Et vous n’avez encore rien vu...

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  • Radio : Celia Izoard, Intoxication minière au XXIe siècle, 2024 – Et vous n’avez encore rien vu…
    https://sniadecki.wordpress.com/2024/06/27/rmu-izoard-metaux

    Celia Izoard, journaliste et philosophe, spécialiste des nouvelles technologies au travers de leurs impacts sociaux et écologiques présente son dernier ouvrage La Ruée minière au XXIe siècle, enquête sur les métaux à l’ère de la transition (Seuil, janvier 2024).

    Une nouvelle ruée minière d’une ampleur inédite a commencé. Au nom de la lutte contre le réchauffement climatique, il faudrait produire en vingt ans autant de métaux qu’on en a extraits au cours de toute l’histoire de l’humanité.

    Entretien réalisé par Morgan Large de Radio Kreiz Breizh le 23 avril 2024.

    https://ia802200.us.archive.org/2/items/rmu-093-izoard-metaux/RMU_093_Izoard-Metaux.mp3

    #interview #Célia_Izoard #mine #extractivisme #ruée_minière #critique_techno #voiture #batterie #énergie #pollution #écologie #téléphone #smartphone #datacenter #métaux #transition #radio #audio #Radio_Kreiz_Breizh #radio_zinzine

  • Gary Libot, Contre l’informatisation du journalisme, 2024
    https://sniadecki.wordpress.com/2024/05/29/libot-journalisme

    Face à ce juste diagnostic de l’extrême-droitisation médiatique et de la concentration économique générale, qu’il s’agit évidemment de combattre pied à pied, trop souvent les rédactions et de nombreux journalistes qui les composent en appellent à la reconstitution d’un contre-paysage médiatique puissant (pour le dire vite, de gauche), qui pourrait avoir une grande force de frappe, c’est-à-dire toucher une partie substantielle de la population. Cela pourrait se faire – de façon complémentaire – par la réorganisation du financement du service public et par la multiplication de médias indépendants qui auraient généralement besoin de recourir à des levées de fonds importantes (centaines de milliers, millions d’euros).

    Pour s’opposer à cette puissance médiatique bolloréenne, il n’y aurait dans cette perspective générale – trop grossièrement tracée ici – qu’à opposer à la puissance médiatique d’un camp, celle d’un autre camp. C’est-à-dire avoir en partage l’imaginaire et les moyens de la puissance, cela condamnant quasi-systématiquement à l’emploi de l’informatique, du numérique, des écrans. Et plus largement d’avoir recours de façon privilégiée à la production audiovisuelle qui ne semble plus être – hélas – que l’unique vecteur d’information consommable pour une partie grandissante de la population. En gros : « Les gens étant collés devant leur ordinateurs, la télévision, et le smartphone, utilisons les ordinateurs, les téléviseurs et les smartphone pour leur parler ».

    J’aimerais attirer votre attention sur ce point : cette perspective, aujourd’hui assez largement partagée dans nos milieux, constitue selon nous, selon moi, une impasse majeure dans la lutte contre l’affaiblissement idéologique et la dégradation de la qualité de l’information qui frappe nos sociétés.

    #information #journalisme #informatisation #numérique #internet #critique_techno

  • Empreinte carbone : « Oui, on peut manger des bananes ! »
    https://reporterre.net/Empreinte-carbone-Oui-on-peut-manger-des-bananes

    Pour respecter nos engagements climatiques, nous devons réduire nos émissions de CO2 à 2 tonnes par an et par personne. Mais que faut-il changer en priorité ? Les réponses du chercheur Mike Berners-Lee, qui y a consacré un livre.

    Chaque Français émet en moyenne 9 tonnes d’équivalent #CO2 (eqCO2) par an. Or si on veut tenter de limiter le réchauffement climatique à + 1,5 °C d’ici 2100, il faudrait limiter nos émissions à 2 tonnes par an et par personne. Mais par quoi commencer ? Arrêter d’acheter des bananes ? Devenir végétarien ? Faire la vaisselle à la main ? Éteindre les lumières ? Passer à la voiture électrique ?

    Mike Berners-Lee, professeur à l’université de Lancaster au Royaume-Uni, répond à toutes ces questions et donne des clés de compréhension dans son livre Peut-on encore manger des bananes ? L’empreinte carbone de tout (ed. L’Arbre qui marche), publié le 14 mars 2024. Ce pionnier de la quantification carbone estime qu’on peut toutes et tous réduire notre empreinte carbone, sans forcément renoncer à tout.

    .... un cheeseburger (5,4 kg eqCO2) est finalement plus polluant que cinquante bananes ...

    #empreinte_carbone

    • Il y a une petite gentille question sur le fait que ya pas que le carbone dans la vie, mais ça reste toujours dans l’optique « il y a d’autres polluants universels mondiaux à prendre en compte ». Or si on reste dans l’exemple typique de la banane qu’ils utilisent, il y a plein d’autres choses à prendre en compte :
      – il y a en premier lieu les polluants locaux, comme le chlordécone à la bonne époque… de nombreux polluants ne sont pas « mondiaux », et pourtant détruisent la vie des gens localement ; il y avait eu des articles et livres là-dessus (Célia Izoard ? Fressoz ? je ne sais plus) qui expliquait qu’aussi bien pour les populations du passé où on a l’impression qu’ils n’étaient pas « écolos » parce qu’ils n’avaient pas conscience des polluants mondiaux comme l’excès de CO2, ou aussi les populations des quartiers populaires ou relégués… et bien ils sont pourtant aux premières loges de polluants locaux qui les font bien chier et détruisent leurs vies (c’est le cas pour les quartiers des noirs-américains aussi, je me souviens d’un reportage là-dessus)
      – il y a le problème majeur qu’une monoculture d’exportation, c’est la destruction totale des manières de vivre autonome, de la subsistance locale, qui est méthodiquement supprimé ; c’est une culture coloniale qui se fait majoritairement dans les anciennes colonies, pour exporter majoritairement dans les pays occidentaux riches… alors que dans ces pays, la priorité serait de virer tout ça et utiliser les terres pour nourrir directement les populations locales au plus près (qui ne se nourrissent majoritairement pas de bananes…)

