/article

  • Ce que les « Monsanto Papers » révèlent du Roundup

    http://www.lemonde.fr/planete/article/2017/03/18/ce-que-les-monsanto-papers-revelent-du-roundup_5096602_3244.html

    La justice américaine a déclassifié des correspondances internes de la firme. Dès 1999, cette dernière s’inquiétait du potentiel mutagène du glyphosate.

    Rarement hasard du calendrier aura été plus embarrassant pour une agence d’expertise. Dans le cadre d’une action intentée contre Monsanto, la justice fédérale américaine a déclassifié, jeudi 16 mars, plus de 250 pages de correspondance interne de la firme agrochimique, montrant que cette dernière s’inquiétait sérieusement, dès 1999, du potentiel mutagène du glyphosate, principe actif de son produit phare, le Roundup, et molécule phytosanitaire la plus utilisée au monde.

    Or le 15 mars, à la veille de la publication de cette documentation confidentielle, l’Agence européenne des produits chimiques (ECHA) annonçait qu’elle ne considérait le glyphosate ni comme cancérogène ni même mutagène – c’est-à-dire capable d’engendrer des mutations génétiques.

    Pour Monsanto, l’affaire est cruciale : le Roundup est la pierre angulaire de son modèle économique, fondé sur la vente liée de ce pesticide et des cultures transgéniques capables de le tolérer.
    Ces documents internes de la firme de Saint Louis (Missouri) ont été rendus publics dans le cadre d’une action collective portée devant une cour fédérale de Californie par plusieurs centaines de travailleurs agricoles touchés par un lymphome non hodgkinien (un cancer du sang). S’appuyant sur un avis rendu en mars 2015 par le Centre international de recherche sur le cancer (CIRC), les plaignants attribuent leur maladie au contact prolongé avec l’herbicide commercialisé par Monsanto.

    Connivences

    Les précédentes archives déclassifiées dans le cadre de cette affaire ont notamment montré que Monsanto avait bénéficié de connivences au sein de l’Agence de protection de l’environnement (EPA), chargée aux Etats-Unis d’évaluer la sûreté du glyphosate (Le Monde daté du 17 mars).
    Cette fois, les courriels mis au jour racontent une autre histoire. En 1999, les cadres de Monsanto souhaitent faire appel aux services d’une autorité scientifique incontestable pour plaider la cause du glyphosate auprès des régulateurs européens. Tout l’enjeu est de les convaincre que le produit n’est pas génotoxique.

    « Prenons un peu de recul et regardons ce que nous voulons vraiment faire, écrit un cadre de l’entreprise à ses collègues. Nous voulons trouver quelqu’un qui est familier du profil génotoxique du glyphosate/Roundup et qui peut avoir une influence sur les régulateurs, ou conduire des opérations de communication scientifique auprès du public, lorsque la question de la génotoxicité [du glyphosate] sera soulevée. »
    Les messages échangés suggèrent qu’en interne, la crainte est forte que le glyphosate ne soit considéré comme génotoxique, c’est-à-dire nocif pour le matériel génétique et donc capable d’y induire des mutations susceptibles d’initier des cancers.
    Un rapport jamais rendu public

    La firme de Saint Louis jette son dévolu sur James Parry, alors professeur à l’université de Swansea (Pays de Galles), l’un des papes de la génotoxicité – auteur de près de 300 publications. Mark Martens, alors directeur de la toxicologie de Monsanto pour l’Europe et l’Afrique, est chargé de cornaquer le savant britannique et le faire accoucher d’un rapport sur le sujet.
    Hélas ! James Parry semble n’avoir pas saisi les règles tacites de l’exercice. Au lieu de défendre le glyphosate en mobilisant ses connaissances, il fait valoir de sérieuses inquiétudes. Le rapport qu’il remet à Monsanto ne sera jamais rendu public, ni transmis aux autorités de régulation.

    Et pour cause : sur la base d’études alors récentes, écrit M. Parry, « je conclus que le glyphosate est un clastogène potentiel in vitro ». Une substance « clastogène » est un mutagène capable de casser l’ADN et d’induire des aberrations chromosomiques. Sur la foi d’observations menées sur des cellules sanguines (lymphocytes) bovines et humaines, James Parry ajoute que « cette activité clastogénique [du glyphosate] pourrait se produire in vivo dans les cellules », à l’exception des cellules germinales (spermatozoïdes et ovocytes).

    James Parry précise que le mécanisme en jeu serait la capacité du glyphosate à induire un « stress oxydatif » sur les cellules – c’est précisément ce processus qui sera identifié par le Centre international de recherche sur le cancer, dans sa monographie de mars 2015. Une monographie que Monsanto qualifiera immédiatement, dans un communiqué, de « science pourrie »…

    L’impact sanitaire des « surfactants »

    Le rapport de Parry est fraîchement accueilli. Le 31 août 1999, un cadre de la firme écrit à ses interlocuteurs qu’il est « déçu » par le texte rendu et interroge : « A-t-il déjà travaillé pour l’industrie sur ce genre de projet ? » Le scientifique britannique suggère à Monsanto, dans son rapport, de conduire des tests spécifiques pour explorer plus avant le potentiel mutagène du glyphosate.

    En septembre 1999, l’un des toxicologues de Monsanto écrit à ses collègues que « Parry n’est pas la personne qu’il nous faut et cela prendrait pas mal de temps, de dollars et d’études pour l’amener à l’être ». « Nous n’allons simplement pas conduire les études qu’il suggère, ajoute-t-il à l’adresse de Mark Martens, le cornac de James Parry. Mark, penses-tu que Parry peut devenir un avocat solide sans mener ces travaux ? Sinon, nous devrions commencer sérieusement à chercher une ou plusieurs autres personnalités avec qui travailler. » L’intéressé ajoute, à propos de la génotoxicité possible du glyphosate : « Nous sommes actuellement très vulnérables. »

    En interne, l’affaire crée des remous pendant plusieurs mois. Dans un courriel collectif envoyé en 2001 par une haute responsable de la firme, Mark Martens est stigmatisé : « Mark n’a pas bien géré cela et on en est presque arrivé à voir Parry déclarer le glyphosate génotoxique… »
    Ce n’est pas tout. L’impact sanitaire des « surfactants » (ces produits ajoutés au glyphosate pour démultiplier son pouvoir herbicide) apparaît comme une autre épine dans le pied du géant de l’agrochimie. Selon les plaignants, leur présence augmenterait l’absorption du glyphosate par la peau, accroissant ainsi l’exposition des travailleurs agricoles au produit.

    Monsanto conteste la classification de l’OMS

    Interrogée le 11 janvier 2017 par les avocats des plaignants, Donna Farmer, l’une des toxicologues de Monsanto, assure « n’avoir aucune donnée certifiant » ce soupçon. Las ! Dans les documents déclassifiés, un rapport interne de 2001 et signé de scientifiques de la firme, liste six mécanismes par lesquels « les surfactants sont capables d’augmenter l’absorption du glyphosate par la peau ».
    Interrogée par Le Monde, Monsanto rappelle que toutes les agences réglementaires considèrent le glyphosate comme sûr et conteste la classification de l’Organisation mondiale de la santé, qui l’estime mutagène et cancérogène probable pour l’homme.

    Que pense M. Parry de l’affaire ? Difficile de le savoir : il est décédé en 2010. La firme de Saint Louis assure, elle, que le rapport du scientifique britannique ne faisait que « répondre à quelques études isolées », rudimentaires et irréalistes (injection directe de la substance, etc.). « Le Dr Parry a initialement cru que ces études montraient des effets génotoxiques possibles du Roundup et a suggéré à Monsanto de conduire plus d’analyses, par le biais d’études de génotoxicité », précise la société au Monde.

    Celles-ci auraient été conduites et auraient finalement changé l’opinion de M. Parry. Pour en avoir le cœur net, les avocats des plaignants demandent donc l’accès à plus de documents internes, dont les correspondances entre M. Parry et son cornac. Les révélations des « Monsanto Papers » ne font peut-être que commencer.

