Périphéries - D’images et d’eau fraîche

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  • Les réseaux sociaux ont confisqué la métaphore du blog
    http://blog.tcrouzet.com/2014/12/01/les-reseaux-sociaux-ont-confisque-la-metaphore-du-blog

    "Le blog a été pensé comme un journal, comme une chronologie, sur laquelle on ne revient pas. Depuis longtemps, nous avons dépassé ce mode d’écriture, sans changer ni l’interface ni le logiciel. Nous recourons à des artifices comme des sommaires pour créer un semblant de continuité. C’est du bricolage, désagréable pour le lecteur, surtout pour le nouveau venu qui n’a aucune raison de penser qu’il se tient sur la partie émergée de l’iceberg. Pour nous rattraper, nous sommes souvent contraints de créer des livres ou des ebooks, une façon de donner forme à notre continuité. Ainsi nous sortons du blog, parce que le blog tel qu’il a été pensé ne convient pas à une pratique littéraire autre que fragmentaire. Problème identifié. Solution esquissée par The Economist. Il reste à penser le template capable de restituer (...)

    #public

  • Périphéries - D’images et d’eau fraîche - Ode à Pinterest

    http://www.peripheries.net/article333.html

    Très bien Mona Chollet, un long texte superbe comme d’hab, comme j’aime, mais pas un mot sur seenthis et là c’est un peu décevant, vu l’immensité du savoir qui y circule malgré le petit nombre d’abonnés.

    Oubli regrettable, Disons que pour cette fois, dix coups de fouet suffiront sauf erreur ou omission de ma part auquel cas je me fouetterai moi-même.

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    L’une des raisons pour lesquelles les mises à jour de Périphéries sont devenues si rares, c’est que j’ai été avalée par les réseaux sociaux. Maintenant, quand j’ai envie de recommander un livre, au lieu de me fatiguer à synthétiser le propos de l’auteur, à le décortiquer et à le commenter, à le mettre en relation avec des lectures passées, je balance deux lignes sur Facebook ou sur Twitter : « Lisez ça, c’est super. » Une grande avancée pour la finesse de la pensée et la richesse du vocabulaire.

    Dans son étude des usagers du téléphone portable, le sociologue Francis Jauréguiberry (1) analyse ce que change dans les relations humaines le fait d’avoir à disposition des moyens de communication instantanée, et de pouvoir atteindre n’importe qui, n’importe quand, par un appel ou un SMS — mais sa réflexion vaut aussi pour un statut Facebook ou un tweet. Avec le portable et les réseaux sociaux, au lieu de laisser décanter en soi ce qu’on veut dire, au lieu de le ruminer longuement dans son coin, de le laisser mûrir, on s’exprime à flux tendus, par bribes.

  • Périphéries - D’images et d’eau fraîche - Ode à Pinterest
    http://www.peripheries.net/article333.html

    Sinon, autant le dire tout de suite : Pinterest, c’est la honte. J’aurais mieux fait de choisir Tumblr. Pour l’essentiel, Tumblr est branché, second degré, plein de gifs animés, de chats aux yeux rouges qui volent, de dérision et de parodies, ou alors de collections d’art pointues et dérangeantes. Alors que Pinterest est résolument premier degré, à la limite de la niaiserie. Chacun y met ce qui le fait rêver, de sorte qu’il offre une vue en coupe des fantasmes et des idéaux contemporains. On comprendra que ça m’intéresse... C’est sans doute pour cette raison qu’il a la réputation d’un réseau « féminin » : il déborde de robes de mariée, d’images romantiques et vaporeuses, de listes de shopping, de cupcakes, de cocktails, de fringues et de sacs, de mamans et de bébés, de photos de décoration intérieure, de produits de beauté, de mannequins filiformes et de recettes de cuisine. C’est la version 2.0 du bovarysme.

