• Peut-on donner contre rien ?

    Question du jour : Est-ce que c’est la monnaie et l’échange qui sont premiers, ou bien l’état de séparation des « producteurs privés » (dans le jargon marxien) ?

    Pour le reformuler autrement, est-ce que la monnaie est structurellement nécessaire parce que les gens sont socialement « séparés » (et qu’est-ce que ça veut dire dans ce cas, cette « séparation » ?) ou bien au contraire la monnaie est nécessaire parce qu’anthropologiquement/culturellement les gens ne peuvent en général pas donner à autrui leur production contre rien ?

    Il est pourtant nécessaire d’y réfléchir, et de remettre en cause radicalement l’échange. Pourquoi ? Parce que l’échange implique la valeur (économique), et la valeur implique la dynamique de recherche de productivité sans fin incontrôlable et mortifère. Plutôt que contrer un à un les effets concrets délétères de cette dynamique (en vrac, intelligence artificielle, épuisements des ressources, pollutions, inégalités etc.), il est plus pertinent de remettre en cause les catégories sociales humaines mais naturalisées ("fétichisées" dans le jargon marxien) qui la rendent possible, puisque in fine ce sont bien les humains qui l’activent. Ces catégories sont fondamentales et premières par rapport au déferlement technologique sans fin : ce sont les humains qui « inventent » les technologies mais ce sont les crises émanant des catégories propres aux sociétés marchandes qui stimulent, rendent possibles puis obligatoires ces inventions, pour surmonter ces crises tout en conservant intactes les catégories marchandes du monde social, axiomes du lien social et des institutions. L’adoption de nouvelles technologies par les sociétés marchandes n’est donc pas le produit automatique d’un déterminisme technique, pas plus que le fruit d’une élaboration stratégique des classes dominantes pour conserver leur position dominante. Elle est d’abord déterminée par une forme de société qui organise sa reproduction sur la base de la production marchande et doit donc impérativement répondre à ses nécessités.

    Esquissons un début de réponse à la question de départ.

    La question est de savoir si cette production marchande est déterminée par un état social particulier appelé « séparation », et qui est paradoxalement défini par une absence de relations sociales en son sein, ou bien plutôt par une « disposition » anthropologique à échanger plutôt qu’à donner contre rien.

    Dans les théories d’inspiration marxienne, la séparation des producteurs privés semble première, et constitutive des rapports marchands et donc de la société marchande.

    Pour ce faire, commençons par remarquer à quel point le rapport marchand est une relation sociale paradoxale. Est-il même justifié d’utiliser le terme de « relation » pour désigner un face-à-face dominé par l’extrême indépendance des protagonistes les uns à l’égard des autres ? Il semble, tout au contraire, que c’est l’absence de liens qui caractérise le mieux cette configuration sociale dans laquelle on ne connaît ni dépendance personnelle, ni engagement collectif qui viendraient restreindre l’autonomie des choix individuels.
    André Orléan, "Monnaie, séparation marchande et rapport salarial", p.8
    http://www.parisschoolofeconomics.com/orlean-andre/depot/publi/Monnaie0612.pdf

    Si la séparation est première, c’est-à-dire si le fait premier est l’absence de relation entre des gens pourtant interdépendants matériellement, alors l’échange apparaît comme une conséquence logique pour assurer le lien marchand. La monnaie dérive de cet état primordial de séparation, où chaque individu est coupé de ses moyens d’existence. Seule la puissance de la valeur, investie dans l’objet monétaire, permet l’existence d’une vie sociale sous de tels auspices. Elle réunit des individus séparés en leur construisant un horizon commun, le désir de monnaie, et un langage commun, celui des comptes. Ce qui est objectif, qui s’impose aux agents, ce sont les mouvements monétaires.

