http://next.liberation.fr

  • Procrastination nocturne 2. Quand tu t’endors crevé super tôt sans même l’avoir voulu, toute lumière allumée et que tu te réveilles à 1h35 la lampe dans la gueule…
    Après : https://seenthis.net/messages/753114

    Je me lève pour tout éteindre et me changer, j’envoie un message à mon amoureuse pour dire que je n’avais pas vu son mot vu que je m’étais endormi et…

    Du coup, devant l’ordi, je tombe sur l’onglet ouvert pour plus tard avec la préface par Robert Kurz au Debord d’Anselm Jappe
    https://seenthis.net/messages/782666
    http://www.palim-psao.fr/2019/05/la-societe-du-spectacle-trente-ans-plus-tard.par-robert-kurz-preface-a-l-

    Ce n’est pas très long, donc je me mets à la lire. Puis je suis un lien vers un article de Jappe de l’année dernière que j’avais déjà lu et épinglé :
    https://seenthis.net/messages/690117
    http://www.palim-psao.fr/2018/04/guy-debord.plus-que-jamais-en-situation-par-anselm-jappe-paru-dans-le-nou

    À partir de là, c’est foutu.

    Je me mets à relire sa fiche WP, pour lire des choses sur son suicide :
    https://fr.wikipedia.org/wiki/Guy_Debord
    https://www.independent.co.uk/arts-entertainment/from-being-to-nothingness-1524917.html

    Je retombe sur cet article sur le livre à charge d’Apostolidès :
    https://next.liberation.fr/livres/2015/12/23/guy-debord-satiete-du-spectacle_1422654
    que @supergeante avait épinglé à l’époque :
    https://seenthis.net/messages/442991

    Du coup ça m’amène à lire sur Alice Becker-Ho et « l’affaire Riesel »
    https://fr.wikipedia.org/wiki/Alice_Becker-Ho
    https://fr.wikipedia.org/wiki/Ren%C3%A9_Riesel

    Là je cherche des photos d’eux tous, et je retombe sur… le journal pro-situ américain Not Bored qui contient de nombreuses correspondances de Debord traduites en anglais et disponibles sur le web. Comme je n’ai pas les livres, pour résumer, je me plonge dedans et je passe plus de 3h à lire des lettres de Debord en pleine nuit.
    http://notbored.org/debord.html

    Je ne me rappelle plus trop dans quel ordre ça s’est passé : est-ce que j’ai d’abord cherché les mots de Debord sur Jappe, puis je suis retombé sur le conflit avec René Riesel, ou bien était-ce l’inverse ?…

    Le dernier mot de Debord sur Jappe est dans une lettre pour Makoto Kinoshita :
    http://notbored.org/debord-5April1994.html

    Dis moi si un de tes amis sait lire italien. Dans ce cas, je t’enverrais un livre d’Anselm Jappe (Debord, Edizioni Tracce, Pescara). C’est sans aucun doute le livre le mieux informé sur moi, écrit par un Allemand qui assume explicitement un point de vue Hegeliano-Marxiste.

    Mais on trouve donc aussi des choses sur « l’affaire Riesel ». À commencer par sa lettre de rupture définitive à Riesel, où en goujat sans pincettes, il traite sa femme de misérable conne et de vache :
    http://notbored.org/debord-7September1971.html

    À l’inverse dans une autre lettre il s’explique très en détail sur une autre relation libertine de son couple avec Eve et Jean-Marc :
    http://notbored.org/debord-2October1971.html
    Le point commun étant qu’il haïssait absolument le mensonge (Apostolidès dit qu’il mentait et manipulait lui-même mais je n’ai pas lu de témoignage ailleurs, qu’il était excluant, violent, etc oui, mais pas menteur et Sanguinetti dit le contraire alors qu’Apostolidès est censé s’être basé sur ses sources justement). Et que donc toute relation amoureuse et/ou sexuelle doit toujours se faire sans jamais mentir à personne (y compris pendant l’acte, ce qui est le point qui a énervé Alice avec la femme de Riesel).

    Toujours autour des mêmes gens, je tombe aussi sur un article de Bourseiller, qui au milieu de notes sur Debord et le libertinage, détaille la vie de l’écrivain et pornographe Alexander Trocchi plus que sa fiche Wikipédia. À n’en pas douter c’était un aventurier… et une grosse merde qui a prostitué sa femme enceinte (et pas qu’un peu) pour se payer de l’héroine, et moult autre.
    http://christophebourseiller.fr/blog/2017/03/transgresser-ou-disparaitre-les-situationnistes-a-lepreuve-de-

    Bon, ça a dérivé (haha) et j’avoue sans mal qu’il doit y avoir du voyeurisme à être parti dans tout ça. Je préfère généralement rester sur le contenu lui-même, comme le fait très bien le livre de Jappe justement. Mais je garde toujours en tête que les idées doivent être pratiquées au quotidien, donc il y a quand même un intérêt à savoir la vie réelle des gens (et c’était très exactement le crédo principal de Debord et tous les situs, et justement lui pensait être assez en accord avec ce qu’il disait).

    Et là, il était 5h45. Et le réveil à 7h.

    #procrastination #sérendipité #Debord #Guy_Debord #Alice_Becker-Ho #René_Riesel #situationniste #internationale_situationniste #nuit #sommeil #Robert_Kurz #Anselm_Jappe #théorie_critique #libertinage #Alexander_Trocchi #Christophe_Bourseiller #Jean-Marie_Apostolidès et #dérive !!

  • « Le #grime et la #gentrification de l’#East_London sont des sujets inséparables »

    Qui a découvert le grime à son déchaînement aux alentours de 2003-2004 se souvient d’une déflagration. Une explosion de basses hurleuses et de mélopées glacées, un son si brutal et futuriste qu’il était impossible à relier aux courants musicaux de la jungle urbaine dont il était issu, l’#East_End londonien. Surtout, un assaut lancé à toute berzingue - 140 BPM en moyenne - de formes vernaculaires imbriquées, une concrétion de #cockney et de #yardie, le #slang de la diaspora caribéenne, si fastueuse qu’elle semblait avoir été conçue in vitro. #Dizzee_Rascal, #Wiley, #Tinchy_Stryder, #Kano, les collectifs #Roll_Deep, #More_Fire_Crew, les hits I Luv U, Boys Love Girls et Eskimo n’annonçaient pas le futur dans la capitale londonienne, ils le faisaient advenir du jour au lendemain, devançant les donneurs d’étiquettes incapables de décider s’ils étaient en train d’assister à la naissance mille fois annoncée - jamais advenue - du rap britannique ou à une nouvelle forme de dance music.

    En vérité, pour comprendre d’où venait cette scène et où elle avait commencé à aller, il fallait oublier un instant les histoires de genres et d’esthétique pour s’intéresser aux racines sociales de ces artistes, à leurs conditions de (sur)vie et à l’endroit d’où ils venaient. Car ce qui avait commencé à se jouer dans leurs quartiers était ni plus ni moins qu’une OPA urbaine, dont les répercussions continuent de transformer la ville et la vie de ses populations une décennie après.

    http://next.liberation.fr/amphtml/musique/2018/08/16/le-grime-et-la-gentrification-de-l-east-london-sont-des-sujets-insep

    #gentrification #musique

    • Aretha Franklin, respect éternel
      Jacques Denis, Libération, le 16 août 2018
      http://next.liberation.fr/culture/2018/08/16/aretha-franklin-respect-eternel_1672542

      La reine de la soul est morte ce jeudi à 76 ans. De l’église de son père au sommet des charts, sa voix a inscrit dans la légende des dizaines de tubes et porté haut les causes du féminisme et des droits civiques.

      « J’ai perdu ma chanson, cette fille me l’a prise. » Quand il découvre Respect, une ballade qu’il a écrite pour son tour manager Speedo Sims, Otis Redding ne peut que constater les faits face à Jerry Wexler, le pape de la soul music au label Atlantic. Ce jour-là, le chanteur sait que le titre paru deux ans plus tôt, en 1965 sur l’imparable Otis Blue, lui échappe. Pas sûr en revanche qu’il puisse se douter alors que ce hit fera danser des générations entières, porté par la voix de la papesse soul. Combien de soirées où cet hymne au féminisme débridé aura fait se lever toutes les femmes et filles, prises d’un doux délire  ! « La chanson en elle-même est passée d’une revendication de droits conjugaux à un vibrant appel à la liberté. Alors qu’Otis parle spécifiquement de questions domestiques, Aretha en appelle ni plus ni moins à la transcendance extatique de l’imagination », analysera Peter Guralnick, l’auteur de la bible Sweet Soul Music.

