Pour Kahwagi, le Liban vient de vivre sa pire crise sécuritaire en huit ans | Dernières Infos

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  • Très important : le Liban vient de frôler le déclenchement officiel d’une nouvelle guerre civile, et tout ce qu’on peut lire d’ici, c’est un silence embarrassé, ou une assez nette tentative d’inverser les responsabilités.

    Pour Kahwagi [le chef de l’armée libanaise], le Liban vient de vivre sa pire crise sécuritaire en huit ans
    http://www.lorientlejour.com/category/Derni%E8res+Infos/article/805988/Pour+Kahwagi%2C+le+Liban+vient+de+vivre+sa+pire+crise+s.html

    Le commandant en chef de l’armée libanaise, le général Jean Kahwagi, a affirmé que le Liban avait connu ces dernières 24 h sa pire situation sécuritaire depuis huit ans, après des attaques coordonnées contre des cheikhs sunnites à Beyrouth.

    La lecture de l’Orient-Le Jour tend à n’incriminer que « les chiites » qui ont agressé des religieux sunnites.

    Pourtant, le chef de l’armée est cité déclarant :

    Il a appelé les politiciens et les responsables religieux à “combattre tous ceux qui poussent à la discorde dans le pays”.

    Mais qui peut donc pousser, selon le chef de l’armée, à la « discorde dans le pays » ?

    Dans un article précédent, L’OLJ citait le Grand mufti de la République (sunnite, n’est-ce pas) :
    http://www.lorientlejour.com/category/À+La+Une/article/805966/Liban_%3A_Les_incidents_itinerants_exacerbent_la_rue_sunnite.html

    Le mufti de la République a profité de sa visite à l’hôpital pour s’en prendre aussi à ses propres opposants. « J’impute la responsabilité à certains leaders sunnites, lesquels sont derrière les attaques contre le mufti de la République et visent à le faire tomber. Ces leaders ont incité ces drogués à agresser les ulémas. Ils doivent être sanctionnés au même titre que les drogués », a-t-il expliqué. En effet, le ministre de l’Intérieur Marwan Charbel, le mouvement Amal et le Hezbollah avaient affirmé dans la nuit de dimanche que les agresseurs étaient des « voyous drogués ».

    L’OLJ ne cherche pas plus loin qui pourraient être des « leaders sunnites » qui « inciteraient » des « drogués chiites » à attaquer des religieux sunnites ?

    La lecture de l’OLJ donne une impression très nette : le Liban est passé au bord de la guerre civile parce que des chiites ont agressé des religieux sunnites. Les citations du grand mufti et du chef de l’Armée, si on se contente de cette lecture, sont plus ou moins incompréhensibles.

    D’abord, il faut rappeler que depuis des semaines, l’agitation sectaire de l’escroc salafiste Assir à Saïda et ses menaces explicites contre les habitants chiites de la ville sont extrêmement dangereuses. J’écrivais il y a tout juste 5 jours : « Ces provocations vont fatalement se terminer dans le sang. » (Provocations explicites qui ne semblent, elles, ni intéresser nos médias, ni provoquer de déclarations paternalistes des ambassades étrangères.)
    http://seenthis.net/messages/121609

    Plus précisément, on pourra lire cette présentation d’un enchaînement des événements par Al-Monitor (article à la tonalité très discutable par ailleurs – je pense qu’il faut en général prendre Al-Monitor avec des pincettes ; cet article s’illustre d’ailleurs par un titre totalement contraire aux événements qu’il relate) :
    http://www.al-monitor.com/pulse/originals/2013/03/sunni-shiite-tension-lebanon.html

    Un militant chiite libanais (présenté avec certitude comme un membre du Hezbollah par Al Monitor) serait mort en Syrie, en protégeant un lieu saint chiite au Sud de Damas (sanctuaire déjà attaqué semble-t-il par des « rebelles » syriens autant intéressés par la guerre contre les lieux saints chiites que par la chute du régime).

