• Le suicide relève aussi du fait social
    http://www.lemonde.fr/idees/article/2013/03/07/le-suicide-releve-aussi-du-fait-social_1844381_3232.html

    Par Nicolas Renahy, directeur de recherche à l’INRA de Dijon (Centre d’économie et sociologie appliquées à l’agriculture et aux espaces ruraux)

    Réagissant au suicide de Djamal Chaar le 13 février devant une agence Pôle emploi de Nantes, le président socialiste François Hollande a dès le lendemain renvoyé l’acte à un « drame personnel ». La perte d’emploi, l’expérience du chômage et de l’instabilité constituent effectivement une profonde remise en cause individuelle, quels que soient la situation professionnelle antérieure et le milieu considéré.

    Le travail constitue toujours dans notre société la principale source de reconnaissance, le perdre fait courir le risque de l’inexistence sociale. Est-ce prendre toute la mesure du sens donné à l’immolation publique de Djamal Chaar que de rapporter son suicide à une fragilité intime ou psychologique ?

    Le suicide est un phénomène que les sociologues éclairent à leur mesure de longue date. Dès 1897, Emile Durkheim démontrait que sa récurrence statistique « varie en raison inverse du degré d’intégration des groupes sociaux dont fait partie l’individu ».

    De nombreuses recherches confirment régulièrement ces constats : le taux de suicide dans une société est au plus bas en situation de croissance économique et de développement des infrastructures de protection sociale (comme entre 1945 et 1975) ; ce sont les exploitants agricoles (et parmi eux ceux à la tête des exploitations les plus fragilisées), les ouvriers et les employés qui, alternativement selon les périodes, sont les catégories socioprofessionnelles les plus touchées par le phénomène.

    Au-delà des drames individuels qui émergent régulièrement dans l’espace public, nous ne pouvons ignorer que le suicide est un fait social. Car face à la crise économique, mêlée à la remise en question de l’Etat social, c’est bien la question de l’intégration sociale des membres les plus fragilisés des classes populaires qui est posée.

    #sociologie (de base) #suicide

    • J’ai tendance à penser (sans fournir d’éléments pour étayer ma pensée) que le suicide relève essentiellement du fait social. Une situation économique en déliquescence en représente l’un des aspects mais ce n’est pas le seul. Les drames personnels, comme il est écrit, trouvent aussi leur sources dans des expériences ressenties comme des échecs (en référence donc aux expériences des autres ou au modèle qu’une société donnée exige) ou des discriminations culturelles (comme l’homophobie par exemple).

    • Lecture (de base ?) sur les suicides en prison
      http://www.penombre.org/Fausse-evidence

      En se basant sur les taux de suicide en prison comparés aux taux de suicide masculin par pays, il paraît finalement raisonnable d’avancer que la France se situe bien dans la partie du tableau regroupant les pays à sur-suicidité carcérale plutôt élevée. Mais elle n’y figure pas seule, contrairement à ce que tendait à montrer une lecture directe des taux de suicide en prison, et elle ne vient probablement pas en tête de liste.
      Parmi les pays à très nette sur-suicidité carcérale, on trouve le Danemark et la #Norvège, pays souvent cités en exemple car ils connaissent des taux de population carcérale parmi les plus bas d’Europe et aucun problème de sur-occupation des prisons. La Grèce aussi se caractérise par une fréquence des suicides en prison très nettement supérieure à ce qui est observé à l’extérieur : résultat non visible sur les taux bruts puisque l’on sait que la Grèce est, d’après les données officielles, l’un des pays européens où l’on se suicide très peu.
      Pour ce pays, on pourra suspecter des biais d’enregistrement (les suicides sont peut-être plus visibles en prison) et arguer de la faiblesse du nombre de cas observés, même avec une population carcérale conséquente et une sur-occupation très élevée. Mais ces arguments ne tiennent plus lorsque l’on voit que le Royaume-Uni (après regroupement des données pour la Grande-Bretagne et l’Irlande du Nord) présente une sur-suicidité carcérale plus importante que la France. Devant la France, on trouve encore l’Italie et, pas très loin derrière, les Pays-Bas.

      #Pénombre