Je trouve que l’idée de développer un média web pro-Michéa n’est pas mauvaise bien qu’en elle-même assez contradictoire avec ce que pense cet auteur des nouvelles technologies. Ceci expliquant peut-être cela, si on se borne au web et qu’on ne lit pas les livres de Michéa, on trouvera de nombreuses occurrences se référant à lui en provenance de l’extrême-droite. Or Michéa n’est pas d’extrême droite, il n’est pas non plus réactionnaire ni comme le dit Boltanski un héritier des non-conformistes des années 30. Il y a une dimension conservatrice dans sa pensée mais ce conservatisme traverse le mouvement socialiste depuis fort longtemps. Les grands mouvements sociaux salariés depuis les années 80 ne sont-ils pas également en grande partie des mouvements de conservation et de défense d’acquis ? Michéa est loin d’être le premier à avoir pointé la vacuité du clivage droite-gauche – sur un tout autre registre Baudrillard en avait fait de même. Et d’une certaine manière le mouvement anarchiste se place aussi dans cette lignée.
Toutefois concernant RageMag, je trouve que le nom est mal choisi pour des gens se réclamant de Christopher Lasch (voir ce qu’écrit cet auteur au sujet de la rage pathologique dans La culture du narcissisme ). Le choix de Clémenceau pour la citation en exergue du site est de mauvais goût.
J’ai noté aussi dans certains articles des attaques contre Mai 68 – via la référence à Jean-Pierre Le Goff - qui montrent une ignorance de ce qu’à été d’un point de vue strictement historique ce mouvement. Une confusion entre les événements en eux-mêmes et la contre-attaque menée par le capital après 1973 – la fameuse récupération de la critique artiste du capitalisme contre sa critique sociale dont parle justement Boltanski et Chiapello.
D’ailleurs, on peut très bien aussi analyser Mai-Juin 1968 comme un événement de conservation face à la taylorisation, au productivisme et à la société de consommation en France. Les barricades et la grève générale étant des formes de luttes se rattachant à la tradition révolutionnaire française. De même que la tentative de jonction étudiants-ouvriers-paysans peut être perçue comme héritière d’une certaine critique de l’intellectualisme que l’on retrouve chez Orwell ou Simone Weil. Bien sûr on ne peut pas limiter Mai 68 à une telle interprétation mais cela me semble en tout cas plus valable que de dire que Mai 68 a été un événement libéral.