    Pourtant, on peut remarquer que cet état de séparation marchande n’enlève pas la possibilité des producteurs/travailleurs de se coordonner directement, sans la médiation monétaire. Il suffit de penser à une grande entreprise organisée en plusieurs services et unités de production, travaillant ensemble sans échanger entre eux de la monnaie. Ce fait évident incite à penser que l’on pourrait supprimer la monnaie, tout en maintenant une forte division du travail, dans des organisations vastes et complexes. C’est le cas dans une proposition du groupe économie du réseau salariat, laquelle fait disparaître la monnaie dans les productions « intermédiaires » :

    Nous comprenons que l’absence de flux monétaires entre les unités de production puisse tout d’abord surprendre, mais nous observons que le capital a malgré lui produit une socialisation de la production que nous jugeons propice au basculement vers notre modèle. En effet, une part considérable de la production s’effectue désormais dans des entreprises de très grandes tailles. Ces entreprises sont organisées en ateliers ou départements de production, lesquels effectuent leurs échanges sans flux monétaires, mais produisent le
    suivi comptable nécessaire à la gestion de l’ensemble. Notre modèle se présente comme une issue positive à ce mouvement de socialisation. Il nous engage au dépassement de la concurrence économique afin de gérer collectivement et démocratiquement l’ensemble de la production.
    « Une monnaie communiste », X. Morin, groupe Economie du réseau salariat
    https://www.reseau-salariat.info/images/article_une_monnaie_communiste_.pdf

    Cependant, si une telle coordination peut en être vue comme volontaire, non déterminée par l’échange et la monnaie entre les protagonistes agissant de concert pour produire en commun, elle n’en reste pas moins rendue possible par le fait que chacun des producteurs reçoit une rémunération.

    Cela signifie que, dans une société marchande, un travailleur peut dors et déjà se coordonner avec un autre travailleur de façon non-marchande, mais que la bonne volonté de chaque travailleur n’est possible que grâce à une contrepartie monétaire, en échange de cette bonne volonté. Pour supprimer complètement la monnaie du tableau, il faut donc imaginer que chaque travailleur s’active sans contrepartie.

    Il s’ensuit que la séparation marchande n’est pas le fait premier, ou la catégorie première, fondant les sociétés marchandes. Le point de départ du raisonnement sur les catégories marchandes devrait donc plutôt s’intéresser à l’incapacité de l’individu, dans le régime des sociétés marchandes, de donner contre rien. Le don doit être compris ici comme un transfert simple, sans contre-partie, sans contre-transfert, au contraire de l’échange qui se compose obligatoirement d’un transfert et d’un contre-transfert exigible (Alain Testart, Critique du don http://sortirdeleconomie.ouvaton.org/sde-n2.pdf).

    Bien-sûr, le don n’est pas absent des sociétés marchandes passées et présentes, mais il est soit restreint à un espace social limité d’interconnaissance (famille, communauté, petit groupe), soit conditionné par une rémunération, quand bien même cette rémunération peut être décorrélée de cette impulsion à donner (pensons aux retraités bénévoles).

    La grande affaire d’une société post-marchande - débarrassée en cela de la pulsion à produire n’importe quoi n’importe comment de plus en plus vite - n’est donc pas d’imaginer des modes de coordination se passant de monnaie, prenant appui sur la sophistication des moyens techniques issus de deux siècles d’industrialisation. Mais plutôt de nous représenter comme des individus se rendant des services les uns aux autres au quotidien, sans qu’une contrepartie ne viennent les assurer d’une récompense pour leurs efforts quand un service est rendu ou une production donnée à autrui, contrepartie qui leur donne un droit de tirage spécial (ne serait-ce que supplémentaire, par rapport à l’absence d’effort, comme dans les propositions de revenus de base) sur le produit des autres qui font de même, droit qu’ils n’auraient pas obtenu sans cet effort.

    #monnaie #séparation #séparation-marchande #critique-de-la-valeur #post-monétaire #technocritique

    • La monnaie permet surtout beaucoup plus d’échanges (je ne dis pas que c’est bien) que le troc.

