Aïe juste au moment où je disais à madmeg que je ne l’embeterais plus avec mes débats, paf, on exhume ce sujet qui me passionne, avec un billet qui me fait forcement réagir.. :-)
Autant je suis d’accord avec le passage cité ici de Kajsa Ekis Ekman - l’ordre néolibéral répète à loisir avec une mauvaise foi détestable que tout ce qui s’oppose aux inégalités ne serait qu’ « assistanat » et négation de l’individu - , autant le reste du propos de Sandrine70 m’embrouille.
Donc, elles sont victimes DE, et c’est des traumatismes subis qu’il faut les soigner, c’est pour les conséquences matérielles qui en découlent qu’il faut les aider. Pas parce qu’elles « seraient » des victimes. Elles sont des individues, dont une caractéristique -parmi d’autres- même si elle prend beaucoup de place dans leur vie en raison des explications données ci-dessus est d’avoir été victime DE. Pourtant, la société dans son discours insiste à les enfermer dans ce statut. C’est une façon d’en faire les responsables de ce qui serait un « état de fait ».
Je suis d’accord avec son raisonnement...
Et justement j’en arrive à une conclusion opposée sur la prostitution.
Etre victime d’un viol, c’est être la victime d’un violeur. Ce n’est pas comme être victime aléatoire de la foudre contre laquelle on est impuissant et contre laquelle on peut se montrer fataliste.
Donc je suis à fond d’accord pour dire que le mot « victime » dissocié de la notion de coupable ne veut rien dire.
Et c’est pour ça que dans l’absolu je trouve que la prohibition de la prostitution ne peut être que temporaire.
Comme une mesure d’urgence éventuellement, mais pas pérenne.
Cela me fait penser aux histoires de « couvre-feu » pour les mineurs dans certaines villes le soir. Pour protéger des victimes potentielles, on va instaurer une loi certes assez efficace sans doute, pleine de bon sens, mais extrêmement rigide, répressive et déresponsabilisante pour tout le monde. On invente un délit, être dehors après 22h, pour empêcher d’autres délits plus difficiles à détecter et bloquer. C’est un gros aveu d’impuissance, de fatalisme et de renoncement face aux auteurs effectifs de vrais délits.
Ici on va faire d’une relation sexuelle associée à une transaction financière entre adultes un délit, pour éviter d’avoir à s’attaquer aux vrais délits d’agression et de prédation des hommes sur les femmes (abus de faiblesse, proxénétisme..).
Que se passera-t-il quand, malgré la prohibition, une prostituée clandestine se fera égorger ? Elle sera juste un peu moins victime, et surtout le mec ne sera plus du tout coupable, car il ne sera plus vraiment question de sexisme, mais de violence entre deux hors-la-loi.
Pour moi, on devrait plutôt envisager une « normalisation » de la prostitution, en rebondissant sur le choc de « transparence » du père François.
Ok braves gens, vous voulez du sexe tarifé ? Une activité marchande comme une autre ? Fort bien, assumez alors. Assumez vis à vis de vos épouses, vos gosses, vos parents et vos oncles et tantes. Ils pourront être informés
Toute transaction ayant une incidence sociale devrait apparaître sur un registre consultable par chacun. C’est à ce prix qu’on pourra prétendre à une vraie responsabilité du consommateur. Dans que le droit au secret de la vie privée lui donnera le droit de se comporter de façon socialement irresponsable, on ne pourra rien attendre des individus.
C’est d’ailleurs à peu près ce que disait Eva Joly suite à l’affaire Cahuzac, en parlant de l’exemple de la Norvège.
Interdire, ça déresponsabilise. Et donc ça déculpabilise, car un coupable irresponsable n’est plus vraiment coupable.
Obliger à assumer ses actes, ça c’est responsabilisant. Et je peux vous dire que ça en calmerait plus d’un...
Pour moi, le meilleur contrôle public, c’est la transparence, le fait que les citoyens puissent consulter les déclarations de revenus. En Norvège, vous tapez mon nom, comme celui de n’importe quel citoyen, vous saurez tout. Si je troque mon kayak pour un yacht alors que je déclare gagner quelques milliers d’euros par mois, j’aurai un contrôle. Toute la lutte contre le blanchiment est basée sur ce qu’on appelle les « messages » que donne le train de vie.
▻http://www.telerama.fr/idees/trois-regards-sur-l-apres-cahuzac-pour-sortir-de-la-crise-democratique,9639