      C’est la même chose pour l’autre exemple paradigmatique du numérique, de l’informatique, comme si ça ne posait que le problème des émissions CO2 d’une recherche google… et pas les guerres (coloniales aussi !) pour les minerais, les exploitations de gens pauvres pour la fabrication (cf Shenzhen, « La machine est mon seigneur et maître »), les montagnes de déchets irrécupérables balancés en Afrique ou en Asie à la fin, etc.

      Bref, la banane, le café, le chocolat, le sucre en partie (de canne), l’informatique, posent de nombreux autres problèmes tout aussi importants que « le carbone ».

      Carbone partout (dans les émissions et dans la monomanie de comptage des technocrates, capitalistes ou écolos), justice nulle part !

    • Ça commence grave à me faire braire tous ces articles qui barguignent sur le bilan carbone du moindre fait et geste du gueux de base. Non parce que savoir si c’est plus « safe » de manger sa banane sur son vélo électrique que de sniffer un rail de coke en faisant du jet ski, c’est pas trop ce qui me préoccupe en ce moment. Par contre, bombarder des hôpitaux à Gaza ou des centrales nucléaires en Ukraine, ça a l’air de passer crème en terme d’émissions de GES.
      Ah tiens j’en ai une autre et on n’en parle pas trop non plus. L’Union européenne va sortir de ses cartons un dispositif légal pour que soit autorisée la circulation des « méga camions ».

      Le Parlement européen a adopté le 12 mars 2024 la révision de la directive autorisant des méga-camions à circuler sur les routes européennes. Ces camions ("mégatrucks") avec deux remorques attachées peuvent mesurer jusqu’à 25 mètres et peser jusqu’à 60 tonnes contre 18,75 mètres et 44 tonnes actuellement.

      Le texte concernant l’augmentation du poids et des dimensions des véhicules routiers a été adopté par 330 voix pour, 207 contre et 74 abstentions. Toutefois, comme le signale Toute l’Europe, les différents pays de l’Union européenne (UE) doivent encore donner leur position en juin avant que ce dossier ne revienne au Parlement européen après les élections européennes du 6 au 9 juin 2024.

      Et on te dit que ce serait pour :

      Réduire les émissions du transport routier de marchandises

      https://www.vie-publique.fr/en-bref/293358-mega-camions-le-parlement-europeen-favorable-leur-circulation

      Désolé pour la mauvaise humeur mais je manque de sommeil. Faut dire aussi qu’il se passe des trucs qui aident pas trop non plus ...

    • Mais oui ! Le bilan carbone a été promu comme « équivalent général » écologique. Le type comptait le carbone pour les entreprises. La culpabilité individuelle de certains éco-anxieux (dont Reporterre est supposé politiser les inquiétudes ?) ouvre à un public plus large.

      N’empêche, moi qui suis fatigué d’entendre "mangue avion ! avocat avion ! " sur mon marché - où il est difficile de refuser les sacs plastiques, symboles de dignité et d’aisance- je trouve que l’exemple du burger avec viande plaide résolument pour les falafels et autres légumineuses.

      edit jouer les méga-camions contre le fret ferroviaire c’est une tuerie aussi en terme de coût d’entretien des routes.

    • Pour le “bilan carbone” des armées voir le rapport
      https://www.sgr.org.uk/publications/estimating-military-s-global-greenhouse-gas-emissions (2022)

      “[The] total military carbon footprint is approximately 5.5% of global emissions. If the world’s militaries were a country, this figure would mean they have the fourth largest national carbon footprint in the world — greater than that of Russia. (...) In 2019, the world’s passenger cars collectively emitted approximately 3,200MtCO2 during use — so our figure for the
      military footprint is about 85% of that.”

    • Bon alors du coup, on laisse nos bagnoles au garage pour que la soldatesque mondiale puisse se lâcher ? Vous me direz, on pourrait aussi « cancel » la Russie. Ça nous redonnerait une bouffée d’oxygène pour cramer de la poudre à canon.
      (Sinon, merci pour l’info @fil)

    • Recension : R. Felli, La grande Adaptation, 2016
      https://sniadecki.wordpress.com/2016/07/25/louart-felli

      « Quiconque veut parler de réchauffement climatique, ne peut donc s’en tenir aux émissions de CO2, au rôle de l’industrie pétrolière ou à la place de la voiture dans nos sociétés (même si ces éléments sont cruciaux). En se donnant l’illusion que la variable CO2 serait seule responsable du problème, nous faisons comme si nous pouvions contrôler, limiter ou faire disparaître le problème climatique. Mais plus que les émissions de gaz à effet de serre, c’est la façon particulière d’organiser la nature qui est en jeu dans la question climatique. »

  • Sezin Topçu, Catastrophes nucléaires et « normalisation » des zones contaminées, 2016
    https://sniadecki.wordpress.com/2024/03/02/topcu-normalisation

    La minimisation des impacts catastrophiques d’un accident nucléaire est en passe de devenir un grand classique de notre temps, et ce non seulement dans les pays où la présence d’installations nucléaires est importante, comme la France, ou dans les pays ayant déjà subi un accident, comme le Japon ou la Biélorussie, mais également dans les pays qui en sont dépourvus. Cette minimisation, qui semble s’imposer avec force, relève de la capacité de « résilience » des nucléaristes, c’est-à-dire des industriels, des Etats nucléaires, ainsi que de certaines instances de régulation, nationales comme internationales.

