité, aux services de la ville moyenne du coin. On peut le regretter et rester attaché à la vision idyllique du village compact organisé autour de la mairie et de l’église. Mais la vision isolationniste de cette polyvalence de proximité n’est pas juste par rapport à la réalité de la vie des habitants de ces territoires. Les communes ne sont pas de petits Etats entourés de frontières infranchissables.
Les conseils généraux font des contrats avec les communes, les intercommunalités, les pays... Les relations entre collectivités tournent essentiellement autour des flux de subventions. Cette logique de dépendance aux crédits est stérilisante, ça ne favorise pas les initiatives locales.
Notre discrimination territoriale fonctionne à l’envers. La Cour des comptes a montré que l’investissement par tête dans les quartiers d’habitat social est inférieur à ce qu’il est dans les communes rurales .
A lire sur ►http://www.rue89.com/2013/02/20/fibre-optique-partout-arretons-de-ceder-au-lobby-des-elus-ruraux-239847