  • En Nouvelle-Zélande, un fleuve reconnu comme une entité vivante

    http://www.lemonde.fr/planete/article/2017/03/16/en-nouvelle-zelande-un-fleuve-reconnu-comme-une-entite-vivante_5095219_3244.

    Une décision qui pourrait être une première mondiale. Un fleuve considéré comme sacré par les Maoris a été reconnu par le Parlement néo-zélandais comme une entité vivante. Le Whanganui, le troisième plus long cours d’eau du pays, s’est vu doter, mercredi 15 mars, d’une « personnalité juridique, avec tous les droits et les devoirs attenants », a détaillé le ministre de la justice, Chris Finlayson.

    Le nom maori du fleuve est Te Awa Tupua. La tribu locale lutte pour la reconnaissance de ses droits sur ce cours d’eau depuis les années 1870, a relevé M. Finlayson. « La nouvelle législation est une reconnaissance de la connexion profondément spirituelle entre l’iwi [tribu] Whanganui et son fleuve ancestral. »

    Ce statut aura pour traduction concrète que les intérêts du Whanganui seront défendus dans les procédures judiciaires par un avocat représentant la tribu et un autre le gouvernement. L’iwi a également reçu 80 millions de dollars néo-zélandais (52 millions d’euros) au titre des frais de justice ainsi qu’une somme de 30 millions de dollars (19,6 millions d’euros) pour améliorer l’état du cours d’eau.

  • #Pesticides : l’Agence européenne des produits chimiques blanchit le #glyphosate
    http://www.lemonde.fr/planete/article/2017/03/15/pesticides-l-agence-europeenne-des-produits-chimiques-blanchit-le-glyphosate

    L’Agence européenne des produits chimiques (ECHA) a annoncé, mercredi 15 mars, qu’elle ne classait pas le glyphosate, principe actif du Roundup et substance pesticide la plus utilisée au monde, parmi les agents cancérogènes.

    L’agence d’expertise prend ainsi le contre-pied de l’Organisation mondiale de la santé et ouvre la voie à une réautorisation du produit en Europe.

    #monsanto #roundup #merci_l_europe

  • Au #Kenya, la guerre de l’eau enflamme la vallée du Rift
    http://www.lemonde.fr/planete/article/2017/03/14/au-kenya-la-guerre-de-l-eau-enflamme-la-vallee-du-rift_5093954_3244.html

    A Baringo, à la détresse s’ajoute un conflit tribal d’une grande violence opposant les deux principaux groupes ethniques du comté. D’un côté les Tugen, majoritaires, en grande partie cultivateurs dans le centre et le sud du comté. De l’autre, les Pokot, presque tous pastoralistes et minoritaires sauf au nord, à Tiaty.

    Depuis des siècles, les deux tribus cohabitent et s’affrontent. Mais cette année, les heurts ont pris un tour sanglant. « Poussés par la #sécheresse, des éleveurs pokot armés font descendre leurs dizaines de milliers de vaches vers les points d’#eau et les pâturages encore préservés des Tugen au sud, envahissant leurs fermes, détruisant les terres, volant le bétail et tirant sur les populations. Dix mille Tugen ont déjà dû fuir », explique Bethuel Wafula, coordinateur de l’Autorité nationale pour la gestion de la sécheresse (NDMA) à Baringo.

    #climat #la_Niña #conflit_foncier #famine

  • EU #experts accused of conflict of interest over herbicide linked to #cancer
    http://www.independent.co.uk/environment/glyphosate-roundup-weedkiller-cancer-bees-farming-greenpeace-echa-eur

    On Wednesday, the European Chemical Agency (ECHA) is due to issue its recommendation to the European Commission about whether a new 15-year license to allow the chemical’s use should be issued.

    But, just two days before the decision is due to be announced, Greenpeace sent a letter to the ECHA’s executive director, Geert Dancet, claiming several members of its Risk Assessment Committee (RAC) “appear to have a conflict of interest, according to ECHA’s own criteria”, The Independent can reveal.

    The letter said the ECHA’s rules said this could arise if “the impartiality and objectivity of a decision, opinion or recommendation of the agency … Is or might in the public perception be compromised by an interest”.

    #glyphosate #pesticides #conflit_d'intérêt #ue #corrompu #corruption

  • Les #perturbateurs_endocriniens, une menace pour le développement du #cerveau
    http://www.lemonde.fr/planete/article/2017/03/07/les-perturbateurs-endocriniens-une-menace-pour-le-developpement-du-cerveau_5

    Pour autant, la mise en place d’une réglementation appliquée aux perturbateurs endocriniens n’est toujours pas en vue. Celle-ci aurait dû voir le jour en 2013 au plus tard et #Bruxelles a été condamnée par la Cour de #justice de l’#Union_européenne, en décembre 2015, pour carence dans la gestion de ce dossier.

  • Agriculture : pourquoi la réduction des pesticides est possible
    http://www.lemonde.fr/planete/article/2017/02/27/agriculture-pourquoi-la-reduction-des-pesticides-est-possible_5086364_3244.h

    J’adore le côté « tongue-in-cheek » du chapo

    Des chercheurs français estiment, dans « Nature Plants », qu’une réduction des intrants agricoles chimiques de 30 % n’aurait pas d’effets négatifs.

    Des données intéressantes sur l’inanité économique des intrants, mais qui répondent au poids des habitudes et au conservatisme.

    #agriculture #pesticides

  • Cauchemars et facéties #55
    https://lundi.am/Cauchemars-et-faceties-55

    Errance sur l’internet. Les résultats : des préfets contre des requins, des préfets contre des lycéens, des policiers, des fichiers, des esclaves, des espions, plus de papillons.

    « http://www.europe1.fr/societe/bruno-le-roux-a-des-jeunes-respectez-la-police-autant-quelle-vous-respecte-2 »
    « http://www.linfo.re/la-reunion/societe/712485-dispositif-post-attaque-un-requin-bouledogue-peche-a-saint-andre »
    « http://www.europe1.fr/societe/la-reunion-le-surfeur-kelly-slater-veut-abattre-tous-les-requins-2985182 »
    « http://www.lexpress.fr/actualite/societe/fait-divers/etudiant-eborgne-a-rennes-deux-policiers-en-garde-a-vue-a-l-igpn_1872131.ht »
    « http://www.lefigaro.fr/flash-actu/2016/11/22/97001-20161122FILWWW00177-3-mois-de-prison-ferme-pour-avoir-vole-un-fromage »
    « http://www.leparisien.fr/info-paris-ile-de-france-oise/feux-violences-des-blocages-degenerent-devant-plusieurs-lycees-des-hauts- »
    « http://www.liberation.fr/futurs/2017/02/21/le-megafichier-etendu-au-pas-de-charge_1549968 »
    « https://www.nextinpact.com/news/103328-biometrie-fichier-tes-generalise-en-france-dici-28-mars.htm »
    « http://www.bastamag.net/Chauffeurs-Uber-quand-les-proletaires-2-0-sont-au-volant »
    « http://www.01net.com/actualites/comment-les-publicitaires-vous-espionnent-a-coups-d-ultrasons-1055515.html »
    « http://www.silicon.fr/quand-les-ultrasons-desanonymisent-les-utilisateurs-de-tor-166514.html »
    « http://www.lemonde.fr/violences-policieres/article/2017/02/15/claude-bartolone-va-saisir-le-defenseur-des-droits-sur-les-pratiques-de-main »
    « http://www.lejdd.fr/Societe/Maintien-de-l-ordre-La-France-est-un-regime-malade-de-sa-police-784157 »
    « http://www.liberation.fr/debats/2017/02/23/agriculture-les-raisons-de-la-colere_1550595 »
    « http://www.lemonde.fr/biodiversite/article/2016/11/28/l-extinction-des-pollinisateurs-menace-1-4-milliard-d-emplois-selon-un-rappo »
    « http://www.lemonde.fr/planete/article/2016/12/30/le-laboratoire-qui-cultive-les-legumes-sans-sol-ni-soleil_5055583_3244.html »

  • Cancer au travail : la Commission européenne complice de l’industrie

    http://www.lemonde.fr/planete/article/2017/02/24/cancer-au-travail-bruxelles-complice-de-l-industrie_5084643_3244.html

    Pour fixer les normes limitant l’exposition des travailleurs aux substances cancérogènes, responsables chaque année de 100 000 décès, Bruxelles s’appuie sur des experts majoritairement liés aux industriels.