    À la nouvelle de l’enterrement, les supporters du salafiste Assir installèrent des check-points à Saïda, pour « distribuer des douceurs » en signe de liesse (il n’y a que l’extrême bonne volonté du Al-Monitor pour accepter l’idée que des miliciens salafistes montent des check-points pour distribuer des pâtisseries libanaises et que cela va bien se passer).

    Des résidents chiites du quartier de Haret Saïda auraient donc décidé de se rendre sur ces check-points pour, selon Al-Monitor, « provoquer ces hommes » (comme si ça n’était pas le fait que des salafistes installent des check-points à Saïda qui était déjà une intolérable « provocation »).

    Suite à quoi (mais le lien logique n’est pas réellement explicité), un « supporter masqué d’Assir » serait allé tirer des coups de feu contre le quartier de Haret Saïda. (Détail insignifiant : s’il est masqué et s’il n’a pas été arrêté, comment sait-on qu’il s’agit d’un supporter d’Assir ?)

    Et c’est ensuite que des religieux sunnites ont été agressés à Beyrouth. La dénonciation par le chef de l’Armée de « ceux qui poussent à la discorde » prend ici beaucoup plus de sens immédiat.

    En réalité, il faudrait sans doute également se replacer dans les événements de Tripoli, où les bandes armées sunnites viennent de dénoncer leur propre instrumentalisation par le 14 Mars et les sheikhs salafistes :
    http://seenthis.net/messages/121196
    et évidemment l’attaque d’Ersal contre l’armée libanaise, qui avait déjà été l’occasion d’une tentative de manipulation orchestrée par le bureau de presse Hariri à Beyrouth, et la réfutation claire par le chef de l’armée :
    http://seenthis.net/messages/112742

    Clairement, le chef de l’armée ne se contente pas de dénoncer deux chiites isolés de Beyrouth…

    Quant aux déclarations du grand mufti, comme le souligne @rumor, http://seenthis.net/messages/123105
    elles ont une signification légèrement différente : la lutte entre le grand mufti sunnite et le 14 Mars est officielle depuis des mois (il y a eu plusieurs articles du Akhbar). Noter que là, les accusations sont encore plus graves : faut-il comprendre que, selon lui, les deux voyous chiites (dénoncés immédiatement par le Hezbollah et Amal) ont agit non à la suite des provocations de Saïda, mais pour le compte de ses opposants du Dar al-Fatwa, c’est-à-dire sur commande des chefs sunnites (politiques, religieux ?) du 14 Mars ?

    Le Hezbollah, lui, dénonce explicitement une ingérence américaine. Depuis le #cablegate libanais, on sait en effet que les politiciens du 14 Mars et leurs alliés américains sont parfaitement capables d’exploiter une situation déjà détestable pour atteindre à une situation encore plus détestable. La déclaration du Mufti, qui implique que l’attaque par des « drogués chiites » seraient en réalité une manipulation de la part de responsables sunnites, me semble correspondre à la même logique.

    • Noter que le chef de l’armée parle de pire crise sécuritaire « depuis 8 ans », c’est-à-dire l’attentat contre Rafiq Hariri en février 2005. Et donc pas du tout les événements de mai 2008, pourtant invoqués rituellement par les 14 Mars comme un véritable épisode de guerre civile.

    • Source : la déclaration du chef de l’armée dans le Safir :
      http://www.assafir.com/Article.aspx?EditionId=2415&articleId=2011&ChannelId=58105

      وقال قائد الجيش اللبناني العماد جان قهوجي لـ«السفير» ان لبنان مر في الساعات الأربع والعشرين الماضية «بأخطر استحقاق أمني منذ ثماني سنوات»، وأضاف أن ما حصل يدل بوضوح الى أين يمكن أن يقود الشحن الطائفي والسياسي والمذهبي المستمر على مدار الساعة، مناشداً السياسيين ورجال الدين أن يتحملوا مسؤولياتهم من أجل وضع حد لكل من يساهم في التحريض ضد الآخر في وطنه.