Libéralisme de gauche et libéralisme de droite, par Jean-Claude MichéaLire la version allégée

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  • RAGEMAG
    http://ragemag.fr/liberalisme-de-gauche-et-liberalisme-de-droite-par-jean-claude-michea

    Si nous avons lancé Ragemag, il y a un an, c’est que nous considérions qu’il n’existait (à notre connaissance) aucun média dont la ligne éditoriale incluait une critique du libéralisme dans son ensemble.
    La pensée de Jean-Claude Michéa, ainsi que celle de ses auteurs fétiches, George Orwell et Christopher Lasch, constituent le fondement intellectuel de notre magazine. Jean-Claude Michéa a accepté que Ragemag publie quelques extraits d’un texte inédit en France, écrit par lui en janvier 2012 pour présenter sa pensée au grand public espagnol, dans les colonnes du journal El Confidancial. En voici le troisième volet, après Libéralisme et décence ordinaire et Enracinement et universalisme.

    • Je trouve que l’idée de développer un média web pro-Michéa n’est pas mauvaise bien qu’en elle-même assez contradictoire avec ce que pense cet auteur des nouvelles technologies. Ceci expliquant peut-être cela, si on se borne au web et qu’on ne lit pas les livres de Michéa, on trouvera de nombreuses occurrences se référant à lui en provenance de l’extrême-droite. Or Michéa n’est pas d’extrême droite, il n’est pas non plus réactionnaire ni comme le dit Boltanski un héritier des non-conformistes des années 30. Il y a une dimension conservatrice dans sa pensée mais ce conservatisme traverse le mouvement socialiste depuis fort longtemps. Les grands mouvements sociaux salariés depuis les années 80 ne sont-ils pas également en grande partie des mouvements de conservation et de défense d’acquis ? Michéa est loin d’être le premier à avoir pointé la vacuité du clivage droite-gauche – sur un tout autre registre Baudrillard en avait fait de même. Et d’une certaine manière le mouvement anarchiste se place aussi dans cette lignée.

      Toutefois concernant RageMag, je trouve que le nom est mal choisi pour des gens se réclamant de Christopher Lasch (voir ce qu’écrit cet auteur au sujet de la rage pathologique dans La culture du narcissisme ). Le choix de Clémenceau pour la citation en exergue du site est de mauvais goût.

      J’ai noté aussi dans certains articles des attaques contre Mai 68 – via la référence à Jean-Pierre Le Goff - qui montrent une ignorance de ce qu’à été d’un point de vue strictement historique ce mouvement. Une confusion entre les événements en eux-mêmes et la contre-attaque menée par le capital après 1973 – la fameuse récupération de la critique artiste du capitalisme contre sa critique sociale dont parle justement Boltanski et Chiapello.

      D’ailleurs, on peut très bien aussi analyser Mai-Juin 1968 comme un événement de conservation face à la taylorisation, au productivisme et à la société de consommation en France. Les barricades et la grève générale étant des formes de luttes se rattachant à la tradition révolutionnaire française. De même que la tentative de jonction étudiants-ouvriers-paysans peut être perçue comme héritière d’une certaine critique de l’intellectualisme que l’on retrouve chez Orwell ou Simone Weil. Bien sûr on ne peut pas limiter Mai 68 à une telle interprétation mais cela me semble en tout cas plus valable que de dire que Mai 68 a été un événement libéral.

    • D’autant plus (à charge contre Ragemag du coup) que Michéa dans une interview puis l’un de ses livres ("la double pensée" peut-être, qui reprend un interview en l’augmentant) précise très clairement que Mai 68 est multiple, qu’il recouvre des réalités différentes et qu’il ne mélange pas tout. Donc quand bien même ce serait un polémiste, ce qu’il écrit est plus subtil que ce qu’on en trouve sur le net, qui plus est après être passé par des intermédiaires (genre « téléphone arabe »).

    • Et sinon, plutôt que de jouer sur Twitter à écrire des mini-phrases, faire des captures d’écran et autres RT, ça n’intéresserait pas quelqu’un d’arriver à aller à une rencontre de lecteurs de Michéa à Paris ou à Montpellier, pour lui poser face à face (on sait qu’il préfère) de bienveillantes questions ?

      En tout cas si quelqu’un y va un jour, je veux bien donner quelques questions à poser.

    • Il semble que ce soit difficile de le faire bouger... Je tente depuis plusieurs mois de le faire venir dans la bibliothèque où je bosse (à 1h30 de Montpellier). Un contact via notre librairie locale puis son éditeur ou plus exactement je crois le fondateur des éditions Climats avant le rachat par Flammarion. Mais aucune nouvelle.

      Pas mal de questions aussi à lui poser. Je te tiens au courant si tu veux. Autrement il y aurait parait-il une actualité éditoriale de Michéa en avril, il se montrera peut-être ici ou là à cette occasion.

    • Ah ouais ok. Du coup, il daignera peut-être promouvoir son dernier livre dans une ville coco du sud de la France même si j’en doute. Il devient très « bavard » en fait.

  • RAGEMAG
    http://ragemag.fr/liberalisme-de-gauche-et-liberalisme-de-droite-par-jean-claude-michea

    C’est donc, en dernière instance, le libéralisme culturel – et certainement pas l’austérité religieuse ou le puritanisme moral – qui constituera toujours la forme d’esprit la plus adaptée à une société de croissance et de consommation illimitées (un point que la sociologie critique américaine avait su établir dès les années cinquante). Il y a donc bien – pour répondre à votre question – une différence réelle entre la sensibilité de la gauche libérale moderne (celle qui a renoncé, depuis maintenant plus de trente ans, à l’idée qu’on pourrait encore rompre avec le capitalisme) et celle de la droite libérale. La première prend effectivement son point de départ privilégié dans le libéralisme culturel – ce qui explique qu’elle puisse toujours jouer sa différence électorale sur les questions « sociétales » (mariage gay, légalisation du cannabis, vote des étrangers, etc.). La seconde, au contraire, prend d’abord le sien dans les dogmes du libéralisme économique. Mais à partir du moment où on a compris que chacun des deux moments de la doctrine est philosophiquement condamné à chercher dans l’autre le complément idéologique qui lui fait structurellement défaut, on ne s’étonnera plus que, dans la pratique, la différence entre la droite et la gauche ait fini par perdre l’essentiel de son ancienne pertinence. Si on veut réellement rompre avec le système capitaliste – et retrouver ainsi le trésor perdu du socialisme originel – il faudra donc apprendre à repenser tous les clivages politiques imposés par la société du spectacle.

    #libéralisme-culturel #libéralisme-économique #philosophie #Michéa