    Travailler à en mourir. Chaque année en Europe, 100 000 personnes meurent d’avoir été exposées à des produits qui leur ont causé un cancer tandis qu’elles exerçaient leur métier. Poumons, cavité nasale, vessie, prostate, larynx, maladie de Hodgkin, lymphomes, etc. : 100 000 cancers professionnels si bien documentés qu’ils sont dits « évitables ». Pour réduire le risque au maximum, voire l’éliminer totalement, les employeurs sont tenus d’adapter les conditions de travail de leurs employés en fonction de normes appelées « valeurs limites d’exposition ». Encore faut-il que ces normes, fixées substance par substance, soient suffisamment protectrices. Qui en décide ?
    Dans l’Union européenne (UE), la détermination de ces valeurs limites découle des recommandations d’un comité officiel largement inconnu, le Comité scientifique en matière de limites d’exposition professionnelle (Scoel). Or la majorité de ses experts (15 sur 22) entretiennent des liens avec les secteurs industriels directement concernés par les substances soumises à leur évaluation.

    Des liens on ne peut plus étroits pour trois d’entre eux, directement employés par les groupes BASF (chimie) et Shell (pétrole et gaz). Mais surtout, l’enquête du Monde démontre que c’est en toute connaissance de cause que la Commission européenne a choisi de confier à ces experts l’intégrité physique de plusieurs millions de travailleurs.

    « Les travailleurs ont l’illusion d’être protégés »

    Si le sujet prend un relief particulier aujourd’hui, c’est parce que l’Union européenne a entrepris de réviser sa « directive sur la protection des travailleurs contre les risques liés à l’exposition à des agents cancérogènes ou mutagènes au travail ». Le Parlement européen examinera mardi 28 février ses propositions. Elles concernent une quinzaine de substances : chlorure de vinyle, chrome hexavalent, différents types de fibres minérales (des isolants qui ont remplacé l’amiante et posent également question), poussières de bois, etc. Pas moins de 20 millions de personnes y sont exposées.

    Mais les valeurs limites d’exposition proposées par la Commission sont « beaucoup trop élevées », déplore Laurent Vogel, juriste, chercheur à l’Institut syndical européen (ETUI), un centre de recherche et de formation de la Confédération européenne des syndicats. La valeur proposée pour le chrome hexavalent, par exemple, est vingt-cinq fois supérieure à celle appliquée en France.

    Plus de 1 million d’ouvriers européens sont exposés à cette substance qui provoque des cancers du poumon. « Des valeurs limites très élevées aboutissent à des désastres, estime M. Vogel. Les travailleurs ont l’illusion d’être protégés. Dans la pratique, ces valeurs limites se convertissent alors en une autorisation de tuer accordée aux entreprises. » Et ces valeurs limites dérivent toutes des avis émis par le Scoel, le comité d’experts européen.

    Le Scoel est composé de vingt membres et de deux « invités ». Aucun n’est employé à temps plein par la Commission : ces experts ne sont pas des fonctionnaires européens, mais exercent une activité professionnelle principale comme professeurs d’université, chercheurs au sein d’instituts, etc., à Berlin, Edimbourg (Ecosse) ou Utrecht (Pays-Bas). Plusieurs fois par an, la Commission organise des réunions du Scoel auxquelles ils participent.

    Des experts liés à l’industrie délibérément sélectionnés

    C’est la Commission qui a choisi chacun d’entre eux pour un mandat de trois ans, en fonction « de leur expertise et leur expérience scientifiques reconnues », ainsi que l’exigent les textes européens. Mais les membres ont dû, au moment de la soumission de leur candidature, remplir des « déclarations d’intérêts ». Dans ces formulaires, il leur est demandé de consigner toute activité pouvant les mettre en situation de conflit d’intérêts. C’est-à-dire toute collaboration, au cours des cinq années qui précèdent, avec des entités « ayant un intérêt dans le champ d’activité » du Scoel, ce qui recouvre à peu près tous les secteurs industriels européens.

    Les déclarations d’intérêts étant des documents publics, Le Monde a pu prendre connaissance des informations dont la Commission disposait pour éclairer son choix et constater qu’elle a délibérément sélectionné quinze experts liés – à différents degrés – à l’industrie. Chimie, métaux, fibres minérales ou encore automobile : la plupart des secteurs « représentés » dans le Scoel sont d’ailleurs impliqués dans des actions de lobbying visant à influencer leurs obligations futures dans la directive sur la protection des travailleurs. Pour les industriels, des valeurs limites strictes, synonymes de mise en conformité, représentent un coût.

    La Commission n’ignorait donc pas que Robert Landsiedel et Edgar Leibold sont employés par le groupe allemand BASF, et Peter Boogaard, par Shell. Le leader mondial de la chimie et le géant de l’industrie pétrolière doivent appliquer les valeurs limites inspirées par les avis du Scoel. « Je suis tout à fait conscient du conflit d’intérêts potentiel (perceptible) et tout à fait capable, professionnellement, de faire les distinctions appropriées », a écrit Peter Boorgaard dans un courriel au Monde.

    Les clients de Sebastian Hoffmann, le dirigeant d’un cabinet de consultants en toxicologie, doivent aussi appliquer les normes d’exposition : ce sont des industriels de la chimie. La Commission a néanmoins considéré que M. Hoffmann n’avait « aucun » conflit d’intérêts. C’est le mot qu’elle a inscrit en face de plusieurs noms dans son tableau d’appréciation des membres du Scoel, en contradiction flagrante avec les informations figurant dans leurs déclarations d’intérêts.

    Fréquentes omissions

    C’est aussi le cas pour Hermann Bolt et Helmut Greim qui n’auraient, selon la Commission, « aucun » conflit d’intérêts. Retraités de longue date de leurs activités universitaires respectives, membres du Scoel depuis sa création il y a plus de deux décennies, les toxicologues allemands en sont désormais des membres « invités », présents à toutes les réunions ou presque. M. Bolt a pourtant déclaré être membre du conseil scientifique de l’EUGT, une organisation au service de l’industrie automobile et dirigée par BMW, Daimler et Volkswagen. Conseil scientifique d’ailleurs présidé par le second expert, M. Greim. Longtemps expert au sein de divers comités scientifiques européens, celui-ci s’est distingué au cours des dernières années pour prôner, auprès de la Commission, une réglementation minimaliste des perturbateurs endocriniens, des substances chimiques qui interagissent avec le sytème hormonal.

    Si M. Greim a bien indiqué être consultant et conseiller pour les industriels de la chimie et des fibres minérales, il ne mentionne pas des collaborations que plusieurs médias européens, dont Le Monde, ont documentées dans le détail au cours des derniers mois. M. Greim est, entre autres, membre d’un groupe mis en place par Monsanto pour défendre le glyphosate, principe actif du Roundup, son célèbre herbicide soupçonné d’être cancérogène, et officie comme consultant pour BASF. La rubrique prévue pour les « membres de famille proche » est vide dans sa déclaration d’intérêts alors que son épouse, Heidrun Greim, codirigeait une société de consultants en toxicologie jusqu’en 2016.

    A noter que les oublis ne sont pas rares : cinq experts ont omis de consigner certains travaux. Le président du Scoel par exemple, Leonard Levy, déclare être consultant pour l’industrie des métaux, mais oublie une mission de consultant pour l’industrie des fibres minérales effectuée en 2015 en compagnie de M. Greim.

