Il y a vingt ans, les victimes étaient invisibles dans les médias. Désormais, elles sont partout. Toujours d’après le baromètre de l’INA (qui épluche le contenu des JT), le nombre de reportages qui leur sont consacrés a été multiplié par quatre en quinze ans.
Des procès parasités par l’émotion
Sans doute le mouvement de balancier est-il allé trop loin. Nous commençons seulement à mesurer les effets de ce matraquage victimaire sur nos postures citoyennes, sur l’arsenal judiciaire, psychiatrique…Car, à ce petit jeu de la surenchère compassionnelle, le pacte républicain et la loi risquent fort de perdre des plumes. Il n’y aurait plus une justice pour tous, mais une énorme oreille empathique, caisse de résonance des intérêts particuliers et des douleurs légitimes.
Dès lors, prise en tenailles entre l’opinion publique et l’Etat, la justice se retrouve en ligne de mire. La victime semble faire doublon avec l’avocat général, tenté de verser dans la surenchère. Que n’a-t-on entendu dans sa bouche lors du procès Fourniret-Olivier : « Monstre nécrophile, grosse araignée gluante ». De lieu de la réparation, le procès devient le lieu thérapeutique où la victime – à la fois juge et partie – est l’épicentre dans la recherche de la vérité et la détermination de la peine.
« Cela revient à saper les principes qui fondent notre justice, constate le sociologue Guillaume Erner. Car ce qui justifie le procès, c’est l’acte criminel contrevenant aux valeurs qui fondent notre société, et non le tort causé à la victime. » Que la parole de la victime soit entendue fait consensus, mais « il nous faut veiller à ne pas passer d’un désir de justice à un désir de vengeance », insiste l’avocate Agnès Chopplet, bâtonnier du barreau des Ardennes.
J’abonde, et j’ajoute que ce phénomène n’est pas le fruit du hasard.
Le système (les dominants) ont largement compris quels intérêts providentiels et démultiplicateurs il y avait à instrumentaliser et célébrer les victimes.
Cf ce que j’en disais ici