La critique de la valeur et Jacques Le Goff dans « L’Argent au Moyen Âge »

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  • La critique de la valeur et Jacques Le Goff dans L’Argent au Moyen Âge :
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    A la différence du marxisme traditionnel et de sa thèse évolutionniste sur les stades successifs des « modes de production » ou de l’ « Histoire globale » de Kenneth Pomeranz et son concept transhistorique de travail, la critique de la valeur pense le capitalisme dans les termes d’une rupture violente et fondamentale avec les sociétés précapitalistes. Pour éviter tout anachronisme, les discours sur une prétendue « nature humaine » ou les diverses ontologisations qui sous-tendent l’économie politique bourgeoise et ses avatars historiographiques, l’émergence du capitalisme ne peut être appréhendée dans une histoire continuiste qui est toujours la marque d’une conceptualité naturaliste et transhistorique. Il faut toujours se garder de rétroprojeter sur toutes les formes de vie sociale depuis la préhistoire et le néolithique, la conceptualité et la subjectivité moderne inscrites dans le contexte muet des rapports fétichistes présents (on pourrait dire la même chose du concept d’Etat qui est projeté dans l’histoire sur tout et n’importe quoi). Comme a pu le soutenir Robert Kurz en s’appuyant sur le concept de « révolution militaire » de l’historien Geoffrey Parker, le « big bang de la modernité » a été l’invention des armes à feu qui ont eu des conséquences sociales gigantesques entre les XIVe et XVIIe siècles, en permettant - de manière non volontaire et inconsciente - de faire émerger une nouvelle forme de synthèse sociale opérée par le travail abstrait et ses manifestations (marchandises, argent...). L’argent, le travail, le monde des marchandises, le présent comme nécessité qu’incarne le temps abstrait dans la modernité, sont alors des formes sociales et des catégories historiquement spécifiques au capitalisme qui est bien plus qu’un mode de production ou une infrastructure, il constitue une forme de vie sociale fétichiste, où l’inversion réelle entre les sujets et les objets est la religion quotidienne. Depuis plusieurs années, la critique de la valeur telle qu’elle a été développée en Allemagne, s’est fortement appuyée sur les thèses de l’historien français Jacques Le Goff (Kurz revient par exemple sur cet historien dans son dernier ouvrage, « Geld ohne wert », Horleman 2012, dont on retrouvera une recension par A. Jappe dans un numéro de la « Revue des Livres » de l’hiver 2012), notamment sur la non pertinence du concept d’argent pour parler du Moyen Age et sa thèse sur l’inexistence du capitalisme dans cette période. Il y a chez Le Goff et les historiens sur lesquels il s’appuit (Clavero, Guerreau-Jalabert...), un matériau historique et une assise pertinente et fructueuse pour continuer à penser l’émergence de la forme de vie capitaliste.

    Ci-dessous, on retrouvera une recension du livre de Le Goff, « Le Moyen Âge et l’argent » (Perrin, 2010, réédité chez Fayard en 2012) parue dans la revue française Sortir de l’économie (n°4, 2012), ainsi qu’un entretien de Le Goff sur cet ouvrage paru dans « Les Lettres françaises » en janvier 2011.

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