      Enregistrée le jour de la Saint-Valentin, la version d’Aretha Franklin, morte jeudi à 76 ans, est effectivement bien différente de celle du « Soul Father », qui vantait les mérites de l’homme allant au turbin et méritant de fait un peu de respect en retour. La jeune femme se permet d’y glisser quelques saillies bien senties  : « Je ne te ferai pas d’enfant dans le dos, mais ce que j’attends de toi, c’est du respect. » Le tout boosté par un chœur composé de ses sœurs Erma et Carolyn qui ponctue de « Ooh  ! » et « Just a little bit », donnant à l’histoire les faux airs d’une conversation complice entre femmes. Et de conclure par un tranchant  : « Je n’ai besoin de personne et je me débrouille comme une grande. » La suite, tout du moins d’un point de vue artistique, donnera raison à celle qui devint ainsi pour la postérité tout à la fois l’une des égéries des droits civiques et la visionnaire pythie d’une libération des mœurs.
      Dix-huit Grammy Awards

      « Cette chanson répondait au besoin du pays, au besoin de l’homme et la femme de la rue, l’homme d’affaires, la mère de famille, le pompier, le professeur – tout le monde aspire au respect. La chanson a pris une signification monumentale. Elle est devenue l’incarnation du "respect" que les femmes attendent des hommes et les hommes des femmes, le droit inhérent de tous les êtres humains », analysera-t-elle a posteriori dans son autobiographie, Aretha : From These Roots.

      Sa reprise de Respect n’était pas le premier succès de la native de Memphis. D’ailleurs, à l’époque, ce ne sera que le deuxième 45-tours de son premier album sous pavillon Atlantic, précédé par I Never Loved a Man (the Way I Love You) qui donne son titre à ce disque. Mais avec ce tube, bientôt suivi d’une quantité d’autres, elle se hisse vers des sommets à hauteur des mâles blancs qui dominaient l’époque. Coup double aux Grammy 1968 – les premiers d’une très longue série, dix-huit au total –, la chanson truste les charts pop, quatorze semaines au top des ventes afro-américaines où la concurrence est alors plutôt sévère, et intronise la « Soul Sister » (surnom emprunté à son précédent disque) en reine du genre  : « Queen of Soul », pas moins. Elle ne sera jamais détrônée.

      Pourtant l’album enregistré entre Muscle Shoals, l’usine à tubes d’Alabama, et New York, où elle dut se replier avec quelques musiciens sudistes, fut accouché dans la douleur, tel que relaté par un autre biographe émérite d’Aretha Franklin, le Français Sebastian Danchin (Portrait d’une natural woman, aux éditions Buchet Chastel). Toujours est-il que le 28 juin 1968, elle fait la une de l’hebdomadaire Time  : un simple portrait dessiné d’elle, discrètement barré d’un explicite The Sound of Soul. Cette année-là, elle est juste derrière Martin Luther King en termes de ­notoriété.

      Atteinte d’un cancer et officiellement rangée des hits depuis début 2017, la grande prêcheuse du respect est morte cinquante ans plus tard à Détroit, à 76 ans, devenue pour l’éternité celle dont un président des Etats-Unis (pas le moins mélomane, Barack Obama) a pu dire  : « L’histoire américaine monte en flèche quand Aretha chante. Personne n’incarne plus pleinement la connexion entre le spirituel afro-américain, le blues, le r’n’b, le rock’n’roll – la façon dont les difficultés et le chagrin se sont transformés en quelque chose de beau, de vitalité et d’espoir. »
      Premier disque

      Avant d’en arriver là, tout n’était pas écrit d’avance pour cette fille de pasteur, née le 25 mars 1942 dans le Sud profond, où la ségrégation fait force de loi. Grandie dans le giron de ce père homme de foi, Aretha Louise Franklin trouve sa voix à l’église, comme souvent. Elle a pour premier modèle son paternel, personnalité aussi sombre à la maison qu’auréolée de lumière sur l’estrade  : le pasteur Clarence LaVaughn Franklin enregistre et publie ses gospels sur la firme Chess, fréquente les stars (Sam Cooke, Jackie Wilson, Art Tatum…), enchaîne les tournées, au risque de délaisser le foyer où les enfants se débrouillent comme ils peuvent. D’autant que leur mère, Barbara Siggers, « immense chanteuse gospel » selon la diva Mahalia Jackson, a quitté le foyer au lendemain des 6 ans d’Aretha.

      Sept années plus tard, l’adolescente grave son premier disque, avec le chœur de la New Bethel Baptist Church, le sanctuaire au cœur du ghetto de Detroit où son père célèbre sa mission sur Terre. L’année qui suit, elle accouche d’un premier enfant, suivant là encore les traces du prédicateur, par ailleurs fornicateur à ses heures  : une des demi-sœurs de la jeune Aretha est le fruit de relations illicites avec une paroissienne de 13 ans  !
      Ferveur inégalée

      Avant 18 ans, Aretha a déjà deux enfants. Autant dire un sérieux handicap pour qui entend faire carrière en musique. C’est pourtant la même, certes délestée des bambins qui se retrouvent chez mère-grand Rachel, qui est castée par le talent-scout John Hammond. Elle a 19 ans quand elle débarque à New York pour intégrer l’écurie Columbia, où la future Lady Soul – autre surnom absolument pas usurpé – est censée suivre le sillon creusé par Lady Day, la femme au chihuahua Billie Holiday. Las, l’histoire ne se répète jamais, et malgré d’indéniables talents et de petits succès dont un bel hommage à Dinah Washington, une de ses références avouées, et un recommandable Yeah où elle tente déjà de faire siennes quelques rengaines empruntées à d’autres, celle qui sera plus tard la première femme à rejoindre le Rock’n’roll Hall of Fame ne parvient pas à se distinguer dans le jazz. Jusqu’à ce qu’elle franchisse le Rubicon, en passant chez Atlantic où, outre Jerry Wexler, elle trouve en Arif Mardin un directeur musical à son écoute.

      « Quand je suis allée chez Atlantic Records, ils m’ont juste assise près du piano et les tubes ont commencé à naître. » Il ne faudra jamais oublier qu’à l’instar d’une Nina Simone, Aretha Franklin était aussi une formidable pianiste. La liste des classiques enregistrés en moins de dix ans donne le tournis  : Baby I Love You, (You Make Me Feel Like) A Natural Woman, Think, (Sweet Sweet Baby) Since You’ve Been Gone, Chain of Fools, Until You Come Back to Me… Entre 1967 et 1974, la porte-voix d’une communauté chante ou déchante l’amour, en mode énervé ou sur le ton de la confidence sur oreiller, portée par des arrangements luxuriants ou dans ce dénuement propre à magnifier les plus belles voix sudistes (de Wilson Pickett à Sam & Dave). Dans cette série qui ressemble à une irrésistible ascension, chacun a ses favoris  : Call Me, par exemple, pas forcément le plus gros succès, demeure une ballade pour l’éternité où elle fait valoir toute la classe de son toucher sur les noires et ivoire. A moins que ce ne soit I Say a Little Prayer, le cantique écrit par Burt Bacharach et Hal David pour Dionne Warwick (qui se le fera chiper), tout en légèreté laidback. Qu’elle flirte volontiers avec la pop, reste fidèle à l’esprit de la soul ou mette le feu au temple frisco rock Fillmore West dans un live mémorable avec le terrible saxophoniste r’n’b King Curtis, son directeur musical assassiné quelques mois plus tard, la voix d’Aretha Franklin transcende toujours les sacro-saintes chapelles avec une ferveur inégalée. Celle héritée du gospel, la genèse de tout, auquel elle rend un vibrant hommage en 1972 avec Amazing Grace, un office avec le révérend James Cleveland qui devient le premier disque du genre à réussir la jonction avec le public profane.

      La série va pourtant s’arrêter au mitan des années 70, alors que Jerry Wexler s’apprête à quitter la maison mère pour rejoindre Warner Bros. A Change Is Gonna Come, pour paraphraser la superbe complainte qu’elle a empruntée à Sam Cooke dès 1967. Le disco triomphe, et bientôt le rap qui saura lui rendre hommage, à l’image de Mos Def revisitant One Step Ahead ou de Lauryn Hill s’investissant dans The Rose Is Still a Rose. Orpheline de son mentor, Franklin elle-même quitte en 1980 Atlantic pour Arista. La chanteuse ne s’en remettra pas, alors même qu’elle parvient à toucher un public rajeuni en étant au générique des Blues Brothers. Elle y chante en femme de ménage (mais chaussée de mules en éponge roses  !) Think, hymne à la liberté et à la féminité affirmée haut et fort (encore).

      Ombre d’elle-même

      La scène d’anthologie marque les esprits, mais dans la vraie vie, Aretha Franklin n’aspire qu’à des productions de plus en plus pompières, qui masquent par leur outrance l’essentiel  : ses exceptionnelles qualités d’interprète. Les interventions de jeunes musiciens comme Marcus Miller ou Narada Michael Walden n’y font rien, même si avec ce dernier elle parvient une nouvelle fois à toucher furtivement la place de numéro 1 des charts r’n’b.

      Si elle se fait rare en studio, si elle ne marque plus l’histoire de la musique, elle n’en demeure pas moins une icône pour les nouvelles générations. George Michael s’adonne ainsi à un duo – une spécialité de la diva, qui sans doute trahissait déjà un réel manque de renouvellement – avec celle qu’il considère comme une influence majeure. Toutes les chanteuses de nu soul prêtent allégeance à la première dame, qui de son côté s’illustre dans la rubrique mondanités. Elle traverse ainsi les années 90 en ombre d’elle-même, caricature de ses grands millésimes, qu’elle fructifie. Elle n’en reste alors pas moins une figure que l’on met aisément en couverture, affichant des looks pas toujours raccords, et au premier rang des chanteurs de tous les temps selon Rolling Stone.