    […]

    Au delà des conséquences très graves sur la santé des populations, dont la démonstration ou la reconnaissance sont rendues difficiles en raison du temps de latence que nécessitent les maladies radio-induites pour se manifester, mais aussi du secret ou de la fabrique active d’ignorance qui souvent les entourent, un accident nucléaire signifie également le sacrifice de territoires tout entiers.

    I. Gérer l’ingérable.
    Naissance des « zones » comme outil managérial

    Des « zones d’exclusion » aux « zones d’évacuation »
    Le dispositif de zonage : une prise de risque à géométrie variable

    II. De Tchernobyl à Fukushima : des zones en mouvement

    Des zones évacuées aux terres à reconquérir
    Mesure de l’exposition humaine aux rayonnements ionisants produits par la radioactivité
    Le « casse-tête » des évacuations volontaires
    Les enjeux politiques et économiques de la normalisation des zones contaminées
    Des normes sanitaires anormales pour des zones à « normaliser »
    Les guides de « réhabilitation participative » : ou comment apprendre à vivre dans un monde contaminé

    III. Vers la disparition de « zones » dans l’après Fukushima ?

    De la gestion des dégâts matériels à l’administration de la psychologie sociale

    Conclusion

    #nucléaire #anti-nucléaire #critique_techno #catastrophe #accident_nucléaire #pollution #radioactivité #santé

  • Ivan Illich, Le silence comme bien commun, 1981 – Et vous n’avez encore rien vu…
    https://sniadecki.wordpress.com/2024/02/18/illich-silence-fr

    La gestion électronique d’un problème politique peut être envisagée de multiples façons. Je propose, comme introduction à cette consultation publique, d’approcher cette question sous l’angle de l’écologie politique. L’écologie, au cours des dix dernières années, a acquis une nouvelle signification. Il s’agit encore du nom d’une branche particulière de la biologie professionnelle, mais le terme sert à présent de plus en plus de label au nom duquel un large public politiquement organisé analyse et influence les décisions techniques. Je veux me concentrer sur les nouveaux appareils électroniques comme représentant un changement technique dans l’environnement humain qui, même encore bénin, doit rester sous contrôle politique (et pas uniquement celui des experts).

    […]

    Au cours des treize minutes qu’il me reste à cette tribune, je vais m’attacher à clarifier une distinction que je crois fondamentale pour l’écologie politique. Je vais distinguer l’environnement comme bien commun de l’environnement comme ressource.

    […]

    Leur première réaction est de penser à l’apparition d’un nouvel ordre capitaliste. Confrontés à cette douloureuse nouveauté, ils oublient que le mouvement des enclosures signifie également quelque chose de plus simple. L’enclosure des communaux instaure un nouvel ordre écologique : l’enclosure n’a pas seulement pour effet de transférer physiquement aux riches propriétaires le contrôle des pâturages. L’enclosure marque un changement radical dans les attitudes de la société face à l’environnement. Auparavant, dans n’importe quel système juridique, une grande partie de l’environnement était considérée comme faisant partie des communaux desquels une majorité de gens tiraient une large part de leur subsistance sans devoir recourir au marché. Après l’avènement de l’enclosure, l’environnement devint en première instance une ressource au service des « entreprises » lesquelles, en développant une main-d’œuvre salariée, ont transformé la nature en biens et services dont dépendent la satisfaction des besoins essentiels des consommateurs. Cette transformation est l’angle mort de l’économie politique.

    #communs #commons #bien_commun #Ivan_Illich #subsistance

  • Kevin Bird, La Loterie génétique est un échec, 2021
    https://sniadecki.wordpress.com/2024/02/03/bird-loterie-genetique

    Au cours de la dernière décennie, la génétique et la théorie de l’évolution se sont débattues avec leur histoire, mêlant des personnalités qui ont posé les bases de leur discipline tout en promouvant des croyances racistes, sexistes et eugénistes nauséabondes. Biologiste de l’évolution, nous avons publié un article qui critique le projet de la génétique comportementale, tant sur le plan scientifique que sur les plans éthique et politique. Il s’appuie en particulier sur une lecture critique de The Genetic Lottery, le dernier ouvrage de Kathryn Paige Harden, figure centrale de la frange progressiste de ce champ. Dans celui-ci, elle se donne pour mission a priori impossible de montrer que, en dépit de tous ses antécédents en termes d’abus, la génétique comportementale a non seulement un intérêt scientifique, mais est également un atout dans la lutte pour la justice sociale.

    Dans cette mission, elle échoue par deux fois.

    #génétique #évolution #racisme #eugénisme

  • Geneviève Pruvost, Entretien avec Veronika Bennholdt-Thomsen, 2023
    https://sniadecki.wordpress.com/2024/01/25/pruvost-vbt

    Alors que l’écoféminisme connaît un regain en France depuis les années 2010-2020, il est resté centré sur un corpus principalement anglophone et n’est pas immédiatement rattaché aux études intersectionnelles et décoloniales. Or il existe un versant allemand du féminisme matérialiste des années 1970-1990 qui a pour singularité d’avoir placé le travail paysan, le travail domestique et l’appropriation du monde vivant au cœur des exploitations patriarcales.

    #interview #Veronika_Bennholdt-Thomsen #sociologie #anthropologie #féminisme #subsistance #perspective_de_subsistance #Geneviève_Pruvost

  • Patrick Marcolini, Héritiers situationnistes, 2009
    https://sniadecki.wordpress.com/2023/11/23/marcolini-heritiers-situ

    En vingt-neuf numéros et plus de mille cinq cents pages publiées, Le Tigre avait réussi l’exploit de ne jamais se pencher sur l’œuvre de Guy Debord. Non sans raisons, l’invocation du mouvement situationniste étant devenue, dans les médias, un poncif. Dans le dossier du volume précédent du Tigre, consacré pour une part aux textes de Julien Coupat et de ses proches, il manquait une analyse précise de la filiation entre ces derniers et les situationnistes. La voici.