    « Honteux »

    « Quand l’industrie me demande conseil, je le fais comme expert indépendant, et l’industrie sait très bien qu’elle ne peut pas influencer mes évaluations », a assuré M. Greim au Monde, qui lui demandait si ses collaborations avec des organisations défendant des intérêts commerciaux pouvaient altérer son jugement. Des experts mentionnés, seuls MM. Boogaard et Greim ont répondu aux sollicitations du Monde.
    Si les experts sont libres de collaborer avec qui bon leur semble, la Commission, selon les textes européens, doit, elle, veiller à ce que les recommandations du Scoel se fondent « sur les principes éthiques de l’excellence, de l’indépendance, de l’impartialité et de la transparence », a écrit la porte-parole de la Commission européenne au Monde. Des « mesures d’atténuation pour éviter des conflits d’intérêts » ont été mises en place, assure-t-elle. « Ainsi, les membres qui ont un lien avec une certaine branche industrielle ne peuvent pas participer aux discussions concernant les substances spécifiques. »

    « C’est honteux !, réagit la sociologue Annie Thébaud-Mony, directrice de recherche honoraire à l’Institut national de la santé et de la recherche médicale (Inserm) et grande figure de la santé au travail en France. J’ai du mal à comprendre que la Commission européenne, qui doit œuvrer pour le bien de tous, s’affranchisse d’un recours à une expertise effective, libérée de tout lien avec l’industrie. »

    La Commission assume

    Deux cas singuliers, enfin. Les experts Ivonne Rietjens et Angelo Moretto ont en commun d’avoir dû démissionner de panels scientifiques d’une autre agence officielle, l’Autorité européenne de sécurité des aliments (EFSA), en raison, précisément, de leurs conflits d’intérêts. Un article de presse spécialisée avait révélé que Mme Rietjens avait été rémunérée un peu plus de 50 000 euros en 2014 pour sa présence assidue au conseil de surveillance de Royal Wessanen, une entreprise agroalimentaire néerlandaise.

    M. Moretto avait quant à lui quitté le panel traitant de la question des pesticides après avoir fait l’objet, en 2011, de l’une des deux uniques procédures de « rupture de confiance » dans l’histoire de l’agence. Il n’avait pas déclaré posséder 17 % des parts d’un cabinet de consultants en toxicologie qu’il avait cofondé, Melete. Il en possédait toujours 10 % quand il a été désigné membre du Scoel, en mai 2015, sans que la Commission, cette fois, trouve cela problématique.

    Sur les seize collaborations que M. Moretto déclare au total, la moitié correspond à des expertises dans le cadre de procès. En clair, des industriels ont recours aux services de M. Moretto pour se défendre dans des procédures les opposant à des employés – plus souvent les proches de ceux-ci quand ils en sont morts – qui leur réclament des dédommagements pour des maladies liées à leur exposition à l’amiante, au benzène, au cobalt, au chrome et plus généralement à des produits de la pétrochimie.

    « Il est indispensable d’avoir des experts qui ont une vraie expertise de terrain », assume la porte-parole de la Commission, justifiant la pertinence de confier les normes européennes de protection contre le cancer professionnel à des experts qui assistent les entreprises qui en sont à l’origine.

  • Sept planètes rocheuses découvertes autour d’une étoile naine

    http://www.lemonde.fr/planete/article/2017/02/22/sept-planetes-rocheuses-decouvertes-autour-d-une-etoile-naine_5083903_3244.h

    L’étoile Trappist-1 est située à 39 années-lumière de la Terre. Trois de ses planètes se trouvent dans la zone dite d’habitabilité, où l’eau peut exister.

    Trappist-1 est située à 39 années-lumière de nous, dans la constellation du Verseau. Dans le jargon des spécialistes, il s’agit d’une « naine ultra-froide », c’est-à-dire d’une toute petite étoile, dont la masse représente 8 % de celle du Soleil et dont le rayon est à peine supérieur à celui de Jupiter, la plus grosse planète du Système solaire. Et elle est dite « ultra-froide » non pas parce qu’on y gèle – cela reste une étoile… – mais parce que sa température de surface, d’environ 2 200 °C, est très inférieure à celle que l’on mesure pour d’autres astres – 5 500 °C pour le Soleil par exemple.

    C’est précisément ce nanisme stellaire qui a intéressé l’équipe liégeoise lorsque, sous la direction de Michaël Gillon, elle a conçu le petit télescope Trappist (pour « Transiting Planets and PlanetesImals Small Telescope »), installé en 2010 au Chili. Comme son nom complet l’indique, cet instrument exploite le phénomène appelé « transit » : lorsque, pour les observateurs lointains que nous sommes, une planète extrasolaire passe devant son étoile, la luminosité de cette dernière est légèrement amoindrie, une baisse d’éclat dont on peut déduire la présence d’une planète, et son rayon.

    Il y a néanmoins un risque, poursuit le chercheur français : que les exoplanètes situées dans la zone d’habitabilité… ne soient pas habitables. « Dans leur jeunesse, les étoiles naines sont très actives et émettent des rayonnements UV extrêmes, des rayons X, beaucoup de vent stellaire », décrit-il. « Cela n’est pas du tout propice à l’apparition de la vie, reconnaît Valérie Van Grootel. Cela peut éroder l’atmosphère voire la souffler complètement. »

    #They_live

  • Le boum de l’aquaculture et des farines de poisson aux dépens de l’alimentation des pays du sud
    http://www.lemonde.fr/planete/article/2017/02/14/la-face-sombre-de-l-aquaculture_5079708_3244.html

    Près du marché au poisson de Joal-Fadiouth, sur les côtes du Sénégal, les femmes qui achetaient chinchards, anchois, maquereaux et sardinelles pour les fumer se sont retrouvées au chômage. Ces petits pélagiques, moins nobles que le thon ou la daurade, constituent la base de la cuisine jusque dans l’arrière-pays. Mais depuis quelques années, des fabricants de farine de poissons coréens, russes, chinois se sont installés sur place et raflent tout en offrant quelques centimes de plus par caisse débarquée des pirogues de pêche artisanale.

    C’est l’un des effets du boum de l’aquaculture.

    La pêche minotière, largement pratiquée par les grandes flottilles asiatiques dans les eaux des pays du Sud, contribue à mettre en péril la ressource alimentaire des populations littorales, déjà mise à mal par la surexploitation des grands poissons prédateurs au large.

    Or les auteurs estiment que 90 % des poissons devenus farine étaient parfaitement comestibles, ce qui va à l’encontre du code de conduite pour une pêche responsable établi par l’Agence des Nations unies pour l’alimentation et l’agriculture (FAO). Celle-ci préconise au contraire de ne transformer que les poissons qui ne sont pas consommés par les humains (comme les lançons ou les tacauds), afin de ne pas menacer la sécurité alimentaire de tous.

  • La face sombre de l’aquaculture

    http://www.lemonde.fr/planete/article/2017/02/14/la-face-sombre-de-l-aquaculture_5079708_3244.html

    La surexploitation des petits poissons, réduits en farine, menace la sécurité alimentaire des pays du Sud.

    Près du marché au poisson de Joal, sur les côtes du Sénégal, les femmes qui traditionnellement achetaient chinchards, anchois, maquereaux et sardinelles pour les fumer se sont retrouvées au chômage. Ces petits pélagiques, moins nobles que le thon ou la daurade, fondent la base de la cuisine jusque dans l’arrière-pays. Mais voilà que depuis quelques années des fabricants de farine de poissons coréens, russes, chinois se sont installés sur place et raflent tout en offrant quelques centimes de plus par caisse débarquée des pirogues de pêche artisanale.