      De come-backs avortés en retours guettés par des fans toujours en demande, rien n’y fait. La star, rentrée vivre à Detroit, attise pourtant les désirs et envies des jeunes producteurs : André 3000 d’Outkast et Babyface mettent même un album en chantier, alors que l’année d’après, en 2014, le festival de jazz de Montréal la fait remonter sur scène. Longue robe blanche, cheveux blonds, elle assure le show.

      Trois ans plus tard, elle est encore en blanc, mais considérablement amaigrie, pour un gala au profit de la fondation Elton John, à New York. Plus que de résurrection, cela sonne comme un concert d’adieux. Néanmoins, on gardera plutôt en souvenir le dernier grand moment d’une carrière hors norme de cette chanteuse  : le 6 décembre 2015 lors des prestigieux Kennedy Center Honors, elle entre en scène en manteau de fourrure, voix aussi sûre que son doigté au piano, pour interpréter (You Make Me Feel Like) A Natural Woman devant le couple Obama, auquel elle avait déjà fait l’honneur de chanter lors de son investiture en 2009. Comme la révérence d’une voix pas ordinaire, en tout point populaire.

      Jacques Denis

    • « Aretha Franklin a chanté son époque, avec son époque, et pour son époque »
      Isabelle Hanne, Libération, le 16 août 2018
      http://www.liberation.fr/planete/2018/08/16/aretha-franklin-a-chante-son-epoque-avec-son-epoque-et-pour-son-epoque_16

      Daphne Brooks, professeure d’études Afro-américaines à l’université Yale, revient sur la figure d’Aretha Franklin et sa place dans l’histoire musicale et nationale.

      Daphne Brooks, 49 ans, professeure d’études afro-américaines à l’université Yale, écrit sur la question raciale, le genre et la musique populaire. Elle a ­notamment travaillé sur le parcours d’Aretha Franklin pour son ­livre Subterranean Blues  : Black Women and Sound Subcultures (à paraître) et a donné plusieurs conférences sur la Queen of Soul, qu’elle a rencontrée à l’occasion d’une lecture à Princeton qui lui était dédiée. Elle s’intéresse ­particulièrement aux moments où les artistes Afro-Américaines se retrouvent à la croisée entre les ­révolutions musicales et la grande histoire nationale, Aretha Franklin étant la figure ty­pique de ces intersections.
      Que représente Aretha Franklin pour vous  ? Quels sont vos ­premiers souvenirs d’elle  ?

      J’ai grandi dans les années 70 en Californie, dans une famille qui écoutait de la musique en permanence alors qu’elle avait déjà acquis le statut de « Queen of Soul ». Elle a toujours été omniprésente dans mon monde.
      Comment est-elle devenue l’un des objets de vos recherches  ?

      La musique d’Aretha Franklin, c’est le son de la conquête des droits ­civiques, du Black Power, ce ­mélange de joie, de blackness, ce sens de la fierté, notre héritage afro-amé­ricain. Elle a su trans­mettre cette beauté intérieure dans ses chansons.
      Quels sont les liens entre Aretha Franklin et le mouvement de lutte pour les droits civiques  ?

      Ils sont nombreux. Son père, C.L. Franklin, était ce pasteur très célèbre à Detroit et son église, la New Bethel Baptist Church, un haut lieu du combat pour les droits civiques. Il galvanisait un public noir à travers ses sermons diffusés à la radio pendant les années 50 [puis commercialisés sur disque, ndlr]. Il accueillait Martin Luther King lors de ses séjours à Detroit. Aretha Franklin a d’ailleurs accompagné ce dernier à plusieurs manifestations et chanté lors de ses funérailles. Mais cette connexion ne se limite pas à ces liens familiaux. Sa musique, elle aussi, s’inscrit dans ce contexte historique. Il y a, bien sûr, son ADN gospel. Et pas seulement  : Respect, la chanson écrite par ­Otis Redding mais réinterprétée par Franklin en 1967, une année pivot [l’année du « Long, Hot Summer », une série d’émeutes raciales], est devenue instantanément un hymne des droits civiques, de l’émancipation des Noirs, du Black Power et du mouvement féministe. Trois ans plus tôt, en 1964, elle avait déjà ­enregistré Take a Look, dont les paroles avaient fortement résonné lors du « Freedom Summer », cet été où des centaines d’étudiants ont risqué leur vie pour inscrire des Noirs sur les listes élec­torales du Mississippi [« Lord, what’s happening / To this human race  ? / I can’t even see / One friendly face / Brothers fight brothers / And sisters wink their eyes […] / Just take a look at your children / Born innocent / Every boy and every girl / Denying themselves a real chance / To build a better world. »] Dans sa musique elle-même, elle a su articuler ce chagrin et ce regard sur l’humanité si propre à la soul music.
      Vous dites qu’elle n’a pas seulement été une voix des droits ci­viques, comme Nina Simone, mais qu’elle a également eu un impact sur le féminisme afro-américain  ?

      Aretha a chanté son époque, avec son époque, et pour son époque. Avec des chansons comme Natural Woman, elle s’est aussi exonérée d’une certaine image pour se ­connecter au mouvement féministe moderne, au féminisme noir. Très tôt dans sa carrière, elle s’est donné le droit de chanter les tourments émotionnels des Afro-Américaines avec tellement de genres musicaux différents  : c’était son appel à l’action, à l’émancipation des Noires aux Etats-Unis. Elle a chanté la ­bande-son complexe de la femme noire qui se réinventait. Elle montre que cette dernière peut être un ­sujet doué d’émotions complexes, d’une volonté d’indépendance… Toutes ces choses qui ont été si longtemps refusées aux Afro-Américains aux Etats-Unis. Elle a vraiment été dans la droite ligne du Black Power  : désormais, les Noirs montrent qu’ils n’ont pas besoin de s’excuser d’exister.
      Elle a aussi été cette icône aux tenues extravagantes, luxueuses, en perruque et fourrure. Peut-on dire qu’elle a participé à façonner une certaine féminité noire  ?

      Oui, mais comme d’autres activistes ou artistes noires, telle Diana Ross par exemple, qui ont en effet développé cette image de la beauté noire glamour, somptueuse. Mais elle a également montré, dans les années 70, une image plus afrocentriste, avec des tenues plus sobres et une coiffure afro.
      A bien des égards, Aretha Franklin est une synthèse des Afro-Américains...

      Elle est née dans le Sud, à Memphis (Tennessee), mais elle a grandi dans le Nord, à Detroit, dans le Michigan. Sa famille a fait comme des millions d’Afro-Américains au milieu du XXe siècle  : ils ont déménagé du Sud vers le Nord, ce phénomène qu’on appelle la Grande Migration [de 1910 à 1970, six millions d’Afro-Américains ont émigré du sud des Etats-Unis vers le Midwest, le Nord-Est et l’Ouest, pour échapper au racisme et tenter de trouver du travail dans les villes indus­trielles]. Elle a aussi su faire la synthèse ­entre tous les genres musicaux afro-américains, de la soul au r’n’b, de la pop au jazz. Aretha Franklin fait partie, fondamentalement, de l’histoire des Noirs américains. Elle appartenait à cette génération d’Afro-Américains qui a sondé l’identité noire, qui venaient du Nord comme du Sud, urbains comme ruraux, passionnés de jazz, de blues, de r’n’b et de pop. Le tout en se battant pour faire tomber les murs de la ­culture Jim Crow [les lois qui organisaient la ségrégation raciale] à travers l’agitation sociale et la performance artistique.
      Isabelle Hanne correspondante à New York

  • Beat Generation, le chœur des femmes
    http://next.liberation.fr/livres/2018/08/15/beat-generation-le-choeur-des-femmes_1672793

    Ainsi donc elles étaient quand même là. Et la Beat Generation n’était pas le cénacle masculin - et macho - que la légende a fabriqué autour des seules figures de Kerouac, Ginsberg et Burroughs. Dans une nécessaire et passionnante anthologie, Annalisa Marí Pegrum et Sébastien Gavignet ont réuni et traduit des dizaines de poèmes d’auteures inconnues qui faisaient - de très près ou d’un peu plus loin - partie du mouvement qui a révolutionné les lettres américaines dans les années 60.

    Qui connaît Elise Cowen, homosexuelle rebelle suicidée à 28 ans ? Mary Norbert Körte, qui quitte son couvent après avoir assisté à une conférence de Ginsberg ? Joanne Kyger, dont l’écriture est marquée par les expériences de prises de stupéfiants et le bouddhisme ? Diane di Prima, arrêtée par le FBI pour obscénité en raison de ses écrits ? Hettie Jones, juive qui se marie en 1958 - premier scandale - dans un temple bouddhiste avec - deuxième scandale - un artiste afro-américain, LeRoi Jones ?

    Dans les années 50 et 60, ces femmes ont partagé les expériences ou la vie de ceux que l’histoire littéraire a seulement retenus. Comme eux, leurs textes sont marqués par toutes les caractéristiques de la Beat Generation : une langue hachée influencée autant par les rythmes du jazz que par la prise de drogues diverses, une crudité dans la description de la sexualité, un goût pour le voyage et une quête spirituelle.