    #situationnistes #histoire #héritage #Tiqqun #Patrick_Marcolini

    • Une chose m’est propre dans la mesure où elle rentre dans le domaine de mes usages, et non en vertu de quelque titre juridique. La propriété légale n’a d’autre réalité, en fin de compte, que les forces qui la protègent. La question du communisme est donc d’un côté de supprimer la police, et de l’autre d’élaborer entre ceux qui vivent ensemble des modes de partage, des usages.

      J’avais complètement oublié ce passage de l’Appel !

      Heureusement que 20 ans après, on est allé au delà de l’idée que _La propriété légale n’a d’autre réalité [...] que les forces qui la protègent._

      https://clip.ouvaton.org

  • Albert Einstein, Pourquoi le socialisme ?, 1949
    https://sniadecki.wordpress.com/2023/10/17/einstein-socialism-fr
    aussi ici
    https://www.marxists.org/francais/general/einstein/1949/00/einstein.htm

    Est-ce que beaucoup de choses ont changé dans les constats généraux ? (dépossession, emprise des capitalistes sur la presse et donc sur l’opinion publique, mauvaise éducation centrée sur la compétition) Les seuls progrès sont ceux du capitalisme.

    Est-il convenable qu’un homme qui n’est pas versé dans les questions économiques et sociales exprime des opinions au sujet du socialisme ? Pour de multiples raisons je crois que oui.

    […]

    Pour ces raisons nous devrions prendre garde de ne pas surestimer la science et les méthodes scientifiques quand il s’agit de problèmes humains ; et nous ne devrions pas admettre que les spécialistes soient les seuls qui aient le droit de s’exprimer sur des questions qui touchent à l’organisation de la société.

    #Albert_Einstein #socialisme #capitalisme #technocratie #démocratie

  • Matthieu Amiech, Lettre ouverte aux organisatrices du rassemblement estival Les Résistantes, 2023 – Et vous n’avez encore rien vu…
    https://sniadecki.wordpress.com/2023/10/16/amiech-les-resistantes

    Suivi de deux textes sur l’autonomie des luttes, notamment alimentaire.

    L’organisation de ce rassemblement visait précisément à faire se rencontrer des gens qui n’en sont pas tous au même point, dont les objectifs ne concordent pas tout à fait et doivent être mis en discussion : à faire avancer un mouvement en construction. Mais ici, il ne s’agit pas de cela. Imaginons que, peu après l’atelier « Discussion et retours sur nos expériences d’autodéfense féministe », ou avant la table ronde « Reprendre les terres dans une perspective féministe », il y ait eu une formation « Être féministe et sexy, pour réussir », ou « Faire avancer l’émancipation des femmes par la filière nucléaire (ou l’armée) » : on peut penser qu’il y aurait eu à juste titre un malaise, voire un scandale. Sur la question du numérique, par contre, la contradiction ne pose pas de problème. On a beau savoir que ces technologies sont au cœur des phénomènes de surveillance, de précarisation du travail, d’isolement social, d’aggravation des problèmes écologiques, elles restent « un outil incontournable pour nos luttes » – qui visent pourtant plus de liberté et d’égalité, moins de violence et de destructions.

    […]

    De façon générale, il est temps pour cette écologie terrestre, pour l’ensemble des luttes contre les petits et grands projets qui pillent les ressources et dévastent les territoires, de faire un choix. Ou bien nous luttons avec les outils numériques, dans un souci de soi-disant efficacité et au nom de l’urgence absolue-permanente ; ou bien nous luttons, de plus en plus, sans eux, pour trouver une nouvelle consistance humaine, pour tisser quelque chose de réellement hétérogène au développement (économique), à la transition (énergétique), à la vie administrée et artificialisée. Ou bien on continue de laisser au second plan de la conscience collective – derrière les écrans – l’impact effrayant de la numérisation sur les milieux naturels, la consommation d’énergie et d’électricité qui explose, la course aux métaux et l’ouverture de mines partout dans le monde ; ou bien on met cette question au premier plan : on insiste sur le rôle essentiel des ordinateurs et d’Internet dans l’accélération des prédations, de la bétonisation des sols, de la confiscation des terres et de la pollution des eaux (ou vice versa).

    #Matthieu_Amiech #critique_techno #numérique #informatisation #qrcode #gestion #autonomie #luttes_sociales #organisation

  • Radio : Bennholdt-Thomsen & Pruvost, La Politique de la Subsistance, 2023 – Et vous n’avez encore rien vu…
    https://sniadecki.wordpress.com/2023/10/13/rmu-atecopol-subsistance

    Veronika Bennholdt-Thomsen et Geneviève Pruvost présentent l’ouvrage La Subsistance : une perspective écoféministe (éd. La Lenteur, octobre 2022).

    Une tendance singulière et importante de l’écoféminisme : la perspective de la subsistance. Travail de (re-)production de la vie, domaine des tâches quotidiennes, invisibles, réalisés majoritairement par des femmes, la subsistance a pourtant été ignorée voire méprisée dans le féminisme comme dans l’écologie, et n’a que momentanément été remise au centre de l’attention par la crise sanitaire. La catastrophe écologique exige pourtant de repenser complètement nos manières de vivre et de travailler.

