Zomia ou l’art de ne pas être gouverné (pour for everyone) • Seuil • L’essai du mois, Asie, Utopie, Anthropologie • Philosophie magazine

/zomia-ou-lart-de-ne-pas-etre-gouverne-6

  • Zomia ou l’art de ne pas être gouverné
    https://www.philomag.com/les-livres/lessai-du-mois/zomia-ou-lart-de-ne-pas-etre-gouverne-6995

    Observez sur une carte cette grande zone montagneuse frontalière s’étirant des hautes vallées du Vietnam aux régions du nord-est de l’Inde, traversant le Cambodge, le Laos, la Thaïlande et la Birmanie et se prolongeant vers le Nord sur quatre provinces chinoises. Le territoire n’a d’unité ni administrative, ni ethnique, ni linguistique. Pourtant, cette étendue de 2,5 millions de kilomètres carrés a été identifiée en 2002 par l’historien Willem Van Schendel : c’est Zomia, une zone difficilement accessible, restée insoumise durant des siècles à toute forme d’autorité gouvernementale. Aux yeux de plusieurs anthropologues, Zomia incarne une ultime résistance à l’ordre géopolitique contemporain et permet de relancer le débat sur les normes qui régissent les collectivités humaines.

    Pour James C. Scott, qui travaille depuis les années 1980 sur les formes de résistance à la domination – notamment dans The Weapons of the Weak (Yale University Press, 1985, non traduit) qui prend pour sujet d’étude les paysans vietnamiens –, Zomia constitue un objet de pensée incontournable. Ayant abrité jusqu’à 100 millions de personnes issues de minorités ethniques et linguistiques variées, elle ne peut être appréhendée à partir des concepts de « frontières » ou de « zones de souveraineté ». Politiquement acéphale, elle semble avoir déjoué, depuis l’invention de l’État moderne et jusqu’à la première moitié du XXe siècle, toutes les logiques d’annexion et d’« enclosure » qui ont eu prise sur les populations de la plaine. On y pratique une agriculture nomade sur abattis-brûlis, on y cultive les avantages de l’oralité, en tenant toujours à distance un certain modèle de civilisation sédentaire ancré dans l’écriture et l’assujettissement à une autorité supérieure. Mais cette indiscipline a un prix : les populations zomianes sont considérées comme « parias », non encore civilisées. Pourtant, et c’est la thèse de James C. Scott, les Zomians sont moins des barbares que des fugitifs de la civilisation qui, « dans la longue durée, incarnent un rejet délibéré de l’État dans un monde d’États auquel ils sont adaptés tout en se tenant hors de leur atteinte ».

    Compilant une vaste documentation historique sur l’Asie du Sud-Est précoloniale et coloniale, Scott cite et prolonge les thèses de Pierre Clastres dans La Société contre l’État (Minuit, 1974) qui mettaient en évidence le refus de l’État des peuples autochtones dans l’Amérique du Sud d’après la Conquête. L’enjeu anthropologique est de taille, puisqu’il s’agit d’asseoir l’idée selon laquelle « vivre en l’absence de normes étatiques a été la norme de la condition humaine » : une norme à laquelle elle eût d’ailleurs pu se tenir, avec profit. Car le mode de vie des populations zomianes est au fond, affirme Scott de façon provocatrice, particulièrement adapté aux « post-sujets », « post-sédentaires », que nous sommes. Le drame étant que les jours de Zomia sont comptés, maintenant que les réseaux de communication et de télécommunications ont décuplé le pouvoir d’intrusion de l’État dans les zones autrefois inatteignables. Ces hautes terres abritaient peut-être une « humanité du futur »… mais elle s’est progressivement éteinte à partir de 1945. Et aujourd’hui, elle a en réalité disparu. Les détracteurs de Scott ont alors beau jeu de qualifier sa tentative d’« histoire postmoderne du nulle-part », on peut plutôt y lire les bases anthropologiques d’une utopie postétatique qui continue, depuis les années 1970, d’inspirer ses défenseurs.
    Agnès Gayraud

    #autonomie #communs #commune #communisme #société_contre_l'Etat #Zomia

  • #Zomia ou l’art de ne pas être gouverné (2009)
    James C. Scott
    http://www.lan02.org/2013/09/zomia
    #livre