      Si je dois attendre de trouver une personne qui a ce dont j’ai besoin, et qui a envie de quelque chose dont je dispose, pour me procurer des biens/services ... cela va me prendre un temps infini.

      Un « droit de tirage spécial » cela ressemble pas mal à de la monnaie ... qui porterait simplement un autre nom.

      On peut essayer de supprimer les échanges.
      Ce qui m’ennuie c’est qu’on passe vite à une société très administrée. Et ceux qui contrôlent le sommet de l’administration, ont rapidement beaucoup de pouvoir sur les autres ... Ca peut mal se terminer…

      C’est pour ces raisons que je reste favorable à une société marchande.
      Mais je la voudrais considérablement redistributrice, politiquement très démocratique (quotas d’élus des différentes catégories sociales pour qu’ils représentent vraiment la société) et très réglementée (pour les enjeux de lutte contre le dérèglement climatique).

      Cette position me rend très probablement minoritaire ici. ;-)

    • Alors, montons d’un cran en généralité, et parlons de « circulation » (des biens et des services) :
      – la monnaie permet plus de circulation que le troc, oui.
      – mais, dans un monde post-monétaire, l’ accès (je produis des choses, je les mets à disposition des gens qui en ont besoin) permet plus de circulation que l’échange monétaire !

      Qu’est-ce qui aurait besoin de plus circuler aujourd’hui dans la société ? Toutes les actions qui ne sont pas rentables, et spécialement celles qui ne sont pas mécanisables, ou celles qu’il faudrait moins mécaniser (pour décroître la consommation d’énergie par exemple).
      L’usage de monnaie augmente la mécanisation et diminue la valeur de ce qui n’est pas mécanisé.
      https://seenthis.net/messages/989122

  • Delphine Beauvois : « Le #féminisme est indissociable de la lutte des classes »
    http://ragemag.fr/delphine-beauvois-le-feminisme-est-indissociable-de-la-lutte-des-classes

    Ce qui est plus étonnant, c’est la façon dont Hollande a laissé traîner ce débat depuis huit mois, laissant les forces droitières s’organiser. Bien entendu, personne n’est dupe de sa stratégie : il préfère mettre en scène une question qu’il pense sociétale – alors que le mariage pour tous est une question beaucoup plus importante – et ainsi éviter qu’on se penche sur les problématiques sociales qui semblent pour beaucoup de Français plus urgentes : emploi, chômage etc. Au final les électeurs et électrices de François Hollande ne s’y retrouvent pas. Mais c’est à double-tranchant, car il laisse ainsi une porte ouverte à la radicalisation du mouvement, à la résurgence de courants dangereux comme le GUD, au maillage de passerelles dans les droites. Il donne du grain à moudre à ses adversaires de droite plutôt que d’entendre les propositions de l’autre gauche.

    • J’y suis fortement opposée : tout le monde sait que c’est un cheval de Troie pour normaliser l’idée de « travailleurs du sexe ». Cette idée est instrumentalisée par le STRASS, qui est en fait un lobby du proxénétisme. Il n’y a qu’à lire l’interview récente de Morgane Merteuil, la porte-parole du STRASS, donnée dans L’Express : elle dit texto qu’elle est contre les poursuites engagées à l’encontre des proxénètes.

      Héhé.

      La lutte sociale contre l’austérité et contre le système prostitueur vont de pair : la prostitution est un problème économique .

    • L’invention de ce nouveau délit consistait à criminaliser les prostituées plutôt qu’à remettre en cause le système réel de la traite sexuelle des femmes, dont le proxénétisme est la clé de voûte. Et puis cela revenait à rendre la vie encore plus compliquée pour les prostituées. C’est au proxénétisme qu’il faut s’attaquer. On a mis une semaine à remonter le réseau de la viande chevaline dans les lasagnes, mais bizarrement, dès qu’il s’agit de démanteler un réseau de prostitution, on a beaucoup plus de mal.