    En fait, Pinterest reflète bien cette « culture féminine » que j’ai essayé de décrire dans Beauté fatale, une culture que les femmes se sont constituée au fil du temps autour des occupations et des préoccupations dans lesquelles la société les enfermait : le quotidien, l’univers domestique, le soin des enfants, le corps, la mode, la sensualité, ou encore le goût des choses petites, secrètes, cachées. Il s’agit d’une culture à laquelle beaucoup d’entre elles adhèrent encore, et qui est méprisée par la culture légitime, mais habilement récupérée et exploitée par la société de consommation et les médias de masse. Elle mêle des éléments à mes yeux tout à fait défendables, et d’autres franchement aliénants. La présence massive des seconds sur Pinterest a d’ailleurs amené certaines à estimer que ce réseau social « tuait le féminisme » (Amy Odell, « How Pinterest is killing feminism », Buzzfeed, 1er octobre 2012).

    #Internet #femmes #images #pinterest #féminité #genre

  • Périphéries - D’images et d’eau fraîche - Ode à Pinterest
    http://www.peripheries.net/article333.html

    L’une des raisons pour lesquelles les mises à jour de Périphéries sont devenues si rares, c’est que j’ai été avalée par les réseaux sociaux. Maintenant, quand j’ai envie de recommander un livre, au lieu de me fatiguer à synthétiser le propos de l’auteur, à le décortiquer et à le commenter, à le mettre en relation avec des lectures passées, je balance deux lignes sur Facebook ou sur Twitter : « Lisez ça, c’est super. » Une grande avancée pour la finesse de la pensée et la richesse du vocabulaire.

    Dans son étude des usagers du téléphone portable, le sociologue Francis Jauréguiberry (1) analyse ce que change dans les relations humaines le fait d’avoir à disposition des moyens de communication instantanée, et de pouvoir atteindre n’importe qui, n’importe quand, par un appel ou un SMS — mais sa réflexion vaut aussi pour un statut Facebook ou un tweet. Avec le portable et les réseaux sociaux, au lieu de laisser décanter en soi ce qu’on veut dire, au lieu de le ruminer longuement dans son coin, de le laisser mûrir, on s’exprime à flux tendus, par bribes. « La pulsion interdit l’élaboration de l’élan », écrit Jauréguiberry. Certains de ses interlocuteurs disent eux-mêmes que le portable représente à leurs yeux, dans leurs relations avec leurs proches, « un danger pour l’émotion pensée non plus comme passage à l’acte, mais comme tension créatrice. Le risque est de voir l’impulsion chasser l’imagination, et le bavardage remplacer l’échange. Le silence et le différé, condition de retour sur le passé et de projection dans l’avenir, sont les complices d’un présent créateur. Mais lorsque ce présent n’est plus qu’une succession d’immédiats éphémères, où se situe la continuité ? ».

    L’un des enquêtés de Jauréguiberry s’inquiète pour les lettres d’amour, en particulier : « Le téléphone a un aspect simplificateur de la pensée que le billet doux ou la lettre n’a pas. Parce que la lettre, on l’écrit, on la réécrit, on la jette, on la recommence... On prend plus de temps à faire passer le message. Avec le portable, c’est : “Je t’aime, tu me manques.” Non seulement c’est brut et peu sophistiqué, mais ça appauvrit, je crois, la relation. » Forcément, à l’époque où une lettre devait voyager pendant des jours, voire des semaines, avant d’atteindre son destinataire, il aurait paru légèrement incongru de se contenter d’un « Je t’aime mon chéri, bisous ». Ou alors, il fallait être Denys Finch Hatton (1887-1931), l’amant de l’écrivaine danoise Karen Blixen, dont Robert Redford a interprété le rôle dans Out of Africa de Sydney Pollack. Alors qu’il était parti en safari, son frère, qui avait besoin d’un renseignement urgent, avait envoyé des hommes à sa recherche. Les types avaient marché des jours avant de le dénicher. Et là, à la question « Connais-tu l’adresse de X ? », ce farceur de Finch Hatton avait fait répondre : « Oui. » Un peu comme s’il croyait qu’il avait les SMS gratuits dans son forfait.

    #Internet #images