« Ce qui m’a le plus impressionné chez Amazon, c’est le conditionnement psychologique »

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  • Parution de En Amazonie. Infiltré dans le "meilleur des mondes” (Fayard), enquête journalistique d’un intérimaire dans un immense entrepôt logistique d’Amazon.

    extrait
    http://www.humanite.fr/culture/extrait-en-amazonie-infiltre-dans-le-meilleur-des-532847

    Dans l’alvéole, je cherche des yeux le dos de Babar, le petit éléphant. Voici le livre. Je vérifie qu’il n’est pas damage – endommagé –, puis je scanne son code-barres. Deuxième bip d’approbation de mon scan : il s’agit bien du bon livre. Je place le livre dans mon panier roulant. Je viens de débuter mon “batch”, la liste d’articles à prélever. L’écran affiche aussitôt le prochain article qu’il me faut picker. (…) L’ordinateur calcule en temps réel quel est l’article à prélever en fonction de ma position géographique dans l’entrepôt, qu’il connaît précisément. Des logiciels optimisent mes déplacements afin que mon temps de marche entre deux prélèvements d’articles n’excède pas plusieurs dizaines de secondes. (…) Cette opération de prélèvement de la marchandise dans les rayonnages ainsi résumée, il vous faut la multiplier par des centaines d’heures et des dizaines de milliers d’articles pour avoir une idée du travail d’un pickeur. (…) Les pickeurs sont des femmes et des hommes meilleur marché et plus efficaces que des robots. Avec eux, aucun entretien technique n’est requis puisqu’ils sont pour beaucoup intérimaires. La direction d’Amazon peut aisément les remplacer quand ils sont épuisés ou ne font plus l’affaire en allant simplement puiser dans l’immense armée de réserve que constituent les chômeurs. 

    entretien
    http://www.20minutes.fr/high-tech/1149643-20130503-ce-plus-impressionne-chez-amazon-conditionnement-psycholo

    Quand j’ai interviewé les employés à la sortie tous me disaient qu’ils n’avaient pas le droit de parler. C’était très verrouillé. C’était évident qu’il fallait aller plus loin et le seul moyen c’était de m’infiltrer.

    Vous êtes parvenu à vous faire recruter en tant que « pickeur » dans l’équipe de nuit. Qu’avez-vous fait précisément ?

    L’entrepôt logistique fait plusieurs dizaines de milliers de mètres carrés et possède encore plus de marchandises que les plus grands hypermarchés. En tant que « pickeur » j’allais chercher avec un chariot roulant les livres, les CD dans les rayonnages grâce à une petite machine, un scan, qui indique la référence exacte de l’endroit où se trouve l’objet. On lui obéit en permanence. Une fois qu’on a prélevé l’objet on l’empile. On a une cadence à respecter. L’ordinateur calcule en temps réel tout ce qu’on fait et sait exactement où on est. Quand on a 300 produits, on va les emmener à un « packeur », qui est debout toute la journée ou toute la nuit et les emballe dans des cartons de manière répétitive.

    Vous décrivez des conditions de travail très difficiles…

    Au départ, je travaillais cinq nuits par semaine puis six. Je faisais 42 heures. C’était éreintant. Je n’avais plus de vie sociale. J’étais abruti par le fait de me réveiller à 16h, et je ne faisais rien à part rester sur un canapé à manger des pâtes quand je me disais que j’allais encore marcher 20 kilomètres toute la nuit. Et après il y a tout ce que fait Amazon pour essayer de resquiller quelques minutes aux employés. Un exemple : la pointeuse est placée au bout de l’entrepôt. Quand on y entre, on marche deux minutes pour l’atteindre. C’est du travail non payé. Vous perdez ces minutes à chaque fois que vous allez en pause. Au final, ça fait des milliers d’heures qu’Amazon spolie aux travailleurs.

    Vous racontez que les salariés sont tracés en permanence grâce à leur « scan ». Ca paraît dingue. Sans oublier la suspicion et les contrôles trois fois par jours…

    J’ai vu quelqu’un dénoncer une autre personne. On est dans un système d’ultra compétition. Il y a des classements en permanence. Amazon fonctionne ainsi. Et quand on finit le travail on est systématiquement fouillé. On passe par un portique qui ressemble à un portique d’aéroport. Il n’y a pas de menace terroriste, chaque employé est considéré comme un voleur potentiel.

    • Donc, le bouquin sur Amazon est vendu sur Amazon, il en reste pas beaucoup, dépêchez-vous !

      En Amazonie : infiltré dans le « meilleur des mondes » :

      Amazon.fr : Jean-Baptiste Malet : Livres

      http://www.amazon.fr/En-Amazonie-infiltr%C3%A9-meilleur-mondes/dp/2213677654

      En Amazonie : infiltré dans le « meilleur des mondes »

      Jean-Baptiste Malet (Auteur)

      2.8 étoiles sur 5

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    • Les pickeurs sont des femmes et des hommes meilleur marché et plus efficaces que des robots. Avec eux, aucun entretien technique n’est requis puisqu’ils sont pour beaucoup intérimaires. La direction d’Amazon peut aisément les remplacer quand ils sont épuisés ou ne font plus l’affaire en allant simplement puiser dans l’immense armée de réserve que constituent les chômeurs.

      Voilà qui illustre utilement la seule utilité que l’europe attend de ses citoyens : lui éviter de devoir financer de trop coûteux robots pour la servir.

    • A relier avec ce genre de considérations...

      http://seenthis.net/messages/136071#message136092

      Visiblement, nous sommes toujours trop chers, et déjà trop nombreux. Le consommateur est une externalité positive. Le chômeur une externalité négative. Dans le même genre, on a l’eau, externalité positive, à condition d’en trouver un filon (privatisation, si possible)... et la pollution, une externalité négative, dont on tâche de faire porter le poids au plus grand nombre (socialisation).

    • Sur, on a raté un chaînon dans l’évolution réel du monde, les humains ont été mis au point bien après les robots. Grâce à leur diverses incapacités, comme tenir plus de 3 jours sans boire, voir plus loin que le bout de ce qu’ils appellent leur nez ou entrer en relation avec un de leur semblable sans arme, couplées à une obsolescence rapide et une mémoire collective de même temporalité, tout ça basé sur un algorithme basique d’ADN de reptile, franchement, je voudrais pas en faire partie.

    • Qualifier cela de #robotisation, c’est prendre un point de vue humaniste : cela _nous_robotise.
      Mais il s’agit avant d’un processus d’#informatisation du travail, dont l’une des conséquences est la robotisation.
      Une question intéressante serait : quelle différence entre la robotisation liée aux machines classiques et celle liée aux machines digitales ?

    • non mais la on reste au niveau de l’individu. Il y a des différences entre la numérisation est les machines classiques, au niveau notamment de la centralisation des signaux et informations, et à leur commande a distance. A l’époque d’Anders, on en était pas encore la.

    • J’ai lu Anders, il y a longtemps, et sa méthode je ne te l’apprend pas était d’anticiper par exagération. Malheureusement même cette pratique avait ses limites, plus probablement du aux contingences historiques par ailleurs, qu’aux capacités même d’Anders.