Signataires de l’appel pour une loi sur les signes religieux

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  • A lire absolument : "La haine de la religion. Comment l’athéisme est devenu l’opium du peuple de gauche", de Pierre Tevanian
    http://www.editionsladecouverte.fr/catalogue/index-La_haine_de_la_religion-9782707175908.html

    « Le NPA devrait relire Marx : la religion, c’est l’opium du peuple. » C’est ce qu’ont répété sur toutes les antennes de grands révolutionnaires tels que Michel Onfray, Aurélie Filipetti, Laurent Fabius ou Nadine Morano lorsque, en 2010, le Nouveau parti anticapitaliste a eu le front de présenter aux élections régionales une candidate qui portait un foulard : Ilham Moussaïd (une affaire qui a été ravageuse en interne).

    Dans ce livre, Pierre Tevanian a décidé de les prendre au mot : il a relu ce que disent de la religion Marx, mais aussi Engels ou Trotski. Et le résultat est… édifiant.

    En résumé : « Marx [dans « La Question juive », notamment] refuse l’inversion qui fait de l’arrachement à la religion la condition préalable de l’émancipation politique. A ses yeux, c’est au contraire l’émancipation politique qui constitue un préalable, trouvant son nécessaire prolongement dans une transformation socio-économique au terme de laquelle la religion est censée dépérir d’elle-même. L’émancipation politique ne saurait de ce fait être conditionnée par quoi que ce soit, et notamment pas par des gages de bonne conduite de la part de la minorité reléguée. »

    Sur Engels :

    « Engels ironisera à son tour, pour les mêmes raisons, sur l’idéalisme de ceux qu’il nomme les “extrémistes” de l’irréligion, qui entendent “abroger Dieu par décret” et “transformer les gens en athées par ordre du Grand Mufti”, alors que les occasions ne manquent pas d’apprendre (…) “que les persécutions sont le meilleur moyen de donner de la force à des convictions impopulaires”. Pour reprendre les termes de Marx, puisque la croyance religieuse durera aussi longtemps que durera la “situation” de misère et le “besoin” de croire qu’elle produit, il ne reste aux prêcheurs d’athéisme qu’un seul moyen de convertir sans délais : la force. »

    Tevanian remarque que, certes, la religion peut être vécue soit comme un moyen d’émancipation, soit, de façon moins sympathique, comme « une stratégie de distinction [c’est moi qui détiens la vérité] et un instrument de domination ». Mais que l’athéisme aussi…

    Chez Maxime Rodinson, il trouve ces lignes formidables : « Dans une société non socialiste, mettre au premier plan la lutte anti-religieuse serait une erreur idéaliste et petite-bourgeoise capitale. La lutte sociale doit être menée sur le terrain des clivages de classe de l’infrastructure, sur le terrain des camps qui délimitent les classes économiques et leurs options politiques et sociales, non sur le terrain fantasmagorique de l’idéologie qui établit de faux clivages mystifiés. »

    Commentaire de l’auteur : « Spéciale dédicace à Michel Onfray – et à toute l’équipe de “Charlie Hebdo”. »

    Il pose cette question des plus pertinentes : « Qui est le plus mal barré, entre un athée idéaliste de type Michel Onfray, qui croit en la puissance des maximes d’Epicure pour libérer l’humanité de ses souffrances – dans le cadre d’une économie de marché jamais remise en cause – et qui pense qu’il suffit de renier saint Paul pour se débarrasser de l’oppression patriarcale, et des théologiens chrétiens ou musulmans qui mobilisent activement les instruments méthodologiques de Marx ou d’Ibn Khaldoun pour analyser les structures sociales ? »

    Au passage, au moment où le verdict sur l’affaire de la crèche Baby Loup, en plus de susciter des commentaires aux relents bien dégueulasses
    (https://twitter.com/Zepapou/status/314079131757322240),
    relance le « catéchisme anti-voile » et les discours sur le foulard forcément symbole-de-soumission, Tevanian rappelle ce témoignage de Hanane dans « Les filles voilées parlent » : « Je porte le voile par soumission à un Dieu – et cette soumission-là, je l’assume totalement – mais cela veut dire aussi que je ne suis soumise à personne d’autre. Même pas à mes parents : je les respecte, mais je ne leur suis pas soumise. Elle est là, ma force : je me donne à un Dieu, et ce Dieu me promet de me protéger et me défendre. Alors ceux qui veulent me dicter ma conduite, je les emmerde. »

    (Sur ce livre, voir : http://www.peripheries.net/article318.html)

    Tout ça est imparable, mais le plus déprimant, c’est que ça ne servira probablement à rien. De l’extrême gauche à l’extrême droite, dans un contexte de crise économique mondiale, de découragement et de renoncement politique, c’est la logique du bouc émissaire qui est à l’œuvre. Il FAUT construire le musulman comme l’ennemi numéro un, et cette nécessité balaie tout sur son passage, à commencer par la raison – comme le montre l’ardeur à changer la loi quand elle empêche d’exclure et de stigmatiser, y compris en allant contre toutes les conventions européennes et internationales (lire le billet d’Alain Gresh, « Sus à l’islam ! Ils ne se fatiguent jamais... », sur son blog Nouvelles d’Orient :
    http://blog.mondediplo.net/2013-03-24-Sus-a-l-islam-Ils-ne-se-fatiguent-jamais).
    A partir de là, tenter de parler à la raison est probablement inutile. Que ces gens
    (http://www.marianne.net/Signataires-de-l-appel-pour-une-loi-sur-les-signes-religieux_a227577.html)
    ne voient pas ce qu’ils sont en train de faire est stupéfiant, mais démontre qu’on n’a pas réellement tiré les leçons historiques de ce genre d’engrenages. On tente de réfuter leurs discours parce qu’on ne peut pas faire autrement, et parce que les « faux clivages mystifiés » font des victimes bien réelles, mais… sans trop d’illusions.

    Voir l’intro du livre sur Les mots sont importants :
    http://lmsi.net/La-haine-de-la-religion

    #religion #islamophobie #politique