    Mais elles ont quelque chose en plus : rebelles, elles le sont aussi en tant que femmes dans une société américaine encore alors très globalement sexiste. Certes, les écrivains connus de la Beat Generation cassent les codes littéraires et donnent à lire leurs errements et leurs fantasmes, mais il était autrement plus révolutionnaire d’écrire au début des années 60 un poème comme « J’ai mes règles » (Diane di Prima) ou « Poème Dieu/Amour » (qui fut d’ailleurs censuré pour obscénité) dans lequel Leonore Kandel écrit en 1966 : « Ta bite s’élève et palpite dans mes mains / une révélation / comme en vécut Aphrodite. » Quelle femme écrivain décrit aussi crûment le désir féminin à la même période ?

    Voilà qui explique l’absence totale de postérité de ces femmes, relativement peu éditées à l’époque et encore moins rééditées. « L’art restait l’apanage des hommes », écrivent Annalisa Marí Pegrum et Sébastien Gavignet, qui prennent le soin d’accompagner leur recueil d’une biographie succincte de chacune des dix poètes. « Les femmes, elles, étaient avant tout les gardiennes du foyer, les concubines, ou bien les petites mains qui restaient à l’œuvre derrière les "grands" hommes. De façon consciente ou inconsciente, sous les poids des attentes de la société, elles ont laissé leur place. » Parfois elles ont été simplement censurées. Après la mort d’Elise Cowen en 1962, ses proches choqués brûlent ses poèmes. Il n’en subsiste plus aujourd’hui qu’un carnet, publié seulement en 2014. Extrait : « Je voulais une chatte de plaisir doré / plus pure que l’héroïne / A l’intérieur de laquelle t’honorer / Un cœur assez grand pour t’enlever / tes chaussures & étendre / L’anatomie de l’Amour. »
    Guillaume Lecaplain

    Sébastien Gavignet et Annalisa Marí Pegrum (dir.) Beat Attitude, femmes poètes de la Beat Generation Editions Bruno Doucey, 208 pp., 20 €.

    #historicisation #femmes #sexisme #beat_generation

  • VINGT ANS APRÈS SA MORT, LE SUD CHANTE À NOUVEAU NINO FERRER
    Jean-Manuel Escarnot, Liberation, le 9 août 2018
    http://next.liberation.fr/musique/2018/08/09/vingt-ans-apres-sa-mort-le-sud-chante-a-nouveau-nino-ferrer_1671832

    #paywall alors :

    De nombreux artistes se réuniront lundi à Montcuq, dans le Lot, pour rendre hommage au chanteur, vingt ans après sa mort.

    C’est une belle bâtisse fortifiée datant du XVe siècle plantée sur le sommet d’une colline du Lot, surplombant le petit village de Saint-Cyprien. La lourde porte en chêne massif de la demeure s’ouvre sur une cour carrée, desservant les pièces aux larges murs de pierres blanches. La lumière du soleil couchant du mois d’août illumine la façade. Autour, le parc planté de cèdres centenaires au milieu duquel trône une grande table dressée pour une vingtaine de convives. De la grange attenante à la bastide s’échappe le son rond comme une caresse d’un orgue Hammond et celui des cuivres accompagnant la voix d’une chanteuse. Quand elle se tait, on entend le chant des cigales.

    Nous sommes à la Taillade, le domaine acheté par Nino Ferrer - né Nino Agostino Ferrari le 15 août 1934 à Gênes - avec les royalties d’un de ses plus grands succès : le Sud, vendu à plus d’un million d’exemplaires en 1975, date de sa sortie en 45-tours. Un titre que Magali Pietri, ex-choriste de Nino Ferrer, a choisi d’interpréter pour le concert organisé lundi à Montcuq (Lot). Vingt ans jour pour jour après le suicide du chanteur le 13 août 1998, c’est ainsi que sa famille a voulu lui rendre hommage. Sans fleur ni couronnes mais avec de la musique et de la lumière : au pied de la tour cathare de Montcuq, une smala d’artistes parmi lesquels Eric Lareine, Matthieu Chedid et Sanseverino, y reprendront son répertoire sur la scène en plein air installée pour l’occasion.

    En 1977, l’auteur de Mirza, du Téléfon, des Cornichons, ou encore de Oh ! Hé ! Hein ! Bon ! décide de « s’exiler » avec sa femme, Jacqueline Monestier, dite Kinou, avec qui il aura deux fils, Pierre, né le 5 septembre 1973, et Arthur, né le 14 février 1979. A la Taillade, loin de Paris et du show-business qu’il déteste, Nino mène sa barque à sa manière, exigeant, indépendant, parfois colérique. Il élève des chevaux. Dans le studio installé dans le salon de sa forteresse, il enregistre et produit cinq albums concept, explorant des pistes rhythm ’ n’blues et rock progressif, à milles lieues de l’image de « chanteur rigolo » qui lui colle à la peau. Il se remet aussi à la peinture, des tableaux surréalistes peuplés de femmes nues, de serpents et de ciels bleus parfois traversés par des nuages radioactifs de mauvais augure… Certains d’entre eux sont exposés à la mairie de Montcuq. D’autres, plus anciens, - des gouaches « redécouvertes » par Kinou « en fouillant dans les cartons rangés dans le grenier » - sont présentés à la galerie du Lion d’or, dans le centre du village. Des criques du bout du monde, des souvenirs de séjours en Nouvelle-Calédonie où, diplômé d’archéologie, le jeune « capitaine Nino », tel que l’avait dessiné Hugo Pratt dans l’une des aventures de Corto Maltese, se voyait en explorateur avant de devenir chanteur à succès. Sur l’un des murs de la galerie, une série d’autoportraits au fusain et crayon, réalisés par Nino quatre ans avant sa mort, révèle un visage figé au regard perçant. « Un regard dur sur le monde, dit Pierre, son fils aîné, décorateur de cinéma. Son visage est très animal. On le sent de façon très forte. Quand il peignait, il était calme et serein. Il pouvait s’exprimer seul, de façon plus simple et plus immédiate que dans la musique, sans luttes quant au contrôle final sur son travail. »

    Retour dans la grange de la Taillade, transformée en studio de répétition. Des copains d’Arthur forment le groupe qui accompagne les artistes. Eric Lareine, natte d’Indien cheyenne et voix grave de fumeur de blondes, a choisi d’interpréter Je voudrais être noir pour rendre hommage à Nino : « Il a fait cette chanson en 1966 au moment de la lutte des Noirs pour leurs droits civiques aux Etats-Unis. Il y a de la sueur, du groove, c’est James Brown ! Il était inscrit dans son temps. C’est la même chose pour les Cornichons, c’est les vacances mais c’est aussi la bouffe, l’accumulation de biens terrestres. » Dans un registre plus jazzy, Magali Pietri reprend le Sud. « J’avais 16 ans lorsque j’ai rencontré Nino à la Taillade, lors d’une visite avec ma mère et son compagnon. Je jouais de la guitare et je chantais. Il m’a demandé de lui jouer quelque chose. J’ai repris un morceau de Crosby, Stills, Nash and Young. Il m’a proposé de devenir sa choriste. C’était magique. Mes parents m’ont donné leur accord et je suis partie en concerts avec lui, puis j’ai participé à trois de ses albums. C’était quelqu’un de généreux dans ce qu’il donnait, de ce qu’il était et dans ce qu’il nous amenait à donner. Par moments, il semblait relié à quelque chose de plus vaste, un endroit plus grand que ce monde », se souvient-elle en souriant.

    Venu « en voisin », Jean-Jacques Lala, chanteur d’opéra, reprend Agata, un tango : « Nino, c’est l’icône de la région. Quand j’étais gamin, on savait qu’il habitait là. C’était un énorme musicien. C’est très technique. J’ai bossé ce morceau comme un opéra sauf que je n’ai pas la partition. J’ai travaillé à l’oreille. J’ai pris beaucoup de plaisir à m’approprier cette chanson. Ça représente la richesse de Nino. C’est ce que je retiens de lui : cette bonté, cette générosité dans son répertoire et chez les gens qui sont là. C’est aussi ce que respire ce lieu où il a vécu. » Dans le parc, une brise d’été accompagne la fin de journée. La nuit tombée, le soir autour de la table, on entend des rires.

    Concert hommage au pied de la tour de Montcuq (Lot). Lundi 13 août à 20 h 30.

    =======================

    Et aussi :

    Nino Ferrer, le mal-aimé de la chanson française
    Brice Miclet, Slate, le 11 août 2018
    https://seenthis.net/messages/714408

    #Nino_Ferrer #Musique

  • Hildegarde de Bingen, rêves de Rhin
    http://next.liberation.fr/livres/2018/08/08/hildegarde-de-bingen-reves-de-rhin_1671597

    Cette moniale bénédictine morte à 81 ans en 1179 est une figure médiévale lumineuse, une des quatre femmes (contre 32 hommes) à être docteure de l’Eglise avec Thérèse d’Avila, Catherine de Sienne et Thérèse de Lisieux. Elle a sa première vision à 3 ans. A 8 ans, avec deux amies, elle entre au couvent de Disibodenberg, où elle sera élue abbesse à 38 ans. En 1147, elle décide de faire sécession avec celles des nonnes qui la suivent pour bâtir l’abbaye de Rupertsberg, à flanc de colline entre rivière et vignoble. C’est la première fois qu’une femme fonde un couvent sans le voisinage d’hommes. Cette prophétesse, botaniste, compositrice, canonisée en 2012 après un procès qui durait depuis le XIVe siècle, a régulièrement des retours en grâce. Ainsi, ces vingt dernières années, par sa musique et ses conseils sur les plantes médicinales et l’alimentation. A 43 ans, Hildegarde a commencé à consigner les visions qu’elle avait depuis l’enfance dans le Scivias, puis enchaînera sur d’autres ouvrages en supervisant l’édition de son vivant.