      Voilà pourquoi je suis aussi contre la pénalisation des clients de prostitution. Non pas parce que je considère que ceux qui vont aux putes seraient de braves gens honnêtes auxquels on devrait garantir l’usage de corps féminins pour assouvir leurs besoins sexuels, mais parce que c’est un transfert de responsabilité du marchand vers le consommateur, et ça dit en filigrane que c’est à cause de la demande que l’offre existe, que les marchands n’y sont pour rien, ils ont bien raison de faire ce qu’ils font puisqu’il y a de l’argent à faire.
      C’est l’approche libérale : c’est le marché qui décide, les marchands ne sont responsables de rien. Les constructeurs de voiture ont raison de faire des 4x4 car c’est ce que veulent leurs clients, les industriels ont raison de vendre des trucs qui pourrissent le monde et les gens, car c’est ce que veulent ces gens.
      Le libéralisme tolère et encourage le proxénétisme dans toutes les activités humaines, ils veut des marchands sans vergogne qui peuvent tout vendre pourvu qu’ils s’enrichissent. Et comme l’Etat n’ose s’attaquer à cette idéologie, il tente de colmater en aval, en essayant de moraliser le marché plutôt que le marchand... Bien entendu dans un monde idéal, le consommateur deviendra aussi responsable. Mais pour l’instant, entre le marchand spécialisé dans son commerce et le consommateur baigné par les pubs infantilisantes qui lui disent qu’il peut prétendre à tout, le plus compétent des deux pour assumer une quelconque responsabilité, c’est celui qui écrit ce qu’il y a sur l’étiquette, pas celui qui est censé la lire, c’est le marchand, pas le consommateur frustré en manque de tout. C’est le proxénète rusé, pas le client puéril...

    • @petit_ecran, sauf que pour le consommateur de 4X4, il a quant même sa part de responsabilité, tout comme l’acheteur de fraises hors saison et tout autant que les fabricants de 4x4 et les industriels de la fraise hors saison à bas prix.
      Pour le cas de la prostitution, comme on sait qu’un nombre x de femmes sont sous la contrainte, il faut bien garder à l’esprit que les « clients » prennent le risque de violer x femmes, et x enfants puisque l’age moyen d’entrée dans la prostitution est de 14 ans. Pourquoi tant de clémence et de compréhension pour ces « consommateurs », ils sont tout autant responsables que les proxénètes et qui sont parfois (souvent) rien d’autre que des violeurs. Pour moi le client n’est pas puéril, il est criminel, criminel puisque le viol est un crime et que les clients ne peuvent pas avoir la certitude que la prostitué qu’ils consomme ne soit pas une esclave.

      Si on veut suivre ta comparaison avec le 4X4. Nous avons l’industriel qui serait l’équivalent du proxénète, l’ouvrier non qualifié et mal payé qui est l’équivalent de la prostituée et le client, qui est l’équivalent du client. Il n’est pas question de faire des reproches à l’ouvrier ni de le blâmer. Les responsable de l’oppression de l’ouvrier sont l’industriel ET le client.

      Après ca se complique vu que si on s’en prend a l’industriel et au client on met l’ouvrier au chômage. Mais là je pense qu’il faut se demander quel est le cout social de ces emplois. Est-ce qu’il faut garder des emplois aliénants à tout prix ? Personnellement je préfère qu’on finance des formation pour ces ouvriers pour leur donner la possibilité de ne plus faire de 4X4, mais plutôt des vélos.

      Pour revenir à la prostitution, dans la balance on a des viols réels ou/et potentiels, commis par les clients et des proxénètes en toute tranquillité sans que ca n’émeuve grand monde (et cela même dans les pays ou la prostitution est légale), et en face on a des emplois aliénants et dangereux qu’il faudrait préservés à tout prix (l’espérance de vie des prostituées est très parlante a ce sujet). Je ne croie pas à une AOC de la prostitution, pour moi c’est techniquement impossible de commercer de la sexualité de manière éthique ou équitable.