    Conférences organisées par l’Atelier d’écologie politique (Atecopol) de Toulouse en avril 2023.

    https://archive.org/download/rmu-087-atecopol-subsistance/RMU_087_Atecopol-Subsistance.mp3

    #subsistance #féminisme #écologie #écoféminisme #Veronika_Bennholdt-Thomsen #Geneviève_Pruvost #Atecopol #conférence #livre

  • Luzi & Berlan, L’écosocialisme du XXIe siècle doit-il s’inspirer de Keynes ou d’Orwell ?, 2020 – Et vous n’avez encore rien vu…
    https://sniadecki.wordpress.com/2023/10/03/luzi-ecosocialisme

    Keynes s’inscrit consciemment dans ce machiavélisme économique, en considérant que l’amour de l’argent « comme objet de possession », de même que les pratiques capitalistes en elles-mêmes « détestables et injustes », doivent être tolérés, étant les moyens les plus efficaces pour résoudre le « problème économique » (la rareté). Et il renvoie à ses petits-enfants la tâche de revenir sur cet immoralisme, une fois ce problème résolu.

    Le raisonnement de Keynes, qui repose sur la distinction entre les besoins absolus et les besoins relatifs, est pourtant sans consistance, puisqu’il méconnait la nature socio-culturelle des besoins. Même Adam Smith savait que le développement du commerce n’était pas une nécessité pour couvrir les besoins absolus

    […]

    À l’opposé de Keynes, qui, faisant de la « résolution du problème économique » une finalité indiscutable, reporte dans un futur indéterminé la contestation de l’infamie des pratiques capitalistes, Orwell suggère qu’un art de vivre conforme à la common decency permettrait aux gens ordinaires d’affronter ce « problème » de façon autonome, en associant la norme du suffisant et un commerce avec la nature se tenant à égale distance de l’impuissance technique et de la volonté de puissance technoscientifique.

    […]

    Emporté par la perspective de l’abondance, Keynes est indifférent au « chômage technologique », pour lui un effet collatéral transitoire. Cette perspective lui permet également de taire les conditions du travail industriel, les conséquences culturelles et politiques de la division technique du travail (pourtant déjà analysées par Adam Smith, Tocqueville et Marx), de même que celles des perfectionnements du machinisme. La connaissance de ces conditions de travail, Orwell la déduit du partage concret de celles des mineurs de Wigan. Et le machinisme lui semble, plutôt que de les délivrer de la nécessité, rendre les humains dépendants de macro-systèmes technologiques (et de leurs concepteurs) et les réduire progressivement « à quelque chose qui tiendrait du cerveau dans un bocal ».

    Les réflexions d’Orwell prolongent les intuitions de Rousseau sur le machinisme :

    « Plus nos outils sont ingénieux, plus nos organes deviennent grossiers et maladroits ; à force de rassembler des machines autour de nous, nous n’en trouvons plus en nous-mêmes [des capacités]. »

    #économie #socialisme #capitalisme #Keynes #Orwell #George_Orwell #Aurélien_Berlan #Jacques_Luzi #autonomie

  • Cédric De Queiros, Lutter contre l’éolien industriel, 2020
    https://sniadecki.wordpress.com/2023/08/19/queiros-eolien

    Je rappelle les chiffres : en 2019, l’éolien a produit 5 à 7 % de l’électricité consommée en France, soit à peu près 1,5 % de l’énergie toutes formes confondues… soit moins de 1 % de l’emprise énergétique totale de la société française. (L’emprise énergétique prend en compte l’énergie utilisée hors de France – en Chine, par exemple – pour produire et acheminer des biens et services qui seront consommés ici. C’est le chiffre le plus important du point de vue écologique, et qui est le plus souvent « oublié ».)

  • Miguel Amorós, Crise agricole et dilemme énergétique, 2023 – Et vous n’avez encore rien vu…
    https://sniadecki.wordpress.com/2023/08/24/amoros-agricole-fr

    L’agriculture industrielle est une agriculture sans agriculteurs. On dira la même chose de l’élevage intensif des macro-fermes. Les effets positifs de l’un et de l’autre se sont avérés être une augmentation sensible de la production et une baisse des prix qui ont conduit à une expansion démographique urbaine. Les aspects négatifs sont pires : abandon des terres et émigration vers les villes, perte des savoirs et savoir-faire, disparition ou privatisation des variétés locales, déforestation et destruction de la faune, production de déchets non recyclables, plus grande résistance des parasites et émergence de nouvelles maladies des plantes, disparition de la couche fertile du sol, surexploitation des aquifères, contamination des sols et de l’eau et dégradation de la qualité des aliments. L’argument majeur en faveur de la monoculture industrielle et de l’élevage intensif a été l’éradication de la faim dans le monde, une promesse clairement non tenue.

    […]

    Il n’y a pas de transition d’une société basée sur un modèle énergétique centralisé, industriel et extractiviste vers un monde décentralisé, désurbanisé et respectueux de la terre et de la nature. La société capitaliste d’après la transition se veut la même que la précédente, structurée de la même manière mais avec un discours écologique. Le capital n’a pas d’idéologie fixe, pas de langage particulier ; la seule préoccupation des dirigeants, soudain soucieux d’écologie, ce sont les affaires. Elles gravitent désormais autour du vert.