    C’est l’un des effets du boum de l’aquaculture. La population mondiale qui croît est de plus en plus gourmande de protéines animales. Il lui faut de plus en plus de farines et d’huile de poisson. Voilà pourquoi les sardinelles africaines réduites au rôle de fourrage vont nourrir des saumons norvégiens, des truites polonaises, des anguilles chinoises, des crevettes thaïlandaises, mais aussi des carpes a priori herbivores, des volailles, ou encore des visons, des chiens, des chats…

    Le même jour paraissait dans la revue Fish and Fisheries une publication scientifique cosignée par Frédéric Le Manach, directeur scientifique de Bloom, Tim Cashion, Daniel Pauly et Dirk Zeller de l’université de Colombie-Britannique. Cette étude souligne qu’en moyenne, entre 1950 et 2010, 27 % du total des captures débarquées autour du globe (soit environ 20 millions de tonnes par an) a été réduit et transformé, servant à autre chose qu’à nourrir directement les humains. Selon Bloom, les farines de poisson alimentent certes l’aquaculture mondiale (elle en consomme environ 57 %), mais elles fournissent aussi largement l’élevage de porcs (22 %) et de volailles (14 %).

    Or les auteurs estiment que 90 % des poissons devenus farine étaient parfaitement comestibles, ce qui va à l’encontre du code de conduite pour une pêche responsable établi par l’Agence des Nations unies pour l’alimentation et l’agriculture (FAO). Celle-ci préconise au contraire de ne transformer que les poissons qui ne sont pas consommés par les humains (comme les lançons ou les tacauds), afin de ne pas menacer la sécurité alimentaire de tous.

  • La #Cour_des_comptes déplore le « gâchis » de l’#écotaxe
    http://www.lemonde.fr/planete/article/2017/02/08/la-cour-des-comptes-deplore-le-gachis-de-l-ecotaxe_5076351_3244.html

    C’est sur l’histoire d’un triple fiasco, politique, économique et environnemental, que revient la Cour des comptes en se penchant, dans son rapport annuel rendu public mercredi 8 février, sur l’écotaxe poids lourds – un « projet ambitieux » qui s’est soldé par un « échec stratégique » et un « abandon coûteux ».

    http://www.ccomptes.fr/content/download/98698/2251038/version/1/file/05-ecotaxe-poids-lourds-Tome-1.pdf

  • Les #Seychelles veulent sauver le « coco-fesses »
    http://www.lemonde.fr/planete/article/2017/02/01/les-seychelles-veulent-sauver-le-coco-fesses_5072779_3244.html

    La vallée de Mai, nichée au cœur de cette dernière et inscrite au Patrimoine mondial de l’Unesco, avec sa flore conservée dans son état quasi originel, ses geckos impassibles et ses perroquets rieurs, abrite l’une des plus grandes forêts de cocotiers de mer.

    L’espèce a perdu 30 % de sa population en trois générations. « Et on estime que le phénomène pourrait se poursuivre dans la centaine d’années à venir », craint M. Jean-Baptiste. La faute, d’abord, au #braconnage. Le drame du #coco-fesses est d’être un fruit légendaire, très prisé en Asie, où on lui trouve des vertus (forcément) #aphrodisiaques. Sa rareté en fait un produit de luxe, très rémunérateur pour les braconniers. Une coque vidée de coco-fesses se négocie ainsi autour de 300 euros l’unité, et plus de 400 euros le kilo si la pulpe (ou « kernel ») est encore comestible.

    L’annus horribilis fut celle de 2014, lorsque 228 noix étaient arrachées aux cocotiers par les braconniers, pénétrant dans la vallée de nuit en profitant de l’absence de grillage et de surveillance. « C’était dramatique, car arracher les cocos a un impact direct sur leur processus de reproduction des cocotiers. Quand un arbre meurt aujourd’hui, il n’y en a pas de nouveau pour prendre sa place », insiste l’administrateur du parc.

    #extinction

  • Un niveau de radiations record détecté à la centrale nucléaire de Fukushima

    http://www.lemonde.fr/planete/article/2017/02/03/un-niveau-de-radiations-record-detecte-a-la-centrale-nucleaire-de-fukushima_

    Une caméra a permis à la fin du mois de janvier de détecter un niveau de radiation extrêmement élevé d’environ 530 sieverts par heure dans le réacteur 2 de la centrale de Fukushima.

    Grâce à une petite caméra envoyée à la fin janvier à l’intérieur de l’enceinte de confinement du réacteur 2 de Fukushima, la compagnie Tepco, opérateur de la centrale nucléaire, a pu y observer des niveaux de radiations records ainsi qu’un trou, a-t-elle annoncé vendredi 3 février.

    Le réacteur 2 est, à l’instar des 1 et 3, l’un des plus endommagés et responsables de dégagements massifs de substances radioactives dans la nature après la mise en péril du site par le tsunami gigantesque de mars 2011.

    L’analyse des images filmées a permis de déduire qu’il règne dans une partie de l’enceinte de confinement « des radiations qui peuvent atteindre 530 sieverts par heure », a précisé Tepco. Un homme exposé à une telle radioactivité mourrait presque instantanément. Le précédent relevé, réalisé en 2012 à un autre endroit du réacteur 2, était, selon Tepco, de 73 sieverts.

    Ce niveau extrêmement élevé « s’il est exact, peut indiquer que le combustible n’est pas loin et qu’il n’est pas recouvert d’eau », a déclaré Hiroshi Miyano, professeur de l’université Hosei qui préside une commission d’étude pour le démantèlement de la centrale.

    Jusqu’à présent, les examens n’ont pas permis de localiser précisément le combustible supposément fondu dans ces trois unités sur les six que compte la centrale.

  • La France annonce une aide d’un million d’euros pour le lac Tchad
    http://www.lemonde.fr/planete/article/2017/01/28/la-france-annonce-une-aide-d-un-million-d-euros-pour-le-lac-tchad_5070771_32

    La France a annoncé une aide d’un million d’euros pour sauvegarder l’écosystème du lac Tchad, lors de la visite samedi 28 janvier à N’Djamena de la ministre française de l’environnement, Ségolène Royal.

    « Le #lac_Tchad et la deuxième #zone_humide d’Afrique. Cette région est déjà durement affectée par le changement climatique », a déclaré Ségolène Royal lors d’une conférence de presse à l’occasion de sa visite au Tchad.

  • Les scientifiques américains entrent en résistance contre l’administration Trump

    http://www.lemonde.fr/planete/article/2017/01/28/aux-etats-unis-la-science-en-resistance-contre-l-administration-trump_507048

    Les agences fédérales liées à la recherche sont réduites au silence ou soumises à un contrôle politique tatillon. Une Marche pour la science est prévue bientôt à Washington pour protester.

    Si l’initiative s’avère couronnée de succès, l’histoire retiendra qu’elle a commencé comme une simple conversation sur le site Internet Reddit. Le 21 janvier, quelques internautes discutent, sur ce réseau social, de l’organisation d’une Marche pour la science – à l’image de la Marche des femmes, qui a rassemblé plusieurs centaines de milliers de manifestants à Washington, au lendemain de l’investiture de Donald Trump.

    Six jours plus tard, vendredi 27 janvier, le mouvement avait son logo et son site, comptait près de 230 000 abonnés à ses comptes Facebook et Twitter, et annonçait que la date de la manifestation serait arrêtée dans les prochains jours.

    En une semaine, l’administration qui s’est installée à Washington a largement contribué à cette mobilisation des scientifiques. Plusieurs événements ont mis le feu aux poudres.
    Dès le 23 janvier, des informations de presse ont fait état du gel des financements accordés par l’Agence de protection de l’environnement (EPA) – contributions aux travaux de recherche soutenus par l’agence, bourses de thèse, participation à des projets de dépollution, etc.