      Je pense que la prostitution est comparable à la vente d’organe ou la GPA. On peut donner des organes, prêter son utérus en toute liberté et aussi offrir du sexe, mais dès que l’argent entre dans l’échange, on est obligatoirement dans l’aliénation. On est dans l’aliénation car la liberté n’est plus possible puisque c’est forcement les plus pauvres qui seront contraint à vendre leurs organes, louer leurs utérus, donner accès a leurs orifices. On ne vend pas son rein, son vagin ou son utérus si on a pas de grave difficulté économique. Et je ne blame pas les personnes qui mettent leurs reins, leurs vagins ou leurs utérus en vente, mais je refuse que la société tolère et organise ce type de commerce. En France la vente d’organes est interdite, la GPA aussi pour l’instant. Ca ne veut pas dire que la vente d’organe ou la GPA n’existe plus, ca veut dire que collectivement on désapprouve ce type d’échanges commerciaux, ce qui n’est pas le cas d’autres pays qui autorisent par exemple la vente d’organes. Pour la GPA par exemple, depuis que c’est autorisé dans certains pays, des « fermes » à grossesse ont vu le jour, et des femmes sont encore mise en esclavage pour servir ce commerce. Ces interdictions sont probablement un problème pour les français très pauvre qui voudraient vendre un de leur rein (ou porter l’enfant d’unE autre) dans l’espoir de sortir de la misère, mais serait tu pour la légalisation de la vente d’organes pour autant ? Moi non en tout cas et c’est pareil pour la prostitution et la GPA.

    • @mad_meg : je te rassure sur le fond je suis d’accord avec toi(à la fin de mon commentaire j’ai réalisé que ma posture était un peu trop excessive), une transaction se fait à deux, et la responsabilité est entièrement partagée. cf http://seenthis.net/messages/131570#message131721

      Le point délicat concerne la frontière floue entre l’échange et le commerce, entre le libre-arbitre et l’abus de pouvoir. Un mec qui entretient « matériellement » sa maitresse, sans pour autant jamais payer directement, pour obtenir des faveurs sexuelles me semble être plus répréhensible que la famille qui va remercier financièrement le donneur d’organe qui a sauvé leur enfant...

    • Ces interdictions sont probablement un problème pour les français très pauvre qui voudraient vendre un de leur rein (ou porter l’enfant d’unE autre) dans l’espoir de sortir de la misère, mais serait tu pour la légalisation de la vente d’organes pour autant ? Moi non en tout cas et c’est pareil pour la prostitution et la GPA.

      Moi non plus, je suis contre cette légalisation de la vente, on est d’accord.
      Quoiqu’il arrive, cela met bien en évidence la perversion morale qu’opère le capitalisme sur les échanges humains. Le commerce est immoral, non pas dans sa dimension d’échange technique entre deux humains (après tout ce n’est que du troc en plus pratique, l’utilisation de la monnaie constituant juste une meilleur souplesse de fonctionnement) , mais parce que dans la plupart des cas, en permettant l’échange entre dominants et dominés, il maintient et renforce ce déséquilibre. Le commerce a une part saine (l’échange) et une part malsaine (l’acte de prédation qu’opère celui des deux qui est en position de force, et légitimé par l’idéologie capitaliste du « profit »)
      Bon sang que les choses seraient plus simple s’il n’y avait pas cette perversion généralisée...

    • J’ai mis du temps à répondre et j’ai pas vu les autres messages. Je répond donc juste ici à ta prmière réponse @petit_ecran.

      Sauf que là tu parle de don d’organe alors que moi je parle de vente d’organes et de trafique d’organe, c’est là toute la différence à mon avis. On peut donner un rein, donner du sexe ou donner l’enfant qu’on a gester pour autrui, mais pas vendre son rein, son sexe ou vendre « le fruit » de sa gestation.
      En fait c’est pas tout à fait ca. On peut vendre SON rein, mais on ne peut pas ACHETER le rein de quelqu’un sans être une ordure, ni vendre le rein de quelqu’unE d’autre sans être une personne immorale.

