Que reste-t-il de la Commune de Paris ?

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    • Eric Fournier :

      En ce printemps 2013, la gauche redécouvre spectaculairement la Commune de 1871 et l’initiative vient d’en haut : du gouvernement, des députés socialistes et des sénateurs communistes. Le 9 mars, à l’occasion de la journée de la femme, Najat Vallaud-Belkacem (ministre du droit des femmes et porte-parole du gouvernement) évoque la possible panthéonisation de Louise Michel , parmi d’autres candidates. Le 18 mars, dans une tribune publiée par Libération titrée « La Commune n’est pas morte », deux députés socialistes parisiens annoncent le dépôt d’une résolution mémorielle pour réhabiliter et faire connaître la Commune [2]. C’est chose faite le 8 avril. La proposition de résolution N° 907, signée par plus d’une centaine de députés socialistes soutenus par leur groupe parlementaire, propose de « rendre justice aux victimes de la répression de la Commune de Paris de 1871 »[3]. Le 25 avril, les 20 sénateurs du groupe communiste républicain et citoyen déposent à leur tour une résolution « pour la réhabilitation de la Commune et des communards » à la haute assemblée[4].
      (...)
      La plupart des idéaux, projets et résolutions attribués ici aux communards n’étaient pas le propre de la Commune mais bien de l’ensemble des républicains avancés du XIXe siècle, avant et après l’insurrection, parfois même des républicains modérés qui gouvernent à partir des années 1880. De surcroît, ces projets n’ont pas été mis en œuvre par les communards, ou alors fort timidement. Certes la brièveté de la Commune et les contraintes de la guerre civile expliquent ces inaboutissements.

      Mais, plus essentiellement encore, si ces projets n’ont pas été développés c’est aussi parce que, de l’aube du 18 mars jusqu’aux derniers combats de la Commune, les insurgés accomplissaient pleinement leur propre horizon d’attente révolutionnaire. La grande affaire de la République « sociale » pour laquelle ce sont levés les hommes et les femmes de 1871 était de se gouverner soi-même. Pour eux la souveraineté ne se délègue pas, elle s’exerce directement, ou le plus directement possible. En 1871, s’entremêlent donc avec force deux temporalités indissociables pour les communards : la lutte pour la souveraineté et l’exercice même de la souveraineté, l’insurrection et son horizon politique. De toutes les révolutions du XIXe siècle, la Commune est celle qui a porté à son point le plus haut cette organisation de la souveraineté populaire, où les représentants ne sont que tolérés par ceux qui les ont élus et où les citoyens entendent participer réellement à l’exercice quotidien du pouvoir.
      (...)
      Il y avait des républicains dans les deux camps et Versailles ne saurait être réduite aux seuls monarchistes majoritaires à la chambre. Autant que la révolution communale, la « semaine sanglante » casse une lisse histoire républicaine.
      (...)
      Pourquoi ne pas envisager une journée de commémoration associant à la Commune à la vigilance citoyenne, à la capacité d’exercer sa part de souveraineté, à l’interpellation populaire ? Une telle initiative romprait avec le ronronnement des commémorations historiques et serait à coup sûr inattendue, disruptive, impromptue — à l’image de la Commune de paris en 1871.

      Voir aussi :
      http://seenthis.net/messages/135521