    Gel des subventions

    L’institution – à la fois agence d’expertise et ministère de l’environnement – doit être confiée à Scott Pruitt. Lorsqu’il était procureur général de l’Oklahoma, ce dernier, climatosceptique déclaré, a poursuivi à quatorze reprises l’agence dont il doit prendre la tête, selon le décompte du New York Times. A chaque fois, il contestait les décisions de l’EPA lors de ses contentieux avec des industriels.
    En attendant le vote du Sénat confirmant l’arrivée de M. Pruitt à la tête de l’EPA, un mémo interne obtenu par le Huffington Post indique que la direction de la communication de l’agence a promulgué des restrictions drastiques à son personnel. Et ce, « jusqu’à ce que des directives soient reçues de la nouvelle administration » : « Aucun communiqué de presse ne sera publié vers l’extérieur », « aucune publication sur les réseaux sociaux ne sera publiée », ni « aucun billet de blog », « aucun nouveau contenu ne sera déposé sur aucun site Web » maintenu par l’agence, etc.

    Le mémo ajoute qu’un « conseiller en stratégie numérique rejoindra [l’agence] pour superviser les médias sociaux », précisant que « le contrôle des comptes » des personnels de l’agence « devrait être plus centralisé » à l’avenir. Les comptes Twitter officiels de l’EPA sont muets depuis le 19 janvier.


    Myron Ebell, chargé par Donald Trump de superviser la transition à la tête de l’EPA, prévoit des coupes dans les effectifs et le budget de cett agence.

    Selon Myron Ebell, haut responsable du Competitive Enterprise Institute (un think tank financé par des intérêts industriels) et chargé par Donald Trump de superviser la transition à la tête de l’EPA, un tel gel des subventions accordées par l’agence n’est pas sans précédent. « Ils essaient de geler les choses pour être sûrs qu’il ne se produit rien qu’ils ne veulent pas voir se produire, a-t-il déclaré à ProPublica. Ils veulent être sûrs de pouvoir viser les réglementations en cours, les contrats, les subventions, les embauches avant qu’ils ne soient effectifs. »

    Contrôle étroit

    Pour peu que ce gel soit temporaire, il serait « une pratique similaire à ce que des administrations précédentes ont fait pendant la période de transition », confirme le physicien Rush Holt, patron de l’American Association for the Advancement of Science (AAAS), la société savante éditrice de la revue Science. « Cependant, ajoute-t-il, le niveau d’anxiété est tel qu’il faut faire éclater les ballons d’essai, avant qu’ils ne deviennent une politique permanente. »

    Tout au long de la semaine écoulée, d’autres institutions fédérales étroitement connectées au monde de la recherche se sont révélées soumises à un contrôle étroit. Un mémo interne des National Institutes of Health (NIH), révélé le 24 janvier par une société savante (l’American Society for Biochemistry and Molecular Biology), précise que les employés de l’institution de recherche biomédicale ne sont en outre pas autorisés, jusqu’à nouvel ordre, à répondre aux sollicitations de parlementaires.

    Des départements du ministère de l’agriculture (USDA) dévolus à la recherche agronomique ont également été sujets à de semblables contraintes, mais l’USDA a déclaré que le mémo interne dévoilé par la presse avait été envoyé par erreur.

    En une semaine, une dizaine de comptes Twitter ont ainsi été créés pour remplacer les comptes des agences fédérales réduites au silence ou à un contrôle politique tatillon. Le compte « alternatif » de l’EPA (@altUSEPA), créé le 25 janvier, comptait 185 000 abonnés deux jours plus tard ; le compte « renégat » de la NASA (@RogueNASA), créé le même jour, avait de son côté 625 000 abonnés. Impossible, toutefois, de savoir si ces fils Twitter sont bel et bien, comme ils prétendent l’être, alimentés par des employés de ces agences fédérales entrés « en résistance ».

    Des sociétés savantes sortent de leur réserve

    Le 24 janvier, la découverte que des Tweet anodins sur le changement climatique, émis par le compte du parc national des Badlands (Dakota du Sud), avaient été effacés a suscité un émoi considérable sur les réseaux sociaux. Mais, selon des sources internes au parc, citées par le Washington Post, la suppression de ces messages aurait été décidée en interne, sans pressions extérieures.

    D’autres révélations ont jeté plus de trouble encore. La veille, le Washington Post révélait que, deux semaines plus tôt, les Centers for Disease Control and Prevention (CDC) annulaient discrètement et sans explications une conférence internationale prévue pour se tenir en février à Atlanta, sur le thème du changement climatique et de la santé…

    Mais une société savante, l’American Public Health Association, a déclaré, le 27 janvier, qu’elle prendrait le relais des CDC et organiserait l’événement sans recourir à des fonds fédéraux. Les CDC n’ont pas répondu aux sollicitations du Monde.

    Plusieurs grandes sociétés savantes sortent ainsi de leur réserve. Le 26 janvier, Christine McEntee, directrice exécutive de l’American Geophysical Union (AGU) qui rassemble 60 000 chercheurs internationaux en sciences de la terre, écrivait à la direction intérimaire de l’EPA (nommée en attendant la validation de M. Pruitt par le Sénat) son « inquiétude à propos des directives de l’agence pour faire cesser les communications avec le public ». « Nous sommes préoccupés par le fait que ces directives bafouent les principes d’intégrité et de transparence de la recherche, poursuivait Mme McEntee. Cela pourrait même violer les règles d’intégrité scientifique de votre propre agence. »
    « La communauté scientifique hautement préoccupée »

    Outre la liberté de communiquer leurs résultats, des scientifiques employés par des agences ou des laboratoires fédéraux craignent surtout pour la sauvegarde de données scientifiques cruciales à la poursuite de leur activité de recherche.

    « Peu après l’élection de novembre 2016, des scientifiques ont commencé à télécharger et à archiver une variété de données sur le changement climatique, et à les stocker sur des sites d’archivage comme WayBackMachine », raconte Rush Holt. Selon lui, l’inquiétude est telle que des entreprises de fourniture de gaz ou d’électricité archivent elles aussi, « par prudence extrême », de telles données de crainte qu’elles ne soient bientôt plus accessibles.

    Jusqu’à présent, rien n’a semble-t-il été effacé des serveurs tenus par des agences fédérales. « Le Canada a récemment montré que des bases de données scientifiques pouvaient être détruites, dit le patron de l’AAAS. En 2014, le gouvernement [de Stephen Harper] a fermé un grand nombre de bibliothèques scientifiques et a détruit les archives qu’elles contenaient. C’est à cause de ces précédents que la communauté scientifique est hautement préoccupée des premières mesures de l’administration Trump et de ce qu’elles signifient pour l’intégrité future de l’information scientifique. »

  • Les petites mains nord-coréennes de Fructofresh, en Pologne

    http://www.lemonde.fr/planete/article/2017/01/26/les-petites-mains-nord-coreennes-de-fructofresh-en-pologne_5069357_3244.html

    Depuis 2004, cette entreprise polonaise de salades de fruits gagne des parts de marché en ajoutant des additifs interdits dans ses produits et en employant des travailleuses nord-coréennes dans son usine de Czarnowice.

    Depuis l’esplanade du centre-ville de Gubin, on ne voit qu’elle. L’ancienne usine de chaussures, qui employait plus de 2 000 personnes à la fin des années 1980, n’est aujourd’hui qu’un vaisseau fantôme promis à la démolition. Victime de la désindustrialisation qui a suivi la chute du mur de Berlin, cette cité de 15 000 âmes de l’extrême ouest de la Pologne vivote désormais grâce aux salons de coiffure bon marché et aux magasins de cigarettes fréquentés par les habitants de Gubin, la partie allemande de la ville-frontière. Beaucoup de Polonais font le chemin inverse et franchissent chaque jour le pont enjambant la rivière Neisse, gelée en cette mi-janvier, pour chercher du travail en Allemagne.