      L’exemple de cette famille qui remercierait un donneur n’est pas comparable à celle d’une famille qui rémunèrerait un intermédiaire qui revend des organes prélevé on ne sait comment, sur des enfants pauvres d’on ne sait où, dont on est pas certain qu’ils aient survécu au prélèvement et dont on est pas certain non plus du consentement. Le fait que les organes ne soient pas autorisé à la vente est le seul moyen pour empêcher ces dérives. Si on autorise la vente d’organe on aura à coup sur du « boeuf » Findus-Comigel-Spangero en masse dans nos organes.

      Pour ton exemple de la maitresse entretenu, j’ai quant même un peu de mal. Si un mec dédommage sa maitresse pour les relations sexuelles, c’est quant même que le mec pense que sa maitresse se fait gravement chier au plumard (dans le meilleur des cas) ou que ses pratiques sexuelles sont quelque part un dommage pour la « maitresse ». Faudait qu’on arrive un jour a accepter que le sexe libre n’est pas une salissure pour les femmes ou un dommage qu’on leur causerait et qu’il faudrait réparer ou compenser par de l’argent ou n’importe quel récompense. On ne donne pas de dédommagement si on a pas commis de dommages. Je ne dit pas cela pour toi en particulier @petit_ecran, mais collectivement on est encore très loin d’en avoir fini avec ces dichotomies morbides de maman-putain, de vierge-salopes et ces chaines d’association symboliques (femme-passif-lunaire... vs homme-actif-solaire...) qui nous pourrissent la vie depuis plusieurs millénaires et qui font croire encore aujourd’hui que les femmes hétéros font des faveurs sexuelles aux hommes hétéros et n’ont pas de libido sans apport financier.

    • Si un mec dédommage sa maitresse pour les relations sexuelles, c’est quant même que le mec pense que sa maitresse se fait gravement chier au plumard (dans le meilleur des cas) ou que ses pratiques sexuelles sont quelque part un dommage pour la « maitresse ».

      Je pensais plus basiquement à un mec qui compense grâce à son portefeuille le fait qu’il n’est sans doute pas assez séduisant pour se faire désirer par celle que lui même désire. Bien entendu c’est un cliché, ce n’est sans doute pas le cas de toutes les relations que vivent les mâles riches et puissants. Mais j’ai du mal à penser que ce cliché n’est pas une réalité dans de nombreux cas. Tiens au hasard, DSK était un séducteur, admettons, mais séduisait-il réellement toutes les maitresses qu’il a connues, sur la base de relation d’amour et d’eau fraiche, ou d’irrépressible attirance charnelle ?
      Je ne voulais pas évoquer la sexualité des femmes ici, mais juste le problème résumé par le dicton selon lequel « Tout se vend, tout s’achète.. »

    • la (le) prostitué(e) ne vend pas son corps. la « transaction » est d’un autre ordre. Il s’agit d’une prestation de service. Je dis cela non pas pour approuver ou légitimer la prostitution, mais juste pour dire que cela ne tombe pas sur la prohibition posée par le code civil (indisponibilité du corps), contrairement à la vente d’organe, la GPA...

    • @Sylvain_Maynach, tu as raison j’ai fait un raccourcie maladroit et l’expression « vendre » ou « louer » n’est pas approprié. En fait je pense qu’il y a d’un coté une « prestation de service » mais le mot ne me conviens pas tout à fait, je trouve qu’il euphémise et camoufle la violence de la prostitution. On pourrait dire pareil pour la GPA alors, ce n’est qu’un « service » de gestation, or je pense que c’est plus que cela. Je ne sais pas du tout quelle expression serait la plus appropriée. Il faut que j’y réfléchisse encore. Je ferait signe si je trouve quelquechose.