    La Zomia est une zone collinéenne et montagneuse de 2,5 millions de kilomètres carrés, aux confins de plusieurs États-nations d’Asie du Sud-Est. Elle abriterait environ 100 millions de personnes. Les premiers embryons d’État ne sont apparus en Asie du Sud-Est qu’au Ier siècle avant notre ère, et depuis lors d’innombrables populations n’ont cessé de résister à leur extension, et de se mettre hors de leur portée dans la Zomia. L’anthropologue américain James C. Scott éclaire leurs tentatives de se soustraire à l’assujettissement par différentes pratiques « statofuges ».

    L’ouvrage déconstruit l’idée que les « populations tribales » des collines, pratiquant la chasse, la cueillette et l’agriculture itinérante sur brûlis, seraient les « ancêtres vivants » (ou « peuples premiers ») des « civilisés » des plaines. Elles sont au contraire d’origines incroyablement diverses et mélangées, issues d’épisodes de migration, de fuite, de résistance, qui ont pris place au long des deux millénaires écoulés.

    http://www.philomag.com/sites/default/files/styles/cover_height300/public/book/6995/2021049922.jpg?itok=1QO4-L2j
    ZONE INSOUMISE. À Zomia, immense espace transfrontalier d’Asie, des réfugiés de tous pays ont inventé une société sans État. Une utopie moderne décrite par l’anthropologue James C. Scott.
    http://www.philomag.com/les-livres/lessai-du-mois/zomia-ou-lart-de-ne-pas-etre-gouverne-6995

    Observez sur une carte cette grande zone montagneuse frontalière s’étirant des hautes vallées du Vietnam aux régions du nord-est de l’Inde, traversant le Cambodge, le Laos, la Thaïlande et la Birmanie et se prolongeant vers le Nord sur quatre provinces chinoises. Le territoire n’a d’unité ni administrative, ni ethnique, ni linguistique. Pourtant, cette étendue de 2,5 millions de kilomètres carrés a été identifiée en 2002 par l’historien Willem Van Schendel : c’est Zomia, une zone difficilement accessible, restée insoumise durant des siècles à toute forme d’autorité gouvernementale. Aux yeux de plusieurs anthropologues, Zomia incarne une ultime résistance à l’ordre géopolitique contemporain et permet de relancer le débat sur les normes qui régissent les collectivités humaines.

  • Bon... petit tour rapide de mes dernières acquisitions, si qq. titres peuvent en intéresser certain-e-s.

    Zomia ou l’art de ne pas être gouverné , James C. Scott
    http://www.philomag.com/les-livres/lessai-du-mois/zomia-ou-lart-de-ne-pas-etre-gouverne-6995
    Franchement, c’est chers pour qq.un comme moi qui n’a pas trop de moyen. Quoi qu’il en soit, le livre semble se présenter comme un des rares livres traduit en français qui pourrait naviguer un peu entre courant anti-civilisationnel et primitiviste. Habituellement les anti-civ défendent l’idée que la civilisation et ses mauvaises choses commencent quand la production alimentaire locale ne suffit plus a la population locale, et qu’elle se suffit par d’autres moyens. Ici, le sens de « civilisation » semble bien différent, puisqu’il peu aller jusqu’a l’usage de l’écriture dans et par une cité pour se faire des administrés (comme on dit aujourd’hui). On est pas non plus dans le primitivisme, puisqu’il ne s’agit pas a tout prix semble t’il de critiquer toutes et n’importe qu’elle techniques, mais celles qui pourraient servir a être enroler par un gouvernement.

    Avant l’histoire, l’évolution des sociétés de Lascaux à Carnac , Alain Testart
    Un révision de notre conception de la préhistoire a partir des nouvelles connaissances extra-occidentales. Ces dernières remettent largement en question la conception naïve que nous avions d’une sorte de préheistoire glbale abstraite pour la réinscrire dans une plurialité géographique.
    http://www.franceculture.fr/emission-l-essai-et-la-revue-du-jour-avant-l%E2%80%99histoire-revue-l%

    La suite dans quelques heures (la j’ai des choses a faire).