    Gubin perd peu à peu ses forces vives, attirées par le pouvoir d’achat de l’autre rive, lassées aussi des cadences et des bas salaires imposés par les entreprises locales. A 8 kilomètres de là, à Czarnowice, Fructofresh a fait fuir bon nombre de ses salariés. En mai 2014, deux employées levaient le voile, dans l’hebdomadaire local Tygodniowa, sur la réalité de l’usine. Elles avaient touché 649 zlotys (150 euros) en un mois – le salaire de base avoisine les 400 euros en Pologne – et dénonçaient un véritable « camp de travail ».

    L’entreprise de fabrication de salades de fruits et de jus de fruits frais est l’un des principaux fournisseurs du marché français grâce à deux intermédiaires, le groupe Pomona, premier distributeur français de produits alimentaires aux professionnels, et la société Bharlev, un fabricant de salades et jus de fruits frais qui complète sa production par de la marchandise en provenance de Fructofresh. Des chaînes hôtelières de l’envergure d’Accor et Hilton, des géants de la restauration collective comme Sodexo ou encore l’Assemblée nationale s’approvisionnent auprès de ces deux opérateurs français.

    « Plus aucun Polonais ne veut rester »

    Fructofresh, née en 2004, exporte vers l’Allemagne, la Belgique, le Danemark, la France, l’Irlande ou le Luxembourg et a reçu en 2008 le Prix de l’entreprise polonaise enregistrant la plus forte croissance de l’année. Neuf ans après, un double scandale menace d’entacher la réussite spectaculaire de cette entreprise ­familiale qui affirme avoir réalisé un chiffre d’affaires de plus de 10 millions d’euros en 2016 : la présence dans ses salades de fruits frais d’un additif alimentaire interdit, et l’emploi d’une main-d’œuvre nord-coréenne dans des conditions sociales indignes pour faire tourner l’unité de production de Czarnowice.

    « Plus aucun Polonais ne veut rester là-bas, raconte sans ambages Ana, la serveuse du Retro, l’un des derniers restaurants encore debout à Gubin. Il n’y a plus que des Ukrainiens et beaucoup de Nord-Coréennes, qui travaillent dans des conditions proches de l’esclavage. » Des Nord-Coréennes recluses au cœur de l’Europe ? « Oui, il y a quelques semaines, j’ai croisé une dizaine d’entre elles, venues faire leurs courses au supermarché », affirme Ana.

    A la sortie du hameau assoupi, où les façades des maisons rappellent que la région fut allemande avant d’intégrer la Pologne en 1945, l’usine étend sa longue silhouette blanche entre champs en friche et fermes isolées. Blanche comme la palissade métallique de 2 mètres de haut qui enclot la fabrique.

    Des caméras de vidéosurveillance et un portique électronique près de l’entrée principale complètent l’allure de Fort Knox de ce fabricant de salades de fruits. Selon Dariusz, un ancien employé de Fructofresh qui a requis l’anonymat, sur les 150 personnes employées sur le site, près de 70 Ukrainiens (hommes et femmes) et près de 50 Nord-Coréennes sont affectés aux ateliers de découpe des fruits achetés dans le monde entier. Des manutentionnaires polonais complètent l’effectif, chargés de remplir les camions qui partent chaque jour à 16 heures vers l’Allemagne et livrent, le lendemain matin, le marché de Rungis.
    Dans un baraquement à l’intérieur de l’usine

    Travailleuses nord-coréennes de Fructofresh à Czarnowice (Pologne), vues de l’extérieur de l’usine.

    La direction de Fructofresh a refusé d’ouvrir ses portes au Monde. Il a fallu patienter de longues heures, à l’abri des regards, pour observer les va-et-vient de cette main-d’œuvre qui embauche vers 6 heures du matin et travaille une douzaine d’heures par jour, un peu moins pendant les mois d’hiver, où l’activité ralentit… et plus encore lorsque la demande atteint son pic, en été.

    Les Nord-Coréennes ont moins de 100 mètres à parcourir pour rejoindre leur dortoir. Elles vivent confinées dans un baraquement, à l’intérieur de l’usine. « Lorsqu’elles ont intégré Fructofresh, en janvier 2015, il a fallu louer un hôtel à Gubin pour les loger, le temps de faire construire un dortoir dans l’usine, explique Dariusz. Mais ça coûtait de l’argent et les allers-retours en ville prenaient du temps. Désormais, la direction les a sous la main et peut les faire travailler à tout moment. »

    Travailleuses nord-coréennes de l’usine Fructofresh rejoignant leur baraquement à Czarnowice (Pologne). Visible au premier plan, un vigile intervient pour faire cesser le travail du photographe.

    A la tombée du jour, alors que quelques ­employés regagnent en bus Gubin et les villages environnants, des grappes de Nord-Coréennes convergent vers le bâtiment neuf construit à l’extrémité des hangars. Elles sont systématiquement escortées par une « surveillante », car le groupe n’a pas d’accès direct au baraquement. Il doit sortir de l’enceinte de l’usine puis longer la route sur 100 mètres et franchir le tourniquet électronique contrôlé par un vigile. Quelques secondes durant, les « invisibles » prennent forme humaine, avant de disparaître à nouveau derrière la haute palissade. La construction d’un nouveau bâtiment est prévue cette année, pour accueillir cette fois le personnel qui gère la production.

    « Ce sont les Nord-Coréennes qui travaillent le mieux ; elles sont très disciplinées, très motivées, très organisées », dit le directeur général de Fructofresh

    A la réception d’un modeste hôtel, à la sortie de Gubin, on confirme les avoir logées pendant sept mois. « Tout a été fait légalement. Les autorisations étaient en ordre, les gardes-frontières venaient contrôler leurs papiers », assure-t-on sur place. Pour autant, ces travailleuses, liées à Fructofresh jusqu’en 2018, ne jouissent d’aucune liberté de mouvement. Elles sont placées sous surveillance constante d’« anges gardiennes » nord-coréennes et, selon plusieurs témoignages, privées de leur passeport.

    Le leader polonais de la salade de fruits frais se montre peu loquace sur ce point. « La question du passeport relève de la compétence de l’employeur de ces salariées, ce que nous ne sommes pas, élude Anna Suchowacka, la directrice des ventes de Fructofresh. Ces personnes sont employées par plusieurs sociétés auxquelles nous faisons appel dans le cadre de contrats de sous-traitance. »

    Cezary Zwoinski, le directeur général de Fructofresh, rencontré à Paris mardi 24 janvier, assume : « Ce sont les Nord-Coréennes qui travaillent le mieux ; elles sont très disciplinées, très motivées, très organisées. » Dariusz avance un deuxième argument : « Lorsque la direction s’est tournée vers une agence de placement pour renforcer son effectif, cette dernière lui a conseillé de choisir des Nord-Coréennes. Des Indiens ou d’autres nationalités auraient peut-être cherché à fuir, la frontière est très proche, a expliqué l’agence. Pas les Nord-Coréennes », dont le moindre faux pas mettrait en péril leur famille restée au pays.

    Près de 50 000 ressortissants nord-coréens à l’étranger

    La politique d’envoi de travailleurs nord-coréens à l’étranger s’est développée après le décès, fin 2011, de Kim Jong-il. Sous le « règne » de son fils Kim Jong-un, l’armée populaire de Corée a multiplié les tirs de missile et procédé à trois essais nucléaires. Le pays subit en retour de nouvelles sanctions. « Kim Jong-un devait trouver des alternatives pour obtenir des devises, qui se faisaient rares », analyse Remco Breuker, titulaire de la chaire d’études coréennes à l’université de Leyde (Pays-Bas), qui a coordonné en 2016 une analyse sur la main-d’œuvre nord-coréenne en Europe, « Slaves to the system ».