    […]

    Cette association obligatoire interroge le caractère renouvelable de l’énergie produite dans les «  parcs  », les «  jardins  » et autres «  fermes  », d’autant plus que, ne l’oublions pas, les matériaux industriels utilisés dans leur construction grèvent le bilan carbone des usines : béton armé et acier pour les fondations, aluminium et cuivre pour l’évacuation dans les lignes à haute tension, plastique renforcé de fibre de verre ou de carbone pour les «  lames  » ou pales, terres rares pour les aimants permanents des rotors (terres rares dont l’extraction et la purification sont des processus très polluants), wafers de polysilicium et films de métaux, peu abondants, semi-conducteurs pour les panneaux solaires (dont certains sont toxiques comme l’arsenic et le cadmium), matériau pour les supports et onduleurs de courant, lithium et cobalt pour les batteries, etc. Si l’on ajoute à cela les terrassements, excavations et autres travaux d’installation et d’entretien, qui se répètent au moment du démantèlement, c’est-à-dire après vingt ou trente ans, plus le recyclage problématique de la ferraille, on aura le tableau complet de la possibilité réelle de renouvellement d’un type d’énergie qu’il serait plus juste d’appeler «  énergie alternative dérivée des énergies fossiles  ». Ne parlons pas du caractère «  propre  » des autres énergies considérées comme renouvelables comme celles issues de la combustion de la biomasse ou des bio-carburants, et de l’énergie hydro-électrique elle-même. Bref, les énergies renouvelables ne sont qu’un mirage. Elles ne résolvent en rien la crise. Elles ont un impact environnemental important et peu d’impact économique local, ne créent pas d’emplois, menacent les forêts et les cultures, causent des dommages au paysage et à la faune et contribuent autant que l’agro-industrie à la désertification des campagnes espagnoles. Elles ne profitent qu’aux oligopoles énergétiques et aux groupes financiers, introduisent des dépendances technologiques inutiles, et qui plus est, ne sont même pas renouvelables.

    […]

    ans une incroyable dépense de ressources, la société de la consommation irresponsable entrerait dans un net déclin, auquel les dirigeants répondraient en recourant éventuellement aux armes. Il est donc vain de s’efforcer de trouver une solution pacifique à la crise par une «  décroissance économique planifiée démocratiquement  » – par qui ? – comme si l’économie mondiale et les agglomérations urbaines pouvaient accepter de bon gré leur extinction. La production d’énergie et de nourriture ne peut être considérée comme un phénomène sans rapport avec le marché, le système financier et le fait métropolitain.

    […]

    Tant que le tissu social ne se recomposera pas en dehors des institutions et contre elles, la défense du territoire sera faible et cherchera des compromis avec le développementisme sur la base d’une demande de moratoire temporaire ou de réduction de la taille des projets.

    #Miguel_Amoros #transition #énergie #écologie #critique_techno #urbanisme #agriculture #nourriture #démocratie

  • Cédric de Queiros, Réflexions sur une épidémie, 2020 – Et vous n’avez encore rien vu…
    https://sniadecki.wordpress.com/2023/08/18/queiros-epidemie

    Un texte fort honnête, ne faisant pas l’impasse sur le fait que c’est pas pendant une grosse crise en plein milieu qu’on peut tout d’un coup retrouver plein d’autonomie. Car durant des crises de cette ampleur là, il est relativement difficile de se passer des moyens industriels et/ou étatiques pour « calmer », diminuer (mais certainement pas résoudre vraiment) les problèmes.

    Enfin la liquidation des services publics, et en particulier la dégradation des systèmes de santé, induites par les politiques néolibérales (dans les pays industrialisés où ces systèmes de santé existent) joue aussi un rôle décisif dans la mortalité de la maladie. On sait par exemple qu’il y a un lien direct entre le nombre de lits disponibles en réanimation dans un pays et le nombre de morts que va y faire l’épidémie. C’est l’aspect le plus visible et le plus commenté dans les médias du lien entre l’épidémie et l’état de notre société ; cet aspect est évidemment réel mais ne doit pas faire oublier les liens plus profonds évoqués ci-dessus : il s’agit dans un cas du traitement de la crise, et dans l’autre de ces causes et de sa prévention.

    […]

    On voit ici, une fois de plus, que si les productions de notre époque sont catastrophiques, ce n’est pas nécessairement parce que des choses absolument nouvelles adviennent, mais aussi parce qu’elles adviennent à une échelle et à un rythme qui sont eux tout-à-fait inédits.

    […]

    Ces mesures sont à l’image de notre société : inégalitaires et injustes, autoritaires et infantilisantes, et souvent arbitraires voire irrationnelles. Elles sont une opportunité rêvée pour les gouvernants d’accélérer les transformations de la société auxquels ils aspirent (numérisation, état d’urgence permanent) qui, toutes, vont dans le sens d’une perte toujours aggravée de liberté. Mais il n’y a à peu près personne pour remettre en cause le principe de ces mesures ; tout simplement parce que personne n’a rien de mieux à proposer pour faire face à cette crise, étant donné la situation dans laquelle se trouve notre société. Aussi mauvaises et horribles que soient ces mesures de confinement autoritaire, elles ont probablement une certaine efficacité ; et si les États ne les avaient pas prises, la situation – en tout cas la propagation de l’épidémie – aurait sans doute été aggravée.

    Le texte publié dans le Creuse-citron n°62 devrait donc, pour correspondre à notre situation actuelle, être modifié comme suit : « Les gouvernements font partie du problème sanitaire et écologique en cours, mais si ils ne font pas partie de la solution, ils sont quand même les seuls à disposer d’un remède d’urgence, qui permettra au moins de limiter la casse… en attendant la prochaine fois. »

    Les gouvernements sont effectivement des pyromanes-pompiers, mais dans la situation d’urgence dans laquelle nous nous trouvons, avec la dépendance dans laquelle nous sommes tombés depuis si longtemps, il n’y a pas d’autre choix que de s’en remettre à ces pompiers-là, car ce sont les seuls disponibles.