      @petit_ecran, je sais que c’est un stéréotype qui correspond aussi a une réalité (comme tous les stéréotypes qui sont des cas existants posé en norme). C’est pour ca que je parlait de culture millénaire, de chaine d’association symbolique. Le fait de comparé le couple à la prostitution est un poncif classique du patriarcat, qui renvient au précepte « toutes des putes (ou salopes) sauf ma mère » et c’est par rapport à cela que équivoquait la dichotomie « maman-putain et vierge-salope ». Et c’est une vision qui est partagé par des femmes comme par des hommes.

      Pour DSK c’est absolument pas un « séducteur » vu qu’il a recours à des prostituées (qui se sont plaintes de viol cf l’affaire avec son pote Dodo) et est un agresseur sexuel ( Banon, Diallo, Nagy et peut être d’autres qui n’ont pas osé parlé). Il n’a rien de séducteur, c’est au contraire un prostitueur typique. Quant je parlait du rapport entre prostitution et viol, on est avec lui en plein dedant. J’en profite pour ajouter que les violeurs rémunèrent très souvent leurs victimes pour se dédouané de leur responsabilité et ajouter l’accusation de prostitution à leur victime, jetter de l’argent au visage de la victime est une humiliation supplémentaire. Sous entendant par là qu’on ne peut pas violer une prostituées, classique de la culture du viol. DSK est extrêmement représentatif de ces liens entre viol et prostitution.
      La prostitution est en elle même du ressort du viol, la prostituée n’aurait pas eu de prestation sexuelle avec le client sans l’agent, ce qu’elle désir c’est l’argent, pas le sexe sinon elle ne serait pas rémunéré. Elle ne consent pas pour le sexe, elle consent pour l’argent. Le consentement est détourné, indirecte, il est obtenu par le client par le fait de la pression de la misère sur la prostituée, c’est une forme de chantage.
      C’est bien parce que la prostitution est un des fondement de la culture du viol et n’existe que par elle, qu’il faut chercher à l’abolir.

      Ca me fait pensé aussi à la #thanatocratie, ^^ j’y pense beaucoup en ce moment. DSK est un pure thanatocrate. Ex-patron du FMI, gros pourvoyeur de thanatos, patriarche dominateur qui baise les femmes et les peuples, sans se préoccuper de consentement. Un n"o)liberal de l’ecolde de Chicago, membre du diner du siècle, il semblerait qu’il était un grand organisateur de « partouze du siècle ». Il est représentatif du fait que les oppressions sont liées, c’est un oppresseur qui s’adonne a plusieurs oppressions, comme c’est souvent le cas. Le libéralisme prédateur s’accorde très bien avec la sexualité prédatrice. Ca me fait pensé aussi que j’ai un dessin de DSK dans mes cahiers, qui donne une bonne idée de toute l’horreur que m’inspire DSK. C’est pour un projet de monument à la gloire de Nafissatou Diallo qui nous a sauvé de cet hydre phallocrate (sans malheureusement nous sauvé du PS). Je vais voire si j’ai scanner cette page.

      ah lala je flood ^^ sorry les amishes

    • « après tout ce n’est que du troc en plus pratique, l’utilisation de la monnaie constituant juste une meilleur souplesse de fonctionnement »

      Ce n’est pas ce que dit la #critique_de_la_valeur ! :)

      @Rastapopoulos : justement je découvre un peu ce courant de pensée, mais pour le moment je ne vois pas ce qu’il dit sur le sujet. Il faudrait s’affranchir de toute monnaie dans nos échanges ? Même celles qu’on trouve dans les SEL ? Je veux bien des éclaircissements si tu peux STP..