  • Michel Butel : un autre journalisme était possible
    http://next.liberation.fr/culture/2018/07/27/michel-butel-un-autre-journalisme-etait-possible_1669194

    S’il obtint le prix Médicis 1977 pour l’Autre amour, vingt ans avant de publier l’Autre Livre, Michel Butel, qui vient de mourir à 77 ans, fut surtout journaliste. Et pas tant journaliste qu’« autre » journaliste. Il se voulait « inventeur » de journaux et sa plus grande réussite fut L’Autre Journal, créé en 1984, qui parut comme mensuel en 1985, puis comme hebdomadaire à partir de 1986, puis qui s’interrompit, redevint mensuel et mourut dans des secousses post-guerre du Golfe durant l’hiver 1992. L’Autre Journal fut un magazine comme aucun autre, parlant poésie et politique, politiquement de la poésie, poétiquement de la politique. Marguerite Duras, Gilles Deleuze et Hervé Guibert en furent des collaborateurs réguliers.

    Un éditorial de Michel Butel était aussi comme aucun autre. Pour annoncer en 1986 le changement de rythme de parution : « Hebdomadaires ? Nous ne faisons rien que bouger à peine, juste un pas de côté. Il ne faut pas prendre cela trop au sérieux. Quelque chose comme une poussière dispersée dans les poumons nous gênait, nous cherchons simplement de l’air. Nos phrases et nos pensées, cette respiration contrariée les affectait. Nous opérons un léger déplacement, peut-être que la situation générale s’en trouvera plus heureuse. »

    C’est dans cet Autre Journal hebdomadaire que paraissent en 1986 les entretiens que Marguerite Duras eut avec François Mitterrand entre juillet 1985 et avril 1986, que Gallimard publiera vingt ans plus tard sous le titre le Bureau de poste de la rue Dupin et autres entretiens. Ce bureau de poste de la rue Dupin fait référence à la Résistance pendant laquelle les deux personnalités se sont connues mais Marguerite Duras, fidèle à elle-même, pouvait aborder des sujets de moindre envergure qui n’étaient pas forcément ceux qu’une autre personne aurait choisis en se retrouvant en face du président de la République de l’époque. L’entretien du 12 mars 1986 débute ainsi, dans la bouche de l’écrivain : « Il y a un petit scandale en ce moment à Paris : c’est le service d’enlèvement d’autos, les fourrières. Ce sont des entreprises privées qui ont pour fonction d’enlever les voitures qui gênent. Ils se conduisent comme des malfaiteurs. Ils sont payés à la pièce. Ils enlèvent des autos qui ne gênent personne, c’est l’arbitraire complet. On dirait que c’est fait exprès pour rendre les gens fous. » En réponse, François Mitterrand avoue, ou prétend, ne pas maîtriser entièrement la question.

    Né à Tarbes le 19 septembre 1940, Michel Butel avait passé deux ans, de 12 à 14 ans, à la clinique psychopédagogique de Saint-Maximin (Oise). « J’étais vraiment fou », dit-il à Libération qui fait son portrait le 31 janvier 2011. Il participera autour de Félix Guattari à la création de la clinique de La Borde, tentera de lancer avec Bernard-Henri Lévy l’Imprévu en 1975 mais le quotidien n’aura que quelques parutions et les deux hommes ne s’entendront pas comme larrons en foire. En 2011, il tâche de faire paraître un nouveau périodique qui s’arrêtera en 2013 à cause de la santé de son créateur qui aura toujours souffert d’un asthme sévère. Il expliqua à Libération pourquoi il l’avait appelé l’Impossible : parce que « tout ce qui est possible se consume ».

    Mathieu Lindon

    #Michel_Butel #RIP

    • cc @gresh qui va se souvenir d’un formidable déjeuner avec Butel, Alice qui manque était là aussi, accompagné de Jean, et Butel nous racontait son journalisme, histoire de rêver un peu à des temps révolus. Et dire qu’on a failli faire un truc avec lui, puis pour je ne sais quelle raison, ça n’a pas marché. Un peu loin de Paris et du travail et du bureau, mais ce soir un peu nostalgique.

    • L’écrivain et homme de presse #Michel_Butel est mort ce 26 juillet 2018 à l’âge de 77 ans. Célèbre notamment pour avoir fondé et dirigé de 1984 à 1993 un titre marquant, L’Autre journal, il s’entretenait en 2012 avec Alain Veinstein au moment de la sortie d’une nouvelle aventure journalistique, L’Impossible.-
      https://www.franceculture.fr/emissions/du-jour-au-lendemain/michel-butel-un-journal-est-dembl%C3%A9e-politique-lie-aussi-au-sortil

      On me renvoie toujours à cela. L’Autre journal, je l’ai inventé, je ne m’en cache pas puisque je le dis même avec peut-être trop de gloriole à certains moments, je l’ai vraiment conçu, comme L’Impossible. J’ai imaginé une maquette, un contenu, des rubriques. Mais c’était facile : je ne pensais pratiquement qu’à ça depuis que j’avais 4 ou 5 ans, vraiment. Mais pour l’âme même du journal, je ne l’aurais jamais fait, je ne pouvais pas le faire sans celles et ceux qui m’ont rejoint. Et les discordes, y compris extraordinairement violentes, je ne vois pas comment elles ne le seraient pas si il y a de la sincérité et de la loyauté, ces discordes ne contreviennent en rien, en rien en la perpétuation des sentiments d’origine.

      https://www.franceculture.fr/histoire/quand-michel-butel-duras-et-mitterrand-sous-leurs-voix-ecoutez-bien-le

    • Triste monde - Joffrin est vivant, Butel est mort par Jean-Baptiste Bernard dans De l’autre côté du papier @cqfd
      http://cqfd-journal.org/Triste-monde-Joffrin-est-vivant

      Il y a quatre jours, affairé à préparer un proche déménagement, je me suis retrouvé à trier de vieux carnets de notes, vestiges d’anciens papiers ou interviews n’ayant jamais été menés à bout. Parmi ceux-ci, les mots saisis sur le vif d’un entretien (pour feu Article11) avec l’ami Michel Butel, six ans en arrière. Je m’en souviens très bien, il faisait chaud, Paris à l’été 2012, on se trouvait à la terrasse d’une brasserie près de République à causer de la presse pas pareille. L’Impossible, étrange et bel ovni papier, qui n’a finalement déployé ses petites ailes [1] en kiosques qu’une année avant de baisser le rideau, avait sorti son premier numéro quelques mois avant. Et on (c’est-à-dire Lémi et moi) avait décidé de mettre son fondateur et animateur sur le grill, avec l’idée de le faire parler du « modèle économique » des canards alternatifs et des coûts de distribution.

      Ouhlà. Grossière erreur. L’argent, ce n’était pas son truc, à Michel. Mais alors, pas du tout. Ce jour-là, il était parti dans tous les sens, répondant succinctement aux questions avant de s’emballer sur tout autre chose, sautant du coq à l’âne pour mieux éviter le cœur du sujet. Résultat : un entretien foutraque, mêlant vagues considérations économiques et classieuses fulgurances sur la poésie, la littérature et la presse pas pareille. L’une de ces interviews qui ne voit finalement jamais le jour sur papier, faute de réelle colonne vertébrale – difficile d’ordonner à l’écrit ce feu d’artifices oral tous azimuts. Et depuis, donc, mes notes prenaient la poussière dans un carton, au milieu d’autres articles décédés avant terme. Ça arrive. Ça n’avait d’ailleurs rien d’une surprise : amis avec Michel depuis un an ou deux, on savait fort bien qu’il préférait mille fois s’emballer sur la beauté des mots et des choses que de rentrer dans le détail du fragile équilibre financier des publications (plus ou moins) marginales.

      En vrai, il n’était pas fait pour vendre des revues. Non, lui, sa came, c’était d’en faire. Des foutrement classes. Surprenantes. Inattendues. Des publications comme des bras d’honneur à l’ordre comptable du monde et à la pesanteur matérielle des choses. Si elles ont parfois connu un certain succès (voire un succès certain dans le cas de la première mouture du mythique Autre Journal, au milieu des années 1980), c’est presque à la manière d’un accident de parcours. Fortuitement. C’est qu’elles étaient pensées pour être belles et bravaches, sûrement pas pour équilibrer recettes et dépenses (ainsi des 200 pages sur papier glacé de L’Autre Journal, au coût d’impression pas piqué des hannetons). Des revues à l’image de leur fondateur, poète agité et passionné qui se souciait comme d’une guigne des fins de mois – à tel point que certain.e.s de ses amis et admirateurs avaient mis en place un versement automatique mensuel, chacun.e donnant un petit peu pour lui permettre de vivre et créer en toute liberté.

