• Le point de vue d’un journal pas vraiment gauchiste…

    Chypre, pigeon de la campagne électorale allemande ?
    http://www.latribune.fr/actualites/economie/union-europeenne/20130318trib000754533/chypre-pigeon-de-la-campagne-electorale-allemande.html

    Voici donc quel est le prix de l’obéissance. Pendant des mois, les électeurs chypriotes ont entendu cette mise en garde : s’ils voulaient que leur pays bénéficie de l’aide européenne, il leur fallait « bien » voter. Se débarrasser de cette « anomalie » dont tous les journaux européens se gaussaient : un président « communiste » qui bloquait toute négociation en refusant de se plier aux « ajustements nécessaires. » Raisonnables, les Chypriotes ont donc confortablement élu le 25 février le candidat conservateur Nikos Anastasiadès, qui avait affiché fièrement durant sa campagne son « amitié » avec Angela Merkel. Entre amis, on se respecte, pouvait penser le citoyen de l’île.

    Tout le monde est frappé
    Il récolte à présent le fruit de cette conduite raisonnable : une taxe sur ses dépôts bancaires. Une taxe auprès de laquelle la tranche de 75 % de l’impôt sur le revenu de François Hollande, tant critiqué en Allemagne et en France qu’il a dû l’abandonner, fait figure d’aimable plaisanterie. Cette fois, ce ne sont pas les « riches », les « banquiers », les « épargnants » ou les « marchés » qui sont frappés : c’est bien tout le monde. Sans compter évidemment que les malheureux Chypriotes vont devoir également passer sous les fourches caudines de l’austérité et de la Troïka.

    (…)

    Le risque pour l’Europe
    Mais le danger menace également l’Europe. Pour la première fois, les dépôts sont visés. On comprend que, dans les pays sous aide, ou susceptibles de faire appel à cette aide, les déposants, c’est-à-dire tout le monde, soient le plus soupçonneux, voire le plus inquiet. Il pourrait en aller de même des investisseurs qui, observant les déboires de leurs confrères russes, ne seront guère tentés d’aller taquiner le diable en déposant leurs argents dans des banques italiennes, espagnoles ou portugaises. Quant aux citoyens de ces pays, ceux qui en ont les moyens vont se précipiter vers les paradis fiscaux, les autres constitueront, comme ils le pourront des « bas de laine. » Dans des économies menacées par la déflation, la thésaurisation est sans doute la dernière chose à faire. Globalement, c’est donc la confiance en la zone euro, rétablie par les annonces de la BCE en septembre, qui est désormais en jeu.

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    L’intérêt de la chancelière allemande
    Mais alors, comment expliquer que les Européens aient construit un plan aussi risqué ? La première réponse tient sans doute à un certain mépris pour Chypre. Un petit pays, plaque tournante de l’argent russe, dont on pouvait faire un exemple. Il y a dans ce plan un arrière-goût amer des conférences de grandes puissances qui au 19ème siècle décidaient de l’avenir de la Belgique, de la Grèce, de la Bosnie ou de la Bulgarie sans se soucier de ces peuples et en ne songeant qu’à « l’équilibre européen. » Nikos Anastasiadès a parlé publiquement de "fait accompli". Mais l’essentiel est sans doute ailleurs.

    En faisant souffrir les Chypriotes autant qu’il est possible, Angela Merkel va pouvoir se présenter devant les électeurs allemands et le Bundestag en héroïque défenseur des intérêts allemands. Elle aura fait payer les Chypriotes pour éviter de faire payer le prix fort aux contribuables allemands. Elle aura sauvegardé l’argent de ses électeurs en ponctionnant des Chypriotes « coupables. »