    […]

    La situation de crise aiguë que nous vivons est un révélateur de notre situation ordinaire, avant la crise, et certainement après elle. La pandémie révèle l’ampleur de notre dépendance à l’État, à la médecine industrielle, aux moyens de communication de masse, à la grande distribution, aux marchandises produites dans des pays lointains, aux transports internationaux, etc. Et elle illustre cruellement la folie de cette dépendance. Nous avons les meilleures raisons – sensibles, morales, politiques, « écologiques », ou même esthétiques – de rejeter ces réalités aliénantes. Mais nous dépendons de chacune d’elles. Et bien évidemment cette dépendance ne date pas de la crise – mais la crise les aggrave, mortellement, et en somme, grotesquement. C’est ce que les auteurs de Catastrophisme, administration du désastre, et soumission durable (Jaime Semprun & René Riesel, éd. l’Encyclopédie des nuisances, 2008) appellent « l’incarcération dans le monde industriel ».

    […]

    Il est possible que le Covid-19 apparaisse après coup comme un épisode relativement mineur, au regard des événements plus graves (pandémies ou autre) qui lui succéderont inévitablement à plus ou moins brève échéance. Mais il aura illustré assez clairement que ce n’est pas pendant une crise que l’on peut arriver à construire plus d’autonomie et plus de liberté ; quand la crise est là, il est le plus souvent trop tard. Ceux qui se sont penchés sérieusement « au-dessus du gouffre nucléaire » nous l’avait déjà dit de longue date

    #covid #santé #crise #capitalisme #États #autonomie #anti-industriel

  • José Ardillo, Elisée Reclus, la ville sans limites, 2014
    https://sniadecki.wordpress.com/2023/07/17/ardillo-reclus-ville-fr

    Que ce soit par la publication de livres sur lui, de commentaires consacrés à sa pensée ou la réédition d’une bonne partie de ses écrits, il semble que la figure d’Elisée Reclus suscite en ce début de XXIe siècle un intérêt croissant. Mais dans la mesure où l’objet de ce chapitre est de mettre en relief la question de la ville et de son développement dans l’œuvre de ce grand géographe libertaire, nous privilégierons au sein de cette abondante littérature deux textes parus en 2013, qui permettront de délimiter le terrain du débat : Géographie et anarchie, un livre de Philippe Pelletier, qui est lui-même géographe et qui étudie de manière approfondie les écrits de Reclus depuis de nombreuses années, et un article de José Luis Oyón, chercheur en urbanisme à l’université de Catalogne, publié dans le bulletin de l’Ateneu Enciclopèdic Popular de Barcelone et traitant, comme l’indique son titre, de la fusion nature-ville chez Reclus.

    #Élisée_Reclus #José_Ardillo #ville #urbanisme #urban_matters #nature #anarchisme

    • Plusieurs questions se font jour ici. La première renvoie à la raison d’être de la ville en elle-même. Si elle est née comme un espace d’emblée confisqué par le pouvoir, il est aussi certain, comme le pensait Reclus, qu’elle est le produit d’une recherche de sociabilité plus intense et plus riche inscrite dans le cœur même de l’être humain. Ceci étant, si ce désir de sociabilité est légitime, il sera toujours nécessaire de composer avec les limites imposées par le monde physique. En ce sens, quelles seraient les dimensions idéales de la ville, la taille adéquate de sa population ? Et ces interrogations peuvent paraître banales à côté de la question cruciale : tout le territoire doit-il être appréhendé du point de vue de l’urbanisation, fût-ce l’urbanisation périphérique telle que la projetait Reclus ? En d’autres termes, quand bien même elle serait dotée de structures respectueuses, hygiéniques, harmonieuses, etc., la ville, en tant qu’idée et réalité, doit-elle absorber tout ce qui lui est extérieur jusqu’au point de convertir la terre en une succession de jardins, potagers, villas, terrains productifs et espaces publics ?

      Pour tenter de répondre à cette dernière question et comprendre comment Reclus entrevoyait la relation entre humanité et nature, il faut se tourner vers le livre que John P. Clark lui a dédié sous le titre La Pensée sociale d’Elisée Reclus, géographe anarchiste [3]. Clark lui reproche de céder à la facilité de penser une nature trop domestiquée, « humanisée », bien qu’il lui reconnaisse la lucidité suffisante pour avoir critiqué les effets les plus destructeurs que l’agriculture et les pratiques forestières pouvaient avoir sur le territoire. Il ne faut pas oublier que Reclus, fils de ce très progressiste XIXe siècle, adopta pourtant dans ses recherches un rapport sensible au monde, tournant son regard vers la nature et découvrant en elle la source la plus authentique de notre liberté et de notre plaisir esthétique. Clark souligne que les positions « urbanophiles » et progressistes de Reclus pourraient de fait entrer en contradiction avec d’autres aspects de sa pensée, ce qui semble inévitable dans une œuvre aussi variée et étendue.

      La fascination que Reclus pouvait ressentir pour Chicago, pour le dynamisme de cette ville, véritable titan de la culture industrielle, en est un exemple. Cette ville à laquelle le poète Cari Sandburg dédia ses Chicago Poems (1916), et qu’il qualifia de « charcuterie du monde » en faisant allusion à ses gigantesques abattoirs, sera le modèle de la mécanisation de la production de viande – un modèle que suivront d’autres villes et d’autres pays. Si l’on se réfère à Eliot, Lorca, Baroja, Dos Passos, Céline, Benjamin, Kafka et son labyrinthique Amérique ou encore Doblin et son roman sur Berlin, dans lequel apparaissent justement les abattoirs sous leur jour le plus brutal, la littérature des premières décennies du XXe siècle trace un portrait inquiétant de la réalité urbaine. Il est évident que Reclus n’envisageait pas de disséquer la dimension existentielle, paradoxale, dévastatrice, de la mégalopole mécanisée. Pourtant, les ouvrages de ces auteurs nous éclairent sur cette nouvelle étape historique de la ville à laquelle Reclus ne put assister.