    • @sylvain et @mad_meg : on touche sans doute au noeud du problème avec cette idée de prestation de service distincte d’un notion de cession de biens. Cette distinction prêt/don, réversibilité/irréversibilité et location/vente semble impossible à trancher juridiquement de façon unanime. Penser qu’on « loue » son corps, que ce soit pour la prostitution ou pour la GPA, c’est beaucoup plus indolore que l’idée d’une perte irréversible, un sentiment de sentir son corps consommé par un prédateur (le client prostituteur) ou de sentir son corps dépouillé par le commanditaire géniteur qui m’utilise comme une machine et deviendra propriétaire du fruit de mes entrailles dans le cas de la GPA.
      Je crois globalement qu’il y a un rapport intime à son corps qui fera pencher la balance d’un côté ou de l’autre. Sans vouloir relayer un cliché réducteur, mon observation personnelle me fait penser que la plupart des femmes considère l’acte sexuel comme un don de soi irréversible, même si consenti, et non comme une activité sociale comme une autre. Mais il semble qu’il existe une minorité de femmes qui ont au contraire la deuxième approche.

      Ce que je vis le plus mal dans le débat sur la prostitution, c’est de constater qu’une majorité de personne explique que si la minorité de femmes qui ont ce rapport à la sexualité sont ainsi, c’est parce qu’elle sont victimes inconscientes de la domination, que leur libre-arbitre est corrompu par leur soumission non conscientisée. Et que le jour on leur ouvrira les yeux, elles se rendront compte qu’une femme « normale » et libre ne peut pas sereinement fournir un service sexuel contre rémunération, sauf à être adepte de l’automutilation, comme un donneur d’organe.
      Cela m’effraie, car j’accepte cette hypothèse, mais j’espère qu’on ne se plante pas, car les procès en anormalité d’une majorité sur une minorité peuvent être d’une cruauté très forte, surtout si ça s’appuie sur un postulat erroné.

      Je précise pour ne pas être soupçonné de compromission intellectuelle masculine sur ce sujet sensible que personnellement, n’ayant pas la réponse à ces questions, j’applique le principe de précaution. Je me suis toujours abstenu de toute relation tarifée, mais également de toute relation dans laquelle mon statut professionnel, mon âge ou ma position aurait pu constituer la moindre pression sur le libre-arbitre de la personne impliquée. C’est ce que je préconise à mes enfants, ainsi qu’à tous mes pairs masculins dès que je peux (mais c’est un sujet plutôt tabou)

    • Hier j’ai partagé un papier qui me semble important comme apport au débat : http://seenthis.net/messages/131764

      La question de l’#empathie du #client me semble assez centrale.
      c’est un peu la question de l’empathie du #consommateur, aussi, qui achète des fraises pas chères en plein hiver et qui ne se pose surtout pas la question de la manière dont c’est possible et à quel prix réel... pour d’autres. Qu’importe si l’industrie de la fraise hors saison est gravement esclavagiste, du moment que je peux satisfaire mon envie, mon plaisir ! http://seenthis.net/messages/131570

      Tant qu’on lui dit : « tout va bien, t’es dans ton bon droit, c’est pas ton problème ce qui arrive aux autres pour satisfaire ta gueule », effectivement, je ne vois pas pourquoi le client se poserait des questions.

    • @petit_ecran_de_fumee, juste sur les SEL, tu peux lire un article de #Claude-Guillon dans le numéro 2 de la revue #Sortir-de-l'économie. :)
      http://sortirdeleconomie.ouvaton.org/sde-n2.pdf

      Après pour la critique de la valeur, on va pas continuer à détourner ce post. Il y a déjà un bon aperçu avec le tag donné précédemment, qui donne accès à moult textes mais aussi à des vidéos et sons peut-être plus « facile » dans un premier temps.

    • @rastapopoulos : merci, je commence à mieux comprendre le truc, je coucherai ailleurs les réflexions que ça m’inspire. Désolé pour le flood, c’est une question que je me pose souvent mais je ne sais pas où trouver la réponse : les concepteurs de seenthis ont volontairement choisi de ne pas permettre les messages privés, pour ce genre de question technique ou périphérique, ou bien on peut le suggérer ?