      De toute façon, Michel n’était pas homme à se laisser abattre par les contingences matérielles. Non plus qu’à céder aux coups de boutoir que lui infligeait son propre corps - ce salopard. On l’a toujours connu malade. Un asthme sévère, moult problèmes respiratoires et plein de complications plus ou moins graves. Il avait souvent la respiration sifflante, s’arrêtait parfois de causer pour s’enfiler deux grandes bouffées de Ventoline, rougissait s’il parlait trop longtemps, presque suffoquant, et se fatiguait vite. Mais peu importe, il gardait envers le monde le même enthousiasme et la même curiosité. Et toujours, une putain de gentillesse chevillée à ce corps fatigué. Là où tant d’autres auraient succombé à l’amertume et à la lassitude causés par la pesanteur de la maladie et des nombreux passages aux urgences, lui continuait à foncer droit devant, hardi, un cerveau qui turbine à fond, vingt idées à la minute et autant de digressions.

      Alors forcément, il n’était pas toujours facile à suivre. Parfois, on perdait le fil. Mais jamais longtemps, parce qu’il avait ce truc pour te récupérer par la manche quand tu pensais t’être égaré dans ses tirades bondissantes et aléatoires. Tu n’y étais plus, et boum d’un coup, entre trois salves de postillons et deux gorgées de rosé, tu y étais à nouveau, à la fois noyé et enthousiasmé par le flot des mots et l’ivresse du discours. Homme d’un autre temps, sans qu’on sache lequel, Michel naviguait toujours entre deux eaux, à la fois ancré dans le monde et totalement ailleurs. Les pieds sur terre et un peu à l’ouest. Il me faisait penser à la description que donne Hunter S. Thompson de son avocat samoan, l’azimuté Oscar Zeta Acosta, dans Las Vegas Parano : « Prototype personnel de Dieu, mutant à l’énergie dense jamais conçu pour la production en série. Il était le dernier d’une espèce : trop bizarre pour vivre, mais trop rare pour mourir... »

      Bah finalement, non – pas trop rare pour mourir. Michel a passé l’arme à gauche jeudi [2]. Et moi, comme un con, j’ai jeté les notes de l’entretien trois jours avant. C’est déjà assez triste comme ça (même si je l’avais perdu de vue depuis trois ans), alors je n’aimerais pas penser qu’il y a un lien de cause à effet. S’il y a bien une chose à ne pas faire avec les mots d’un poète insurgé, c’est de les mettre à la poubelle. Et s’il y a bien une chose que ne devait pas faire Michel Butel, c’est de mourir. Putain de sacrilège.

      http://cqfd-journal.org/De-l-autre-cote-du-papier
      #cqfd

  • Lolita : c’est pas sa faute à elle ? - Culture / Next
    http://next.liberation.fr/culture/2018/07/20/lolita-c-est-pas-sa-faute-a-elle_1667837

    Lolita : c’est pas sa faute à elle ?
    Par Mathieu Lindon — 20 juillet 2018 à 17:06
    Tous les samedis, « Libération » part à la rencontre de grands tordus de la littérature. Cette semaine, exploration de la personnalité - scandaleuse ? - de la célèbre allumeuse du roman de Vladimir Nabokov.

    L’humour est-il un vice ? En tout cas, l’atmosphère créée par Vladimir Nabokov dans Lolita amène à se poser des questions inattendues : est-ce une perversion d’être une adolescente ? Et d’être (ou de ne pas être) un Américain ? Et d’être un écrivain ? Dans un texte de 1957 intitulé A propos d’un livre intitulé « Lolita » et qui accompagne désormais le roman paru deux ans plus tôt, Nabokov se défend de manière joyeusement dépravée de toute dépravation. « Certes, il est tout à fait vrai que mon roman contient diverses allusions aux pulsions physiologiques d’un pervers. Mais, après tout, nous ne sommes pas des enfants, ni des délinquants juvéniles analphabètes, encore moins ces élèves de public schools anglaises qui, après une nuit de frasques homosexuelles, se voient paradoxalement contraints de lire les Anciens dans des versions expurgées. »

    Et Lolita non plus n’est pas vraiment une enfant, puisque c’est une adolescente. Avec une hypocrisie exquise, Nabokov prétend que le seul reproche qui le touche envers son roman est celui d’« antiaméricanisme » alors que la critique de son pays de résidence est une évidence de chaque ligne. Chacun sa stratégie. « Quant à moi, j’étais aussi naïf que peut l’être un pervers », prétend Humbert Humbert, narrateur dont on ne peut pas prendre la moindre phrase pour argent comptant mais dont le déroulé de Lolita prouvera malheureusement pour lui la relative vérité de celle-ci.
    « LE MOT JUSTE EST INCESTE »

    Qu’est-ce qui rend Lolita si perverse ? C’est si mal habiter la place de victime. Ce « petit démon fatal », ainsi que Humbert Humbert définit la « nymphette », serait une allumeuse à qui la vulgarité offrirait un charme supplémentaire. Voici un des exemples de la candeur du pervers : il croit détourner une mineure et c’est elle qui détourne un majeur après l’autre. La nymphette est double, un être diabolique dont le chasseur est persuadé de l’innocence. C’est aussi une « vilaine petite garce » quand elle refuse d’aller jusqu’au bout des volontés de son maître autoproclamé. Dans ces conditions, quoi de plus légitime pour Humbert Humbert, du moins à ses propres yeux vicieux, que de recourir au chantage et aux « gratifications financières » ? Il n’arriverait à rien sinon.

    Pour qui s’est éveillé aux charmes des nymphettes, il n’y a plus de choix sur cette Terre. « Le plus terne de mes rêves pollutifs était mille fois plus éblouissant que tous les adultères que pourraient imaginer l’écrivain de génie le plus viril ou l’impuissant le plus talentueux. » Humbert Humbert, en tant que criminel sexuel, est en phase avec l’opinion publique qui juge sévèrement cette race de prévenus : la récidive viendra forcément (sur l’âge du consentement - il est vrai qu’il donne à ces mots un sens plus passif qu’actif -, on le trouve en revanche en farouche opposition avec les partisans de son rehaussement). Que pèse « cette chose fade et pitoyable : une belle femme » face à sa fille ? Le problème moral, selon ce narrateur dont le caractère pervers éclate aux yeux de tous les lecteurs (et a fortiori de toutes les lectrices), est que, dans ce chantage qu’il met si difficilement en place, Lolita, pourtant mentalement « horriblement conventionnelle », tire son épingle du jeu. Pas autant qu’elle le souhaiterait, mais enfin, si elle cède, c’est que c’est ce qui lui est le plus bénéfique.

    Après la mort de sa mère, la perspective de passer sa jeunesse en maison de redressement si elle est trop peu réceptive a tout pour lui fermer la bouche et lui détendre les cuisses. Quand Humbert Humbert a du mal à définir décemment leur relation à tous deux, Lolita l’interrompt : « Le mot juste est inceste. » Or on n’est plus à l’époque de Phèdre et d’Hippolyte, le violeur présumé pourrait arguer qu’aucun lien du sang ne les relie. D’autant qu’il n’a jamais pu profiter de la virginité de la gamine, malgré qu’il en ait, il est venu trop tard dans un monde trop vieux. Et puis quand l’adolescente le quitte, c’est pour un autre homme qui aurait toujours l’âge d’être son père. Si ce n’est pas de la perversion, ça : s’il s’agit de se mettre illégalement en couple avec un adulte, pourquoi un autre que lui ?

    Voilà ce qui, pour Humbert Humbert, est impardonnable chez Lolita : elle n’a été sensible au vice avec lui ni dans un sens ni dans l’autre, ni excitée ni scandalisée. Lorsque, la nymphette devenue femme et mère, la vérité de la relation apparaît enfin, c’est le comble de l’humiliation pour le séducteur pervers. « Dans ses yeux d’un gris délavé curieusement habillés de lunettes, notre misérable idylle se refléta un instant, fut méditée et écartée comme une surprise-partie terne, un pique-nique pluvieux auquel seuls étaient venus les raseurs les plus assommants, comme un pensum, comme une légère pellicule de boue séchée recouvrant son enfance. » Violée par un emmerdeur, quelle humiliation aussi pour une perverse adolescente à qui il est devenu évident « que la plus misérable des vies de famille était préférable à cette parodie d’inceste ».
    STRATÉGIE PLEINE DE VICE

    Rappelons que le roman se présente comme un document, le plaidoyer écrit par Humbert Humbert pour son procès (qui n’aura pas lieu pour cause d’infarctus du myocarde) étant censément reçu par un psychiatre qui s’en explique dans un « avant-propos » de fiction. Ce qu’avançait pour sa défense le pédophile jaloux devenu assassin relevait d’une stratégie juridiquement contestable, pleine de vice, et pas seulement envers la procédure. « Mesdames et Messieurs les jurés, la majorité des pervers sexuels qui brûlent d’avoir avec une gamine quelque relation physique palpitante capable de les faire gémir de plaisir, sans aller nécessairement jusqu’au coït, sont des individus insignifiants, inadéquats, passifs, timorés, qui demandent seulement à la société de leur permettre de poursuivre leurs activités pratiquement innocentes, prétendument aberrantes, de se livrer en toute intimité à leurs petites perversions sexuelles brûlantes et moites sans que la police et la société leur tombent dessus. Nous ne sommes pas des monstres sexuels ! Nous ne violons pas comme le font ces braves soldats. »

    La vie de ces pervers serait infiniment plus simple si les nymphettes étaient plus ou moins contraintes à l’obéissance. Il ne serait plus question de viols et les pédophiles et la société ne s’en porteraient de concert que mieux. Quant aux gamines… Humbert Humbert est bien obligé de se rendre compte qu’il n’est pour Lolita « ni un petit ami, ni un bel Apollon, ni un copain, pas même un être humain, mais seulement deux yeux et un pied de muscle congestionné ». Dans ces conditions, ce serait un comble qu’elle se plaigne. Il n’y a pas eu tromperie sur la marchandise.