    Cité dans cette étude, un Nord-Coréen témoigne qu’une des conditions pour travailler à l’étranger est d’être marié et d’avoir des enfants restés au pays, afin d’éviter la tentation de faire défection. Il confie ne pas avoir eu connaissance du salaire payé par l’employeur européen. « Ils ne nous laissent jamais savoir combien nous sommes censés gagner et combien ils ponctionnent pour les charges, dit-il encore. C’est pourquoi aucun de nous ne sait à quel point nous sommes exploités. »

    Cette migration est connue des instances internationales. D’après un rapport rendu public à l’automne 2015 par Marzuki Darusman, le rapporteur spécial des Nations unies sur les droits de l’homme en Corée du Nord, près de 50 000 ressortissants nord-coréens travailleraient à l’étranger, principalement dans le secteur des mines, du textile et de la construction. La majeure partie d’entre eux exerceraient en Chine et en Russie, mais le phénomène gagnerait plusieurs pays d’Afrique et d’Asie, la région du golfe Arabo-Persique, et la Pologne. Les relations entre Varsovie et Pyongyang datent de l’époque soviétique.

    En 2013, l’édition polonaise de Newsweek avait déjà mis en lumière la présence d’employés nord-coréens dans les serres de tomates d’une société agricole, à 25 kilomètres de Varsovie. Un an plus tard, la mort d’un travailleur sur un chantier naval proche de Gdynia, port de la mer Baltique, relançait le dossier. Chon Kyongsu faisait de la soudure lorsque ses habits, inadaptés, prirent feu. L’inspection du travail avait pourtant établi une année plus tôt que 29 ouvriers nord-coréens œuvraient illégalement. Leurs permis de travail ne précisaient pas qu’ils opéraient sur les chantiers navals mais plutôt qu’ils étaient employés par une société intermédiaire, Armex, elle-même en contact avec un conglomérat d’état nord-coréen, Rungrado Trading.

    Prélèvement de 70 % du salaire

    La députée européenne Kati Piri, travailliste néerlandaise, a demandé à la Commission européenne d’engager une procédure contre la Pologne pour infraction aux traités garantissant les droits les plus basiques des travailleurs. L’article 20 de la convention du Conseil de l’Europe contre la traite des êtres humains – signée à Varsovie en 2005 et ratifiée par la Pologne en 2008 – qualifie de « traite » le fait de retenir les documents d’identité d’un individu. « Quel membre de l’Union européenne sommes-nous pour faire venir des esclaves d’un régime totalitaire ? », s’indigne un habitant de Gubin qui craint de s’exprimer à visage découvert.

    Les conditions d’arrivée des Nord-Coréennes de Czarnowice sont difficiles à éclaircir. Y compris pour leurs collègues. « On ne se parle pas trop, car on ne se comprend pas », confie Marina, une ouvrière ukrainienne. « Nous ne sommes pas employeurs de ces salariés. Néanmoins, nous nous sommes assurés que cette main-d’œuvre est employée en conformité avec le droit du travail », se défausse Anna Suchowacka.

    Selon le chercheur néerlandais Remco Breuker, les ouvriers nord-coréens ne sont pas emmenés de force en Europe, ils sont volontaires. Même après le prélèvement de 70 % de leur salaire par la compagnie qui sert d’intermédiaire avec Pyongyang, celui-ci reste un revenu précieux pour leur famille. Et, dans un cadre extrêmement surveillé, cette expatriation est souvent la seule occasion de sortir du pays et de voir de leurs propres yeux l’opulence du monde extérieur.

    Un vélo à Noël

    « On ne peut pas tolérer le travail forcé au sein de l’UE. Nous devons nous assurer que les valeurs européennes les plus fondamentales soient respectées », fait valoir Kati Piri.Même indignation du côté de la Commission européenne. « Nous condamnons fermement toute forme de travail forcé, renchérit Christian Wigand, le porte-parole de Bruxelles pour l’emploi et les affaires sociales. Mais c’est aux Etats membres de décider à qui et selon quelles ­conditions les permis de travail sont accordés. »

    En France, où Fructofresh réalise 40 % de son activité, ses deux principaux clients, Pomona et Bharlev, assurent ne rien savoir de l’existence de cette main-d’œuvre. « Pomona a signé un contrat avec ce fournisseur polonais dans lequel il s’engage explicitement à respecter les conditions d’ordre général en matière de travail en Europe, et au minimum la déclaration de l’Organisation internationale du travail, réagit Jean-Brice Hernu, directeur de Terre­Azur, la filiale de Pomona centrée sur les produits frais. S’il était avéré que ce n’est pas le cas, ça remettrait naturellement en cause la relation commerciale que nous avons avec lui. » « Nous diligentons cette semaine un audit social de cette usine », annonce Jean-Brice Hernu.

    La Pologne a annoncé en juin 2016 avoir cessé de délivrer de nouveaux visas aux travailleurs nord-coréens. A en croire le patron de Fructofresh, Cezary Zwoinski, ses travailleuses nord-coréennes ne font l’objet d’aucune surveillance particulière. Il se targue d’avoir organisé pour elles une excursion touristique et même offert à certaines un vélo à Noël, photos à l’appui. Si toutefois cette filière nord-coréenne venait à se tarir à Czarnowice, l’homme a déjà des alternatives en tête – le Bangladesh et le Népal, par exemple. « Nous réfléchissons à l’avenir », dit-il.

  • La France pourrait produire 100 % d’énergie renouvelable en 2050

    http://www.lemonde.fr/planete/article/2017/01/25/le-scenario-d-une-france-100-renouvelable_5068583_3244.html

    Selon l’association d’experts négaWatt, l’Hexagone pourrait s’affranchir du nucléaire et des fossiles au milieu du siècle.

    Les énergéticiens de négaWatt ne prônent évidemment pas le retour à la chandelle. Leur recette, que certains considéreront comme miraculeuse, d’autres comme utopique, fait appel à deux ingrédients de base : la sobriété énergétique (lutte contre les gaspillages, adoption de modes de vie plus économes), et l’efficacité énergétique (amélioration des performances des logements, transports ou équipements). Ensemble, ces deux leviers permettraient de diviser par deux la consommation totale d’énergie en 2050. Un objectif ambitieux, mais qui n’est autre que celui voté par les parlementaires dans la loi de transition énergétique promulguée en août 2015.

    Comment satisfaire une demande en énergie même réduite de moitié ? Par des ressources intégralement renouvelables, répond négaWatt, qui en fait la troisième clé de sa boîte à outils, aux côtés de la sobriété et de l’efficacité. Cet objectif-ci peut sembler encore plus difficile à atteindre. Fin 2015, la part des renouvelables était de 14,9 % en France, la loi de transition énergétique prévoyant seulement de monter à 32 % en 2030. Et, si l’Agence de l’environnement et de la maîtrise de l’énergie (Ademe) a elle aussi élaboré un scénario « 100 % renouvelable », celui-ci ne porte que sur la partie électrique, soit un quart du bouquet énergétique global de la France.

    Les « négaWattiens », eux, proposent de tirer un trait définitif sur les combustibles fossiles (pétrole, gaz et charbon) et sur les carburants dérivés du pétrole (essence et diesel), en leur substituant de l’électricité et du biogaz d’origine renouvelable. Ce qui suppose un parc de véhicules entièrement converti à l’électricité ou à des moteurs hybrides électricité-gaz.

    Dans le même temps, ils renoncent complètement à l’atome, qui fournit aujourd’hui les trois quarts du courant consommé en France. Les 58 réacteurs nucléaires seraient tous mis à l’arrêt après quarante ans de fonctionnement, soit, pour les plus récents d’entre eux, entre 2030 et 2040.

    Les experts de négaWatt soulignent en tout cas les retombées bénéfiques de leur approche. Au niveau environnemental d’abord. Leur scénario permettrait à la France de devenir « neutre en carbone » en 2050. C’est-à-dire de n’avoir plus aucune émission nette, non seulement de CO2, mais aussi de l’ensemble des gaz à effet de serre. Cela, à la faveur de nouvelles pratiques agricoles (comme l’agroforesterie) stimulant la fonction de puits de carbone naturel des forêts et des terres agricoles. Et avec comme avantage colatéral une amélioration de la qualité de l’air, de l’eau et des sols.