Guantanamo : M.Obama rappelé à sa promesse de fermer la prison
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LE MONDE | 28.03.2013
Par Philippe Bernard
L’administration Obama « reste déterminée à fermer » le centre de détention de Guantanamo ouvert après les attentats de septembre 2001, a affirmé un porte-parole de la Maison Blanche, mercredi 27 mars, alors qu’une grève de la faim débutée le 6 février s’étend parmi les prisonniers. Ce mouvement met en lumière l’incapacité du président américain à tenir cette promesse solennellement faite juste après sa première élection, il y a quatre ans.
Sur les 166 détenus qui restent incarcérés sur la base militaire située sur une enclave américaine en territoire cubain, environ 90 ont été déclarés libérables depuis des années, dont une majorité sont yéménites. Mais ils restent privés de liberté sans faire l’objet de poursuites judiciaires et sans terme défini, du fait du refus du Congrès de voter les crédits de transfèrement et des difficultés à trouver un pays acceptant de les accueillir.
C’est, semble-t-il, parmi eux que s’est développé ce mouvement de grève de la faim qui vient d’entrer dans sa septième semaine, secouant l’amnésie de la société américaine sur ce qui reste un vide juridique. Mercredi, la Maison Blanche a fait savoir que « l’équipe présidentielle [surveillait] attentivement » le mouvement de protestation.
ONZE GRÉVISTES SONT NOURRIS DE FORCE
L’administration militaire du camp et les avocats des détenus divergent sur les origines et l’ampleur de la grève. Mercredi, les autorités reconnaissaient 31 grévistes (contre 24 une semaine plus tôt) tandis que, selon les juristes ayant visité ou interrogé par téléphone leurs clients, une majorité des 166 prisonniers ont cessé de s’alimenter, certains ayant perdu énormément de poids et mettant leur vie en danger.
L’administration reconnaît d’ailleurs que onze grévistes sont nourris de force. Le quotidien Miami Herald a publié, mardi, une photo prise à Guantanamo d’un fauteuil de contention où les prisonniers sont sanglés pour être intubés ou perfusés.
Le mouvement a été déclenché à la suite d’une fouille au cours de laquelle les corans des détenus ont été touchés par des gardiens, ce qui a été considéré comme une « profanation religieuse ». Mais, selon les militaires en charge de la prison, des interprètes musulmans feuillettent les livres sous le regard de gardiens, en vertu d’une procédure déjà ancienne. Les détenus exigent que les corans soient totalement exemptés de fouille, ce que l’administration refuse.
La grève est « un événement orchestré pour attirer l’attention des médias », a estimé le capitaine Robert Durand, porte-parole militaire. Les détenus « ont été arrêtés par hasard, leur vie est foutue, on leur a tout enlevé, proteste David Remes, avocat de quinze détenus, tous grévistes, cité par l’AFP. Ils vivent leur douzième année à Guantanamo alors que s’éloigne pour eux la perspective d’en sortir. Cette prison est leur tombeau. »
IMPRESSION D’UNE PROLONGATION SANS FIN DE LA PRISON
Devant cette situation, la Croix-Rouge a avancé d’une semaine sa visite régulière de la prison. Ses conclusions ne seront pas rendues publiques. Le Comité international de la Croix-Rouge estime que « les garanties d’une procédure équitable et transparente aideront à soulager la pression mentale et émotionnelle que vivent les détenus, étant donné l’incertitude sur leur sort ».
La polémique est montée d’un cran, jeudi, avec la requête déposée par les avocats devant un tribunal fédéral de Washington faisant état d’un refus des gardiens de fournir de l’eau potable aux détenus et d’une baisse de la température dans la prison, destinée à saper le mouvement de protestation. Des allégations réfutées par l’administration du camp.
Depuis son ouverture en janvier 2002, Guantanamo a été secoué par des mouvements récurrents de grève de la faim et par de nombreux suicides. En août 2005, un mouvement avait touché 131 des 505 détenus.
Récemment, les militaires ont demandé au Congrès de voter des crédits de 200 millions de dollars (156 millions d’euros) destinés à rénover les installations de la prison , confirmant l’impression d’une prolongation sans fin, et démentant les promesses de fermeture réitérées par la présidence .