    La perversion déborde de beaucoup les goûts sexuels d’Humbert Humbert, dont un crime fut peut-être d’avoir connu la vieille Europe, et s’attache à ses raisonnements. Heureusement, la société veille, il ne faudrait pas non plus que Lolita ait le vice de se prendre pour autre chose qu’une petite Américaine de rien. « Tant que l’on ne pourra pas me prouver […] que cela est sans conséquence aucune à très long terme qu’une enfant nord-américaine nommée Dolores Haze ait été privée de son enfance par un maniaque, tant qu’on ne pourra pas le prouver (et si on le peut, alors la vie n’est qu’une farce), je n’entrevois d’autre cure à mon tourment que le palliatif triste et très local de l’art verbal. » Et c’est pourquoi le narrateur écrit sa confession - le docteur Ray débute son avant-propos en disant que le titre initial du document rédigé par Humbert Humbert est « Lolita, ou la Confession d’un veuf de race blanche ». Et c’est pourquoi aussi Vladimir Nabokov, dont la responsabilité saute aux yeux dans toute cette affaire, écrit ce roman, le titre choisi par son personnage renvoyant à ce qu’il évoque dans son A propos de « Lolita » : qu’il y a trois thèmes « tabous » dans la littérature américaine, celui qu’il a traité, « un mariage entre un homme de couleur et une femme blanche qui se révèle être une totale et magnifique réussite et se solde par une ribambelle d’enfants et de petits-enfants ; et l’athée invétéré qui mène une existence heureuse et utile, et meurt dans son sommeil à l’âge de 106 ans ».
    « COPULATION DES CLICHÉS »

    Le vrai scandale de Lolita est de mettre à jour les croyances religieuses, matrimoniales, raciales et financières des Etats-Unis. Et aussi littéraires : il doit être difficile de pardonner à Vladimir Nabokov, toujours dans A propos de « Lolita », d’assassiner le roman policier, « un genre où, si l’on n’y prend garde, le lecteur risque de découvrir avec écœurement que le vrai meurtrier est l’originalité artistique », et de sodomiser sans précaution les textes pornographiques, où « l’action doit […] être limitée à la copulation des clichés ». Et tout cela avec une désinvolture apparente qui ne fait qu’augmenter le caractère destructeur de l’entreprise. D’autant que le narrateur ne se contente pas d’abuser d’une gamine et d’assassiner son amant, à la fin du roman il est prêt à mettre à bas les valeurs les plus essentielles de la patrie de l’automobile : « Maintenant que j’avais violé toutes les lois de l’humanité, je pouvais aussi bien ne pas tenir compte du code de la route. »

    #lolita #culture_du_viol #pedoviol #fraternité

  • Une nouvelle masculinité prend forme dans le monde arabo-musulman
    https://www.lemonde.fr/series-d-ete-2018/article/2018/07/16/une-nouvelle-masculinite-prend-forme-dans-le-monde-arabo-musulman_5331895_53

    Fin du patriarcat (1/5). En quelques années, les féministes ont remporté différentes victoires dans les pays du Proche-Orient. Beaucoup reste à faire, mais pour l’écrivaine Malu Halasa, le mouvement engagé ne sera pas facilement arrêté.

    Le Monde | 16.07.2018 à 06h23 • Mis à jour le 16.07.2018 à 07h13 | Par Malu Halasa (romancière et journaliste)

    Sur la Corniche de Beyrouth, une étrange installation de robes de mariée flottant dans la brise marine comme des fantômes a frappé l’imaginaire des Libanais. Il s’agit de l’une des nombreuses interventions menées en 2017 par l’ONG Abaad, qui parvint à convaincre les parlementaires libanais d’abroger l’article 522 autorisant un violeur à échapper à la prison s’il épouse sa victime. Il se pourrait bien que les féministes, les politologues et les historiens se penchent à l’avenir sur cette année 2017 pour identifier les facteurs qui auront enclenché la fin du patriarcat arabe .

    J’ai pas envie de lire ce qui est derrière le #Paywall mais je suis subjuguée de découvrir que le patriarcat est mort et qu’il ne tenait qu’à une seule loi, une loi libanaise qui autorisait un violeur à échapper à la prison s’il épouseait sa victime. Je sais pas qui est Malu Halasa mais elle à l’air aussi connaisseuse en patriarcat que Jean-Pierre Pernaud
    http://next.liberation.fr/images/2017/03/31/au-jt-de-france-2-un-curieux-reportage-sur-un-camp-catholique-mascul

    • Mais il y a pire, pour Todd c’est carrément le Matriarcat (CAD l’oppression des hommes par les femmes) en occident !

      Pour Todd, nous sommes face à une « mutation anthropologique comparable à la révolution néolithique, plus encore qu’à la révolution industrielle », marquée notamment par un vieillissement inédit de la population, une hausse spectaculaire du niveau éducatif et un dépassement, sur ce plan, des hommes par les femmes…

      Ainsi, juge-t-il, « l’Occident ne souffre pas seulement d’une montée des inégalités et d’une paralysie économique. Il est engagé dans une mutation anthropologique qui combine, pour ne citer que l’essentiel, éducation supérieure de masse, vieillissement accéléré, élévation du statut de la femme et peut-être même matriarcat ».

      https://www.mediapart.fr/journal/culture-idees/150718/emmanuel-todd-un-basculement-inedit-de-l-histoire-de-l-humanite

      C’est sur qu’en ces temps de grande fête du footre et de liesse pour la possession de la grosse couille d’or, on le sent vachement le matriarcat !

  • Jean-Marc Bustamante quitterait les Beaux-Arts de Paris
    http://next.liberation.fr/arts/2018/07/04/jean-marc-bustamante-quitterait-les-beaux-arts-de-paris_1664051

    Le directeur très chahuté de l’Académie des Beaux-Arts, Jean-Marc Bustamante, enfariné par ses étudiants lors d’une cérémonie à l’école la semaine dernière, serait sur le départ, rapporte le journal le Monde. Pris à partie par les étudiants lors de la remise des prix des Amis des Beaux-Arts pour son « absence totale de considération pour les signalements répétés de cas de harcèlement de professeurs envers les étudiant-e-s […] », dénoncés dans une pétition datant de mars, le plasticien a envoyé un mail à son entourage le 3 juillet au soir qui laisse penser qu’il ferait ses valises. Reçu par le ministère de la Culture le matin-même, Jean-Marc Bustamante a estimé qu’il n’y aurait pas reçu le soutien attendu durant la crise. « J’allais chercher du réconfort au ministère, toujours un peu traumatisé par cette violence qui m’a frappé, commence le message, auquel Libération a eu accès. La ministre ne m’a pas reçu, sinon une cheffe de cabinet froide et cassante. Dans les heures qui ont suivi, je me suis senti très fatigué et lâché. L’artiste reprend le dessus. Je vous souhaite de vous y retrouver et vous revoir ailleurs. Et vive l’art que nous faisons et non la culture qui nous ait faite (sic). »

    Le plasticien dirigeait l’école depuis octobre 2015. Son mandat avait été entaché ces derniers mois par les témoignages de harcèlement (gestes et propos déplacés, violence morale) recueilli par un collectif d’étudiants, et qui avaient nécessité l’intervention du ministère de la Culture, ainsi que par des plaintes pour racisme déposées par le personnel de nettoyage, salariés d’une entreprise externe, qui faisaient état d’humiliations d’une rare violence. Tout cela aurait « agacé » au ministère. Mais le Monde rapporte aussi que des publications en soutien à Jean-Marc Bustamante déposées sur Facebook, notamment par l’artiste Alberto Sorbelli, qui avait participé à un colloque à l’école en juin 2016, n’auraient pas aidé. Sorbelli y accuserait les étudiants à l’origine de la pétition de « médiocre petit soldat nazi-catto [sic] », recommandant par ailleurs « l’enculage quotidien des disciples qui trouveront ainsi les connaissances nécessaires ».

    #sexisme #racisme #homophobie #classisme & bon débarras.

