Presse : la bonne foi limitée par l’interdiction de rappeler des faits amnistiés - Droit et liberté fondamentaux

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    Les juges du fond accordèrent aux auteurs de la diffamation le bénéfice de la bonne foi en retenant la légitimité, pour des journalistes, de « rendre compte à leurs lecteurs d’un fait d’actualité, à savoir les nombreux articles, circulant sur des sites internet, relatifs aux agissements, dans leur jeunesse, de deux hommes publics, ayant obtenu par la suite des mandats municipaux et législatifs, puis exercé des fonctions ministérielles ». De même, ceux-ci ont-ils relevé l’absence d’animosité personnelle (le ton était même « plutôt humoristique et bienveillant à l’égard de l’intéressé et de son camarade ») et l’existence d’une base factuelle suffisante, l’article en cause faisant même état de la prescription de ces faits remontant à près de quarante ans (sur les critères de la bonne foi : légitimité du but poursuivi, absence d’animosité personnelle, prudence dans l’expression et devoir d’enquête préalable, V. la jur. citée ss l’art. 29, C. pén., nos 71 s.).

    Saisie par la victime déboutée, la Cour de cassation casse et annule cet arrêt. Au visa de l’article 10, alinéa 2, de la Convention européenne des droits de l’homme, ensemble les articles 29 et 32 de la loi du 29 juillet 1881, la première chambre civile énonce que, « si la circonstance que les écrits incriminés ont eu pour objet de porter à la connaissance du public les agissements dans leur jeunesse de deux hommes politiques peut justifier, en cas de bonne foi de leur auteur, la diffamation, il ne saurait en être ainsi, sauf à violer les textes précités, lorsqu’elle consiste dans le rappel de condamnations amnistiées, lequel est interdit sous peine de sanction pénale ». La cour d’appel a donc, en l’espèce, violé les textes visés.

    Dans son pourvoi, le demandeur faisait valoir trois séries d’arguments aux fins de contester la reconnaissance du fait justificatif de la bonne foi en l’espèce ; il soutenait, d’abord, qu’un simple « buzz » médiatique ne constitue pas en lui-même un évènement d’actualité dont la presse peut rendre compte sans vérification propre, ensuite qu’aucun « débat d’intérêt général » ne justifie la mise en cause d’un homme public à raison de faits pour lesquels il avait été condamné plus de quarante-cinq ans auparavant au moment de sa minorité, enfin que le principe d’interdiction du rappel d’une condamnation amnistiée, dont l’auteur est réhabilité de plein droit, appartient aux exceptions légitimes à la liberté d’expression prévues par l’alinéa 2 de l’article 10 de la Convention européenne.

    La haute cour fait prévaloir ce troisième et dernier argument, directement tiré de la loi pénale. Ce faisant, elle évite de s’interroger sur la définition du « fait d’actualité », de même que sur la question de savoir si le passé lointain, voire très lointain, d’un homme politique est susceptible de constituer un « débat d’intérêt général » (question à laquelle les juges du fond avaient répondu positivement).

    #diffamation #amnistie #liberté-d'expression