@mad_meg : ok je la ferai cette analyse, je vais y réfléchir. Il faudrait que je fasse ma biographie pour tout comprendre :-)
En fait j’ai sans doute un problème pour savoir quoi dire.
Je peux raconter que ma femme est légèrement plus payée que moi (on bosse dans la même boite, avec des responsabilités équivalentes, mais elle manage plus de monde), que c’est plus souvent moi qui garde les enfants malades car c’est plus facile pour ma fonction. Qu’elle est au conseil municipal et moi pas. Qu’on est assez interchangeable, puisque quand elle est au conseil municipal, c’est moi qui fait manger les gosses à la maison et elle a confiance. Par contre elle ne me laisse pas trop faire les lessives car elle a pas trop confiance, du coup je me spécialise dans la vaisselle, c’est moins délicat. Globalement elle est bien plus sensible et assidue à la logistique familiale que moi (cf billet Agnès), j’essaie de me soigner.
Je ne cherche pas à avoir une grosse bagnole neuve pour briller socialement, et je suis content de passer pour un plouc vis à vis de mes voisins qui ne doivent pas me trouver viril, winner et cie, vu que j’ai une vieille bagnole et que ma femme existe socialement plus que moi. Moi je m’épanouis sur le web.
Je suis content de montrer cet exemple dans la vraie vie, à mes voisins, à mes enfants, pour montrer un autre chemin du possible. Mais j’ai été bien incapable de l’écrire jusqu’ici. Pour dire quoi ? Pour dire à mes congénères masculins : « soyez plus sympas avec vos nanas, elles ne vous demandent rien, certaines n’en sont pas forcément conscientes mais elles souffrent en silence et vous êtes méchants d’en abuser ». Je suis bloqué là dessus, j’ai l’impression justement de parler au nom des nanas, et de leur dénier le droit à parler d’elles-mêmes et de rentrer dans le profil du faux-amis tant décrié. J’ai peut être tort mais j’aurais l’impression d’être paternaliste. J’ai sans doute un blocage quelque part, je creuserai. Peut être aussi parce que les mecs qui devraient lire cela ne lisent pas les blogs ?
@monolecte : super billet, que je ne connaissais pas. Je le ferai lire à ma femme, elle va adorer. Il résume parfaitement le constat que nous faisons sur la mission « implicite » des femmes et sur nos « instincts » respectifs. Par exemple, malgré toute ma bonne volonté, je suis mauvais en logistique domestique, je ne m’intéresse au frigo que quand il est vide. C’est caricatural mais c’est pas faux. Ce constat ne veut pas dire qu’on se résigne à cette réalité. C’est juste le point de départ sur lequel on n’a pas envie de s’attarder, de peur d’y rester scotché sur des thèses sans doute invérifiables à notre niveau. Peu importe que cet instinct soit génétique, culturel, éducationnel, on travaille à le neutraliser pour que ma femme puisse s’appuyer plus sur moi pour avoir une maison qui tourne et pouvoir s’accomplir, se réaliser (cf pyramide de maslow) . Et quand on dit neutraliser cet instinct, ce n’est pas attendre que je devienne aussi prévoyant et bon gestionnaire que ma femme (c’est une compétence que j’aurais beaucoup de mal à acquérir je pense), mais qu’on mette en place une organisation qui me soit accessible et qui donne un résultat équivalent (pour les courses en général elle est le cerveau et moi les bras :-)
Un mec, c’est un humain comme les autres, ça se « manage » pour le rendre pertinent et performant dans une organisation. Je sais que je suis chiant à toujours parler de responsabilité (et par extension de faire la chasse à la victimisation/culpabilisation) et que les mots « Maslow », « management » ou « compétence » c’est pas sexy quand on est de gauche, mais c’est une conviction forte. Le monde du travail est un vrai laboratoire très précieux pour moi. Il n’y a pas d’organisation implicite qui fonctionne spontanément. Il y a l’analyse de nos besoins, le partage des responsabilités, la recherche de la solution la plus pertinente et la plus efficace qui doit précéder le partage des tâches. Sans ces phases préalables de mise à plat explicite, le partage des tâche basée sur l’interprétation de ce que l’on pense être bon pour l’autre n’est qu’une histoire de charité sans intérêt. Voilà pourquoi je réagis pour demander le dialogue plutôt que le « que chacun balaie devant sa porte » ou « chacun chez soi ».
Je ne suis pas d’accord avec l’idée que Bourdieu veuille déresponsabiliser les hommes avec l’idée que rien ne bouge. Bourdieu dissèque pour nous donner les moyens de bouger. Expliquer n’est pas justifier, expliquer n’est pas excuser.
C’est cette lucidité qui m’intéresse, je ne prétends pas être plus lucide que tel ou telle, moi aussi je veux dépasser le stade de l’émotion, de nos réflexes égotiques et des ressentis personnels.
Expliquer, c’est identifier les mécanismes plus ou moins conscients qu’il nous faudra démonter pour sortir de l’ornière. Peu importe qu’on soit homme ou femme pour le faire, tant que ça contribue à démanteler la structure de la domination.