      Qu’advint-il de la ville du XXe siècle lancée hors des rails d’une croissance limitée ? Limits of the City [Les Limites de la ville], livre publié par Murray Bookchin en 1974 [4], s’avère être une réactualisation de la réflexion critique à ce propos. Il est contemporain du Jardin de Babylone (1969) et de Tristes Campagnes (1973), ces essais de Bernard Charbonneau qui posent un jalon important dans la réflexion sur le problème urbain, mais nous nous attacherons ici à l’œuvre de Bookchin dans la mesure où elle s’inscrit explicitement dans la tradition libertaire à laquelle appartient Reclus. Sans faire allusion à Reclus, ni à d’autres penseurs de la ville tels que Paul Goodman ou Colin Ward, Bookchin reprend pourtant le fil de la réflexion là où ses prédécesseurs l’avaient laissé, et il analyse de façon implacable la ville bourgeoise comme espace mercantilisé. Il évalue les caractéristiques des différentes formes historiques de la ville telles que la polis grecque ou la commune médiévale, et il expose les différents projets utopiques urbains, allant de Thomas More, Fourier ou Engels jusqu’à Howard, Bellamy ou Geddes.

      Son livre se conclut sur une condamnation radicale de la mégalopole capitaliste. Bookchin écrit en fait à une époque bien différente de celle de Reclus : les villes nord-américaines se sont converties en un enfer d’automobiles, la pollution se propage et les problèmes de l’habitat et de la vie sociale se multiplient. Les villes ne sont pas seulement des lieux où règnent saleté et insécurité, elles induisent aussi une altération mentale. Dans le même temps, une conscience généralisée des problèmes environnementaux s’est forgée un peu partout. Il faut souligner à cet égard le grand intérêt des pages consacrées par Bookchin à une critique positive de la contre-culture en tant que mouvement critique, utopique, opposé à la mégalopole. Bookchin ne rejette pas la ville, qui pour lui recèle toujours un vrai potentiel de socialisation. Ce qu’il dénonce en revanche, c’est bien la mégalopole, qu’il considère comme « la négation absolue de la ville » :

      « Cette anti-ville, ni urbaine ni rurale en un sens traditionnel, ne peut être le théâtre de communautés ou d’associations authentiques. […] La mégalopole est une force active de dissolution sociale et psychique, elle est la négation de la ville comme cadre de proximité humaine et de tradition culturelle palpable, et comme lieu de convergence des énergies créatives humaines. »

      #Murray_Bookchin #mégalopole

    • Ah et puis en français il ya ce très long podcast découpé (qui mériterait sûrement un seen dédié) :
      https://floraisons.blog/patriarcat-et-capitalisme-selon-maria-mies

      Patriarcat et capitalisme selon Maria Mies est série de podcasts en 13 épisodes, présentée par Gwladys, qui explore en détail le livre Patriarchy and Accumulation on a world scale écrit par Maria Mies et publié pour la première fois en 1986. Ce livre est le premier à présenter de manière claire et articulée comment le patriarcat puis le capitalisme sont ancrés dans l’exploitation de la nature, des femmes et des colonies.

      Tout au long de la série, le podcast est enrichi de lectures et de ressources contemporaines qui illustrent la pertinence durable de la pensée de Maria Mies. En tant que femmes, féministes et écoféministes, c’est un ouvrage-clé pour comprendre le monde dans lequel nous vivons. Une première étape essentielle pour envisager un avenir au-delà de la violence du patriarcat et du capitalisme.

      Le livre Patriarchy and Accumulation on a world scale sera traduit aux Éditions Entremonde, sortie prévue début 2024.

  • Maria Mies, Avons-nous besoin d’une nouvelle « économie morale » ?, 1991
    https://sniadecki.wordpress.com/2023/06/04/mies-economie-morale-fr

    Le soi-disant développement n’est pas un processus d’évolution d’un stade inférieur à un stade supérieur, mais un processus de polarisation dans lequel certains deviennent de plus en plus riches parce qu’ils rendent les autres de plus en plus pauvres. Il y a 200 ans, le monde occidental n’était que cinq fois plus riche que les pays pauvres d’aujourd’hui. En 1960, ce rapport était déjà de 20 pour un, et en 1983 il était de 46 pour un, les pays riches étant 46 fois plus riches que les pays pauvres [Trainer]. La richesse des pays riches croît toujours plus vite et, dans un monde limité, cela signifie qu’elle croît aux dépens des autres, de ce que je continue à appeler des colonies : la nature, les femmes, les pays dits du « tiers monde ».

    Si l’on vise la durabilité, il faut alors en finir avec le marché mondial industriel et le modèle de croissance axé sur le profit. Ce dépassement est, comme l’a montré de manière convaincante Vandana Shiva, pour les pauvres, pour les femmes et les enfants des pays et régions pauvres, une question de survie. Ils luttent explicitement contre le « développement » et la modernisation parce qu’ils savent que ce développement va détruire les fondement de la pérennité de leur existence – leur accès aux biens communs : la terre, l’eau, l’air, les forêts, leurs communautés, leur culture. Ce sont eux qui doivent payer le prix du développement industriel urbain et masculin.

    #Maria_Mies #économie #capitalisme #développement #croissance #colonialisme #morale #subsistance #histoire

  • Marc Badal, Petits mondes paysans, 2013
    https://sniadecki.wordpress.com/2023/04/24/badal-paysans

    Ce texte constitue la dernière partie du livre de
    Marc Badal,
    Vidas a la intemperie :
    Nostalgias y prejuicios sobre el mundo campesino,
    publié en 2017
    chez Pepitas de Calabaza (en co-édition avec Cambalache).

    Le texte a été traduit par Séverine Denieul
    et publié dans la revue L’Autre côté n°4,
    « Un monde en voie de disparition : les paysans », hiver 2019.

    https://www.revuelautrecote.com

    #Marc_Badal #Histoire #paysannerie #paysans #vulgarisation