Défendre et juger sur le tarmac

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  • GISTI - Défendre et juger sur le tarmac
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    De pire en pire...

    Au mois de septembre sera inaugurée une annexe du Tribunal de grande instance (TGI) de Bobigny au bord des pistes de l’aéroport de Roissy.

    Pourquoi ce lieu incongru pour rendre la justice ? Parce que cet aéroport recèle le plus important lieu de détention d’étrangers (une « zone d’attente » dite Zapi) dans lequel sont enfermés, chaque année, des milliers de personnes (8 541 étrangers ont été placés en zone d’attente en 2011 dont près de 80 % à Roissy) empêchées d’entrer en France, parfois arbitrairement, par la Police aux frontières (PAF). La durée de cet enfermement est de quatre jours et peut être prolongée, à la seule demande de la PAF, par un juge judiciaire, le Juge des libertés et de la détention (JLD).
    (...)
    Depuis le milieu des années 90, les ministères de l’Intérieur successifs font pression pour que ces audiences soient organisées à Roissy. Un premier local avait été aménagé à l’intérieur même de la Zapi mais était resté à l’abandon, tous les acteurs du monde judiciaire s’étant élevés contre cette délocalisation. En octobre 2010, un appel d’offres était lancé pour l’extension des locaux préexistants avec une seconde salle d’audience et un accueil du public, pour 2,3 millions d’euros. De toute évidence, le cahier des charges de ce marché était empreint de l’étude attentive des décisions de la Cour de cassation et du Conseil constitutionnel.

    A quelques mois de cette inauguration où en sommes-nous ? Le principe fondamental de la publicité des débats, condition absolue de l’indépendance et de l’impartialité de la justice, ne sera pas respecté compte tenu de l’éloignement de la salle d’audience et de son isolement dans la zone aéroportuaire sans, quasiment, aucun transport en commun.

    Les tribunaux doivent être accessibles aux proches du justiciable, mais aussi au citoyen qui veut voir la justice de son pays ou au collégien qui vient découvrir ses métiers. Les procès de Roissy ne verront ni citoyens ni collégiens. Par ailleurs, le juge des libertés et de la détention et l’avocat seront isolés, à l’écart de leurs collègues, et sous la pression constante de la police, chargée à la fois de gérer la Zapi et de saisir le juge.

    Situé dans l’enceinte barbelée de la zone d’attente et au rez-de-chaussée même du bâtiment dans lequel sont enfermés les étrangers, rien ne sépare le futur « tribunal de Roissy » de cette « prison », si ce n’est une porte blindée. Comment avoir confiance en l’impartialité d’une justice implantée dans le lieu même où l’on enferme ? En réalité, cette annexe n’aura, de justice, que l’apparence puisqu’il ne sera rendu de décisions qu’à l’égard d’une seule catégorie de personnes - des étrangers - à la demande d’une seule et même partie - la Police aux frontières - poursuivant inlassablement l’unique objectif de leur enfermement. Ainsi, le rêve inachevé du précédent gouvernement d’intégrer le juge dans une gestion performative des lieux où la France enferme ceux qu’elle entend refouler ou expulser est-il en passe d’être réalisé par des ministres apparemment déterminés à inaugurer ces tribunaux d’exception

    #Centre_de_rétention #ZAPI #police #justice #étrangers #droits