  • Nouvelles enceintes, nouvelles musiques ? - Culture / Next
    http://next.liberation.fr/musique/2018/06/08/nouvelles-enceintes-nouvelles-musiques_1657659
    http://md1.libe.com/photo/1129219-prodlibe.jpg?modified_at=1528480612&picto=fb&ratio_x=191&a

    « OK Google, lis-moi l’article de Libé sur les enceintes connectées. » Peut-être qu’un jour, pas si loin de nous, c’est comme ça que vous accéderez à cet article. Les enceintes connectées, ou intelligentes (smart speakers en anglais), sont ces haut-parleurs avec lesquels on dialogue et qui s’apprêtent à pénétrer notre quotidien avec la promesse de le révolutionner. Il faut distinguer les enceintes à proprement parler (Echo d’Amazon, Google Home, HomePod d’Apple ou Djingo d’Orange…) des solutions de reconnaissance vocale qui les équipent (le fameux Siri pour Apple, mais aussi Cortana pour Microsoft, Google Assistant pour Google, Alexa pour Amazon, Djingo pour Orange…) et qui peuvent être embarquées dans d’autres appareils et applications. En France, Google Home est disponible depuis août 2017, Alexa depuis trois jours, HomePod sera mis en vente le 18 juin prochain et Djingo est annoncé courant 2018, sans plus de précision. Aux Etats-Unis, le lancement d’Alexa dès 2015 semble être une réussite. Même si peu de chiffres sont disponibles, des études estimaient le marché américain à plus d’une trentaine de millions d’appareils vendus en 2017.

    Mais ce nouveau modus operandi, basé sur l’initiative et la mémoire de l’utilisateur, est peu propice à la découverte. L’enceinte connectée ne vous propose rien, c’est à vous de demander et donc de toujours savoir ce que vous voulez écouter. L’enjeu pour l’industrie musicale devient plus que jamais d’acheminer son contenu au public, de le fidéliser tout en lui proposant de la nouveauté. A l’époque des disquaires, puis des magasins de téléchargement (iTunes, Amazon…) et même des écrans des plateformes de streaming (Spotify, iTunes, Amazon, Deezer, etc.) et de leurs algorithmes et playlists, les recommandations visuelles des pochettes de disques prédominaient. Avec les enceintes connectées, fini les écrans. Comment s’y retrouver ? Par l’indexation et la curation pertinente des contenus, c’est-à-dire être capable de répondre à la personne qui demande : « OK Google, passe-moi de la musique pour courir » ou « de la musique pour m’endormir ».

    Nick Yap, créateur de l’enceinte connectée Volareo, qu’il développe à Rotterdam avec l’ambition de reconnecter les musiciens à leur public, ouvre des perspectives : « Avec l’avènement des playlists, le musicien est devenu une simple ligne dans une liste. Les enceintes connectées vont remédier à ça en permettant d’enrichir l’expérience musicale, en apportant par exemple des précisions par l’artiste sur son propre morceau, ou en permettant aux auditeurs de commenter oralement, à l’instar du commentaire textuel sur Soundcloud. » Michael Turbot complète la panoplie : « Une playlist commentée, un cours de musique, accorder sa guitare… » Dans cet ordre d’idée, Orange serait en contact avec le moteur de recherche français Qwant pour enrichir l’expérience de Djingo.

    #Musique #Streaming

  • Culture : un gel budgétaire de précaution qui passe mal - Culture / Next
    http://next.liberation.fr/culture/2018/06/08/culture-un-gel-budgetaire-de-precaution-qui-passe-mal_1657685

    Le ministère de l’Action et des Comptes publics a décidé d’appliquer un gel de précaution de 3% sur le budget 2018. Logiquement, a priori, la culture ne fait pas exception. Mais Emmanuel Macron, alors candidat à l’élection présidentielle, s’étant naguère engagé dans sa campagne à protéger ce budget, l’annonce a fait grincer des dents. Six présidents des associations de structures publiques (Centres dramatiques nationaux, Centres chorégraphiques nationaux, Territoires de cirque…) ont ainsi prix leur plume pour dénoncer une telle décision qui ne fait, selon eux, qu’accentuer « une tension toujours croissante qui s’exerce, année après année, sur l’ensemble des équipes employées par les structures culturelles publiques ».

    Dans un communiqué daté du 6 juin, les signataires demandent au président de la République et au Premier ministre de prononcer « de toute urgence et avant l’ouverture du Festival d’Avignon [le 6 juillet, ndlr] la levée du gel du budget de la culture ». Prédisant, en cas de refus de lever ce gel de précaution (estimé à quelque 20 millions d’euros), des « emplois menacés dès la rentrée », « des déficits structurels inévitablement provoqués » et « des actions en direction des publics (notamment scolaires) nécessairement supprimées », les associations coalisées glissent également dans leur texte une phrase sibylline que d’aucuns pourraient interpréter comme une menace imminente, compte tenu de l’actualité saisonnière toujours hyper chargée : « Les festivals de cet été ne sauraient se dérouler sereinement alors même que l’ensemble des acteurs culturels publics n’est aujourd’hui plus en mesure de garantir le bon fonctionnement de leurs établissements dès la rentrée du mois de septembre. »

  • le 15 mai à Cannes

    Manal Issa, candeur nature
    Par Julie Brafman — 10 mai 2018 à 20:06
    http://next.liberation.fr/cinema/2018/05/10/manal-issa-candeur-nature_1649249

    Dans l’inépuisable série des hasards qui mènent au tapis rouge, cette histoire-là est savoureuse : une élève de l’Institut des sciences et techniques de l’ingénieur à Angers (Istia) est repérée sur Facebook par une réalisatrice insatisfaite des castings. Elle devient actrice, est nommée révélation aux césars, ne s’arrête plus de tourner. « C’était une photo banale, je faisais un câlin à un arbre, rigole Manal Issa. Quand j’ai reçu le message du producteur, je me suis dit "c’est bizarre" et puis "bon, j’essaie". » Comme un clin d’œil, le film était intitulé Peur de rien… Trois ans plus tard, elle est à Cannes pour Mon Tissu préféré de la réalisatrice syrienne Gaya Jiji. Elle campe Nahla (rôle pour lequel elle a pris 12 kilos « en m’empiffrant de chocolat »), une jeune femme syrienne secrète et renfrognée, qui erre entre fantasmes d’ailleurs et désir de rien.

    « On pourrait penser que c’est prétentieux mais quand j’ai lu le scénario, je me suis dit qu’il n’y avait que moi pour faire ce rôle. Il est tellement intérieur, tellement différent de ce qu’on voit au cinéma. Nahla n’a de comptes à rendre à personne, elle s’en fout. » Nahla, c’est une moue boudeuse entourée de deux joues rondes, des robes aux couleurs fanées et peu de mots. Manal Issa est l’inverse : fluette et dynamique, rigolote et un peu paumée.

    #marcheduretour

    • Publié le 16 mai 2018 à 13h25 | Mis à jour le 16 mai 2018 à 13h25
      Manal Issa soutient Gaza sur le tapis rouge à Cannes

      « Stop the attack on Gaza » : la photo de la Libanaise Manal Issa brandissant une affiche de soutien aux Palestiniens sur le tapis rouge cannois faisait parler d’elle mercredi, même si l’actrice a refusé de commenter son geste.

      « Elle ne souhaite pas s’exprimer car elle veut attirer l’attention sur Gaza et pas sur elle-même », a indiqué à l’AFP l’entourage de l’actrice, au lendemain de son geste sur le tapis rouge, lors de la montée des marches pour Solo, le dernier opus de Star Wars.

      Au pied des marches du Palais des festivals, Manal Issa, 26 ans, a déplié une grande feuille de papier blanche, avec en rouge ce message : « Stop the attack on Gaza !! » (« Arrêtez l’attaque sur Gaza »). Une référence aux près de 60 manifestants palestiniens tués lundi, dans de violents affrontements entre soldats israéliens et Palestiniens, le même jour que l’inauguration de la nouvelle ambassade américaine, déménagée de Tel Aviv à Jérusalem.

  • Du vrai Godard
    https://lundi.am/Du-vrai-Godard

    Mercredi 9 mai à 18h, nous publiions un court-métrage intitulé « Vent d’Ouest » et attribué à Jean-Luc Godard. Très rapidement, le film de 5 min en soutien à la ZAD de Notre-Dame-des-Landes faisait le tour des réseaux sociaux et suscitait l’enthousiasme, tant chez les cinéphiles fans du maître que chez les militants écologistes touchés par cette prise de partie. Si dans les années 60, certains de nos prédécesseurs estimaient que le cinéaste était « le plus con des suisses pro-chinois », en 2018, c’est son (...)

    « http://next.liberation.fr/cinema/2018/05/09/vent-d-ouest-contre-programmation-surprise-a-la-godard_1649049 »
    « https://www.lesinrocks.com/inrocks.tv/video-vent-douest-le-court-metrage-surprise-de-jean-luc-godard-en-soutie »
    « https://www.vanityfair.fr/actualites/videos/un-court-metrage-inedit-et-engage-de-jean-luc-godard-devoile/34377 »
    « https://www.youtube.com/watch?v=J00IVFS_u3A

     »
    « https://www.dailymotion.com/video/x2jkpu7
     »
    « https://encodeur.movidone.com/getimage/OM_ETd4lg8y-c5MRYTXvIhRpvnFVIV-bs4DTByOxXekkJG0Pbce5pEtdkNH3SIhu_ »
    « https://www.mediapart.fr/journal/culture-idees/110518/vent-d-ouest-godard-la-zad-et-le-pastiche »
    « https://fr.wikipedia.org/wiki/Pierre_Overney »
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